(Remerciement à Antoine Idier qui dans son livre Réprimer et réparer. Une histoire effacée de l’homosexualité paru en avril 2025 donne des informations sur l’histoire de la répression à Nice au cours de ces années)
Contexte
1930 : dans les Alpes-Maritimes, Louis Nicolet, maître d’hôtel suisse, installé à Nice depuis janvier 1933, 60 ans, est expulsé ; un autre jour, Frantz Loven, maître d’hôtel (surnommé La Baronne vitrée) de 54 ans, originaire des Pays-Bas, résidant à Cannes, est expulsé bien que relaxé de l’inculpation d’excitation de mineur à la débauche
Septembre 1939 : à Antibes, Kurt Gartner, juif allemand, venu d’Allemagne en 1935, à 34 ans, installé à Nice, reconnu comme réfugié politique en 1937, est interné, libéré il sera de nouveau interpellé, interné au camp du Vernet en Ariège, puis un arrêté du préfet des Alpes Maritimes sera pris parce que la police de Toulon le signalera comme homosexuel, non expulsable il sera alors transféré au camp de Catus dans le Lot
Octobre 1939 : à Nice, le boulanger Auguste Pons, 52 ans, est condamné à 6 mois de prison avec sursis pour outrage public à la pudeur, il sera interné en octobre 1940, et libéré en mai 1942
18 novembre 1939 : parution du décret qui dans son article 1er permet aux préfets d’interner dans un camp les « individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique », l’article deux supprime les dispositions de décret du 28 novembre 1938 qui instituait une commission chargée de recevoir les recours des internés.
La citadelle de Sisteron exutoire des expulsés niçois
1940-1944 : à Sisteron, dans la citadelle sont hébergés dans des conditions précaires 400 à 450 “indésirables”, des hommes, pour des motifs de droit commun mais aussi pour des motifs politiques et pour homosexualité ; ils sont rarement internés après jugement, mais sur dénonciation “comme dangereux sans preuve précise”
Dès l’automne 1940, une trentaine d’homosexuels sont arrêtés, ils sont internés administratifs à Sisteron et Fort Barraux, au sud de Chambéry, les 2/3 seront libérés au bout de 2 ans
Marius Belli, 64 ans, est interné par arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 10 septembre 1940, pris “à la sortie de la vespasienne du Bd Mac-Mahon à Nice, il a reconnu y “avoir pris des habitudes d’homosexuels”, il n’a pas d’antécédant judiciaires, il sera libéré fin septembre 1941
Félix Blumstein, 19 ans, est interné en 1940, jamais condamné, car “connu comme pédéraste par la police de Cannes
L’antiquaire Henri Bazireau est interpellé Le 25 octobre 1940, à Cannes, au cours d’une opération ciblant bars et établissements de la ville, puis interné pour “mauvaise moralité”, le rapport de police fait état d’informations collectées depuis le milieu des années 1930
Allel Badaoui, 34 ans, est interné sur décision du 20 décembre 1939 il a séjourné dans plusieurs camps avant d’arriver à Sisteron début 1941, considéré comme individu dangereux, arabe aux “sentiments anti-français”, homosexuel notoire qui fait l’apologie de son vice”
Il est reproché à Jean-Pierre Tardrew, niçois de 24 ans, jamais condamné, de “tirer ses ressources de la prostitution spéciale”, il sera libéré en avril 1942
L’artiste lyrique Fernand Capliez est interné en octobre 1940 comme “homosexuel notoire” travaillant dans une boite homosexuelle “où il se livrerait au trafic de stupéfiants” il sera libéré en mai 1942, son compagnon Lucien Couvrecelle, interné et libéré en même temps que lui n’a pas non plus été condamné
Henri Posca, 20 ans, est “connu comme homosexuel et fréquente les invertis” ; Joseph Isoppo condamné pour vol “fréquente les invertis et les souteneurs” à Nice
Selon Arnaud Boulligny, du Mémorial de Caen, une cinquantaine de personnes de la Côte d’Azur ont été internés administrativement par le régime de Vichy de 1940 à 1942 (indésirables ou invertis notoires), 8 d’entre eux seront déportés (Buchenwald, Dachau) avec le triangle rouge (2 mourront en déportation)