XIXème siècle

XIXème : les chefs de la police parisienne fot le lien entre criminalité et déviance sexuelle, Louis Canler, chef du service de la Sûreté dans les années 1820 fait le lien entre le chantage et les « antiphysiques », Félix Carlier, chef de la brigade mondaine entre 1860 et 1870 s’inquiète des accouplement « monstrueux » impliquant des « pédérastes », Gustave Macé chef de la Sureté à partir de 1879 écrit « c’est parmi les pédérastes que sortent les plus habiles et les plus audacieux criminels » ; dans les faits la police recourt à d’autres articles du Code pénal : « attentats à la pudeur » (art. 331 qui concerne les relations avec les enfants pré-pubères), « excitation de mineurs à la débauche » (art. 334 qui concerne les relations avec les moins de 21 ans, sans distinction de sexe), « outrage public à la pudeur » (art. 330 qui concerne les relations entre personnes adultes, mais le plus souvent de même sexe) ; les lieux de « drague » changent au cours du siècle, le Palais-Royal, puis les nouveaux passages, puis les grands boulevards et les vespasiennes, à partir de 1830 ; les médecins prennent le relais des policiers pour étudier et catégoriser ces individus, le Dr Ambroise Tardieu en 1857 (les pénis des pédérastes actifs sont déformés, petits ou énormes selon les cas, les anus des pédérastes passifs sont en forme d’entonnoirs), en Allemagne Johann Casper pense à une origine innée, ce n’est qu’après les années 1870 que l’interprétation d’une nature différente s’impose en France, les termes d' »inverti » puis d' »homosexuel » remplacent progressivement le mot « pédéraste« , même si en Italie Arrigo Tamassia emploie pour la 1ère fois en 1878 le terme d’ « inversion » ; le Dr Karl Westphal en Allemagne parle en 1869 de « sentiment sexuel contraire » et les neurologues français Jean Charcot et Valentin Magnan parlent en 1882 de « inversion du sens génital »

Années 1800 : c’est la période où Cambacérès, qualifié de « Tanbte Urlurette » par les agents royalistes se plait à scandaliser, accompagné de ses amis et secrétaires Aigre-Feuille et Chateauneuf et d’un certain nombre de valets, se promène au Palais-Royal ; au fait de ses fréquentations,  Napoléon – empereur en décembre 1804 – qui le reçoit lors d’une audience, retardé par « une dame »  lui répond « la prochaine fois, vous direz « Prends ton chapeau, ta canne et laisse-moi »

1800 : en Angleterre, Jérémie Bentham (1748-1832), philosophe utilitariste anglais, publie Essai sur la pédérastie dans lequel il réfute les arguments homophobes de ses contemporains dont Montesquieu et Voltaire : « Il est évident que (l’homosexualité) ne produit de douleur chez personne. Au contraire, elle produit du plaisir, et, ainsi que nous le supposons, c’est un plaisir que ces personnes préfèrent, du fait de leur goût perverti, à celui qui est généralement réputé être le plus grand. Les partenaires sont tous deux consentants… Elle ne produit aucune appréhension pénible. Car qu’y a-t-il en cela pour qu’on en soit effrayé ? On suppose que seuls en sont l’objet ceux qui choisissent de l’être et qui y trouvent du plaisir… La raison que donne Montesquieu pour justifier sa réprobation, c’est la faiblesse que ce délit aurait tendance à provoquer chez ceux qui le pratiquent. Si l’affirmation peut être prouvée, ce n’est que par des arguments tirés a priori de considérations sur la nature du corps humain ou de l’expérience. Existe-t-il de tels arguments tirés de la physiologie ? Je n’en ai jamais entendu parler, et n’en vois aucun… Ce qui est remarquable, c’est qu’il n’y a guère de personnage éminent dans l’Antiquité, ou quelqu’un qu’à d’autres égards on cite habituellement pour sa vertu, qui n’apparaisse à une occasion ou une autre infecté par ce penchant inconcevable. Celui-ci joue un rôle remarquable tout au début de l’Histoire de Thucydide : par un curieux hasard, c’est au courage de deux jeunes hommes enflammés, portés par la passion, qu’Athènes doit, selon cet historien, d’avoir recouvré la liberté dans une circonstance éprouvante. La détermination et le courage du bataillon des Thébains – le bataillon des amants, comme on l’appelait – sont célèbres dans l’histoire et ce qu’on supposait communément être le principe qui cimentait l’union des membres est bien connu (cf. Plutarque dans Vie de Pélopidas)… Nous appelons platonique ce que les Anciens nommaient dans ce cas amour. Mais les Grecs disent amour, ils veulent dire amour, et que lorsqu’ils disent amitié, ils veulent seulement dire amitié ». Fondateur de « l’utilitarisme » Bentham inscrit le plaisir dans son principe d’utilité, chaque plaisir peut être mesuré, l’individu cherche à maximiser le plaisir, il multiplie les propositions juridiques allant en ce sens (abolition de la peine de mort, de la torture, de la déportation, décriminalisation de l’homosexualité, égalité entre les sexes, droit de divorcer, etc.)

18 mai 1800 : mort du gouverneur de Crimée, le prince Alexandre Souvorov (1729-1800), il remporte plusieurs victoires sur les Turcs, écrase le soulèvement populaire polonais en 1794, nommé maréchal par Catherine II, il se bat avec succès contre les troupes françaises en Italie jusqu’à la bataille de Munich où il est battu en 1799 ; il est apprécié par ses soldats qui connaissent son homosexualité

18 août 1800 : au début du Consulat, Bonaparte désigne une commission de 4 membres pour travailler à la rédaction du Code civil, elle est constituée des avocats Tronchet (Paris), Bigot de Préameneu (Rennes), Malleville (Bordeaux) et de Jean-Etienne Marie de Portalis, de grande réputation (auteur d’ouvrages remarqués, il a été défenseur de Beaumarchais et Mirabeau)

7 novembre 1800 (16 brumaire an IX) : à Paris, l’ordonnance du Préfet de Police, Louis Nicolas Dubois, interdit aux femmes de s’habiller en pantalon, autrement dit de se travestir en homme – elle ne sera jamais abrogée – sous peine d’une amende  et de 5 jours d’emprisonnement, toute femme désirant s’habiller en homme devra se présenter pour en obtenir l’autorisation ; c’est par une circulaire de 1892 qu’une femme aura la permission de se mettre un pantalon afin de monter à cheval ou faire de la bicyclette, ce droit leur sera donné pour faire du ski en 1909 ; pour les courses en montagne il sera « absurde et dangereux » selon le Dr Léon Brachet du Club alpin de Savoie  de tenter les altitudes de 2 300 à 2 500 mètres, au risque de « vomissements, syncopes, suffocations et hémorragies diverses », de son côté le quotidien genevois le Fédéral qui relatera en 1838 la conquête du Mont-Blanc par Henriette d’Angeville jugera que l’orgueilleux sommet a du se sentir humilier par cette audace féminine

 

1801 : libéré de la Bastille, le marquis de Sade a échappé à la guillotine, il a connu une parenthèse de liberté sous le Ditectoire, il est interné à Charenton où il va passer le restant de ses  jours au milieu des fous, il aura ainsi passé 28 années sous les verrous

24 mars 1801  : en Russie, assassinat du tsar Paul 1er (1754-1801), il monte sur le trône à la mort de sa mère Catherine II, il assume alors son homosexualité qu’il avait dissimulée jusque là, son jeune amant Arcady Nelidov, simple domestique, se voit promu colonel et doté d’une propriété de mille serfs ; après avoir combattu les armées de la République française, Paul 1er conclut un traité avec consul de France Bonaparte ; autocrate il bouleverse l’administration, l’armée et la justice par des réformes qui sont mal accueillies, malgré la générosité de certaines d’entre elles, par exemple à l’égard des serfs ; il est victime d’un complot de la cour

 

18 octobre 1802 : mort de Sophie Arnould (1740-1802) réquisitionnée pour sa voix par la princesse de Modène pour l’illustre Clairon de la Comédie Française ; elle a eu autant de liaison masculines que féminines (Mme de Villeroy, princesse d’Hénin ; les comédiennes Viviane et Fanny Raucourt) ; le lundi est pour elle le jour réservé à Sapho

3 août 1802 : mort de Henri de Prusse (1726-1802), frère de Frédéric II, il a combattu aux côtés de son père pendant 7 ans ; il s’entoure de plusieurs favoris, comme Kaphengst, le chanteur Mara et sa liaison avec le comte de Roche-Aymon, 17 ans, fait scandale et Frédéric II doit obliger son frère à plus de discrétion

 

29 janvier 1803 : mort de La Clairon (Claire-Josèphe Leris, 1723-1803), comédienne dès le plus jeune âge, sociétaire de la Comédie-Française, trouvée en compagnie de Mme de Sauvigny, épouse de l’intendant de Paris, connue pour ses amours lesbiennes, incarcérée 5 jours, amante de la princesse Galitzine, épouse de l’ambassadeur de Russie, puis du comte de Valbelle qui l’a quittée en 1773 ; en séjour pendant 17 ans chez le margrave Charles-Frédéric d’Anspach, à Bayreuth, follement amoureux d’elle, de retour en France à la veille de la Révolution elle est venue vivre 20 ans avec Marie-Pauline Ménard, veuve de La Riandrie, La Clairon est décédée oubliée et ruinée chez son amante

 

1804 : Henriette-Jenny Savalette de Lange (1786 ?-1858) apparaît dans la bonne société parisienne, élevée en habit de fille, elle se dit fille naturelle du comte Savalette de Lange (décédé en 1797), garde du Trésor Royal et créancier du frère de Louis XVI, protégée en haut lieu elle a obtenu un appartement au château de Versailles, elle sera intégrée à la haute société au cours des règnes de Louis XVIII et Charles X ; on trouvera après sa mort une fortune dont un couvre-lit de Louis XIV qui conduira à lui prêter l’identité de « Louis XVII » ; lorsqu’en 1858 (à 72 ou 78) ans, Jenny décèdera, sa toilette mortuaire sera effectuée par sa nièce et l’une de ses voisines de quartier, les deux femmes constatent qu’en fait de demoiselle : « Oh ! il s’agit d’un homme qui se serait travesti toute sa vie, ce qui lui vaudra désormais le surnom de « l’homme-femme » »

25 mars 1804 : le second Code Civil, Code Napoléon – rédigé sous la houlette de Cambacérès (1753-1824) par 4 avocats dont Portalis – définit la famille tripolaire père-mère-enfant : il est inégalitaire et patriarcal (le salaire s’il existe doit être versé au mari), il institue ainsi le modèle familial, l’homme est le paterfamilias tout puissant, la femme est incapable juridiquement, elle passe de l’autorité de son père à celle de son mari ; alors qu’en 1792 la Révolution avait mis en place le libre consentement entre époux et autorisait le divorce ou la séparation de corps en cas d’ « excès, de sévices et d’injures graves » ; le code Napoléon effectue un revirement en consacrant la toute puissance du mari à qui son épouse doit « obéissance », ainsi s’établit la supériorité absolue du mari et l’incapacité de la femme ; le code décriminalise l’homosexualité par le biais de l’absence de criminalisation de la sodomie (il n’y a pas de pénalisation mais pas de reconnaissance non plus) ; institution du mariage civil qui reprend l’essentiel du mariage religieux mais abolit son indissolubilité en ouvrant la possibilité du divorce, en cas d’adultère ; « la virilité » devient « licite » et « hégémonique » dans les domaines « sexuel, familial et sociétal », « les hommes obtiennent des privilèges exorbitants » dira l’historienne Christelle Tharaud (en 2013) ; le juge pour enfants Jean-Pierre Rosenczveig ajoutera (en 2014) le code Napoléon a créé deux grands statuts d’incapables, le femme et l’enfant ; le code Napoléon alourdit les condamnations lorsque la victime a moins de 15 ans, mais les cours d’assises se montreront en réalité indulgentes envers les agresseurs d’enfants

 

1807 : en Russie, lors de la bataille de Tilsit contre les armées napoléoniennes, Nadejda Dourova hussarde travestie en homme dont le régiment participe aux combats, est reçue par Alexandre 1er qui lui décide de la renvoyer dans ses foyers, elle se jette à ses pieds et obtient de poursuivre sa carrière, elle devient Alexandre Andreïevitch Alexandrov, et participe aux combats à Smolensk, Borodino et à la bataille de la Moskova, elle continuera jusqu’à la capitulation de Napoléon et retournera à la vie civile à 34 ans ; ses mémoires lui vaudront l’admiration de Pouchkine, elle deviendra un écrivain célèbre ; dans le pays les bûchers de sodomites s’éteignent peu à peu mais laisseront la place à 4 ou 5 ans d’exil en Sibérie, l’élite aristocratique échappera à la loi

 

13 mars 1808 : mort de Christian VII de Danemark et de Norvège (1749-1808), éduqué par des nobles qui encourageaient ses tendances homosexuelles, monté sur le trône à l’age de 16 ans, marié à la sœur du roi George III d’Angleterre, Caroline Mathilde, après la naissance leur fils Frédéric VI il est consacré à ses favoris Brandt et Hol, et l’amant de la reine, Struensee a cherché à tenir sous sa coupe les amants du roi ; en 1772 Struensee, Brandt et la reine sont emprisonnés, Christian a été acclamé comme libérateur, mais les conjurés sont parvenus à gouverner en tenant le roi à l’écart, la reine ayant fait était de l’homosexualité du roi pour obtenir le divorce

 

1810 : le Code pénal impérial confirme la décision de l’Assemblée constituante de 1791 et ne criminalise pas la sodomie ; mais consacre une différenciation légale entre homosexualité et hétérosexualité : les relations hétérosexuelles sont autorisées dès 15 ans mais les relations homosexuelles ne le sont qu’à partir de 18 ans ; cette nouvelle approche légale influencera la législation de plusieurs pays occidentaux : Espagne, Portugal, Italie, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, cantons suisses francophones et certains territoires allemands avant l’unification de 1871

Janvier 1810 : en Grande-Bretagne, un agriculteur, Matthew Tomlinson, fermier du West Yorkshire, écrit dans son journal (qui ne sera connu qu’en 2020), que l’homosexualité est innée et qur la punir de mort est « cruel », alors qu’un médecin de la marine vient d’être exécuté pour sodomie (la peine de mort continuera à être utilisée  dans ce cas jusqu’à 1861)

21 mai 1810 : décès de l’agent secret chevalier d’Eon (Charles Geneviève Louis Auguste André Timothée d’Eon de Beaumont 1728-1810) ; lors d’un bal de 1755 il s’est travesti ; Louis XV l’a remarqué et chargé d’une mission en Russie où il est devenu intime de la tsarine Elisabeth, il a été décoré par Louis XV de la Croix de Saint-Louis en tant que chevalière Lya de Beaumont d’Eon ; à Londres il a séduit et trompé les deux sexes jusqu’à la cour d’Angleterre ; après la mort du roi, en 1775 les ministres Vergennes et Maurepas ont chargé Beaumarchais de récupérer les lettres adressées au chevalier par le roi défunt, mais Beaumarchais a persuadé Louis XVI de la féminité d’Eon et c’est en chevalière qu’Eon est revenu à la cour ;  il est mort à Londres dans l’oubli et l’autopsie a révélé qu’il est un homme normalement constitué ; ses mémoires ont été publiées en 1774 sous le titre Les loisirs du chevalier d’Eon de Beaumont avouant qu’il a « toujours vécu sans maîtresse » et ne révélant rien de son éventuel goût pour les hommes

20 juin 1810 : mort du comte suédois Hans Axel de Fersen (1755-1810), charmant et d’esprit subtil, il est devenu l’intime de la reine Marie-Antoinette, mais non l’amant, il a organisé la fuite à Varennes et tenté de soudoyer les geôliers pour faire libérer la reine ; il a repris sa carrière militaire et diplomatique en Suède, représentant son pays dans les négociations avec le Directoire, maréchal en 1801, il a combattu Napoléon en 1805 ; lors d’une émeute en 1810 il est tiré hors de son carrosse et assassiné ; il aurait été successivement l’amant des rois de Suède Gustave III et Gustave IV

13 novembre 1810 : mort de Marie-Joséphine de Savoie (1753-1810), mariée à 18 ans avec le comte de Provence, futur Louis XVIII, qui a peu de rapport avec elle car il a « l’aiguillette nouée », devenue Madame, elle se prend de passion pour Mme de Gourbillon, entrée à son service comme lectrice en 1785 ; le comte de Provence, Monsieur, obtient du roi une lettre de cachet qui renvoie Mme de Gorbillon chez son marie, receveur des Postes à Lille, Marie-Joséphine se déclare prête à faire un éclat et la lettre de cachet est relevée le 28 août 1789 ; juste après la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, avec son amante elle quittent le territoire national lors de la nuit de Varennes et vivent à Turin chez le père de Madame où les rejoindra le futur Louis XVIII toujours aussi hostile ; minée par la maladie et l’éloignement de Mme de Gourbillon, Madame se réfugie à Londres où elle meurt 4 ans avant l’accession au trône de son époux

21 novembre 1811 : mort de l’écrivain allemand Heinrich von Kleist (1777-1811), le plus important des auteurs dramatiques du romantisme allemand, avec La Cruche cassée, Catherine de Heilbronn, Le prince de Hombourg et Penthésilée, pourtant peu appréciés de son vivant ; il rompt ses fiançailles avec Wilhelmine von Zenge; il n’a qu’une passion, son frère ‘armes Ernst von Pfüel – qui deviendra ministre de la Guerre –  à qui il écrit une lettre enflammée en 1805 ; en 1810 une jeune mère de famille, Henriette Vogel, tombe amoureuse de lui, elle est atteinte d’un cancer, il la tue, au bord du lac Wannsee, avant de se suicider

 

1813 : à Lyon,  le maire de Lyon, marquis d’Albon, intervient auprès du ministre de l’Intérieur pour faire destituer de son enseignement, Joseph-Jean-Pascal Gay professeur à l’Ecole des Beaux-Arts, pour « pédérastie »

28 avril 1813 : mort du général russe Mikhaïl Koutouzov (Mikhaïl Illarionovitch Golenichtchev-Koutouzov, prince de Smolensk, 1745-1813), brillant stratège il est général en chef face aux troupes française de Napoléon sur la Moskova, l’obligeant à faire retraite ; gros mangeur, borgne et obèse, son homosexualité est connue des jeunes soldats, il meurt d’une attaque cardiaque dans les bras de l’un d’entre eux

29 juillet 1813 : mort du général Jean-Andoche Junot, duc d’Abrantès (1771-1813), aide de camp de Bonaparte dès 1793 lors du siège de Toulon, celui-ci le fait sous-lieutenant et lui gardera une profonde amitié ; lorsque Bonaparte, ami du frère de Robespierre, est dénoncé comme suspect et arrêté au Fort Carré d’Antibes, Junot tente de le faire évader puis recopie soigneusement le mémoire dans lequel Bonaparte présente sa justification qui permet sa libération ; la Convention met Bonaparte en disponibilité, Junot lui offre l’hospitalité dans sa mansarde du quai Conti, ils vivent alors, dans le dénuement, une véritable liaison homosexuelle, Junot en concevra admiration et passion exclusive, Bonaparte lui témoignera indulgence et faveur éclatante ; lorsque Bonaparte épouser la maitresse du Directeur Paul-François comte de Barras, Joséphine de Beauharnais il sera nommé commandant en chef de l’armée d’Italie et Junot sera seul à ses côtés pendant la victorieuse campagne d’Italie et durant l’expédition d’Egypte, « Nouvel Antinoüs du nouvel Hadrien » jasent les officiers ; Premier Consul en novembre 1799, Bonaparte le nomme Gouverneur de Paris, à 26 ans, et lui recommande de se marier, ce qu’il fait le 30 octobre 1800 avec Laure Martin de Permon, 16 ans, Napoléon le sermonne pour ce choix d’une jeune fille sans dot et lui donne en compensation 140 000 francs or ; mais Napolén lui reproche sa légèreté et son incompétence comme Gouverneur et lui témoigne de la froideur lors d’une fête au château de Saint-Cloud, rentré dans son hôtel des Champs-Élysées, Junot délire toute la nuit « Il ne m’aime plus », informé Napoléon accourt, l’embrasse et le console, puis se lasse de cet amour fou que lui porte Junot ; par un curieux transfert, Junot devient l’amant de Caroline Murat, sœur de Napoléon, et Napoléon le nomme ambassadeur à Lisbonne et en 1805 l’envoie commander le corps expéditionnaire français au Portugal, il s’empare de Lisbonne en 1807 et devient duc d’Abrantès, mais 6 mois plus tard il est battu par les Anglais ; Junot essaie de retrouver les faveurs de Napoléon, sans succès, pendant la campagne de Russie il écrit son adoration à Napoléon et le supplie de lui permettre d’arrêter de « faire la guerre », à Smolensk il tarde à envoyer son bataillon au front et Napoléon déplore son indécision, ce qui le démoralise, et pour se débarrasser de lui Napoléon l’envoie en Illyrie (Slovénie-Croatie), il fait jurer à sa femme que s’il meurt elle brûle les 152 lettres manuscrites se Napoléon enfermées dans un coffre-fort secret, et arrivé à Raguse Junot est atteint de graves troubles psychiques,  Talleyrand écrit le 16 juillet 1813 « Junot est devenu fou. Il se promène tout nu à cheval. », il est ramené d’urgence en France, ficelé dans une camisole de force et conduit dans son château de Montbard en Bourgogne, il se jette par la fenêtre, se fracture la jambe et tente de s’amputer avec une paire de ciseaux, la plaie s’infecte, la gangrène se déclare, il meurt ; à son décès Napoléon ordonne à Savary d’aller récupérer ses lettres de jeunesse, lorsqu’il les a en main Napoléon les brûle aussitôt

5 octobre 1813 : mort de le femme soldate allemande Eleonore Prochaska (1785-1813), habillée comme un homme elle s’engage sous le nom d’August Renz dans le bataillon Jäger de Lützov, blessée à la bataille de Göhrde, elle succombe à ses blessures ; elle devient une héroïne chaste sous la plume de Friedrich Rückert et Emil Taubert, Beethoven compose une musique d’accompagnement pour la pièce de Friedrich Dunker Eleonore Prochaska

 

8 septembre 1814 : mort de Marie-Caroline, reine de Naples (1752-1814), sœur de Marie-Antoinette, épouse de Louis XVI, elles sont les filles d’Elisabeth d’Autriche ; son amante lady Hamilton disait « Je ne peux pas vivre sans la reine, son amour fait mes délices », tandis que Napoléon la considère comme « La pire Messaline de tous les temps »

2 décembre 1814 : mort de Sade (Donatien Alphonse François, marquis de Sade 1740-1814), dans La Philosophie dans le boudoir il fait l’apologie de l’homosexualité, les scènes de plaisir entre hommes sont fréquentes en particulier dans Les Cent Vingt journées de Sodome, dans ses récits les femmes sont violentées et torturées en revanche les bougres ne reçoivent pas de traitement cruel ou sanglant ; dénoncé par une jeune prostituée lors d’une orgie, il se réfugie en Italie avec son partenaire latour ; le 3 septembre 1772 ils sont condamnés à mort pour le crime de sodomie et exécutés en effigie ; capturé et emprisonné à la forteresse de Miolans, en Savoie, Sade s’évade et se cache dans son château de Lacoste, dans le Vaucluse, le président du Parlement de Provence lance ses troupes à sa recherche ; à Lacoste, puis Vienne et Lyon, Sade continue ses parties sexuelles, ses 4 « secrétaires » s’enfuient et le dénoncent, sa belle-mère obtient alors une lettre de cachet qui le conduit à l’incarcération au donjon de Vincennes où il restera jusqu’en février 1784 ; lors de son incarcération ses lettres sont remplies de fantasmes homosexuels, complaisante son épouse lui envoie des portraits de jolis garçons et des accessoires pour se masturber ; en 1884 Sade est envoyé à la Bastille, il est libéré le 2 avril 1790 grâce à la suppression des lettres de cachet, il devient secrétaire de la section des Piques en août 1793, il est arrêté une nouvelle fois le 5 décembre 1793 car il s’oppose à la Terreur, le 20 juillet 1794 il échappe à la mort car on ne sait où le trouver pour le mener à la guillotine, il est libéré le 13 octobre 1794 ; il est arrêté le 6 mars 1801 par la police du Consulat comme auteur de romans scandaleux ; il meurt le 2 décembre 1814 ; il a passé 29 ans en prison dans onze établissement différents, il n’a violé, torturé et assassiné uniquement dans ses romans, dans la vie ses tortures n’ont pas été au-delà de la flagellation mutuelle, il a été condamné pour ses idées (athée, immoral, libertin pornographe)

 

15 janvier 1815 : mort de la britannique Emma Hart, lady Hamilton (Amy Lyons 1765-1815), prostituée, pionnière du spectacles érotiques en 1770 à Londres ; amoureuse de la reine Marie-Caroline de Naples, « Messaline aux goûts de Sapho » dit Napoléon, comme en témoigne leur correspondance ; elle devient Lady Hamilton par son mariage avec William Hamilton en 1971, et tient à Naples le rang d »épouse de l’ambassadeur britannique ; elle a été la maîtresse de lord Horatio Nelson

15 janvier 1815 : mort de La Raucourt (Françoise-Marie-Antoinette Saucerotte 1756-1815), , engagée en 1772 à la Comédie-Française, sociétaire en 1773, avec noblesse, ironie et véhémence elle joue les rôles de Cléopâtre, Cornélie, Agrippine, Athalie, Médée ou Sémiramis ; elle fait scandale en affichant ses amants et ses amantes, comme la chanteuse Sophie Arnould qu’elle ose « prendre pour épouse »; en 1776 elle est emprisonnée pour dettes et congédiée de la Comédie-Française mais le reine Marie-Antoinette lui manifeste son amitié et donne l’ordre de la réintégrer, à son retour sur la scène Sophie Arnould a pris la peine de faire en sorte que toute les loges soient pleines ; en 1778 La Raucourt est fatiguée de la cabale qui est menée contre elle la traitant de tribade ; elle est arrêtée en août 1793 avec tous les membres de la Comédie-Française pour avoir joué Pamela que Fouquier-Tinville a trouvé anti-patriotique

 

1817 : sous la Restauration, les contrôles policiers à l’égard des homosexuels sont rétablis, une brigade est chargée de surveiller les parcs et jardins ; en 1879, Léo Taxil la surnommera « la sous-brigade des pédérastes »

 

14 mai 1818 : mort du diplomate britannique Matthew Gregory Lewis (1775-1818), son roman Le Moine est un grand succès en Angleterre, traduit en français en 1795, son oeuvre a influencé le roman historique français ; il a écrit de nombreuses pièces de théâtre ; ses liaisons avec de jeunes garçons (parmi eux William Kelly) sont rapportées par ses contemporains

 

1819 : le Dictionnaire des sciences médicales, donne place à un article de 5 pages de Pierre Reydellet à la turpitude des Héllènes dans son article « pédérastie », il fait un lien entre « cet amour déréglé, le plus en usage » et l’éclat de leur civilisation qui leur permet de se faire « remarquer par leurs excès en tous genres » ; il prend ainsi le contrepied de Voltaire qui voyait une contradiction difficile à admettre entre ce vice et leurs modèles éthiques et politiques, au-delà de Voltaire la civilisation des Lumières considérait sa supériorité dans le fait qu’elle avait conjuré la corruption véhiculée par l’amour grec, le XIXème siècle poursuivra cette vision des choses stigmatisant le vice honteux, l’éffemination et l’amollissement, sans pour autant y voir encore une maladie ; Reydellet stigmatise l’amour grec et les philopèdes les plus illustres (Alcibiade et Socrate, Démosthène et Sophocle, Zénon et Aristote) mais son analyse psychiatrique contourne les stéréotypes négatifs, la stigmatisation et la disqualification sociale et judiciaire des homoérotismes, tout en l’inscrivant dans les pathologies mentales ; le Dr Fournier Pescay flétrit « celui qui  s’abaisse à remplir le rôle abject de complaisant dans une scène révoltante (bien qu’il ait reçu) le nom de giton » ; le Dr L.-R. Villermé souligne la promiscuité des hommes séparés des femmes dans les internats, casernes, bagnes et prisons « En quels teermes dire qu’à défaut de l’autre sexe, le prisonnier se marie (c’est le mot consacré dans les prisons) avec un autre prisonnier ? On ne saurait croire combien le vice de la pédérastie et la masturbation sont communs dans les prisons. Jeunes et vieux s’y abandonnent avec tant d’excès que c’est à cela plus qu’aux misères, aux chagrins, etc., que les médecins des prisons du département de la Seine… attribuent la fréquence des phtysies pulmonaires, des tiraillements d »estomac, des faiblesses musculaires, de la débilitation de la vue et des facultés intellectuelles », il ajoute que les prisonnières elles aussi contractent ces « dégoûtants et monstrueux mariages »

17 mai 1819 : adoption de la loi sur « l’outrage à la morale publique et religieuse, et aux bonnes mœurs » ; elle permettra de poursuivre Paul-Louis Courier, Béranger, les Goncourt, Flaubert, Eugène Sue ou encore Baudelaire

 

Années 1820-1830 : les études sur la pédérastie se multiplient, la plupart dégagent une acception platonicienne et non sodomique de l’amour grec ; en 1820 l’Allemand Moritz Meïer fait la distinction entre pédérastie et paidophilia

1820 : le compositeur autrichien, Franz Peter Schubert (1797- 1828) est déjà auteur à 23 ans de 6 symphonies, de plusieurs sonates, d’une messe et de 200 lieder, il est le maître de musique du comte Esterhazy, il entre dans des années de crise, accordant désormais une place prépondérante aux poètes romantiques ; Franz Schubert a rencontré au collège en 1815 l’ami fidèle qui restera son intime toute sa vie, Josef von Spaun, de 10 ans son aîné ; Franz Grillparzer (1791-1872) dira qu’avec Schubert il partage le même goût pour les hommes et le poète allemand August von Platen (1796-1835) racontera dans son Journal l’homosexualité du milieu artistique viennois, Grillparzer décrit le cercle des amis de Schubert, Spaun, Lachner, Mayrhofer, Schober, son amitié avec Mayrhofer débute en 1814 mais celui-ci se suicidera en 1836 ; en 1822 Schubert sera atteint de syphilis, Moritz von Schwind vient alors souvent le voir, il surnomme cherubino celui qui lui apporte « un rayon de soleil »

 

8 juillet 1822 : mort du poète britannique Percy Bysshe Shelley (1792-822), il écrit des poèmes et romans dès l’âge de 17 ans, il est chassé d’Oxford après la publication de la brochure La Nécessité de l’atheïsme, il épouse à 19 ans une amie de ses soeurs, Harriet Westhrook, sa femme accepte de se retrouver dans le même lit que ses amants, ces ménages à trois durent jusqu’en 1816, jusqu’à ce que Harriet ne supporte plus cela et se suicide ; Shelley se remarie avec Mary Goldwin, mais la société anglaise finit par le traiter de paria ; redoutant le retour de bâton, il s’exile en Suisse sur le lac Léman, mais lors d’une croisière au large de l’Italie du sud avec son ami Edward Williams, son yacht fait naufrage, les deux corps rejetés sur la grève seront brûlés par les amis de Shelley, Edward John Trelawny (1792-1881) et lord George Gordon Byron (1788-1824) ; Prométhée enchainé, poème lyrique, et Les Cenci, roman, seront publiés 17 ans plus tard, il deviendra grâce au poète Algernon Swinburne (1837-1909) en particulier, le plus populaire des poètes anglais

 

26 janvier 1824 : mort du peintre Théodore Géricault (1791-1824), très jeune il se complaisait dans la compagnie masculine des cavaliers, son ami Delacroix lui porte un extraordinaire attachement ; il exécute L’Officier de chasseur à cheval chargeant présenté au Salon de 1812 ; son biographe Charles Clément parle de « ses affections particulières qui le troublaient sans cesse… il souffrait d’un amour dévoyé » ; sa correspondance, en particulier des lettres de 1816 et 1817, parle de son attachement à son ami Dedreux-Dorcy, le modèle de sa toile Artiste dans son atelier, le comportement de son ami montre qu’il s’agit bien d’amour ; Jamar, élève de Géricault, qui dormait le plus souvent dans l’atelier, figure dans Le Naufrage de la Méduse dans une attitude d’abandon sexuel

8 mars 1824 : mort de Jean-Jacques Régis de Cambacérès (1753-1824), successeur de Robespierre au Comité de Salut Public ; devenu ministre de la Justice, lors du Directoire il a fait nommé son petit ami Olivier Lavollée chef de la Correspondance, il était ainsi au courant de tous les complots qui se tramaient ; il est devenu bras droit de Bonaparte après le 18 Brumaire, il « remplaçait » Napoléon – archichancelier de l’Empire – lorsque celui-ci quittait la capitale, législateur exceptionnel, rédacteur de plus de 3 000 documents, franc-maçon, hôte fastueux, prince des gastronomes, libertin ; son homosexualité et son goût pour les jeunes garçons est notoire, au point que lorsqu’il arrivait en retard, prétextant qu’il avait été retenu par une dame, Napoléon aurait dit ce bon mot : « La prochaine fois vous direz à cette personne : prends ton chapeau, ta canne et va-t’en ! »» et Talleyrand, voyant passer les trois consuls Bonaparte, Cambacérès et Lebrun les aurait nommés hic, haec, hoc (en latin : celui-ci, celle-là, cette chose), faisant référence à l’homosexualité de Cambacérès et à l’insignifiance de Lebrun ; il avait reçu le sobriquet de « Tante Hurlurette »

19 avril 1824 : mort de George Gordon lord Byron (1788-1824), joli garçon, handicapé du tendon d’Achille, pensionnaire à Harrow il dévorait toute littérature devenant amoureux de ses condisciples lord Dorset et lord Clare, à 20 ans à Cambridge il tombait amoureux d’Eddleston, 15 ans, qui chantait au Trinity collège, celui-ci est mort prématurément et Byron lui a consacré une série de poèmes Thyrza en 1811, en appendice de Childe Harold, puis il a écrit de nombreux chefs-d’œuvre de 1817 à 1819 Manfred, Beppo histoire vénitienne, Don Juan ; il a voyagé en Europe et connu de nombreuses aventures, s’est marié en 1815 et aussitôt déçu, bisexuel il a des maîtresses, mais en entrant à la Chambre des Lords, sa notoriété compromise, il a été insulté, et durant 17 ans il a voyagé avec John Cam Hobhouse et son valet Flechter, « enfin libre de conjuguer le verbe aimer », en Italie avec son amant italien Nicolo Giraud, en Grèce avec Eusthatius puis Loukas Chalandritsanos ; à la fin de sa vie il a soutenu les Grecs face aux Turcs

16 septembre 1824 : mort de Louis XVIII, Louis Stanislas Xavier comte de Provence (1755-1824), frère de Louis XVI, il est le chef des émigrés contre-révolutionnaires, marié pour la forme en 1771 à Marie-Joséphine de Savoie (dont il n’a pas d’enfant, malgré deux fausses couches, il est incapable de l’honorer), il a des maîtresses, mais il réserve sa passion à ses favoris, le comte d’Averay qui le suit en émigration, le duc de Blacas dont il fit son ministre préféré, bientôt remplacé par Elie Decazes son très aimé favori qu’il appelait « mon fils », il en fait son ministre de l’Intérieur en 1816, puis son président du conseil en 1819 pour quelques mois, il le fait duc puis est obligé de renvoyer pour des raisons politiques, après l’assassinat du duc de Berry, neveu du roi, le 13 février 1820 ; Chateaubriand sera sévère : « Plus le favori a été bas et intime, moins on le peut renvoyer parce qu’il est en possession de secrets qui feraient rougir s’ils étaient divulgués. » ; comme son frère Louis XVI, Louis XVIII est affecté d’un phimosis qui le rend en fait impuissant

24 octobre 1824 : aolrs que le marquis de Custine nourrit déjà les potins du monde de la presse, celui-ci se rend à pied de Saint-Denis à Epinauy, il est saisi par 4 soldats qui le dépouillent de son habit et de son argent, le laissant pour mort, il s’adresse à la police, ses agresseurs retrouvés expliquent qu’il a été pris avec un jeune canonnier et assommés par ses camarades ; Charles X s’écrira avec ironie à Chateaubriand qui l’avait poussé à poser sa candidature à la pairie « Voilà donc le candidat de M. Chateaubriand, ce garçon qui porte des clystères de coudrier ! »

 

1825 : mort du peintre Jacques-Louis David (1748-1825) connu pour ses œuvres Le Serment des Horaces, La Mort de Marat, Le Sacre de Napoléon des œuvres à travers lesquelles il laisse apparaître son amour des jeunes garçons

1825 : en Russie, mort d’Alexandre II Pavlovitch Romanov (1777-1825), petit-fils de la Grande Catherine, accède au trône après l’assassinat – dont il est complice – de son père Pierre 1er, il mène la bataille contre Napoléon et joue un rôle majeur dans l’invasion de la France ; il a plusieurs liaisons amoureuses avec ses officiers (il semble qu’atteint d’un fort sentiment de culpabilité il ait abandonné le trône auparavant et soit mort déporté en Sibérie en 1864)

 

1826 : à Paris, procès du prêtre italien Contrafatto, officiant à Paris, pour violence sexuelle à sur une enfant de 5 ans, l’incompréhension des juges entraine un long procès, le prêtre sera condamné mais il sera rapidement libéré, le pouvoir politique de la Restauration craignant les effets politiques d’une querelle religieuse

 

29 avril 1827 : mort de la soldate américaine Deborah Samson (1760-1827), travestie en homme afin de s’engager dans l’armée continentale pendant la guerre d’Indépendance, elle sert 18 mois à West Point sous le nom de Robert Shurtliff, sans que son déguisement soit découvert ; lorsqu’elle quitte l’armée le médecin découvre sa véritable identité et le médecin la dénonce à ses supérieurs ; informée l’Eglise baptiste l’excommunie, mais le gouvernement lui verse une pension

12 août 1827 : mort des William Blake (1757-1827), poète et peintre anglais, il était marié, avec l’aide de son ami fidèle Thomas Butts il a ouvert un atelier de gravure, ses dessins évoquent l’amour des corps masculins ; il a terminé ses jours dans le cottage de William Haylet, entouré d’un cercle important de jeunes disciples

 

1828 : en Afrique du Sud, mort du roi Zoulou Chaka kaSenzangakhona (ou Chaka Zulu) fondateur du royaume zoulou, qui sera l’un des symboles de la résistance à la colonisation occidentale, avait des relations homosexuelles avec ses soldats

29 juin 1828 : en Italie, début de la singulière relation entre le beau et jeune Antonio Ranieri et le vieux Giacomo Leopardi (1798-1837), à Pise lorsque le fougueux et solaire Ranieri a 22 ans, ils vivent un compagnonnage fusionnel qui durera 7 ans, Ranieri est le songe heureux d’un Leopardi malade depuis l’enfance, « Ranieri mio… Je t’aime autant qu’on puisse aimer » écrit Leopardi, mais il semble que leur relation soit restée chaste ;   » Y a-t-il une force d’attraction émanée de l’intelligence aussi irresistible que celle que suscite la beauté ? » se demandera René de Ceccaty dans son livre Noir souci qui paraître en 2011

19 novembre 1828 : mort de compositeur autrichien Franz Schubert (1797-1828),  il est le douzième enfant  du maître d’école et de Elisabeth Viet, il quitte la maison familiale en 1808 pour entrer par concours dans le chœur de la chapelle impériale, Antonio Salieri directeur de la musique de la cour préside le jury du concours ; au collège Franz rencontre l’ami fidèle qui restera son intime Josef von Spaun, son aîné de 10 ans ; lorsque la créativité de Franz s’éveille vers 1811 Mozart est mort depuis 20 ans et Haydn deux ans plus tôt, Schubert les connaît et ls apprécie mais c’est surtout Beethoven qu’il admire ainsi que Goethe dont le poème Le Divan oriental et occidental évoque discrètement l’amour des garçons ; Schubert est au centre d’un cercle d’amis, Spaun, Lachner, Mayrhofer, Schober, peintres, poètes ou fonctionnaires, les soirées de beuverie dissimulent sous l’apparence de camaraderie des pratiques plus intimes  ; sa myopie lui permet d’échapper au service militaire, il devient maître auxiliaire à l’école de son père en 1814 en même temps qu’il se lie d’amitié avec Johan Mayrhofer qui se suicidera en 1836, et en 1815 avec Franz von Schober lequel deviendra le secrétaire de Liszt et se mariera seulement à 60 ans ; Franz compose de nombreux chef d’œuvres à partir de 1815-1816 mais il n’a pas encore la notoriété, il accepte l’emploi de maître de musique privé des filles du comte Esterhazy et part dans sa résidence d’été de Zselisz en Hongrie ; à son retour il partage la chambre avec Mayrhofer chez Mme Sanssouci ; il est proche de la soprano Thérèse Grob, puis de Karoline Esterhazy mais son peu de goût pour les femmes n’est pas assez fort ; en 1824 il est atteint de syphilis et se désespère ; son homosexualité est racontée par l’auteur dramatique autrichien Franz Grillparzer (1791-1872) et par le poète allemand August von Platen (1796-1835) dans Poèmes et dans son Journal

 

1829 : mort de l’écrivaine irlandaise Eleanor Butler (1739-1829), amante de Sarah Ponsonby (1755-1831), avec laquelle elle a écrit sous le nom de Dames de Llangollen du nom du village où elles se sont installées au Pays de Galles, lettrées et cultivées, elles y accueillaient William Woodsworth, lord Byron, Percy Shelley ou encore Walter Scott

 

Années 1830 : apparition du terme féminisme, George Sand, Eugénie Niboyet, André Léo, Julie-Victoire Daubié (1ère bachelière de France en 1861) contribueront à faire connaître des revendications de femmes, des journaux apparaîtront peu à peu comme La Citoyenne d’Hubertine Auclert ou, en 1897, la Fronde de Marguerite Durand

Années 1830 : tour à tour, en France (Louis-Philippe), en Autriche (Metternich) et en Grande Bretagne (Victoria), le retour en force des forces conservatrices (monarchie, Eglise, bourgeoisie) amènent le durcissement de la morale officielle et l’aggravation des peines ; les conditions sont remplies pour lancer la police dans la chasse aux pédérastres

1830 : création du journal la Femme libre, fondé par 3 ouvrières

 

1832-1860 : nombreux débats et discussions sur l’outrage public à la pudeur et l’excitation habituelle de mineurs à la débauche, articles 330 et 334 du code pénal

 

1832 : la loi considère que tout attouchement sur un enfant de moins de 11 ans est considéré par principe comme violent

1832 : en Grande-Bretagne, mort du philosophe et légiste anglais Jerémy Bentham (1748-1832), précurseur du mouvement de libération des homosexuels ; dans son ouvrage Principes de morale et Législation (1789) il a osé pour la 1ère fois demander l’abolition de la loi qui condamne les sodomites par pendaison ; en 1818 il a écrit Essay on Paederasty premier essai érudit sur l’homosexualité et la Bible, qyui ne sera publié qu’en 1931

1832 : la loi met en place un âge de majorité sexuelle de 11 ans, les relations avec un mineur de moins de 11 ans peuvent être condamnées, qu’elles soient homosexuelles ou hétérosexuelles ; le code pénal crée l’infraction d’ « attentat à la pudeur sans violence sur mineur de moins de 11 ans »

1832 : parution de Le Curé de Tours de Honoré de Balzac, auquel il fait dire « le célibat offre ce vice capital que, faisant converger les qualités de l’homme sur une seule passion, l’égoïsme, il rend les célibataires ou nuisibles où inutiles » ; en 1847, dans la Cousine Bette l’auteur offrira à voir une femme non mariée et malfaisante

22 mars 1832 : mort de Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832), savant, dramaturge et poète, dont l’œuvre est considérable, de nombreux signes attestent de son homosexualité, Maurice Barrès a rapporté ses propos « d’après la pure règle esthétique, le corps de l’homme est plus beau de beaucoup , et plus parfait, et plus accompli que le corps de la femme… la pédérastie est vieille comme l’humanité même et l’on peut dire qu’elle est naturelle, qu’elle repose sur la nature encore qu’elle aille à l’encontre de la nature. Ce que la culture a gagné, a remporté sur la nature, qu’on ne le laisse plus échapper ; qu’à aucun prix on ne s’en dessaisisse.  » (cité par André Gide dans Corydon) ; il était d’une bisexualité décomplexée : « C’est vrai que j’ai fait aussi l’amour avec des garçons, mais je leur préférais les filles, car quand elles me lassaient en tant que fille, je pouvais encore m’en servir en tant que garçon »; dans son Voyage en Suisse il confesse avoir été dans son enfance amoureux de son camarade Ferdinand et à son retour d’Italie il a raconté son aventure avec un garçon dans sa petite maison de campagne, dans sa traduction de La Vita de Benvenuto Cellini il note que celui-ci avait « beaucoup de succès en arrivant un soir diner chez des amis avec à son bras un joli garçon travesti », dans Le Divan occidental-oriental il évoque un garçon rencontré à Heidelberg en 1814, puis il commentera ce livre en expliquant qu’il s’est imposé une autocensure dans sa description de l’amour du jeune échanson et de son maître « pour ne pas choquer le puritanisme de mes contemporains » ; marié à Christiane Vulpius en 1830, il a poursuivi allègrement ses aventures sentimentales avec des garçons et des filles

28 avril 1832 : la loi institue le crime de pédophilie, il concerne l’implication d’un enfant de moins de 11 ans ; cet âge sera porté à 13 ans en 1863

 

1833-1835 : les violeurs d’enfants bénéficient  des circonstances atténuantes dans 60% des accusations (ce taux montera à 77% de 1856 à 1860)

Octobre 1833 : en Italie, Antonio Ranieri et Giacomo Leopardi arrivent à Naples, ils se sont rencontrés en 1828 à Pise, Giacomo Léopardi, poète-philosophe, d’une grande culture, il deviendra « le plus grand poète italien » physiquement peu favorisé par la nature, avait 30 ans, et Antonio Ranieri, historien, 8 ans de moins, Leopardi est très amoureux, ils vivront ensemble 7 ans dans une relation chaste d’amitié amoureuse, Ranieri qui lui survivra 50 ans deviendra écrivain et député, il publiera les œuvres complètes de son ami

 

1834 : en Angleterre le crime de sodomie, passible de mort, a provoqué la condamnation à la pendaison de 80 personnes depuis 1800

1° avril 1834 : Jean-François Chardon est assassiné, ainsi que sa mère, dans leur petit appartement proche de de la rue Sain-Martin, Canler le chef de la sûreté sous Louis-Philippe, le qualifie de tante dans ses Mémoires « bien connu pour ses goûts anti-physiques » il fait partie de ces « êtres abjects… ces hommes immondes, plusieurs fois relâchés faute de preuves (ou) simplement surveillés, sans que la surveillance produisit de meilleurs résultats » dans les lieux ratissés par la police, le Palais-Royal, la galerie d’Orléans, les passages des Panoramas et sans doute le jardin des Tuileries ; plus tard après le meurtre d’un garçon de recette, la police mettra la main sur Lacenaire et ses complices, le poète sanguinaire qui a connu Chardon en 1828 à la centrale de Poissy, où il purgeait une peine de 2 ans de prison pour vol et attentat aux moeurs, il aurait tué Chardon de crainte d’être dénoncé ; à la Conciergerie où Lacenaire sera enfermé, Canler lui a rendu visite pour le presser de question sur son homosexualité, il reconnaîtra que le goût lui est venu en prison par la force de la privation » ; à Poissy les relations de Lacenaire avec Bâton passeront, selon Cochinat, pour être de « nature assez suspecte pour qu’on accusât Bâton d’être à l’égard de Lacenaire un ami plus qu’intime », mais Lacenaire ne révèlera rien sur ses goûts dans ses Mémoires, il a au moins été l’inventeur du chantage au « saute-dessus » dont le policier E. Carlier dira dans son livre Les Deux prostitutions, qu’il « consiste à inspirer subitement à celui qui en est l’objet une crainte, un effroi irrésistible, puis, sans donner à la victime le temps de se reconnaître, à profiter de cette situation pour le dépouiller de toutes les valeurs qu’elle a sur elle »

10 décembre 1834 : dans le journal Le Réformateur, J.F. Vincent Raspail écrit : « Tenez, à cet endroit, pères de famille, mettez la main sur ce que je vais écrire, et ne le laisser pas lire à vos enfants. J’ai vu cette Babylone si ignoble, j’ai vu, moi qui vous parle, cet ouvrage dégoûtant de nos saintes lois ; et à ce spectacle j’ai serré le bras du geôlier, en lui disant à l’oreille : ‘De grâce, rendez-moi mon cachot ; je sens qu’ici je ne saurais supporter la vie’. Il y a là dans ce monde nouveau, dans cette cour, en face du soleil, des hommes à qui cette longue captivité a fait perdre le goût de leur sexe ; et qui, un foulard jaune au front, invitent les passants à tromper la nature, et à sacrifier à un autre amour que chez nous. » ; puis il présentera son analyse « Le célibat fit naître les templiers et les jésuites ; le Code pénal a donné naissance à une nouvelle race d’homme, les tantes de la Force ; car c’est ainsi que l’on nomme ces monstruosités à foulard jaune sur la tête »

 

1835 : parution de Mademoiselle de Maupin de Théophile Gautier, à laquelle il fait dire : « Je suis d’un troisième sexe qui n’a pas encore de nom : au-dessus ou au-dessous, plus défectueux ou supérieur », elle est en quelque sorte l’un des premiers hermaphrodites littéraires

1835 : en Russie, adoption du nouveau code criminel qui étend aux civils la prohibition de la sodomie (concernant les militaires depuis 1716), entre adultes consentants elle entraîne l’exil en Sibérie ; avec des mineurs, ou par la contrainte, elle est punie des travaux forcés ; c’est un aspect du développement des contacts entre les élites russes et celles d’Europe Occidentale ; cette disposition reste en vigueur jusqu’en 1917

5 décembre 1835 : mort du poète et dramaturge Allemand Karl-August Platen-Hallermünde (1796-1835), admirateur de l’Antiquité, timide et austère, il rencontre et admire Goethe, il garde ses amours pour son journal intime écrit en français et en portugais, à 17 ans son ami est Edouard Schmidtlein et son dernier sera le célèbre chimiste Justus Liebig, il cite ses amours pour le sculpteur danois Thorvalden et le poète italien Léopardi ; flattant les tabous de l’Allemagne bourgeoise, Heinrich Heine se dit, en 1828, écœuré par sa poésie empreinte de « soupirs pédérastiques »

 

1836 : le Dr Parent-Duchâtelet écrit dans La Prostitution à Paris que les prostituées sont aussi « inévitables dans une agglomération d’homme que les égouts, les usines et les dépôts d’immondices », mais il fait aussi le lien entre filles publiques, délinquants et policiers, et constate le mélange d’attrait des uns pour les autres, sur l’arrière-fond de la prison

1836 : en Grande-Bretagne a lieu la dernière exécution pour sodomie (buggery), en 1861 ce châtiment sera remplacé par la prison à vie

9 janvier 1836 : mort, guillotiné, de Pierre-François Lacenaire (1800-1836), il a été chassé de l’université de Chambéry pour homosexualité, il tue et vole en province, en Italie et en Suisse ; à Paris avec son complice Bâton, il assassine un encaisseur pour lui voler sa sacoche, il est arrêté en 1835 sur les lieux de son dernier crime et enfermé à la Conciergerie ; il devient célèbre en prison avec son pamphlet Pétition d’un voleur à un roi son voisin qui est publié dans le journal Le Bon Sens, puis il décrit les coutumes homosexuelles des prisonniers dans Les Prisons et le Régime pénitentiaire, il devient écrivain de talent en particulier avec Mémoires et Révélations ; il reçoit dans sa cellule toute la haute société parisienne et monte à la guillotine sans effroi et sans remords ; Marcel Herrand lui rendra hommage en jouant dans le film de Marcel Carné Les Enfants du paradis

20 juin 1836 : mort de l’abbé Sieyès (1748-1836), élu député du Tiers-Etat, fondateur du club des Jacobins, puis membre du Comité de Salut public en 1798, député au conseil des Cinq-Cents, ambassadeur de la République à Berlin en 1798, il succède à Reubell comme Directeur, lors du Directoire ; il organise le coup d’Etat du 18 brumaire et est nommé consul provisoire, Napoléon le remplace un mois plus tard par Cambacérès ; il se montre discret sur ses amours masculines, il sera président du Sénat et comte d’empire

 

1837 : parution de L’Histoire de l’amour grec dans l’antiquité du philologue allemand Moritz Eduard Meier (1796-1855)

1837 : en France, la chaine des forçats est remplacée par la voiture cellulaire, les condamnés effectuent de longue date leurs déplacements à pied, attachés par des chaines et des colliers de fer, par exemple de Fontainebleau au contre de Paris, la Revue de Paris se scandalise de l’explosion de joie que représente ces chaînes pour les prisonniers, ronde et danse, « ils accourent au devant des fers un bouquet à la main, des rubans ou des glands de paille décorent leurs bonnets et les plus adroits ont dressé des casques à cimier », et  Michel Foucault ajoutera (dans son livre Surveiller et punir) « l’accouplement aussi, le mariage forcé dans l’amour interdit », ces saturnales de farandoles, le sabbat des bagnards est décrit dans le Denier Jour d’un condamné de Victor Hugo ; désormais les condamnés seront déplacés dans des fourgons cellulaires dans lesquels il sont fermement retenus

1837 : l’ex-bagnard devenu policier Eugène-François Vidocq (1775-1857) dans ses mémoires les Voleurs parle des tantes

 

1838 : dans Des maladies mentales, le Dr Esquirol s’inquiète de ne pas arriver à « rendre à la raison » une personne (qu’on appelera plus tard transsexuelle) « convaicu d’appartenir au beau sexe »

 

Fin des années 1830 : le magistrat Frédéric-Auguste Demetz, 40 ans, décide de vouer sa vie et ses forces « au salut et à la correction des jeunes négligés et criminels », en complément d’établissements correctionnels pour mineurs (la Petite Roquette ouverte en 1836 à Paris), pour lui la prison n’est pas la solution, il veut « ramener les jeunes délinquants à une vie honnête » et « les rendre utiles à la société… pour arriver à réformer cette population, il faut avant tout la déplacer et l’enlever à ses habitudes locales. Le fatal penchant qui la porte à s’agglomérer dans les villes est, pour elle, une source de dépravation » ; le vicomte de Brétignières de Courreilles met à sa disposition les terres de son village tourangeau pour accomplir son projet, ce sera la colonie agricole et pénitentiaire de Mettray ; Demetz ira chercher ses premiers colons à la centrale de Fontevraud, ancienne abbaye devenue l’un des prisons les plus dures de France, il aura jusqu’à 700 colons sous le thème religion, discipline, famille (les maisons regroupant les enfants par classe d’âge seront appelées « famille »), ils travailleront 9h dans les champs et les ateliers; à la mort de Demetz en 1873 la dégradation se fera sentir en 1909 la presse  parlera du « scandale de Mettray »

 

9 mai 1839 : mort de Joseph Fiévée (1767-1839), journaliste-imprimeur (grâce à la loi du 4 août 1789 qui a libéré la presse), marié en 1790 mais son épouse es t morte en couche l’année suivant en laissant un fils, rapidement tourné vers les amours masculines, incarcéré pendant la Terreur pour ses opinions girondines, il défendit les valeurs de l’Ancien Régime dans son livre La Dot de Suzette, à nouveau emprisonné en 1800 puis rallié à Bonaparte qui en a fait un agent secret, puis l’a nommé au Conseil d’Etat puis en 1813 comme préfet ; homosexuel déclaré il s’affichait avec Théodore Leclerq, auteur des Proverbes ; à la chute de l’Empire il a transmis ses rapports à Louis VIII et le couple est reçu chez les aristocrates ultras, mais il a été révoqué durant les Cent Jours ; il a glissé vers le libéralisme et en 1818 défendu la liberté de la presse, qui lui a valu d’être emprisonné pour la 3ème fois, il a été écarté par Charles X, en 1820 il s’est rallié à Louis-Philippe mais il est mort oublié ; Sainte-Beuve fera sur lui une critique élogieuse en 1851

Années 1840 : à Paris, on ramasse tous les jours 200 enfants errants ; le taux des mineurs de 16 ans condamnés ne cessera de s’accroître de 1840 à 1855 ; ils sont enfermés dans des prisons d’hommes, sous Napoléon III de généreux philanthropes financeront la fondation de colonies pénitentiaires pour les héberger, selon des méthodes importées d’Amérique, en application de la loi du 15 août 1850

1840 : le Dr Louis-René Villermé réalise une grande enquête sur l’ « état physique et moral » des ouvriers des manufactures et dénonce le travail des enfants ; et en 1841 le travail des enfants sera encadré par la loi

1840 : M.-A. Frégier dans Des classes dangereuses de la population évoque « ces êtres épars ça et là (qui) apparaissent dans l’obscurité comme des fantômes

1840 : à  Paris, on dénombre 200 bordels

22 septembre 1840 : mort de la britannique Anne Lister (1791-1840), elle se comporte comme un garçon et a dans son école d’York des relations passionnées avec sa camarade Eliza Raine, puis à 19 ans avec Isabelle NorcLiffes, 25 ans, fille des voisins, puis de Mariana Belcombe, mais cette dernière liaison est découverte par le mari de Mariana qui met la main sur des lettres passionnées à Anne ; Anne Lister hérite en 1823 de la propriété de son oncle à Halifax et exploite les mines de charbon qui s’y trouvent ; en 1830 elle a une liaison passionnée avec sa nouvelle voisine Anne Walker et devient sa partenaire en affaires, elles voyagent en Europe, Lister meurt pendant leur voyage en Russie ; Anne Lister est célèbre pour son Journal, fait de carnets de 11 000 pages, dans lequel elle est la première à parler de ses orgasmes, elle est célèbre en France pour avoir été la première à atteindre le sommet du Vignemale (3 300m) dans les Pyrénées ; après s’être plongée dans ses carnets, en 2024 l’Irlandaise Emma Donoghus se penchera sur un épisode de son adolescence dans Une fille j’ai embrassée, parlera de la « première lesbienne moderne » et regrettera qu’Anne Lister n’ait pas obtenu la place qu’elle mérite dans l’histoire littéraire britannique

23 juillet 1842 : un instituteur de Dampierre-sous-Brou, en Eure et Loire, Roch François Ferré, 32 ans, s’est livré à des actes immoraux sur des écoliers, devant le juge il fait une apologie de l’amour grec qu’il juge faire partie de ses fonctions d’instituteur, il est condamné à 5 ans de prison ; il fait appel, 3 experts sont désignés qui concluent à l’altération de ses facultés mentales, constatant qu’ il avait été réformé du service militaire en 1836 pour « monomanie religieuse », il est acquitté

 

24 avril 1843 : à Paris il y a 468 urinoirs dont 120 bénéficiaires des services du nettoiement, ce sont les colonnes Rambuteau ;  celui des Halles deviendra un lieu de rendez-vous, la police y interviendra chaque soir de 21h à minuit

7 juin 1843 : mort du poète et romancier allemand Friedrich Hölderlin (1770-1843), précepteur à Iéna, il y a rencontré celui qui sera le compagnon et l’amour de sa vie, Isaac Sinclair, il éprouve un amour platonique pour Suzette Gontard chez qui il est précepteur à Francfort en 1795, elle lui inspire l’élégie Menon pleurant Diotime ; il publie son roman épistolaire Hypérion ou l’ermite de Grèce, inspiré par l’idéal de la Grèce antique, il se peint sous les traits du héros qui éprouve une passion pour le jeune aventurier Alabanda ; son équilibre psychologique se dégrade à partir de 1802 au point que sa mère et Sinclair le font interner à Tübingen où il continue à écrire pendant ses quelques périodes de lucidité

 

1844 : dans Les Forçats considérés sous le rapport physiologique, moral et intellectuel, le Dr H. Lauvergne indique que « Le bagne pour ces messieurs étaient comme un lazaret du vice », il note que « des petits voleurs étaient passés maître dans l’art d’organiser la prostitution entre pareils. Les rieurs les avaient baptisés cornettes » (du nom d’un vaisseau de ligne à deux pointes), et décrit la figure du passif  « étiolée, adoucie, féminine avec l’oeil humide, une barbe en duvet, une voix faible (qui) tourne à celle du castrat », leur « regard est éteint et sans virilité » ; il donne la preuve anatomique avec ce qu’il appelle l’anus infindibuliforme (en forme d’entonnoir)

2 mai 1844 : mort de l’écrivain britannique William Beckford (1760-1844), il était le fils du très fortuné lord-maire de Londres adolescent il est tombé amoureux de William Courtenay, comte d’Arvor, après des voyages dans toute l’Europe il est obligé de rentrer dans sa patrie ; en 1871 il est découvert dans une orgie au château de Fonthill chez William Courtenay, pour calmer l’opinion publique il a du se marier an 1783 avec lady Magaret Gordon ; en 1784 un magistrat, oncle de Coutenay, a porté plainte contre Beckford, son épouse qui tolérait sa liaison avec Courtenay l’a défendu publiquement, il a accepté de s’exiler en Suisse puis à la cour de Lisbonne ; il relate dans son Journal ses nombreuses aventures avec de jeunes garçons et il est l’auteur d’un conte écrit en français Vathek dont les personnages sont androgynes ; de retour à Londres en 1789 il a ramené avec lui le jeune choriste portugais, Franchi ; il est mort ruiné à l’âge de 84 ans

14 novembre 1844 : mort de Flora Tristan (1803-1844), fille d’un noble péruvien et de la petite bourgeoisie parisienne, son père meurt quand elle a 4 ans, elle est mariée très jeune avec le graveur André Chazal, échec total, elle est humiliée, battue, blessée d’un coup de pistolet par son mari, elle obtient la séparation de corps ; elle écrit Pérégrination d’une paria en 1938 et Promenades dans Londres en 1840, dans les années 1840 elle travaille dans les filatures et les imprimeries, s’investit dans le combat social et l’écriture avant de mourir de la fièvre typhoïde ; son ouvrage posthume L’Emancipation de la femme ou le testament d’une Paria est cité par Proudhon et Marx, ce qui fait d’elle une pionnière de la lutte de la classe ouvrière ; dans son Journal on découvre sa passion – apparemment chaste – pour la blanchisseuse Eléonore Blanc, un rare cas d’amour féminin qui intègre la dimension spirituelle ; elle apparait comme une  apologiste du divorce et de l’amour libre

 

1845 : Jules Barbey d’Aurevilly écrit un essai sur le dandysme, Du dandysme et de George Brummell, Brummell disait « Dans le monde, tout le temps que vous n’avez pas produit d’effet, restez ; si l’effet est produit, allez-vous-en. »

20 juillet 1845 : la police rafle près de 40 personnes dans la soirée au jardin des Tuileries ; après le meurtre de Ward, rue de Londres, la justice a été mise sur la piste d’une association de malfaiteurs qui se réunissent rue des Remparts (entre le Théâtre Français et rue Saiit-Honoré), cette affaire dite des Remparts – mêlant vol, recel, escroquerie, chantage et attentats aux moeurs -sera jugée le 12 août 1845, 24 personnes sont jugées, issues de la petite bourgeoisie, parmi eux « une maîtresse d’hôtel garni Marie Lorin, femme Féret, usant des services de jeunes prostitués mâles, travestis  » ou encore « Désirée-Angélique Noury, dites Jules, inscrite à la police », les coupables sont punis à des peines d’amende de 50  francs et à un emprisonnement allant de 3 mois à 3 ans ; en 1857 Ambroise Tardieu utilisera cette affaire pour faire un lien entre « les deux prostitutions »

 

1846 : Charles Baudelaire annonce un recueil de poème dénommé les Lesbiennes, deux ans plus tard, le nom a changé, il publie les Limbes ; en 1855 il publiera les Fleurs du mal

1846 : à Marseille, un scandale éclate lorsque à 18h un bataillon du 9ème de Ligne, officiers en tête, venant de la caserne des Présentines, se baigne sur la plage d’Arenc, dans le plus simple appareil, alors qu’un arrêté de 1832 impose « pour la décence publique qu’on se baigne en caleçon ou cent d’un voile »

 

1847 ; dans Splendeurs et misères des courtisanes d’Honoré de Balzac utilise le mot de tantes pour nommer « le troisième sexe »

 

1848 : le Manuel de pathologie et de clinique médicale du Pr Ambroise Tardieu (1818-1879) décrit, classe et détaille toutes les catégories d’homosexuels comme autant de malades et de fous ; c’est l’occasion pour l’Eglise de confier aux médecins le soin de traquer les pêcheurs désormais qualifiés de malades

1848 : création de la Voix des femmes

 

1849 : le Dr aliéniste Claude-François Michéa – fiché comme pédéraste par la préfecture de police de Paris – affirme : « L’amour grec – l’amour socratique de Voltaire – doit être considéré comme une déviation maladive de l’appétit vénérien » ; il développe la 1ère classification psychiatrique des perversions de l’instinct sexuel, il nomme l’amour grec « philopaedie » (inspirée vraisemblablement des travaux de l’allemand Moritz Meier, traduits en 1847) , il prend en compte les nouvelles maladies – les pathologies mentales –  qui apparaissent (sadisme, voyeurisme, fétichisme, nécrophilie, etc.) au côté de l’homoérotisme ; en les classant comme maladies, il soustrait les individus à l’action policière et au stigmate social, et la pitié profonde doit se substituer dans l’opinion publique au mépris et à la flétrissure ; il décrit l’amour du même sexe dans sa dimension psychique, ainsi philopaedia et tribadisme sont des penchants sexuels fait d’abord de désir et d’amour, avant d’être des actes ou du coït anal, comme le voit d’abord les discours médicaux ; il repousse ainsi le vocabulaire du libertinage et du portrait de la tante

1849 : procès retentissant du sergent François Bertrand, profanateur en série de cadavres, nommé « nécrophile » par l’aliéniste belge Guislain en 1851, faisant ainsi apparaître le concept de perversion sexuelle, dépassant la catégorie de perversion de l’instinct sexuel apparue dans les années 1820-1830 pour qualifier les « folies érotiques »

20 mai 1849 : mort de la comédienne Marie Dorval (Marie-Amélie Delaunay, 1798-1849), mariée à 16 ans au maître de ballets Allan Dorval, mort 5 ans plus tard après la naissance de leur 2ème enfant ; en 1829 elle a épousé le journaliste Jean-Toussaint Merle et commencé une brillante carrière de théâtre romantique à la Comédie-Française, avec Hugo, Dumas et Vigny dont elle est devenue la maîtresse ; en 1833 elle a eu une relation forte avec George Sand ; elle s’est engagée après dans le théâtre classique

17 juillet 1849 : l’histoire du sergent Bertrand, nécrophile, est classé par le Dr Michéa dans les « déviations de l’appétit vénérien » dans L’Union médicale qui classifie aussi la pédérastie ou philopédie, la bestialité et l’attrait pour des objets inanimés ; déjà la Psychopathia Sexualis de l’allemand Kaan en 1844 avait entrepris des classifications ; Michéa tente aussi de classer le travestisme, il reprend pour cela les travaux d’un anatomiste allemand sur l’ « utérus masculin » plus ou moins considérable

17 octobre 1849 : mort du compositeur Frédéric Chopin (1810-1849), adolescent il a déclaré son amour à Tytus Woyciechowski qui restera toujours son véritable amour : »Mon véritable amour est malheureusement impossible à déclarer : je t’aime à la folie, j’aimerais te dorloter et l’être par toi » et à Jean Matuszinski « Mon âme, mon chéri, mon Heannot bien aimé, je te baise cordialement la bouche. Aime-moi, mon bien-aimé, tends tes lèvres à ton ami. Je n’aime que toi, donne-moi ta bouche » ; Titus s’est marié et a eu 2 enfants dont l’un s’est appelé Frédéric ; en 1831 arrivé à Paris, Chopin était  l’objet du désir de bien des femmes, mais même avec George Sand ce n’était qu’amours platoniques, au grand regret de celle-ci ; en janvier 2021 un journaliste musical polonais Moritz Weber révèlera dans un documentaire pour la radio suisse SRF que Chopin a écrit des lettres d’amour à d’autres hommes, au frère de sa fiancée Antoni Wodzinska et Julian Fontana, avec lesquels il a vécu à Paris pendant plusieurs années

 

Mi XIXème : pour l’historien Alain Corbin, « Le XIXème siècle est le siècle triomphant de la virilité, identifié à la grandeur, à l’honneur, au sens du sacrifice. Une forte militarisation règne dans la société, avec notamment les campagnes napoléoniennes. La conscription est un rituel, le duel largement pratiqué. Savoir affronter la mort s’impose à l’homme. Du même coup la virilité a partie liée avec la mort. L’homme du XIXème est souvent habillé de noir. Le sexe en deuil. Mais cette incessante injonction à l’héroïsme peut se révéler un fardeau, comme l’attestent les journaux intimes, particulièrement les témoignages de ceux qui ne correspondent pas aux codes en vigueur : les pusillanimes, les impuissants, les mal bâtis, les rachitiques, les efféminés. Le catalogue des perversions sexuelles établi par les 1ers sexologues jette le trouble. Si au XVIIIème, la panne sexuelle est un sujet de plaisanterie entre amis, il devient au XIXème un destin douloureux. Les alcooliques, les syphilitiques, les tuberculeux font peur. Ils contreviennent à l’éclat de la virilité alors que des savants parlent de dégénérescence, tel Augustin Morel en 1857. »

Mi XIXème : pour l’historien Claude Langlois, l’obsession de l’Eglise est davantage la masturbation masculine que les relations homosexuelles

Mi XIXème : le temps des dandys (manières élégantes, raffinement, élégance de la mise et des manières) ; Georges Brummel (né en 1778 en Grande Bretagne, fils d’un serviteur de haut rang, éduqué à Eton) a initié ce mouvement, misant davantage sur sa mise que sur son extraction sociale, ami du prince de Galles qui dès l’âge de 33 ans organisait de fêtes pantagruéliques se terminant souvent par des orgies, Brummel qui se tenait à l’écart (le prince  a rompu avec lui en 1810), passait des heures à s’habiller, il était fort apprécié des dames de l’aristocratie pour sa distinction et sa répartie, mais ruiné par le jeu il s’est réfugié en France en 1816 où nommé consul d’Angleterre il a continué à recevoir l’aide financière de ses amis anglais ; Baudelaire et Barbey d’Aurevilly, dandys eux aussi, lui ont consacré chacun un essai ; lord Byron, mort en 1824 en Grèce après  une vie de scandales, a appliqué à Brummel pour la première fois le mot de dandy en 1813 ; le comte Alfred d’Orsay, Français qui fit carrière à Londres, a succédé à Brummel, insolent et ironique, amical et serviable, il a remporté un immense succès dans les salons londoniens  à partir de 1821, peu fortuné il a eu la chance de rencontrer lord et lady Blessington qui sont tombés amoureux de lui, il était peu attiré par les femmes, lord Blessington aussi, ils voyagent ensemble (Naples, Paris, etc.) à la recherche de la beauté et à la qualité des réceptions, installé dans une somptueuse maison à Londres d’Orsay a reçu l’écrivain Dickens, Disraeli premier ministre de la reine Victoria, Rachel, Berlioz, Liszt, Louis-Napoléon Bonaparte (évadé du fort de Ham), héritier des Blessington, marié puis divorcé de leur fille Harriet, il a perdu son procès face à elle en même temps que toute fortune, revenu en France, toujours sociable,  il a réussi à vivre de ses peintures et de ses sculptures, Napoléon III l’a nommé directeur des Beaux-Arts peu avant qu’il ne s’éteigne à 51 ans ; à Paris une courte portion du Bd des Italiens (rue Helder-rue Taitbout) est devenu le quartier des élégants (café de Paris, café Anglais, glacier Tortoni, restaurants Hardy et Riche) ; c’est là que Nestor Roqueplan, collaborateur du Figaro, homme de théâtre, brille par sa conversation, il a introduit en 1830 les bords en galon de soie sur les coutures du pantalon et l’hygiène corporelle prônée par Brummel ; et que le dandy sportif, riche et orgueilleux, lord Seymour (qui avait fait son portrait, disait-on, en Saint Sebastien transpercé de carottes…) a installé dans un hôtel particulier une salle d’armes et de boxe fréquenté par des amateurs fortunés, il a fondé le Jockey Club en 1834 (il l’a quitté 2 ans plus tard, car il était trop mondain et aristocratique à son goût) et la Société d’encouragement pour l’amélioration des races de chevaux en France (qui introduit les pur-sangs anglais dans les haras), et lancé les courses hippiques sportives ; le dandy voyou milord l’Arsouille (Roger de la Battue) a hérité de son père illégitime, pharmacien anglais, une fortune considérable, mais son mauvais goût et ses manières trop vulgaires l’ont fait repousser du cénacle des dandys, il est devenu l’animateur des fêtes du Carnaval  de 1832 à 1837, avec une folle splendeur, avec voiture à 4 chevaux et masques hurlants, travestis et grossièretés, entrainant danses populaires et encanaillement allègre de la bonne société parisienne, il s’est retiré écœuré vers le midi et vers Naples (lorsqu’il apprendra que le public croyait en lui reconnaître lord Seymour…)  ; là aussi que vivait le dandy écrivain Eugène Sue, auteur très populaire des Mystères de Paris, modèle mondain, anglomane et romantique, mais il s’est fermé la porte des salons élégants lorsqu’il s’est lancé dans la politique ; certains affichaient un esprit de dérision envers eux-mêmes comme l’écrivain Roger de Beauvoir devenu le premier à critiquer ses propres livres ; avec Balzac la dandysme devient sujet de réflexion et de création romanesque : « En se faisant dandy, un homme devient un meuble de boudoir, un mannequin extrêmement ingénieux qui peut se poser sur un cheval ou un canapé, mais un être pensant… jamais. L’homme qui ne voit que la mode dans la mode est un sot. » ce qui n’empêche pas Balzac de rédiger un traité sur l’élégance, ni d’avoir une superbe collection de cannes… il regrette de n’être ni riche, ni beau pour n’être pas lui aussi un dandy, il se projette dans ses héros, tels Rastignac ; Stendhal aussi avec Julien Sorel et Fabrice del Dongo, élégance, froideur, impertinence, ambition et absence de pitié les caractérisent ; Théolphile Gautier introduit le dandysme sensuel et extatique dans Fortunio, à la fois Brummel et Sardanapale ; Alfred de Musset introduit les notions de révolte morale et de mélancolie,  La Confession d’un enfant du siècle décrit le désespoir et le scepticisme d’une génération sans idéal après la tornade napoléonienne ; Baudelaire, poète et dandy, aspire à un autre monde : « Tout n’est qu’ordre et beauté, / Luxe, calme et volupté. », jeune il veut briller sur le Boulevard, dépensant tout son argent et s’habillant avec recherche, lançant la mode du pantalon large, mais bientôt ruiné il est mis sous tutelle par sa famille passant sa vie à quémander des subsides à sa mère et son beau-père détesté, le général Aupick, il gardera l’originalité, le masque de froideur, le culte de soi et met en place les règles de sa propre vie, la liberté du héros des temps modernes (le panache, l’héroïsme, le stoïcisme, le mépris de la vulgarité et de le bêtise, la révolte contre la société bourgeoise), il voit dans le dandysme dont il rêve un peu : « Un goût immodéré de la toilette et de l’élégance matérielle. Ces choses ne sont pour le parfait dandy qu’un symbole de supériorité aristocratique de son esprit. », il réussit à « être un grand homme » pour lui-même mais au prix de la boisson, de la drogue et des femmes – qui lui donnent la syphilis dont il mourra en 1867, à 42 ans ; Jules Barbey d’Aurevilly (1808-1889) de famille noble déchue, il terminera pauvre à 81 ans, toujours vêtu avec la plus grande élégance, à 20 ans ses vêtements excentriques le faisaient remarquer dans la rue, maquillé, cheveux teints, révolté, choisissant le rêve plutôt que le réel, dans l’excès et la violence des sentiments, admirateur de Brummel (il écrira Du dandysme et de Georges Brummel), il aime l’alcool et les femmes légères mais ne se marie pas, malgré quelques liaisons féminines passionnées, il vit dans une grande solitude et dans l’angoisse, ruiné il se tourne vers la littérature et le journalisme, la critique littéraire et artistique virulente, il est un polémiste redoutable, ultraroyaliste et ultra-catholique, il est très admiré de Daudet, les Goncourt, Huysmans et Léon Bloy (et même de Baudelaire) ; suivront les dandys de la décadence, à commencer par Robert de Montesquiou, prototype du dandy fin de race, né en 1855, consacrant sa vie aux mondanités et à la recherche de la beauté sous toutes ses formes, orgueilleux et vaniteux, brillant dans les salons du Faubourd Saint-Germain par sa conversation, son esprit féroce, sa culture, admirateur de Verlaine, devenu une épave, qu’il aide financièrement, poète précieux et tarabiscoté, il adore Gallé et Lalique, il a la passion de la décoration baroque et somptueuse de ses demeures, avec ses fêtes luxueuses au Vésinet, habillé avec la plus grande recherche, raffiné dans l’accord des couleurs entre elles jamais voyantes et des accessoires (gilet, cravate, boutonnière, cravate, pochette), entouré d’objets d’art, il cache comme Marcel Proust une homosexualité pourtant visible, le femmes du monde raffolent de lui jusqu’au moment où il finit par agacer par sa méchanceté agressive et sa susceptibilité (il est  affublé du surnom Grotesquiou), il est caricaturé dans le Chanteclerc d’Edmond Rostand, inspirant le dandy morbide des Esseintes du roman A Rebours de Huysmans, mais c’est surtout Marcel Proust qui va l’illustrer dans le scandaleux baron de Charlus, Montesquiou en sera très vexé, tombera malade et mourra en 1921 ; Oscar Wilde né à Dublin en 1854, sera perdu par son goût de la provocation et du scandale, attiré par la fiction et d’une imagination fertile, parlant du héros de Balzac, il dira : « La mort de Lucien de Rubempré est le drame de ma vie. », conteur dès le collège, inventant des histoires extraordinaires, heureux à Oxford, cultivé, touché par l’esthétisme de Ruskin, avec sa soif de s’imposer dans l’aristocratie londonienne, il séduira les femmes par sa conversation spirituelle, se promenant à Picadilly l’air évanescent, avec ses cheveux longs et sa fleur  de tournesol, mais sans fortune il écrit des essais et des romans, mais le Portrait de Dorian Gray fait scandale, ses pièces de théâtre ont du succès et lui rapportent de l’argent, il se marie avec une jeune fille ravissante qu’il veut transformer pour satisfaire son idéal de beauté, d’intelligence et de culture, mais n’y parviendra pas, après 2 grossesses successives il l’abandonne et revient à ses premières amours (d’abord les adolescents en Afrique du Nord avec Gide), il se lie avec lord Douglas, le jeune fils, inintéressant, du marquis de Queensbury, alors qu’il est au sommet de sa gloire (riche, élégant, adulé, doté d’une luxueuse maison) et s’enfonce dans la débauche, mais provoqué par Queensbury qui le déteste (sur une carte il a écrit « Oscar Wilde qui se pose en sodomite »), il engagera une procédure en diffamation, passera 2 années atroces à la prison de Reading, où il écrira Ballade de la geôle de Reading, libéré, il mourra en solitaire à Paris en 1900, il représentera le prototype du dandy ; Jean Lorrain, ennemi intime de Montesquiou et de Proust (avec lequel il se battra en duel), dandy baudelairien à l’élégance trop flamboyante, poudré, fardé, mains couvertes de bijoux et fleurs à la boutonnière, d’une insolence virulente, chroniqueur mondain, auteur de romans fustigeant une société faisandée et extravagante, il scandalise par son attrait pour les voyous et les débardeurs, d’une sensibilité morbide, il se droguera à l’éther et mourra en 1906, à 51 ans ; le comte Boni de Castellane est un dandy racé, brillant, élégant, insolent, désargenté il se marie avec une riche – et laide – héritière américaine, Anna Gould, dont il n’arrive pas à dilapider la fortune malgré son somptueux palais de marbre rose et ses fêtes d’un luxe inouï, la comtesse finira par divorcer, le laissant dans la misère ; Serge Diaghilev promènera à travers toute l’Europe, de 1908 à 1929, son allure seigneuriale et sa troupe extraordinaire de ballets russes, avec les plus grands danseurs, musiciens, décorateurs, et mécènes ; Marcel Proust sera un dandy dans sa jeunesse, avec élégance et volonté d’arriver à fréquenter les salons les plus fermés, adoré par les femmes du monde, il créera des personnages de dandy avec Swann, esthète raffiné, discret et mondain, et le baron Charlus

1850-1870 : au cours de cette période la répression policière est tellement sévère qu’il y a des moment de véritable panique, écrira F. Carlier en 1887 dans son ouvrage Les Deux prostitutions

1850-1870 : à Paris, les transformations urbaines liées à la rénovation haussmanienne permettra de fait le développement de nouveaux lieux de sociabilité homosexuelle au détriment des lieux traditionnels, développement des bars, des restaurants, des établissements de bains, augmentation des espaces verts, rénovation du mobilier urbain et des urinoirs

Années 1850 : alors que la France colonise l’Algérie, le marquis de Boissy, sénateur, fustige les moeurs arabes :  » Un effroyable débordement pédérastique semble être le seul revenant bon de la guerre d’Afrique, comme la vérole a été celui des guerres d’Italie du XVIè siècle »

1850 : mort d’Honoré de Balzac (1799-1850), discret sur son ambivalence, il écrit en 1828 une lettre crue à son ami journaliste et romancier Henri de Latouche (« venez vous faire foutre ici au plus vite ! »), à Eugène Sue de 1831 à 1833 (« J’admire votre prépuce et je suis le vôtre »), à Jules Sandeau (« Mille choses tendres et caressantes » et qu’il supplie de lui « donner un rendez-vous » en 1838) ou à Laurent Jean (il commence ses courriers par « Mon chéri » et les termine par « Je me presse sur ton gros sein ») ; le journaliste du Figaro Albéric Simon brocarde la liaison « Castor et Pollux » de M. Balzac et M. Lassailly, un autre journaliste (malveillants) Philarète Chasles parlera dans ses mémoires des « petits gitons cunnilinges » de Balzac et Théophile Gautier brocardera à plaisir « les goûts de Balzac », c’est la période où le romancier créé les héros efféminés de La Comédie humaine (ainsi que le forçat Vautrin dont il finira par dire « Vautrin est  une tante ») ; dans Louis Lambert, il évoque des souvenirs d’enfance chez les Oratoriens de Vendôme de 1807 à 1813 et l’amitié particulière qui le lie un un jeune garçon de caractère féminin (« Louis, vaporeux autant qu’une femme, m’inspira une passion… ») ; dans La Maison Nucingen il met en scène la passion de Lord Godefroid de Beauregard pour le groom Eddy (« Les cheveux blonds comme ceux d’une vierge de Rubens… ») ; dans Le Père Goriot Vautrin drague littéralement Rastignac, dans Les Illusions perdues il sauve Lucien de Rubempré qui l’envoûte par sa beauté; dans Splendeurs et misères des courtisanes le faux abbé entretient Lucien comme une maîtresse ; juste avant de mourir il a fini par épouser une de ses admiratrices, Mme Hanska, à qui il a écrit : « J’ai longtemps rêvé de posséder une double nature masculine et féminine »

1850 : à Paris, il y a 34 000 prostitués, beaucoup plus qu’à Londres (24 000), alors qu’à Paris la population est de 50% inférieure ; la sexualité sera source d’anxiété pour le Second Empire, la prophylaxie contre la syphilis se fait en parallèle de la lutte contre l’onanisme, les campagnes pour l’ordre moral en même temps que la persécution des pédérastes

Juillet 1850 : place de la Bastille un cordonnier est arrêté, il joue à la main chaude (avec la main par derrière pour deviner qui l’a touchée) outrage la pudeur publique

Novembre 1850 : un Anglais de 37  ans est interpellé dans un terrain vague en haut de la rue de Clichy

 

1851 : le recensement indique que 46% des femmes seules ont plus de 50 ans, 12% célibataires, 34% veuves ;  80% des institutrices seront célibataires en 1855 et encore 61% en 1911

1851 : en Allemagne, un article du Code pénal prussien est adopté qui criminalise les « actes contre nature entre des personnes de sexe masculin » ( ainsi la condamnation en 1721 de Catharina Marghareta Linck a été la dernière en Europe pour rapport sexuel lesbien) ; cet article deviendra en 1871 le Paragraphe 175 du Code pénal allemand

 

1852-1853 : la préfecture de police de Paris établit un registre nominatif des homosexuels recensés par la police, avec articles biographiques, vocabulaire cru et argotique, délits exacts et signalements policiers, (il sera dénommé par le collectif qui rassemblera ces données Le registre infamant)

1852-1870 : au cours du Second-Empire la chanson de variété se développe grâce aux cafés-concerts, de vastes salles conçues comme des théâtres précurseurs des music-halls ; apparaîtront aussi les cabarets, salles de dimension plus modeste, avec tarifs d’entrée où se produisent les artistes en proximité des spectateurs et les théâtres d’opérette qui visent le public bourgeois, les uns et les autres témoignent peu à peu de la visibilité des minorités sexuelles

1852 : en Allemagne, le Dr Johann Ludwig Casper considère que l’homosexualité est innée et non acquise

1852 : en Autriche, la fornication contre nature avec les personnes de même sexe est punie en veru des articles 129 et 130 du Code pénal d’un peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 5 ans de prison

1852 : le pape Pie IX affirme que « l’union conjugale entre les chrétiens n’est légitime que dans le mariage-sacrement, hors duquel il n’y a que pur concubinage »

4 mai 1852 : mort de l’écrivain russe Nikolaï Vassilievitch Gogol (1809-1852), bigote, sa mère l’a empêché d’assumer son homosexualité, vivant à l’écart des femmes il est tombé amoureux d’hétérosexuels, l’historien Pogodine et les écrivains Akaskov et Joukouski, dans ses écrits les thèmes du refus du mariage et la peur de la femme sont récurrents (Tarass Boulba, Le Journal d’un fou, le Manteau de 1835 à 1842) ; ses goûts lui faisant craindre la damnation éternelle, il est devenu mystique en allant à Rome puis en Palestine, rencontrant Tolstoï à Saint-Petersbourg il a confessé ses goûts au père orthodoxe fanatique Mathieu Konstantinovsky qui lui a ordonné de se mortifier « en expiation de cet horrible péché », il s’est dès lors astreint à ne dormir que 2 heures par nuit, passant le reste du temps en prières, il a brûlé la seconde partie des Ames mortes (la 1ère partie datant de 1842) et poussant son jeûne à l’extrême il est mort en refusant de s’alimenter

 

1853 : dans l’Empire ottoman, le sultan Abdülmecid 1er ne doit qu’à l’intervention de la France et de la Grande Bretagne l’intégrité de son empire menacée par l’Empire Russe, c’est le début de la guerre de Crimée ; depuis le XVème siècle, les eunuques y sont l’incarnation de l’Etat, ils montent la garde et portent les plats, le plus souvent jeunes chrétiens raflés dans les Balkans, convertis et appelés à devenir hauts fonctionnaires et janissaires ; jusqu’au XVIIème siècle le sultan montant sur le trône tuait ses frères car ceux-ci pouvaient incarner une alternative, ensuite ils furent simplement enfermés dans une pièce du harem (la « prison dorée »)

 

30 mai 1854 : la loi sur l’exécution des travaux forcés tente de porter remède à l’mmoralité et aux conditions de vie atroces des bagnards

16 novembre 1854 : au Champs de Mars, un soldat est surpris enlacé à un cuisinier de 17 ans, tous deux à demi déshabillés

 

1855 : Charles Baudelaire publiera les Fleurs du mal, des « horreurs » pour certains (Le Figaro, l’Eglise et la Sûreté qui parle de « délit d’outrage à la morale publique » en vertu de la loi du 17 mai 1819), mais pas pour Victor Hugo « Vos fleurs du mal rayonnent et éblouissent comme des étoiles », ni pour Flaubert « Vous êtes résistant comme un bloc de marbre, et pénétrant comme un brouillard d’Angleterre » ; le substitut Pierre-Auguste Pinard – qui a déjà requis contre Flaubert pour Madame Bovary, le condamnera  à 300 francs d’amende, plus tard l’amende sera réduite à 50 francs (il faudra attendre 1949 pour que la Cour de cassation rende un arrêt d’annulation)

11 novembre 1855 : mort du théologien et philosophe danois Sören Kierkegaard (1813-1855), il vit cruellement le conflit qui oppose sa nature homosexuelle, sa foi en Dieu et son irréductible haine de l’Eglise, il condamne les « prêtres fonctionnaires », il est considéré comme le précurseur de la philosophie existentialiste ; en 1841 il rompt ses fiançailles avec Régine Olsen, il renonce au mariage qu’il sait condamné à l’échec ; le Journal d’un séducteur en 1843 est une étude sur le mythe de Don Juan, qui, selon lui, court après sa propre féminité ; dans le Traité du désespoir il fait souvent allusion à son « secret », laisse éclater sa mysogynie et parle à mots couverts « d’une écharde dans ma chair »

 

1856-1860 : les violeurs d’enfants bénéficient  des circonstances atténuantes dans 77% des accusations (ce taux se montait à 60% de 1833-1835), l’inféodation au garde des sceaux, l’âge des accusés, leur passé vertueux, leurs titres, l’honorabilité de la famille, la faible intelligence, l’absence de résistance des victimes, les aveux, l’expression du repentir, les désordres des facultés mentales, l’état d’ivresse au moment des faits, sont tour à tour invoqués

1856 : en Italie, où la fondatrice du couvent de Sant’Ambrogio, à Rome, Maria Agnese Firrao a été condamnée en 1816 par le Saint-Office pour « sainteté prétendue », pourtant son culte se maintiendra clandestinement, Katharina von Hohenzollern, veuve à 41 ans, pleine d’embonpoint, est prête à offrir une dot conséquente en échange de sa prise d’habit, la maîtresse des novices Maria Luisa (27 ans), mère vicaire du couvent de Sant’Ambrogio, se propose de l’accueillir, mais elles entrent en conflit lorsque la princesse découvre le contexte de confusion du religieux et du sexuel qui règne dans le couvent, entre un confesseur pratiquant le molinisme (le détournement de pénitences à des fins sexuelles) et des liaisons homosexuelles repérées

 

1857 : le Dr Ambroise Tardieu publie Etude médico-légale sur les attentats aux bonnes mœurs dans laquelle il veut « tout dire » et s’attaquer à toutes les misères physiques et orales « quelque corrompues qu’elles soient », en particulier la prostitution masculine, il répertorie de manière méticuleuse tout ce qui est censé caractériser physiquement et psychiquement les homosexuels : rectum infundibuliforme, verge en forme de pénis de chien, inconstance, duplicité, bavardage… ; les criminologues lui emboiteront le pas, poussant à un raffinement extrême l’entreprise de typologie ; la représentation de la pédérastie tendra alors à se recentrer davantage sur la pratique du coït anal ; avec les policiers F. Carlier et Macé il se lance dans une enquête sur la personnalité des pédérastes, au double sens d’éphébolphilie et d’invertis ;

 

 

1857 : à Paris, Benoît, Bivel et Letellier sont tués, le cadavre de l’usurier Bivel est découvert dans un hôtel, passage du Havre, Letellier, 44 ans, trouve la mort dans les bras de son amant, Pascal, soldat des lanciers de la garde, le meurtrier avait passé la soirée en compagnie de sa victime et de 4 autres pédérastes (un domestique, un marchand de vin, un ébéniste et au autre militaire)

29 janvier 1857 : le procureur impérial Ernest Pinard requiert la condamnation de Gustave Flaubert pour « outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs » après la publication de Madame Bovary , il est au bout du compte acquitté ; les lois du 17 mai 1819 et celle aggravante du 25 mars 1822 ont instauré une politique systématique de censure

11 mai 1857 : mort du chef de la police parisienne Eugène-François Vidocq (1775-1857), ancien bagnard ; ce sont les écrits de Balzac prenant Vidocq pour modèle de son Vautrin et traitant Vautrin de « tante » qui ont conduit à l’imaginer comme homosexuel

20 août 1857 : le procureur impérial Ernest Pinard obtient la condamnation de Baudelaire (1821-1867) pour Les Fleurs du Mal par la 6ème chambre du tribunal correctionnel de la Seine, avec l’argument suivant : « Les pièces incriminées conduisent nécessairement à l’excitation des sens par un réalisme grossier et offensant la pudeur » ; le procès a été précédé de terribles critiques le 5 et le 12 juillet 1857 dans le Figaro (pour Gustave Burdin « L’odieux y coudoie l’ignoble ; le repoussant s’y allie à l’infect… Ce livre est un hôpital,  ouvert à toutes les démences de l’esprit, à toutes les putridités du cœur. »), on parle d’atteinte à la morale religieuse et à la morale publique, plusieurs poèmes sont visés (les Bijoux, Sed non satiata, le Léthé, A celle qui est trop gaie, le Beau Navire, A une mendiante rousse, Lesbos, Femmes damnées, les Métamorphoses du vampire), Ernest Pinard argumente contre le réalisme grossier et offensant la pudeur, les passages ou expressions obscènes et immorales, les frivolités lascives, au nom des mâles efforts et de la forte discipline ; Baudelaire est condamné à 300 francs d’amende (qui sera réduite à 50 francs le 6 novembre, sur requête de l’impératrice) et ses éditeurs à 600 francs ; le 14 août 1957 Gustave Flaubert  lui a écrit : « Ceci est du nouveau : poursuivre un volume de vers ! Jusqu’à présent la magistrature laissait la poésie fort tranquille ! … Recevez mille poignées de mains les plus cordiales. » et le 30 août Victor Hugo « L’art est comme l’azur, c’est le champ infini : vous venez de le prouver. Vos Fleurs du mal rayonnent et éblouissent comme des étoiles. Continuez… Je vous serre la main, poète. » ; le 6 mai 1868, un an après la mort du poète, la justice française poursuivra l’édition du Parnasse satyrique du XIXème siècle et Les Epaves publiées à Bruxelles, qui reprenaient les poèmes incriminés ; il faudra attendre le 31 mai 1949 pour que la Cour de Cassation réhabilite Les Fleurs du Mal de Baudelaire

25 septembre 1857 : mort de Astolphe de Custine (1790-1857), il n’avait que 4 ans lorsque son père a été guillotiné pour avoir perdu la bataille de Mayence, il a été élevé par sa mère, maîtresse de Chateaubriand ; adolescent il a pris conscience de son goût des garçons, en 1811, près de Berne, il a rencontré son ami, Wilhelm Hesse, jeune professeur de mathématique, mais pressé par sa mère de se marier, il a demandé la main de Clara de Duras, lorsqu’il a rompu les fiançailles les parents de Clara ont fait courir sur lui des bruits malveillants ; la duchesse de Duras a alors écrit un roman Olivier, déguisant son homosexualité en le qualifiant d’impuissant ; et lorsqu’il a écrit son livre Aloys, Custine aussi a masqué l’homosexualité du protagoniste en parlant d’impuissance et n’a même pas signé son livre ; en 1821 encore pressé par sa mère, il a épousé Léontine de Saint-Simon Courtomer, mais il a quitté le foyer conjugal pour vivre à Paris les amours masculines, puis s’embarquant pour l’Angleterre il a rencontré en Ecosse l’ami de ses rêves, le tendre et délicat Edouard de Sainte-Barbe qui lui est resté fidèle jusqu’à la mort, allant vivre avec lui à Paris, profitant de la mort de Léontine en 1824 ; il a dragué ouvertement des militaires, mais a été pris dans un guet-apens lors d’un rendez-vous en 1824, battu à mort, retrouvé nu et inconscient, la main brisé par une pierre, afin de lui retirer sa bague en or, il est pair de France, le scandale est énorme, la société aristocratique du Faubourg Saint-Germain lui ferme les portes ; il s’exile Suisse, en Angleterre et en Ecosse, consacrant désormais son temps à l’écriture ; ses récits, ses lettres sur la Russie en 1839 en particulier,  lui ont apporté la notoriété, il est dès lors considéré comme un historien de premier ordre, et à Saint-Gratien il a reçu les grands de la littérature et des arts (Vigny, Lamartine, Balzac, Stendhal, Delacroix, Berlioz et Chopin), il osera pénétrer à nouveaux dans les salons aristocratiques (où i est traité de marquis en jupon, de Mme la marquise de Custine, et son compagnon de vice-comte ou de petite maîtresse) ; en 1835 Astolphe a été subjugué par un fringant polonais de 22 ans, Ignace Gurowski, Sainte-Barbe accepte ce ménage à trois et tous les amis célèbres viennent voir ce trio, mais, bisexuel, Ignace a séduit la comédienne Rachel ; en 1839 son livre Ethel a été un échec, il a du vendre sa propriété de Saint-Gratien, mais son livre La Russie en 1839 a été son plus grand succès, publié en 1843 ; il a institué Edouard de Sainte-Barbe son légataire universel, mais sa famille n’acceptera pas ce testament

 

1858 : Jules Barbey d’Aurevilly (1808-1889), romancier, nouvelliste, essayiste, poète, critique littéraire, journaliste, dandy et polémiste,  écrit sa dernière lettre à Guillaume-Stanislas Trébutien (1800-1870), catholique austère à la santé précaire, bibliothécaire à vie, qui fait toutes les recherches qu’il lui demande, il lui écrit depuis 1832, grâce à ses recherches il écrit Une Vieille maîtresse, l’Ensorcelée ou le Chevalier Des Touches ; ses lettres à Trébutien feront 2 500 pages

1858 : Pierre-Joseph Proudhon, théoricien du socialisme français et père de l’anarchisme, écrit dans De la justice « Y aurait-il dans cet accouplement contre-nature… une jouissance âcre… La pédérastie serait-elle un succédané de l’anthropophagie… la sodomie est le dernier degré de la dépravation humaine » ; il accuse le socialiste utopique Charles Fourrier d’avoir sanctifier les relations homosexuelles

 

1859 : en France, Jacques-Joseph Moreau de Tours étudie ce qu’il appelle la psychologie morbide de l’humanité à travers l’histoire, fondée sur la nouvelle psychiatrie des anormalités portée par la théorie de la dégénérescence de Benedict Morel ; il veut démontrer l’universalité des pathologies mentales dont la pédérastie n’est qu’un  exemple parmi d’autres, la psychiatrie permettrait ainsi de formuler un discours totalisant sur l’homme et contribuerait à l’exhaltation de la supériorité de la civilisation européenne en minorant la possibilité d’ériger en modèles psychologiques et éthiques les anciens comme les non-occidentaux ; les perversions génésiques ne sont pas considérées comme des pathologies mais comme des symptômes d’un état morbide qui s’exprime de manière protéiforme ; Jacques-Paul Moreau, aliéniste, fils du précédent, rédigera un traité des Aberrations génésiques, première synthèse française sur les perversions, dans lequel les prétendus anormaux sont dans tous les pays extra-occidentaux, incluant les grecs anciens (et leurs mœurs)

1859 : à Montpellier, le conseil municipal réfuse d’édifier une statue à Cambacérès, « il avait de sion vivant donné trop prise à la critique »

6 mai 1859 : mort du philosophe et homme d’Etat prussien le baron Friedrich von Humboldt ((1769-1859), spécialiste de la botanique italienne et autrichienne dans la 2ème partie des années 1790, il part explorer l’Amérique latine accompagné de son amant le botaniste Bompland ; il a fondé l’université de Berlin et rédigé 33 volumes des Voyages de Humboldt et Bompland, premiers ouvrages modernes d’exploration scientifique, il laissera un ouvrage posthume Cosmos ou Description physique du monde ; ministre plénipotentiaire il participe aux traités de 1815 après la chute de Napoléon ; son homosexualité apparaît dans ses lettres à Bompland et dans ses relations avec son valet Johann Seifert qui sera son héritier

 

1860-1870 : en l’espace de 10  ans la police a affaire à 3 342 pédérastes, dont 2 049 parisiens, 3 709 provinciaux et 547 étrangers ; les noms de 4 711 pédérastes figurent dans les enquêtes, 427 arrêtés à la suite d’enquêtes pour être livrés aux tribunaux (196 parisiens, 217 provinciaux et 14 étrangers), 581 expulsés de Paris pour deux ans (loi du 9 juillet 1852) provinciaux établis à Paris sans moyens d’existence, 271 étrangers expulsés (loi du 3 décembre 1849), 3 432 pour lesquels aucune mesure coercitive n’a pu être prise (1 441 parisiens, 1 968 provinciaux, 23 étrangers établis depuis longtemps en France) ; 1 631 pédérasres pris en flagrant délit (412 parisiens, 943 provinciaux et 276 étrangers) ; Havelock Ellis reconse plus de 6 000 homosexuels fichés par la police parisienne entre 1860 et 1870

1860 : Herculine Barbin (1838-1868), hermaphrodite, fait l’objet d’un véritable feuilleton médical, née fille, tombé amoureuse de l’une de ses condisciples chez les Ursulines, il est reconnu comme « pseudo hermaphrodite masculin » par le Dr Chesnet ; Michel Foucault s’attardera sur son cas un siècle plus tard, stigmatisant une véritable chasse aux intersexes au nom de la nécessité d’attribuer un « vrai » sexe

1860 : en Grande Bretagne, adoption de l’article 377 du Code Pénal qui punit les « relations charnelles contre l’ordre de la nature avec un homme, une femme ou un animal » ; la peine de mort pour les sodomites est abolie, mais en cas de prostitution juvénile il y a condamnation aux travaux forcés de 10 ans à perpétuité

26 janvier 1860 : mort de la cantatrice allemande Wilhelmine Schröder-Devrient (1804-1860), elle a rencontré Beethoven et Goethe ; auteure présumée de Mémoires d’une chanteuse allemande qui paraît en 1862, ouvrage érotique, lettres et conte, de l’adolescence à la maturité, la vie débridée de l’héroïne enchaine les scènes avec des partenaires des deux sexes

 

1861 : parution du livre Glossaire érotique de la langue française depuis son origine jusqu’à nos jours, contenant de tous les mots consacrés à l’amour de Louis de Landes (le pseudonyme d’un historien belge) qui sera condamné à la destruction par jugement du tribunal correctionnel de la Seine en mai 1865

1861 : en Grande Bretagne, l’article 11 de la loi punit l’outrage à la pudeur entre hommes (gross indecency, et non plus sodomy) de 2 ans de prison (peine qui sera appliquée à Oscar Wilde) ; dans les faits les classes supérieures ne seront guère inquiétées

 

1862-1900 : en Chine, les deux castrateurs officiels détiennent le monopole de la délivrance des certicificats de castration (ce sont Bi le Cinquième et Liu-la-Fine-Lame), fonctionnaires du 7ème grade, ils sont tenus de fournir 40 nouvels eunuques à chaque saison, soit 320 jeunes garçons par an à eux deux

 

1862 : dans son Traité de médecine légale J.-L. Casper conte l’histoire d’un comte allemand Cayrus qui depuis 26 ans couche avec des mâles deux ou trois fois pas semaine et raconte cela dans son journal, condamné celui-ci mourra au cours de sa détention

1862 : en Allemagne, Karl Ulrichs (1825-1895), magistrat de Hanovre, qui érige la culture antique en modèle, propose d’appeler les pervers, les uranistes (Urning par allusion à la Vénus Ourania des Grecs), présumant la présence d’une âme féminine dans un corps masculin ; ce concept d’uraniste est issu de la psychiatrisation des 1ères revendications homosexuelles publiques en Allemagne ; Ulrichs est militant pour la dépénalisation de la sodomie, aussi produit-il cette nouvelle catégorie identitaire qui lui permet de s’opposer à la judiciarisation, à la stigmatisation sociale et à la pathologisation des amours masculines, ainsi les hommes aimant les hommes forment un genre naturel, un 3ème sexe, car ils possèdent une âme de femme dans un corps d’homme ; on s’éloigne désormais de la référence à l’amour grec et de la médecine de la pédérastie au profit d’une psychopathologie de l’inversion sexuelle ; Ulrich propose une théorie de la sexualité humaine qui apparaîtra comme la 1ère explication de l’homosexualité qu’il appelle l’uranisme, elle est pour lui un phénomène naturel et inné ; quelques années plus tard le psychiatre berlinois Westphal avancera le concept d’inversion sexuelle (de sens sexuel contraire), ainsi la philopaedie de l’uraniste est innée tandis que le coït anal du pédéraste est acquis ; le pré-sexologue Richard von Krafft-Ebing affirmera même que les véritables invertis sont dégoûtés du coït anal et l’amour grec sera peu à peu identifié comme homosexualité grecque

1862 : à Saint-Petersbourg, Otto von Bismarck, haut fonctionnaire, futur chancelier du Reich allemand, obtient la libération de Marie Haase, jeune juive, employée dans une maison de passe en Russie

1862 : parution de La Sorcière de Jules Michelet (1798-1874), il rompt avec l’image maléfique de la sorcière, désormais elle est une mère de famille bien-aimée et se pare d’atouts glamour pour lutter contre le mal, aux antipodes des représentations des XVIème et XVIIème siècles, elle est ici femme rebelle par sa soif de liberté et romantique par sa destinée tragique

1862 : en Allemagne, un des pionniers de la social-démocratie de la région de Franfort, Johann-Baptist von Schweitzer (1833-1875) est arrêté, deux témoins l’accusent d’avoir incité un garçon de 14 ans à un « acte indécent », il est une des figures marquantes de l’ADAV (association générale des travailleurs allemands) dirigée par Ferdinand Lassalle, il est condamné à é semaines de prison pour atteinte aux bonnes moeurs ;  Lassalle le défend considérant que « l’anormalité qui lui est attribuée n’a rien à voir acvec son comportement politique », après la mort subite de Lassalle en 1864, Schweitzer prendra la présidence de l’organisation, élu député en 1867 il sera l’un des premiers députés se réclamant du socialisme en Europe ; Karl Marx qui reconnait son intelligence et son énergie, ne supporte pas qu’il ait fait l’éloge de Bismarck dans son journal  en février 1865 et le prie de choisir « entre la secte et la classe »

 

13 mars 1863 : vote de la loi sur l’interdiction des relations sexuelles avec un mineur de moins de 13 ans (depuis 1832 les relations sexuelles avec un mineur de 11 à 13 ans était légalement possible, il faudra attendre 1945 pour rehausse ce seuil à 15 ans), cet âge de 13 ans concerne les relations non-consenties, les relations non-consenties pour un mineur de moins de 15 ans est punie plus sévèrement ; et l’article 330 du code pénal porte la peine d’outrage public à la pudeur de 1 à 2 ans de prison ; l’inceste est visé avec les articles 331, 333, 334 et 335, à un moment où le phénomène est grave, il n’était pas réprimé en tant que tel mais simplement une circonstance aggravante de l’attentat à la pudeur ou du viol d’un mineur de moins de 21 ans

 

1864-1879 : à La Réunion, la colonie pénitentiaire de l’ilet à Guillaume accueille 3 000 à 4 000 mineurs incarcérés et jusqu’à 240 en même temps, sur les hauteurs de Saint-Denis, à 2 h et demi du village de Saint-Bernard ; le pénitencier  de 5 ha, fondé par les missionnaires (spiritains) de la congrégation du Saint-Esprit et du Saint-Cœur de Marie, sur le modèle de celui construit à Saint-Ilan en Bretagne, a forcé les enfants à de nombreux travaux (chemin carrossable en bord de falaise, captage et canalisations d’eau, murs de soutènement en pierre sèche, plantations de quinquina, vanille, café, agrumes, fruits et légumes), il y a eu des morts et des blessés ; plus de 90% de ces mineurs étaient des descendants d’esclaves africains et affranchis, les autres des enfants d’engagés indiens et quelques uns des enfants de « petits blancs », ils étaient condamnés en particulier pour vol de poulets ou lapins, pour rébellion au travail dans des ateliers privés ou publics, pour vagabondage, etc. ; à proximité, la léproserie de Saint-Bernard est également dirigée par des spiritains ; d’autres maisons de correction ont vu le jour en métropole et dans les colonies à partir de 1830, avec l’objectif de la régénération morale et la rédemption par le travail de la terre et la prière ; la IIIème République souhaitera mettre fin à l’emprise des religieux sur ces établissements, sauf pour les filles, et de façon spécifique à La Réunion, les colons souhaiteront le départ des spiritains qui s’occupent de l’éducation des populations les plus en difficulté

1864 : en Allemagne, Karl-Heinrich Ulrichs, né en 1825 à Hanovre, ancien magistrat suppléant, découvre son attirance pour les hommes à l’université, en 1862 il a essayé de défendre J-B von Schweitzer lorsque celui-ci passait en procès pour « atteinte aux bonnes moeurs », il publie sous pseudonyme Recherche sur l’énigme de l’amour entre hommes, il parle des uranistes ;  en 1867 il prendra la parole lors d’un congrès de juristes pour dénoncer la loi anti-sodomie en vigueur dans plusieurs Etats allemends, il devra quitter la tribune sous les huées ; en 1870 un éditeur allemand publie la revue Uranus qui n’aure qu’un seul numéro ; en 1871 l’unification allemande instaurera la loi anti-sodomie ; Ulrichs il s’exilera en Italie près d’Aquila dans les Abruzzes où il éditera une revue en latin, il mourra oublié de tous en 1895

1864 : le critique d’art et journaliste Jules-Antoine Castagnary dénonce dans Le Progrès de Lyon l’extension du vice homosexuel « dans plusieurs corps de troupes » ; sous la IIIè République la critique antimilitariste s’attaquera aux bataillons pédérastes

 

1865 : à Versailles, un frère des Ecoles chrétiennes est accusé d’attentats à la pudeur sur 87 enfants, provoquant la colère et le désarroi des parents, certains parents proposent de « brûler et saccager la maison des Frères »

1865 : en Autriche, le professeur Tewes, de Graz, plaide en faveur de l’abrogation des lois qui dans certains Etats allemands, punissent les actes « contre nature » commis entre hommes ; mais le congrès de Munich en 1867 se gardera de mettere cette question brulante à l’ordre du jour

15 avril 1865 : aux USA, assassinat d’Abraham Lincoln (1809-1865) ; son biographe Carl Sandburg évoquera dans les années 1920 ses « effluves de lavande et ses tendresses particulières », avant d’épouser Mary Todd, il a partagé son petit lit avec son mai Joshua Speed pendant 4 ans ce qui était considéré comme un détail pittoresque

11 septembre 1865 : mort du général Louis Juchault de Lamoricière (1806-1865), conquérant de l’Algérie, « En Afrique, nouis en étions tous » disait-il ; après le coup d’Etat du 3 décembre 1851, il a été exilé par Napoléon III, il est devenu général en chef des troupes du Vatican en 1860

 

1866 : mort du marquis de Boissy (1798-1866) dans ses Mémoires il accuse les musulmans des territoires conquis en Algérie d’avoir initié les troupes à la pédérastie

1866 : en Allemagne, parution à Stuttgart du livre Psychopathia sexualis. Etude médico-légale à l’usage des médecins et des juristes de Richard von Krafft-Ebing, pour lui lorsque le membre viril est utilisé pour un autre usage que la pénétration dans le vagin, « il existe un autre instinct qui ne s’harmonise pas avec la conformation anatomique des parties génitales », dès lors le cas est non seulement « anormal », il est « pathologique » ; ce livre deviendra quasi-mythique, Freud s’appuiera sur ses écrits pour ses Trois essais sur la théorie de la sexualité et Carl Gustav Jung y trouvera sa voie, le livre sera traduit en France en 1895 (et réédité, révisé et enrichi, en 1931, 1950 et 1969), de 1866 à 1902, année de sa mort, Krafft-Ebing passera de 45 observations cliniques à 238 ; Kraft-Ebing mène des recherches sur l’hypnotisme, l’épilepsie, la migraine, les psychoses menstruelles, la folie hystérique ou la paralysie progrssive qu’il lie à l’infection syphilitique, il classe les désordres psychiatriques, il invente les termes sadisme, masochisme, hermaphroditisme psychique ou sexologie, il veut que l’inversion sexuelle cesse d’être d’apparaître comme un tabou social, envisagé uniquement sous l’angle de la répression et de la sanction pénale ; il y a pour lui 4 grandes classes d’ « anomalies de l’instinct sexuel » l’anesthésie (absence de désir sexuel), l’hyperesthésie (accentuation anormale de cet instinct, rappelant les notions de nymphomanie et de satyriasis), la paradoxie (manifestation de l’instinct hors du processus sexuel, chez l’enfant et le vieillard) ou la perversion (hors de l’objectif de conservation de l’espèce) ; son livre se mue en une inépuisable archive du sexe que tous fouillent et consultent pour dénicher sous les perversions le plaisir et le plaisir sous les perversions ; Michel Foucault reviendra sur cet ouvrage dans La Volonté de savoir

24 novembre 1866 : mort du dessinateur aquarelliste Paul Gavarni (Sulpice-Guillaume Chevalier 1804-1866), il a illustré plusieurs romans de Balzac, son mariage en 1844  a été un échec, son homosexualité était connu du monde artistique ; il est allé vivre en Angleterre, s’installant dans le quartier sordide de Whitechapel pour vivre plus librement avec de jeunes voyous

 

1867 : à Juilly, en Seine et Marne, les Oratoriens reprennent en gestion le collège fondé en 1638 dans les locaux d’une ancienne abbaye, qui a formé d’illustres élèves (depuis Montesquieu) ; leur éducation est rigoureuse, tout élève en dortoir doit mettre sa longue chemise de nuit avant d’enlever son pantalon afin d’éviter toute tentation

29 août 1867 : en Allemagne, Karl Heinrich Ulrichs (1825-1895) mentionne pour la 1ère fois l’idée de l’ouverture du mariage à des personnes de même sexe, lors du 6ème congrès des juristes allemands ; c’est l’une des revendications qu’il récapitule dans son ouvrage L’Enigme de l’amour entre hommes (il parle alors des uranistes), il propose de diviser l’humanité en 3 sexes, hommes, femmes et uraniens, le 3ème sexe est un phénomène d’origine naturelle, il préconise la lutte contre les discriminations et l’égalité des droits

 

1868 : la romancière socialiste André Léo crée la Ligue pour les droits des femmes ; en 1869 Maria Deraisme et Léon Richer fonderont  le journal Le Droit des femmes qui deviendra en 1871 L’Avenir des femmes

1868 : en Allemagne, naissance de Magnus Hirschfeld à Kolberg, station balnéaire de Prusse orientale (en Pologne aujourd’hui) ; ses parents sont laïques, issus de familles juives installées dans la région depuis des générations

1868 : en Autriche, l’écrivain hongrois Karl-Maria Kertbeny écrit une lettre au ministre prussien de la justice pour demander la dépénalisation de l’homosexualité qui relève de la médecine et non de la justice, pour la 1ère fois les mots « homosexuel » et « hétérosexuel » sont employés ; il a fait aussi un courrier à Ulrichs le 6 mai 1868 qui contenait pour la première fois  le mot homosexualité ; dès lors les psychiatres mêleront les termes inversion sexuelle et homosexualité ou au contraire vont chercher à les différencier ; en Allemagne Karl Heinrich Ulrichs « invente » l’idée du coming out comme moyen d’émancipation ; c’est plutôt le discours du psychiatre allemand Richard von Krafft-Ebing qui est entendu dans la société, qui parle de « tare névro-psychopathologique« , une dégénérescence qui doit être absolument guérie par la médecine ou sinon éradiquée par la société, ainsi la peine de mort sera remplacée par les expériences médicales ou l’enfermement ; en Angleterre le Dr Henry Haveloch Ellis considère que la médecine ne peut guérir les homosexuels mais peut les aider à mieux vivre leur abstinence, son livre sera saisi et détruit par le procureur de Londres pour obscénité

1868 : au Japon, sous l’influence du puritanisme occidental, l’empereur Meiji édicte une ordonnance publique bannissant la pornographie, elle sera suivie en 1888 d’une directive interdisant toute illustration de la nudité ; du jour au lendemain les shu ga disparaissent de la circulation, depuis le XVIème siècle les estampes shunga sont des mages sexuellement explicites de couples copulant, exagérant les parties génitales et l’expression physiologique du désir

Février 1868 : décès d’Alexandra-Abel Barbin (1838-1868) née Adélaïde, hermaphrodite à Saint-Jean d’Angely, en Charente-Maritime, déclarée comme fille par ses parents, institutrice en 1858 elle passe la nuit avec une  de ses élèves du pensionnat de la Rochelle puis elle court se confesser à l’évêque de Saintes, elle est aussitôt déclarée homme par l’état-civil, se coupant ainsi de sa part féminine, ce qui la plonge dans un profond désarroi huit ans plus tard elle se suicide – par asphyxie au charbon de bois –  dans un garni du Quartier-Latin ; le Dr Auhuste-Ambroise Tardieu publiera en 1872 le témoignage tronqué d’Abel Barbin pour alerter ses collègues et les pouvoirs publics sur les « erreurs de sexe » commises à la naissance ; Michel Foucault fera une préface du livre  de Judith Butler dans Trouble dans le genre en 1978

 

1869 : le dévoilement de la sculpture La Danse de Jean-Baptiste Carpeaux (1827-1875) provoque une polémique pour son obscénité, une bouteille d’encre noire est lancée contre elle ; en 1872 la fontaine de l’Observatoire qui recevra cette sculpture provoquera le même drame, la critique y voit « 4 femmes déshabillées, dégingandées, qui se démènent, d’un ahuri et furieux »

1869 : parution de Les Chants de Maldoror d’Isidore  Ducasse, comte de Lautréamont (1846-1870), dans son Chant Cinquième, il écrit : »O pédérastres incompréhensibles, ce n’est pas moi qui lancerai des injures à votre dépravation ; ce n’est pas moi qui viendrai jeter le mépris sur votre anus infundibuliforme… Législateurs d’institutions stupides, inventeurs d’une morale étroite, éloignez-vous de moi »  »

1869 : en Hongrie, l’écrivain-journaliste Karoly Maria Benkert, dit Kertbeny, (1870-1918),  emploie pour la 1ère fois le terme homosexuel dans un mémoire anonyme réclamant l’abolition  des lois pénales sur des « actes contre nature », adressé au Dr Leonhardt ministre de la Justice de Prusse, pays régit par une loi  anti-homosexuelle qui deviendra le paragraphe 175 lors de l’instauration de l’Empire un an plus tard

22 juin 1869 : Friedrich Engels (1820-1895) écrit à Karl Marx (1818-1883) une lettre à propos du juriste et homosexuel Karl Heinrich Ulrichs : »Il n’y a qu’en Allemagne qu’un type ce ce genre puisse monter sur scène, ériger en théorie cette saloperie… Malheureusement, il n’a pas encore le courage de dire qu’il en est et se voit obligé d’opérer par devant, même s’il ne le fait pas en entrant par devant, comme il le dit une fois par erreur » ; Engels parle de secte homosexuelle, cette franc-maçonnerie honteuse

 

1870-1918 : 298  arrestations d’homosexuels à Paris seront relevés par l’historien Régis Revenin, les rafles sont nombreuses dans les années 1870 (au Palais-Royal, aux Champs Elysées, aux urinoirs de la Bourse, dans les galeries et passages fréquentés), les arrestations deviennent plus rares à la Belle Epoque, la brigade des moeurs chargée spécifiquement des homosexuels disparaît au cours des années 1880, certains lieux commerciaux seront encore touchés (les Bains de Penthièvre en 1891 puis des établissements de Montmartre au début su XXè siècle)

1870 : mort du peintre Frédéric Bazille (1841-1870), proche de Monet, Renoir et Sisley, faisant scandale avec son Salon et son Pêcheur à l’épervier, il a rajouté des caleçons aux baigneurs de Scène d’été en 1870 ; il a entretenu une correspondance volumineuse avec un ami intime, sans que la dimension amoureuse en soit évidente, jusqu’en 1870 année où il s’engage dans l’armée et meurt au combat

1870 : à Paris, il y a 145 bordels soit moins que les 200 de 1840 mais les maisons clandestines se sont multipliées

1870 : en Angleterre, Joséphine Butler lance une offensive contre les maisons closes qui encouragent le « vice sexuel »

1870 : l’évêque de Manchester attribue la défaîte française à la justice de Dieu, à Sodome et Gomorrhe sur les bords de la Seine

1870 : en Allemagne, le psychiatre Carl Friedrich Otto Westphal écrit l’Inversion congénitale du sentiment sexuel avec conscience morbide du phénomène, il affirme que ces sujets sont des malades mentaux

16 avril 1870 : Marie Deraimes et Léon Richier fondent l’association pour le droit des femmes, présidée par Victor Hugo

20 juin 1870 : mort de Jules Huot de Goncourt (1830-1870), écrivain avec son frère Edmond, très aimé, qui créera l’Académie Goncourt (voir ci-après au 16 juillet 1896, date du décès d’Edmond, leur notice)

24 novembre 1870 : mort du poète Lautréamont (Isidore Ducasse, comte de Lautréamont, 1846-1870), fils de consul, né à Montevidéo, il fait ses études à Tarbes et tombe amoureux de Georges Dazet, un garçon de 5 ans son cadet qui deviendra député socialiste ; ses passions cachées sont symbolisées par des animaux dans Les Chants de Maldoror, il vient s’installer à Paris pour ses études mais en fait mène une vie oisive dans les nouveaux quartiers (Vivienne, Bourse, Grands Boulevards), il a des aventures avec de nombreux jeunes gens, Holger, Lohengrin, Reginald, Mario, Leman ou encore Falmer et l’américain Mervyn, « Ces êtres à la nature d’ange que ma plume a tiré de mon cerveau… Il me suffit que j’ai gardé votre souvenir », autant d’amours sauvages qu’il transpose de façon fabuleuse ; il meurt à 24 ans de façon mystérieuse dans un hôtel du Faubourg-Montmartre, alors que Paris est assiégé ; il laisse un livre qui dénigre la femme et glorifie le coït anal

 

1871 : en Italie, mort de la princesse Belgioso, marquise Christina Trivulzio (1808-1871), mariée à 16 ans au prince Emilo Barbiano di Belgioso, Christina est l’une des femmes les plus riches d’Italie, elle participe au Risorgimento, organisant et finançant la révolte milanaise contre les Autrichiens ; réfugiée à Paris après cet échec, elle fréquente hommes politiques et lesbiennes, elle publie des articles décrivant les combats des révolutionnaires et en faveur de l’unité italienne

1871 : le jeune médecin Ferdinand-Valère Fanneau de la Cour invente le mot féminisme dans sa thèse Du féminisme et de l’infantilisme chez les tuberculeux, le féminisme est pour lui une pathologie qui affecte les hommes tuberculeux comme un symptôme secondaire (cheveux et sourcils fins, cils longs et fins, peau blanche, fine et souple, panicule adipeux sous-cutané très développé, mollesse de ses contours, articulations et muscles donnant une souplesse ondulante et gracieuse propre à la femme, la production de la barbe fait défaut, organes génitaux très petits) ; Alexandre Dumas reprendra cette notion de féminisme pour qualifier les hommes solidaire de la cause des citoyennes

1871 : Arthur Rimbaud, né le 20 octobre 1854, fils du capitaine d’infanterie Frédéric Rimbaud et de Vitalie Cuif, compose Le Bateau ivre, il écrit à Paul Verlaine et le rejoint à Paris ; il écrit cette année là le Sonnet du trou du cul « Obscur et froncé comme un œillet violet / Il respire, humblement tapi parmi la mousse / Humide encor d’amour, qui suit la pente douce / Des fesses blanches jusqu’au bord de son ourlet », Nos fesses ne sont pas les leurs « Nos fesses ne sont pas les leurs. Souvent, j’ai vu / Des gens déboutonnés derrière quelque haie, / Et dans ces bains sans gêne où l’enfance s’égaie, / J’observais le plan et l’effet de notre cul. », Le cœur supplicié (ou Le cœur volé) écrit à Paris, après le passage des Allemands dans la capitale : « Mon triste cœur bave à la poupe,/ Mon cœur couvert de caporal:/ Ils y lancent des jets de soupe, / Mon triste cœur bave à la poupe:/ Sous les quolibets de la troupe / Qui pousse un rire général, / Mon triste cœur bave à la poupe,/ Mon cœur couvert de caporal ! », il écrira l’année suivante Jeune goinfre « Casquette/ De moire,/ Quéquette/ D’ivoire »

1871 : en Grande-Bretagne, Thomas Boulton et Frederick Park inculpés pour s’être habillés en femmes sont acquités parce qu’ils ne répondent pas à l’idée couramment admise assimilant désir homosexuel et prostitution (il faut être pauvre pour se prostituer, donc ils n se prostituent pas, donc ils ne sont pas en état de gross indecency) (et Wilde sera accusé de franchir les frontières de classe en traitant les hommes du peuple comme s’ils étaient des égaux)

Septembre 1871-juillet 1873 : la relation Verlaine (1844-1896)-Rimbaud (1854-1891) passe de son apogée, avec leur lune de miel en 1872, à son effondrement

 

1872 : en Allemagne, le nouvel Empire Germanique – y compris pour l’Autriche-Hongrie – impose dans son code pénal le paragraphe 175, un article du code prussien de 1851 qui criminalise les « actes contre nature entre des personnes de sexe masculin » et les punit de 5 ans de prison, en fait le rapport anal, le mot sodomie ayant été remplacé par « qui attente la pudeur des garçons », l’homosexualité féminine n’est dès lors plus concernée ; depuis le début du XIXème siècle en Prusse et en Autriche-Hongrie la peine de mort pour sodomie était progressivement supprimée et commuée en  travaux forcés, tandis que la Bavière, le Wurtemberg et Hanovre par exemple, avaient supprimé toute répression envers les homosexuels ; ce retour à la répression  poussera au suicide le roi Louis II de Bavière après son internement pour folie ; l’avocat Karl Heinrich Ulrichs (1825-1895) déclenche en même temps la 1ère « campagne de défense des droits des homosexuels » à travers une série de brochures publiées à partir de 1864 ; c’est aussi dans cette période qu’en Autriche-Hongrie le journaliste hongrois Karoly Maria Kertbeny invente le terme d' »homosexuel » dans une campagne pour la dépénalisation

21 janvier 1872 : mort du poète et auteur dramatique autrichien Franz Grillparzer (1791-1872), objet de démélés avec la censure de Metternich, il produit une œuvre fade et édulcorée s’abritant derière le couple mythologique Héro et Léandre dans Les vagues de la mer et de l’amour, puis il est boudé par le public lorsqu’il crée Malheur aux menteurs en 1838, son livret de Mélusine sera mis en musique par Kreutzer ; il parle de son homosexualité dans son Journal et dans sa Correspondance publiés en 1903, Georges Altmutter est le garçon qui a le plus compté dans sa vie

21 novembre 1872 : Alfred, dit la Saqui, est condamné à 2 ans de prison et 200 francs d’amende pour avoir racolé trop ouvertement des hommes ; l’arrêt fera jurisprudence

 

1873-1879 : à Paris, la prefecture de police dans son registre BB6 « pédérastes et divers » contient presque 1 000 homosexuels fichés

1873 : la IIIème République met en place une « sous-brigade des pédérastes » dirigée par l’agent Rabasse (c’est l’ancêtre du Groupe de contrôle des homosexuels qui fonctionnera  jusque dans les années 1970 à Paris)

1873 : Auguste Dumarche est condamné à 2 ans de prison, 5 ans de surveillance, 5 ans de privation des droits civils et 500 francs d’amende pour « outrage aux bonnes moeurs et détournement de jeunes garçons », deux jeunes homosexuels – Felix Taupin 15ans et Louis-Joseph Barthélémy-Morel 16 ans – surpris en flagrant délit d’outrage aux bonnes moeurs, l’avaient dénoncés et ont bénéficié ainsi d’une ordonnance de non-lieu

Juillet-août 1873 : Arthur Rimbaud vit le Drame de Bruxelles, Verlaine quitte Rimbaud, résolu à retourner chez sa femme, Rimbaud le rejoint tout de même à son hôtel après l’avoir supplié : « Reviens reviens cher ami, seul ami, je jure que je serai bon » ; le 10 juillet 1873 à Bruxelles, ivre Verlaine tire sur son amant, le blessant au poignet, Verlaine en larmes lui demande de lui tirer dans la tempe, ils se rendent à l’hôpital Saint-Jean, Rimbaud maintient son désir de partir à Paris ou à Charleville, arrivés place de Rouppe, Verlaine saisit son revolver, Rimbaud fait appel à la police qui invite Verlaine à le suivre au bureau de police, « si ce dernier m’avait laissé partir librement je n’aurais pas porté plainte à sa charge pour la blessure qu’il m’a faite » dira Rimbaud  ; Verlaine est jugé le 8 août, le juge n’arrive pas à prouver l’intention criminelle de Verlaine, il se contente de « blessures graves sur la personne dudit Rimbaud ayant entrainé une incapacité de travail », de relations immorales (après examen « corporel ») et de mauvaises fréquentations (de communards comme Jules Andrieu, Delescluze, Eugène Vermersch et Louise Michel), et le condamne à 2 ans de prison et 200 francs d’amende ; le 25 octobre 1873, il est incarcéré à la prison de Mons, en Belgique, non pas pour son coup de revolver (Rimbaud a abandonné toute poursuite) mais pour son passé communard et surtout son homosexualité (le juge a découvert une vieille lettre de Verlaine dans le portefeuille de Rimbaud « Ecris vite…je suis ta vieille  chatte toujours ouverte »), il y subit une expertise médicale humiliante et brutale ; au cours des quelques semaines qu’il a passé à la prison des Petits-Carmes, avant celle de Mons, Verlaine a composé La Chanson de Gaspard Hauser et Crimen amoris ; rentré dans les Ardennes, Rimbaud écrit et publie Une saison en enfer à l’intention de Verlaine ; à Mons, Verlaine écrit Sagesse, Jadis et Naguère, et Parallèlement, très attiré par une image du Sacré-Cœur , il vit des tourments entre Jésus et sa « folle indignité » ; à 45 ans, en 1889, Verlaine écrira Laeti et Errabundi, l’un des grands textes littéraires sur l’homosexualité ; Rimbaud dans Une saison en enfer relate ce drame, il en fait une fiction vitale pour lui, en parler trop visiblement serait dangereux « Mon sort dépend de ce livre » écrira-t-il, dans laquelle s’affronte « la Vierge folle » et « l’Epoux infernal« , l’écrivain Yannick Haenel verra dans de livre « le plus halluciné, le plus insolent, le plus infernal des livres… ce texte ardent relève de la magie, ainsi demeure-t-il pour une part indéchiffrablke, ouvert à des simultanéités de sens qui en décuplent la féerie »

1874 : parution des Diaboliques de Jules Barbey d’Aurevilly (1808-1889), la dernière des six diaboliques conte l’histoire d’un dandy flâneur et libertin, Robert de Tressignies, qui rencontre sur un boulevard parisien une femme d’une « souveraine beauté », duchesse dont le mari est un grand d’Espagne, qu’il prend pour une prostituée

1874 : en Grande-Bretagne, le peintre britannique Siméon Salomon se réfugie à Paris après une arrestation dans une vespasienne londonienne, mais subit un mois d’emprisonnement pour la même raison à peine arrivé à Paris ; Julian Jackson écrira « l’histoire des relations entre adultes de même sexe en France au XIXème et au XXème se distingue moins par une réelle tolérance sociale que par la combinaison d’une égalité formelle avec une hostilité culturelle profondément enracinée ».

1874 : en Grande-Bretagne, Oscar Wilde à 20 ans accède grâce à une bourse à la prestigieuse université d’Oxford, il y suit l’enseignement de deux prestigieux historiens Walter Pater et John Ruskin sur la Grèce antique et sur la Renaissance italienne

 

1875 : une instruction ministérielle permet aux femmes mariées d’ouvrir un livret de Caisse d’Epargne avec l’autorisation de leur mari

1875 : au Danemark, mort de Hans Christian Andersen (1805-1875), à 30 ans en 1835 il est amoureux de son cadet Edward Collin qui ne répond pas à son amour ; dans ses Mémoires il reconnait sa féminité juvénile et avec, à son adolescence au physique ingrat, sa voix de soprano, il parle de son « curieux dégoût pour les filles » et de sa crainte de tout ce qui « fait fille », il a finalement un petit rôle dans  le ballet Armide, un « grand moment » de sa vie ; il publie en 1835 ses Contes pour enfants qui sont un immense succès ; il refoule son amour pour Edward qu’il transpose dans son roman O.T., intimité de deux étudiants lors d’un long voyage avec un amant qui ne comprend pas ses témoignages d’amitié ; et La Petite Sirène se suicide à cause de son amour impossible pour le beau prince ; il compense l’absence totale de vie sentimentale par un snobisme effréné lorsqu’il connait la gloire dont il avait rêvé avec un autre recueil des Contes traduits dans toutes les langues

Fevrier 1875 : à Paris éclate laffaire des gardes républicains relatée par l’historien William A. Peninston, 2 soldats de la garde, affectés à la caserne Tournon, 6è arr., affirment avoir eu des relations sexuelles avec des hommes fréquentant les Bains du Gymnase (lesquels donneront lieu à scandale en 1876)

 

1876 : le Dr Henri Legrand du Saulle affirme que l’homosexualité est une dégénérescence héréditaire (ce qui confortera l’idée qu’il ne faut pas pousser les homosexuels à se marier de peur qu’il ne la transmettent à leur descendance)

1876 : Hubertine Auclert, 1ère activiste à utiliser le mot féministe, fonde le 1er groupe suffragiste ; Marguerite Durant fonde le journal La Fronde, 1er quotidien rédigé, imprimé et vendu par des femmes, il disparaîtra en 1905

 8 janvier 1876 : mort de George Sand, Aurore Dupin, née en 1er juillet 1804, fille d’un officier de l’armée impériale, elle qualifiait le Code Civil de 1804 « d’infâme code civil » ; elle a fait scandale par sa vie amoureuse agitée, par sa tenue vestimentaire masculine, dont elle a lancé la mode, par son pseudonyme masculin, qu’elle adopte dès 1829 ; elle eut de nombreux amants, et quelques passions qui l’influencèrent considérablement : l’écrivain Jules Sandeau, le poète Alfred de Musset, le compositeur Frédéric Chopin, l’avocat Michel de Bourges, elle vécut secrètement une passion avec Marie Dorval, comédienne de la Comédie Française, qu’elle rencontra en 1833, et qui lui inspira son livre Lelia, l’héroïne de ce roman autobiographique incarne une certaine virilité ; Geoge Sand  s’habille en homme, fume le cigare, Alfred de Vigny dira « Elle était sans grâce dans le maintien, rude dans le parler, homme dans la tournure, le langage, le ton de sa voix et la hardiesse du propos »; elle se vêt d’un bleu de typographe et corrige elle-même les épreuves de La Cause du peuple ; elle est une des premières femmes à assumer sa bisexualité en alliant féminin et masculin dans ses oeuvres et sa vie sentimentale, elle multiplie les amants et les amantes, elle choisit ses partenaires masculins en raison de leur féminité, elle avoue à Musset « Je vous aime avec une force toute virile et la tendresse de l’amour féminin », ses amants sont fragiles, séduits par sa force virile et cherchent en elle une protectrice

Mai 1876 : Arthur Rimbaud s’enrôle dans l’armée coloniale hollandaise et embarque pour Java, il désertera après quelques mois et réapparaîtra à Charleville en décembre

17 juin 1876 : à Paris, l’affaire des Bains du Gymnase, 3 rue du Faubourg Poissonnière (2è arr.) donne lieu à un procès retentissant devant le tribunal correctuionnel, c’est la première descente de police dans un établissement de bains

6 décembre 1876 : Eugène Lebègue, comte de Germiny, marié à la fille d’un député bonapartiste et clérical, Keller, est surpris en flagrant délit d‘outrage aux bonnes moeurs à 11h du soir dans un urinoir des Champs-Elysées, avec le jeune Chouart, un garçon de 18-20 ans ; le comte de Germiny, conseiller municipal, catholique, marié est arrêté pour outrage public à la pudeur en compagnie d’un jeune homme de 18 ans dans une vespasienne des Champs-Elysées, il prétexte une enquête sur les « désordres honteux » censés se perpétuer dans ce genre de lieu ; il est condamné à 2 mois de prison, il prend la fuite et quitte la France, l’affaire occupe les gros titres de presse, le Président Mac-Mahon se rend dans une vespasienne pour voir à quoi elles ressemblent ; la presse décrit Germiny comme un dandy avec des manières efféminées, hédoniste qui abuse des jeunes gens de la « classe » ouvrière

 

1877 : la Fédération abolitionniste internationale annonce son intention de « combattre le fléau social de la prostitution, et spécialement de l’attaquer sous toutes les formes par lesquelles il revêt le caractère d’une institution légale et officiellement tolérée »

1877 : en Russie, création du ballet Le Lac des Cygnes sur une musique de Piotr Illitch Tchaïkovski, au grand théâtre de Moscou, le Bolchoï, à l’instigation de Wladimir Begitchev, chorégraphiée par Julius Reisinger ; l’amour contrarié du prince Siegfried pour la belle Odette est inspiré du destin tragique de Louis II de Bavière ; Tchaïkovski lui-même, confronté à son mariage de pure convenance, tente d’échapper à sa nature profonde et à son homosexualité dans une relation épistolaire idéalisée avec sa protectrice Nadeida von Meck qui durera 14 ans, et la partition du Lac des Cygnes est une composition révélatrice de ses aspirations et de son tempérament alors qu’il est poursuivi par le sentiment d’une implacable fatalité, son homosexualité, comme Siegfried les amours féminines lui sont interdites, le prince ne peut avoir de relation charnelle avec le cygne blanc, symbole de pureté, ceci est contraire aux lois humaines

30 septembre 1877 : les renseignements généraux enquêtent bêtement sur les écrivains, Verlaine est qualifié de « personnage sans valeur », Rimbaud de « monstruosité », ils sont coupables d’« amours de tigres », Gauthier-Villars, alias Willy, sera noté comme fricotant avec deux lesbiennes

 

1878 : sur le conseil de son médecin, le baron Wilhelm von Gloeden, né en 1856, dans le Mecklembourg, en Allemagne, se rend à Taormina en Sicile, afin de soigner sa tuberculose ; aidé par des photographes locaux et par son cousin Wilhelm von Plüschow qui vit à Naples, il devient photographe et se passionne pour les nus érotiques masculins ; il y restera jusqu’en 1914

1878 : André Gide (1869-1951) a 9 ans quand le Dr Brouardel, professeur à la faculté de médecine, le menace de « la suppression radicale de l’instrument du délit » pour guérir ses habitudes solitaires, et quelques années plus tard il sera renvoyé de l’Ecole Alsacienne pour onanisme ; ses besoins sexuels impérieux et précoces à travers la masturbation, lui feront dire qu’il a vécu jusqu’à l’âge de 23 ans (en 1892) « complètement vierge et dépravé »

Octobre 1878 : le préfet de police de Paris Albert Gigot, en poste en 1877-1879, établit un règlement concernant les opérations du sercice des mœurs pour « tous les délits d’outrage public à la pudeur, et principalement les actes de sodomie »

11 décembre 1878 : à Bordeaux, 24 homosexuels sont jugés pour outrage public à la pudeur

 

1879 : mort  du Dr Ambroise Tardieu (1818-1879), avec lui le regard sur le crime sexuel change, fort de sa connaissance sur les petites filles violées, il a été le premier à affirmer qu’une agression sexuelle provoque des troubles psychiques ; les ouvrages de littérature qui explore la figure d’enfants malheureux (La Petite Fadette de George Sand et David Copperfield de Charles Dickens en 1849, Le Petit Chose d’Alphonse Daudet en 1868, Sans Famille d’Hector Malot en 1878) développent une sensiblité nouvelle à l’égard des enfants

1879 : Léo Taxil surnomme la brigade de surveillance des parcs et jardins créée en 1817 « la sous-brigade des pédérastes » dirigée par l’agent Rabasse, il souligne qu’elle veille à ce qu’auncun de ces êtres infâmes n’échappe au contrôle »

Février 1879 : le père Blanc Siméon Lourdel arrive en Ouganda où il convertit à la religion catholique les pages du roi ; homosexuel, le roi est très irrité parce qu’ils ne veulent plus céder à ses avances, 36 catholiques et anglicans sont brulés vifs du 31 janvier 1885 au 27 janvier 1887, la plupart ont entre 16 et 24 ans

 

1880-1918 : le nombre d’arrestations d’homosexuels constatées se réduit de façon importante, comparé aus années 1850-1880, mais cela ne signifie pas que la pression quasi-permanente sur le milieu homosexuel soit moins évidente

Années 1880-1900 : les violences hétérosexuelles sont minimisées par la presse alors que les affaires homosexuelles dont très peu concernent des enfants de moins de 15 ans, sont régulièrement relatées par la presse de masse, comme le seront les fameuses messes noires du baron Fersen en 1903 ou l’affaire du 83 bd du Montparnasse, orgie à laquelle participent 4 mineurs dont le plus jeune a 16 ans, dont les inculpés majeurs ne peuvent l’être au titre de l’attentat à a pudeur ou du viol – puisque les jeunes gens sont consentants et âgés de plus de 13 ans – mais d’outrage public à la pudeur car ils les ont prétendument débauchés, ils sont condamnés en 1° instance mais seront acquittés en appel le 29 juin 1904 ; les statistiques montreront que les crimes et délits sexuels sur l’enfance sont essentiellement le fait d’hommes hétérosexuels dont les premières victimes sont des jeunes filles pré-pubères, sur leurs propres enfants, sur leurs jeunes domestiques ou sur d’autres fillettes ; les journalistes se passionnent pour les petits et gros « scandales » homosexuels, pour les descentes de police dans la taverne du 9 rue Roy, près de la place St-Augustin, celles en 1906 du Maurice’s Bar et du Bar Palmyre à Montmartre, pour l’état mental du peintre Bulton après son arrestation « en proie à une crise de folie érotique », l’affaire du 83 bd du Montparnasse déchaine certains journaux Le Matin parle d’ « Orgies antiques », l’Eclair d’ « Une affaire scandaleuse », La Patrie d’ « Affaire du bd Montparnasse » ; Edward I. Prime Stevenson rapportera d’autres affaires au cours des années 1900, l’affaire Jobard dans laquelle un homme a tué son jeune compagnon et le père de ce dernier, l‘affaire Renard qui aurait donné à André Gide le déclic pour écrire Corydon, l’affaire Albinet-Leray, une affaire de vol dans un train ; Ali Coffignon dans La Corruption à Paris en 1888 parle de « Drame d’amour des pédérastes » et énumère des faits divers homosexuels ; les moindres scandales sexuels qui étaient relatés par la presse judiciaires font désormais les choux gras à la faveur de la liberté de la presse, le nouveau journalisme cherche à satisfaire les goûts et la curiosité du lectorat ; la presse de la Belle Epoque choisira la technique consistant à influencer l’opinion publique en faisant appel à des préjugés de classe sociale, de race, de religion, de nationalité ou de sexualité, ainsi le scandale des Bains de Penthièvre en 1891 permet de mêler « racisme » social, anticléricalisme, xénophobie, nationalisme et antimilitarisme, l’homosexuel est vicieux, débauché, facteur de contagion et d’expansion homosexuelles, risque de complot et de trahison ; le journal La Justice, du député radical du Var, Georges Clémenceau fait exception, il refuse de reconnaître le délit d’outrage public à la pudeur, raille les « agents secrets » qui ont infiltré ces bains parisiens et défend le droit à la vie privée, l’établissement n’étant pas un lieu public, pour lui les accusés sont plus des malades que des délinquants

Années 1880-1890 : la répression décroît après 1880 en comparaison des 20 années précédentes, mais la surveillance policière reste importante ; un soir de 1880, Louis-Marcel Voyer, ancien officier qui a joué du piano à l’Elysée, est arrêté pour activité indécente avec un soldat près du fort de Vincennes, le scandale est énorme ; en 1891, 18 personnes sont arrêtés après une descente de police dans des bains publics rue de Penthièvre, parmi eux plusieurs étrangers ; la plupart des hommes arrêtés dans ces années sont des ouvriers, des artisans, des domestiques ou des employés de bureaux, parfois les rapports de police parlent de « vie de couple », on peut parler d’une subculture homosexuelle ; ; les homosexuels se rencontrent dans des rues, des jardins publics, des vespasiennes, ou encore des lieux commerciaux privés ou semi-privés, jusqu’en 1918 le lieu de rencontre le plus important est le bas des Champs-Elysées où les contacts sont faciles dans les cafés-concerts, les bosquets et les vespasiennes ; en 1900, il y aura beaucoup de lieux de rencontre en plein-air, mais la nouveauté ce sont les 110 lieux commerciaux homosexuels sont identifiés à Paris

Années 1880-1890 : à Paris, les lieux de rendez-vous homosexuels sont très nombreux, une trentaine d’hôtels et de meublés sont des maisons de rendez-vous ou de prostitution officieuses ; des maisons de tolérance sont reconnues par l’Etat dont celle du 68 rue du Château d’Eau, chez Mme Lucienne, 10è arr. ; des cabines de massages sont en réalité des maisons de rendez-vous et de prostitution homosexuelle ; il y a aussi des café mixtes, gerands café à la mode (Café de Bade sur le bd des Italiens, Grand Café au bd de la Madeleine, Café des Ambassadeurs sur les Champs-Elysées), il y a aussi une dizaine de bals (bal du Saumon dans le 2è arr., bal Bullier dans le 5è arr., bal de l’Opéra dans le 9è arr.), ainsi que de nombreux bal à Montmartre et Pigalle (bal des Quat’z Arts, bal des Beaux-Arts organisé à l’Elysées-Montmartre 72 bd de Rochechouard, fréquenté par Jean Lorrain, lieu de débauche de la jeunesse française selon Paul Bureau ; le bal Tabarin cité par Francis Carco, le bal du Moulin Rouge cté par Jean-Louis Dubut de Laforest, le bal de la Reine-Blanche dans le 18è arr. la police parle en 1880 d’environ 3 000 personnes dont 200 déguisés, avec quelqus femmes portant le costume masculin, ou encore le bal Valentino, ces bals alimentent les propos policiers, journalistiques ou mondains sur le déclin des valeurs morales en Europe, Aristide Bruant parle du bal des Tatas de la rue d’Aboukir et « des vieux messieurs obscènes, des esthètes chevelus, des lesbiennes gracieuses et de mignons éphèbes » ; il y a aussi 12 établissements de bains homosexuels comme le Hammam au 18 rue des Mathurins, près de l’Opéra, les Bains du Gymnase (qui ont donné lieu à un procès retentissant en 1876), l’établissement du 160 rue Oberkampf, les Bains d’Angoulème très vastes et sur 2 niveaux ; plusieurs hotels retiennent l’attention ainsi  l’Hôtel Mont-Blanc (4è arr.) est surveillé par la police des moeurs de 1895 à 1914

Années 1880 : apogée de la criminalité sexuelle sur les enfants, multiplication des enquêtes sur le travail des mineurs, nouvelle législation à destination des enfants assistés, implication plus grande de la presse sur ces sujets

1880 : les professeurs Magnan et Charcot baptisent les homosexuels des invertis sexuels et les situent dans le cadre de la dégénéresence

1880 : Emile Zola décrit dans Nana les multiples visages que revêt la prostitution : ouvrières sans le sou, demi-mondaines, professionnelles des maisons closes ; en Italie, quelques années plus tard, en 1883, Cesare Lombroso, fondateur de l’école italienne d’anthropologie criminelle, décrira la prostituée comme une « dégénérée »

1880 : procès du capitaine d’état-major Voyer, pianiste de renom, après avoir été pris en flagrant délit d’outrage public à la pudeur avec un soldat-artilleur du fort de Vincennes, suite à une longue traque policière ; le bois de Vincennes qui dispose d’un régiment d’infanterie de 1875 à 1883 est alors objet d’une surveillance policière régulière

1880 : dans le journal Gil Blas, la journaliste et féministe Caroline Rémy (1855-1929) défend le droit à l’avortement dans un article offensif et argumenté à la suite du « scandale de Toulon« , alors que les autorités ont décidé une politique nataliste vigoureuse à la suite de la défaite de 1870-1871, la femme d’un officier supérieur,  de la marine, une accoucheuse et le maire de Toulon ont été arrêtés à la suite d’un avortement clandestin ; elle plaide la condition difficile des ouvrières avec leur grand nombre d’enfants et les difficultés dans lesquelles elle se trouvent

8 mai 1880 : mort de Gustave Flaubert (1821-1880), à 16 ans, grand et mince, séduisant avec sa longue chevelure blonde, il écrivait à son camarade Alfred Le Poittevin, son aîné de 5 ans : « Continuité du désir sodomite, bandaison dans la culotte pour le beau Morel, intensité lubrique, masturbation réciproque avec Morel. » ; en 1838 dans Mémoires d’un fou, dédicacé à Le Poittevin, il racontait son dégoût pour sa première aventure féminine, non désirée, à 15 ans avec la femme de ménage de sa mère ; il glorifiait l’amour entre hommes (« Cet amour qui repôusse toute idée de jalousie ou de possession, amour sublime qui n’est qu’un rêve ») ; le mariage de Le Poittevin puis sa mort 2 ans plus tard ont été pour Flaubert un double arrachement ; Maxilme Du Camp a été son second ami intime, il a échangé une bague de fiançailles avec lui, en 1877 par crainte d’indiscrétions ils ont brûlé presque toute leur – fougueuse – correspondance ; c’est dans la Revue de Paris dirigée par Maxime Du Camp que Flaubert a fait paraître Madame Bovary ; avec Maxime pour guide, ils ont entrepris un voyage en Orient pour réunir la matière de Salambô, Egypte, Liban, Palestine, Syrie, Turquie, Grèce, où ils pouvaient se défouler sans complexe ; du Caire, le 15 janvier 1850 il écrivait une lettre à son ami intime Louis Brouilhet racontant son plaisir dans les aventures homosexuelles et pédophiles, puis ayant contracté la syphilis il a été malheureux de devoir s’abstenir à Damas ; adolescent il a eu une liaison platonique à Trouville avec Elisa Schlesinger, puis une liaison orageuse avec la poétesse Louise Colet ; à 21 ans, dans Novembre, il disait qu’il rêvait d’être une femme

18 juin 1880 : le capitaine et pianiste de renom Voyer est surpris dans le bois de Vincennes en compagnie d’un soldat, en « pleine consommation sexuelle », il sera condamné à 6 mois de prison et 200 francs d’amende, le soldat ne sera condamné qu’à 3 mois et 16 francs, le capitaine est considéré comme davantage responsable pour « corruption » du jeune militaire ; l’affaire fait grand bruit car Voyer a été le pianiste attitré de la famille du président Mac-Mahon, président de la République de 1873 à 1879

 

1881 : Paul Verlaine (1844-1898) écrit : « Je suis l’Empire à la fin de la décadence./ Qui regarde passe les grands Barbares blancs / En composant des acrostiches indolens / D’un style d’or où la langueur du soleil danse » (Jadis et naguère « Langueur ») ; plus tard Anatole Baju lancera son journal Le Décadent littéraire et artistique (1886-1889)

1881 : parution de Le petit citateur. Notes érotiques et pornographiques. recueil de mots et d’expressions anciens et modernes sur les choses de l’amour, etc. pour servir de complément au dictionnaire érotique de Jules Choux, il propose la définition de « en être« : « être mouchard ou pédéraste ; quelquefois tous les deux : ce qui s’appelle joindre l’utile à l’agréable » ; le sens de traître potentiel à la patrie apparaît, Aristide Bruant en 1901 parlera de « tante« , comme étant synonyme de pédéraste et ayant un sens de dénonciateur

8 avril 1891 : à Paris, l’affaire des Bains de Penthièvre, 30 rue de Penthièvre (8è arr.) éclate lorsque la police y effectue une descente, elle donne lieu à un procès le 2 mai 1891 et à une campagne de presse ordurière et racoleuse, l’établissement est surveillé par la police de 1889 à 1905, 18 homosexuels sont arrêtés dont le tenancier et 2 employés de bains pour outrage public à la pudeur, il est tenu par « le sieur Dupuy », s’y mêlent « des valets de chambre et des domestiques »

6 octobre 1881 : le Préfet de police Camesscasse donne l’orde de ne photographier que des individus poursuivis pour une liste précise de crimes et délits dont la pédérastie

1882-1892 : Jean Lorrain (1855-1906), pseudonyme de Paul Alexandre Martin Duval, devient célèbre ; venu de Fécamp, il s’est installé à Paris en 1880 où il fréquente la bande du Chat Noir, les Hydropathes (ceux qui ne boivent jamais d’eau, Verlaine, de Gourmont et Maurice Rollinat) et les Zutistes ;  il publie ses premiers recueils de poèmes en 1882-1883 Le Sang des dieux et La Forêt bleue, il collabore à des revues comme Le Chat noir ou le Décadent, fréquente le salon de Charles Buet, où il rencontre Jules Barbey d’Aurevilly, Joris-Karl Huysmans, François Coppée, Léon Bloy ou Laurent Tailhade ; en 1884, il collabore au Courrier français  dans lequel il publie une  série de portraits dont l’un de Rachilde qui marque le début de son amitié avec lui, en 1885 il publie un nouveau recueil de poèmes, Modernités, et son premier roman, Les Lépillier, qui scandalise sa ville natale de Fécamp ; il rencontre Edmond de Goncourt avec qui il restera lié jusqu’à la mort de ce dernier en 1896 ; il se crée un personnage, avec une volonté affichée de provoquer le scandale, affiche avec tapage, sous le surnom d’« enfilanthrope », son homosexualité et son goût pour les lutteurs de foire, n’hésitant pas à paraître au bal des Quat’z’Arts en maillot rose avec le caleçon en peau de panthère de son ami, le lutteur Marseille. Il se veut esthète et dandy en même temps qu’explorateur tapageux du vice et de la vulgarité, curieux assemblage qui verse souvent dans le pire mauvais goût, ce qui lui vaut le mépris hautain de Robert de Montesquiou, dont Lorrain fait volontiers sa tête de turc pour sa prétention à l’élégance et sa chasteté ; « Lorrain, écrit Léon Daudet dans ses Souvenirs, avait une tête poupine et large à la fois de coiffeur vicieux, les cheveux partagés par une raie parfumée au patchouli, des yeux globuleux, ébahis et avides, de grosses lèvres qui jutaient, giclaient et coulaient pendant son discours. Son torse était bombé comme le bréchet de certains oiseaux charognards. Lui se nourrissait avidement de toutes les calomnies et immondices. » ; son père meurt en 1886, il rencontre Sarah Bernhardt, pour qui il écrira sans succès quelques pièces de théâtre, et publie son deuxième roman, Très Russe, qui manque provoquer un duel avec Guy de Maupassant, son camarade d’enfance, détesté, qui a cru se reconnaître dans le personnage de Beaufrilan ; il avait déjà échangé des coups de pistolet avec Marcel Proust ; il publie des articles dans La Vie Moderne et commence une collaboration avec L’Evènement (1887) et L’Echo de Paris en 1888 ; en 1891, son recueil de nouvelles Sonyeuse lui vaut son premier succès de librairie ; en 1892, il fait un voyage en Espagne et en Algérie ; sa mère le rejoint à Auteuil et restera près de lui jusqu’à sa mort ; en 1893 il rencontre Yvette Guilbert, pour qui il compose quelques chansons, mais qui le tiendra à distance, et fréquente Liane de Pougy et la Belle Otero ; en 1894 il inaugure l’Echo de Paris, journalisme qu’il intitule Pall Mall Semaine ; il est « le fanfaron du vice », écrivain « scandaleux », esthète, dandy et décadent, volontiers de mauvais goût, très marqué par l’esprit fin-de-siècle (au même titre que ses amis Rachilde, Hugues Rebell et Fabrice Delphi), à 35 ans il a déjà publié poèmes, romans, théâtre et chronique de voyage ; cet esprit fin-de-siècle marque les années 1883-1896, avec de nombreux hommes de lettres qui le caractérise, de Verlaine à Barrès, de Taine à Baudelaire, de Richepin à Mirbeau, de Robert de Montesquiou à Paul Valéry, de Huysmans à Péladan ; en 1900 il publiera Monsieur de Phocas son œuvre maitresse, cristallisation de ses fantasmes considéré comme la Bible de la décadence

1882 : le Pr Jean-Martin Charcot (1825-1893) invente l’expression « perversion sexuelle« , avec le Dr Victor Magnan, il parlent de « l’inversion congénitale »

1882 : aux USA, la Cour suprême d’Alabama prend un arrêt condamnant à 2 ans de prison un couple formé d’un homme noir et d’une femme blanche, le couple mixte mettant en danger « les intérêts supérieurs du gouvernement et de la société »

1882 : aux USA, Oscar Wilde arrive à New York pour une année de conférences sur les délices de l’esthétisme, à son arrivée il se fait photographier dans toutes sortes de tenues plus excentriques les unes les autres (par Napoleon Sarony, photographe réputé)

23 janvier 1882 : mort du journaliste-écrivain hongrois Karl-Maria Kertbeny (1824-1882) qui forgea les mots homosexuel et hérérosexuel ; pour lui la grandeur des Grecs était un moyen de lutte contre la criminalisation

 

1883-1899 : la suffragiste Hubertine Auclert (1848-1914) rédige son Journal (qui ne sera redécouvert qu’en avril 2021 et édité par Nicole Cadène), ce journal permetra de voir le quotidien inlassable de cette militante qui crée la société Le Suffrage des femmes, fonde le journal La Citoyenne (1881-1891) et participe à la création d’une Fédération républicaine socialiste

1883 : en Belgique, Georges Eekhoud (1854-1927) publie Kees Doorick, roman qui lui vaut les félicitations d’Huysmans et d’Edmond de Goncourt ; aide correcteur dans un journal anversois, il a déjà publié quelques livres (Myrtes et Cyprès, Zigzags poétiques, Les Pittoresques) et de nombreux articles, il publiera bientôt Kermesses, Les Milices de Saint François, Mœurs flamandes, La Nouvelle Carthage, Mes Comunions, et en 1899 Escal-Vigor

1883 : le médecin aliéniste français Thésée Pouillet met en évidence le concept de pédophilie la distingant résolument de la pédérastie

1883 : parution de Charlot s’amuse de Paul Bonnetain (1858-1899), l’ouvrage vaut à l’auteur un procès retentissant pour outrage aux bonnes moeurs, il évoque les relations homosexuelles à l’école et dénonce les violences sexuelles d’écclésiastiques à l’égard d’un pauvre orphelin

 

1884-1888 : en Ouganda, le roi Mwanga II est connu dans sa cour comme homosexuel, il vit entouré de beaux pages ; il ordonne le massacre de 22 missionnaires et de laïcs chrétiens parce qu’ils dénoncent les pratiques homosexuelles de la cour (ces martyrs seront canonisés en 1964)

1884 : aux USA, le médecin William Pancoast endort une femme pour l’inséminer avec le sperme de l’un de ses étudiants

1884 : Paul Verlaine dans Poètes maudits écrit à propos de Rimbaud : « Et ce dédain tout viril d’une toilette inutile à cette littérale beauté du diable !»

1884 : parution de A rebours livre de Joris-Karl Huysmans dont le héros Jean Floressas des Esseintes , esthète décadent piqué de dandysme baudelairien préfigurera à la fois Dorian Gray et son mentor lord Henry Wotton ; le roman est imaginatif et baroque, empli des ruminations érudites et obsessionnelles de Jean des Esseintes, aristocrate dégoûté de son époque qui vit reclus à Fontenay-aux-Roses, dandy las et solitaire, entouré de livres, de tableaux et d’objets précieux dont il préfère désormais la compagnie à cette des hommes ; Huysmans, écrivain sarcastique, éternel insatisfait, est un observateur acéré d’un Paris en mue, d’une bourgeoisie bête et bêcheuse, il dit avoir écrit là le parcours d’un aristocrate névrosé de son époque ; misogyne, il aura vécu longtemps avec Anna Meunier, faisant partie des écrivains célibataires de cette fin du siècle, comme Flaubert, les Goncourt, Baudelaire et d’autres

1884 : Rachilde (1860-1953) présente avec Monsieur Vénus le tableau non conformiste d’une inversion des rôles sexuels et d’une confusion des genres et des sexualités ; avec Les Hors-nature en 1897 elle mettra en scène les amours incestueuses de 2 frères clairement et fièrement homosexuels

1884 : Paul Bonnetain est traduit devant la cour d’assise de la Seine le 27 décembre 1884 pour son roman Charlot s’amuse, publié à Bruxelles pour outrage aux bonnes mœurs, pour avoir traité de la masturbation et de l’amour entre homme, il sera finalement acquitté

1884 : en Grande-Bretagne, Oscar Wilde né en Irlande en 1854 a 30 ans, il a obtenu une bourse à l’âge de 20 ans pour aller étudier à Oxford (où deux historiens d’art célèbres Walter Pater et John Ruskin l’ont éveillé aux idéaux de la Grèce antique et de la Renaissance italienne) ; il épouse la belle irlandaise Constance Lloyd leur voyage de noces se déroule à Paris, ils auront 2 enfants Cyril en 1885 et Vyvyan en 1886 ; il fréquente de jeunes prostitués et rencontre deux étudiants Robert Ross (Robbie) son 1er amant et lord Alfred Douglas (Bosie), fils du marquis de Queensberry par qui le scandale surviendra ; il découvre A rebours le livre de Joris-Karl Huysmans dont le héros Jean Floressas des Esseintes, dandy baudelairien ; l’année précédente il a rencontré à Paris Victor Hugo, Verlaine, Edmond de Goncourt, Paul Bourget et Emile Zola ; il aura bientôt deux fils ; il publiera Le Fantôme des Canterville, le Prince heureux, Les Origines de la critique historique, et le Portrait de Dorian Gray en 1891, tout en fréquentant de jeunes prostitués ; Mallarmé louera « l’inouï raffinement d’intellect, et humain, et une pareille perverse atmosphère de beauté » dans Le Portrait de Dorian Gray ; Pierre Louÿs jeune auteur d’Astarté à 21 ans est séduit par son livre

27 juillet 1884 : instauration du divorce pour faute, vote de la loi Alfred Naquet autorisant le divorce qui avait été instauré par la Révolution en 1792 mais annulé par la Restauration en 1816 ; la loi Naquet est attaquée par les ligues antisémites de Léon Daudet et par le monde catholique opposé au divorce

 

1885 : en Grande Bretagne, parution du livre The Bostonians de Henry James dans lequel l’hypocrisie victorienne affecte de croire que l’union de deux femmes célibataires est faite d’une complicité affectueuse et intellectuelle exempte de relations sexuelles

1885 : en Grande Bretagne, vote de l’amendement anti-homosexuel Labouchère : la peine de mort est abolie pour les sodomites, la durée des travaux forcés est abaissée à 2 ans (en cas de prostitution juvénile) mais la peine est étendue à tous les hommes coupables « d’outrage aux mœurs » ou de « tentatives d’actes contre nature », autrement dit toutes les relations homosexuelles sont passibles de 2 ans de travaux forcés ; Oscar Wilde sera victime de cette loi qui l’obligera à se réfugier en France après 2 ans de travaux forcés ; de nombreux pays du Commonwealth garderont dans leur législation ces lois répressives (ainsi le Nigeria, l’Ouganda ou encore le Ghana appliqueront ces lois dans les années 2020)

1885 : en Allemagne, création de l’association allemande pour la vertu

26 janvier 1885 : mort du général anglais Charles George Gordon (1833-1885), d’abord explorateur, il est surnommé Gordon Pacha, il a participé à la guerre de Crimée et commandé les forces britanniques à Shanghai en 1862 ; il s’est lié à lord Arthur Hamilton avec qui il a organisé de mystérieuses oeuvres philantropiques afin d’aider les jeunes voyous des classes populaires, il recueillait et lavait lui-même les garçons avant de les nourir, les habiller et leur trouver du travail ; il est devenu gouverneur du Soudan mais lors de l’invasion de Khartoum par les partisans du Madhi, il a été tué et sa garnison massaccrée avant l’arrivée des renforts anglais de Kitchener

 

1886 : le Pr Alexandre Lacassagne publie les Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie et de psychologie normale et pathologique qui mettent en avant le fait que les pervers sexuels sont sur-représentés dans la population criminelle

1886 : en Allemagne, le psychiatre germano-autrichien Richard von Krafft-Ebing publie Psychopathia Sexualis : étude médico-légale à l’usage des médecins et des juristes, sa description des différentes perversios sexuelles connaît un énorme succès de son vivant, plusieurs des termes figurant dans cet ouvrage sont passés dans le langage courant, comme les termes masochisme et sadisme, passés depuis dans le langage courant, il se réfère alors Leopold von Sacher-Masoch et au marquis de Sade ; il est le premier auteur à utiliser le terme pédophilie, en langue allemande, pour décrire l’attirance sexuelle envers les mineurs (une perversion qu’il nomme pedophilia erotica) ; il juge la prostitution masculine beaucoup plus dangereuse pour la société que la prostitution féminine « c’est la plus grande des hontes dans l’histoire de l’humanité » ; il développe la théorie du 3ème sexe

1886 : en Angleterre, interdiction du système réglementariste à la française des maisons closes pour les prostituées

16 mai 1886 : mort de l’une des figures de la poésie classique américaine Emily Dickinson (1830-1886), dans une correspondance abondante elle écrivit son amour à Kate Hitchcock, Kate Anton ou à sa belle soeur Susan Gilbert, et une cinquantaine de poèmes expriment ses amours lesbiens

13 juin 1886 : en Allemagne, mort de Louis II de Bavière (1845-1886), 41 ans, il meurt gros et bouffi, aux côtés de son psychiatre Bernhard von Gudden lors d’une promenade après un goûter copieux et arrosé, ils se seraient battus,  dans l’ancienne résidence des Wittelsbach le château de Nymphenburg, à Munich ; il a fait construire 3 châteaux en 22 ans de règne (de 1864 à 1886), Neuschwanstein, en hommage à Wagner et à la mythologie germanique, Linderhoff et son pavillon de chasse walkyrie en admiration de l’Or des Nibelungen et de Louis XIV, et Herrenchiemsee en admiration de Louis XIV et de l’absolutisme royal ; ils se retrouvaient souvent avec Sissi dans son château de Possenhoffen ; le Rapport médical sur l’état mental de Sa majesté le roi Louis II de Bavière, réalisé en 1886, conduit à l’internement du roi dans son château de Starnberg où il se noiera dans le lac du château, accidentellement ou pas ; à 22 ans il a été amoureux de l’écuyer Richard Horning, plus jeune de 4 ans, lorsque celui-ci s’est marié le roi lui a fait cadeau d’un domaine au bord du lac de Starnberg, le roi reste amoureux de lui mais il apprécie aussi des serviteurs, des bergers et des palefreniers ; dans les Carnets secrets qui seront publiés cent ans plus tard, on découvrira le martyre qu’a souffert Louis II, la plus grande partie de ses Carnets dira la guerre sans merci qu’il a mené contre ses instincts, masturbation et homosexualité ont été les deux monstres contre lesquels il s’est battus toute sa vie

16 août 1886 : en Inde, mort du mystique bengali hindou Râmakrishna Paramahamsa (1836-1886), son disciple Vivekananda (1862-1902) lui survivra ; ils vivent dans la fascination sacrée pour les corps ambigus et les âmes possédées, des personnages en lutte avec leurs désirs pour parvenir à le transcender, dans le franchissement de limites, des voyages entre mâle et femelle, entre hommes et dieux, entre âme et corps, entre folie et normalité, entre état habituel et extase, les sadhu, ces ascètes errants ; Romain Rolland contribuera à les rendre célèbres

12 décembre 1886 : mort de Félicie de Fauveau (1801-1886), marginale et artiste d’exception, sculptrice douée appréciée de Balzac, Dumas et Stendhal, une grande passion sentimentale l’a unie à son amie Félicie de La Rochejaquelein, elle revendiquait indépendance et goûts masculins

22 décembre 1886 : mort dela femme de lettres et artiste Adèle Esquiros (1819-1886), écrivaine-journaliste, socialiste, féministe qui participa aux mouvement féministes de 1848 et à La Commune

 

1887-1895 : en Allemagne, dans Psychopathia Sexualis (1887-1895) Richard von Krafft-Ebing (1840-1902) publie des témoignages de femmes en homme et vice versa, mais l’approche est manichéenne et puritaine, toute déviance sexuelle y apparaît comme folie criminelle

1887 : Verlaine compose le poème Rendez-vous «  Dans la chambre encore fatale / De l’encor fatale maison / Où la rason et la morale / Le tiennent plus que de raison » et Monte sur moi comme une femme « Monte sur moi comme une femme / Que je baiserai en gamin./ Là. C’est cela. T’es à ta main ?/ Tandis que mon vit t’entre, lame » ; il écrit l’année suivante Ces passions… « Ces passions qu’eux seuls nomment encore amours / Sont des amours aussi, tendre et furieuses,/ Avec des paricularités curieuses / Que n’ont pas les amours certes de tous les jours » ; et depuis Aix-les-Bains en 1889 Sur une statue « Eh quoi ! dans cette ville d’eaux,/ Trêve, repos, paix, intermède,/ Encor toi de face et de dos,/ Beau petit ami Ganymède ? » ; dans Laeti et Errabundi, après Crimen amoris, Rimbaud, de 10 ans plus jeune, parle de « le plus beau d’entre tous ces mauvais anges », d’amours « tigresques », de « roman à vivre à deux hommes », tandis que Verlaine évoque « Tout ce passé brûlant encore / Dans mes veines  et ma cervelle / Et qui rayonne et qui fulgore / Sur ma ferveur toujours nouvelle ! »… Je n’y peux rien croire./ Mort, vous, Toi, dieu parmi les demi-dieux / Ceux qui le disent sont des fous. / Mort mon grand péché radieux »

1887 : parution du livre Les Deux prostitutions de François Carlier, il demande une loi claire et nette pour réprimer l’homosexualité, les lois sur l’outrage public à la pudeur, l’attentat à la pudeur et sur l’excitation de mineurs à la débauche ne suffisent pas, le travestissement sur la voie publique en dehors des périodes de carnaval, le racolage homosexuel sur la voie publique, les orgies chez les particuliers, les rendez-vous homosexuels dans les lieux publics ou encore les tenues et manières excentriques ne tombent jamais sous le coup de la loi

5 juin 1887 : mort du peintre allemand Hancs von Marées (1837-1887), il devient rapidement le plus célèbre peintre allemand de son époque; il crée de gigantesques fresques à l’institut zoologique de Naples en 1873 ; son amant Adolph von Hildebrand, son dcadet de 10 ans, est souvent son modèle, comme dans la toile Trois jeunes gens parmi les orangers  en 1880 ou  L’Enlèvement de Ganymède en 1885

5 novembre 1887 : à Paris, une lettre de dénonciation s’insurge contre le Bar Américain (18 rue du Louvre, 1er arr.) où des pédérastes dansent entre euxdans l’entresol

 

1888-1889 : la littérature fait ses choux gras d’affaires criminelles liées à l’homosexualité : Le vice à Paris de Pierre Delcourt (1888) parle des « pédérastes », « l’une des formes les plus répugnantes que rend le vice à Paris », l’Armée du vice de Jules Davray (1889)dans lequel on lit « Leur vice est le plus terrible de tous et cause davantage de ravages et de peine aux honnêtes gens que la prostitution féminine, qu’elle soit de la variété normale ou antiphysique », Paris vivant. La corruption de Paris d’Ali Coffignon (1889), etc.

1888 : parution des Fellatores du Dr Luiz (Paul Devaux), de La Vierge de Gisèle d’Estoc et de Madame Adonis de Marguerite Eymery, dit Rachilde, auteur de Monsieur Vénus (1884), La Marquise de Sade (1887) et Madame Adonis (1888), parution de Sodome de Henri d’Argis (inspiré des amours entre Verlaine et Rimbaud, préfacé par Verlaine), Péladan écrit à peu près au même moment Vice suprême, Rachilde écrit Les hors-nature, Lucien Descaves écrit Sous-offs ; Verlaine qui a diffusé sour le manteau Œuvres Libres dans le recueil Hombres signé Pablo Hernandez, écrit dans la préface de Sodome d’Henri d’Argis : « Sauf quelques aberrations accessoires de Vautrin, les magnifiques et terriblement troublants sonnets de Shakespeare et de très rares choses de Goethe, nous ne croyons pas que nulle littérature se soit occupée du sujet que Henri d’Argis a traité si bien et si chastement » ; d’Argis raconte l’histoire de Jacques Soran amoureux de Henri Laus, son secrétaire, alors que Henri Laus possède une « saine » normalité, Jacques est condamné par une tare secrète qui le rend irresponsable : « Soudain, d’une main démente, Jacques arracha son vêtement et, le regard hagard, le corps secoué, il se livra à un onanisme insensé, cependant que Laus, comprenant maintenant la névrose terrible, s’enfuyait, fondant en larmes » ; les Fellatores, moeurs de la décadence du Dr Luiz (Paul Devaux) est de prime abord une mise en garde complaisante et tragi-comique dirigée contre Rachilde et ses textes transgenres, mais c’est surtout une description du Paris homosexuel « fin de siècle » autour de l’Opéra Garnier et le Café de la Paix, des lieux de divertissement de la période « impressionniste », Devaux est l’auteur présumé de Côté des Dames sous le nom de Gygès ; c’est l’époque où Huysmans et Hirschfeld décrivent les « mondes homosexuels » parisien et berlinois ; il décrit tout un monde de personnages riches et plus ou moins célèbres de diverses nationalités, « tourbe cosmoplolite », attité par les cocottes et par les prostitués, fréquentant les salons ; un fellateur est un sodomite actif à la recherche de sexe parmi le prolétariat ; Devaux veut décrire la décadence, il voit en Rachilde son incarnation (le Rachildisme), avec ses personnages aux identités troublées jusqu’au renversement des rôles de genre ; Octave Mirbeau est cité en exergue de livre : »Si, au lieu de s’acharner à cacher les hontes, on les dévoilait, j’imagine que tout n’en irait que mieux » ;  le 14 octobre 1888 les assises du départementales de la Seine condamnent le directeur de la publication des Fellatores à un an de prison et 2 000 francs d’amende pour outrages aux bonnes moeurs

1888 : Georges Darien termine l’écriture de Biribi, livre qui inspirera à Aristide Bruant dans le journal Le Mirliton la chanson A Biribi en 1893 ; né en 1862 à Paris, Georges-Hippolyte Adrien, dit Darien s’est engagé en 1881, il a été sanctionné pour des manquements veniels mais renouvelés, et versé à la 1ère compagnie des pionniers de discipline, à Gafsa en Tunisie, il n’a été libéré qu’en 1886 après les terribles épreuves du bagne disciplinaire ; il dédie son livre à son plus proche compagnon de misère Georges Quesnel  ; l’ouvrage effleure la question de la misère sexuelle de ces malheureux, traités comme des bêtes de somme (« Pourquoi que tu ne te fais pas une gigolette ? m’a demandé l’autre jour le Crocodile, qui en est. Dame ! je sais bien, c’est un peu… Enfin, quoi ? ce n’est pas de notre faute si nous n’avons pas de grives et si nous sommes forcés de prendre des merles » …  « Ah ! oui, je voudrais qu’ils se cachent, les infâmes qui à mes côtés, se prêtent  à la satisfaction des désirs que la privation de femmes a suexcités ! … car il y a longtemps déjà que mon sang bouillonne en leur présence, et j’ai été pris, trop de fois, de l’envie terrible de les tuer – ou de les aimer. ») ; son éditeur choisit de censurer les pages les plus  explicites qui seront annexées dans de futures éditions : « Des couples, qui se sont connus et appréciés , quittent et reprennent la vie commune au hasard des détachements. Ils se retrouvent chaque fois avec un nouveau plaisir… L’homme abat , sur les chantiers, une bonne moitié de la tâche de la femme qui de son côté, va laver le linge, le raccommode et s’occupe des menus détails de l’existence. Ils se font tatouer, généralement sur le bras, leurs initiales entrelacées surmontées d’un cœur percé d’une flèche ; et lorsqu’ils le veulent bien, dans l’intimité, soulever un petit coin du rideau qui cache les mystères de l’alcôve, ils avouent ingénuement qu’ils sont forts contents l’un de l’autre… Et puis, vient la troupe des déclassés du vice, des pierreuses par besoin, des Gitons par instinct, des commentateurs de Pétrone, par nécessité, des Monsieur Tout-le-Monde des âmours infâmes. Tout ça vit, grouille sans vergogne, étalant ses turpitudes au soleil… Les gradés qui sont au courant de ces ignominies, se contentent d’en rire… et les officiers se montrent pleins de mansuétude… Elles ont des noms, ces androgynes : Nini, Marguerite de Bourgogne, Nounou, la Belle-Grêlée… Il ne faudrait pas croire, pourtant, qu’il ne se trouve pas à Biribi, comme ailleurs, des célibataires endurcis, dédaigneux et gouailleurs, qui affectent le plus grand mépris pour tout ce qui ressemble -même de loin – au mariage… Et les jalousies, les rivalités, les intrigues, toute la vie occulte d’une société infâme, toutes les petites atrocités qui viennent se greffer sur les grandes, qui enfoncent, pour la vie, dans le cerveau de l’homme qui a vécu là, le désir torturant et invincible de l’inavouable débauche ! »

 

1888 : dans La France criminelle, H. Joly analyse la situation des enfants des classes laborieuses, souligne la grande frayeur des nantis ; le taux des mineurs de 16 ans condamnés de 1840 à 1855 n’a cessé de s’accroître, pour décliner ensuite régulièrement, il pose la question de la limitation des naissances dans la classe ouvrière, question largement débattue en Angleterre depuis Thomas Malthus (1766-1834) ; en 1835 Mme Trollope constatait dans Paris et les Parisiens que parmi les enfants trouvés de l’hospice de la rue d’Enfer (future rue Barbusse) il en mourait 20 par jours et considérait qu’il n’y avait pas lieu de s’en plaindre

Janvier-mai 1888 : l’écrivain hongrois Sigismond Justh (1863-1894), séjourne à Paris, il fréquente le milieu des écrivains et des peintres queers, il fréquente essentiellement des célibataires aux « moeurs modernes », des écrivains dandy comme Jules Barbey d’Aureveilly (1808-1889) et Joris-Karl Huysmans (1848-1907), des bohèmes dilettantes et des milieux marginaux, il parle des Tantales pour qualifier ceux qui pratiquent les « amours d’Alcibiade », il se lie aux peintres Rupert Bunny, australien, et Alastair Cary-Elwes, écossais, qui habitent ensemble rue N-D des Champs ;  le salon qu’il fréquente le plus est celui de la comtesse Diane, comtesse de Beausacq « Pythie moderne de Paris », pouvant réunir jusqu’à 200 personnes dans ce qu’on appelle une « académie de la conversation », fréquenté par José-Maria de Heredia, Hélène Vacaresco, Laurent Tailhade, Jean Berge et Jean Aicard (lequel héberge un petit tunisien qu’il embrasse sur le front), il y prend part à un bal costumé, il assiste à une représentation de Sarah Bernhardt par laquelle il est chaleureusement accueilli et rend visite avec elle au sculpteur Antokolsky et à son amante la peintre Louise Abbéma, chez Sarah Bernhardt il rencontre Walford Graham Robertson jeune peintre ami d’Oscar Wilde, Jean Lorrain, , le peintre Georges Clairin et Edmond Haraucourt ; Sigismond Justh participe à des soirées au Chat Noir, il rend visite à Alexandre Dumas fils et à François Coppée (qu’il reverra « assez intimement » à Alger, selon Marguerite de Coudekerque- Lambrecht) ; une amitié intime le lie à Jean Berge qui dirige à Paris la Revue littéraire et artistique (qui publie entre autre des articles de Laurent Tailhade et Pierre de Coubertin), il séjourneront en mars 1891 une semaine à Tanger où ils trouveront nombre de peintres en quête d’inspiration orientaliste ; il fréquente aussi Melchior de Polignac qu’il a rencontré lors d’un bal chez la duchesse de Maillé, ils auront dans les 2 dernières années de Justh, en 1893-1894, une relation très intime et collaboreront à des revues littéraires ; il poursuivra une correspondance avec Melchior de Polignac et Jean Berge

1° novembre 1888 : mort du géographe russe Nicolaï Mikhaïlovitch Przhevalski (1839-1888), il conduit d’importantes expéditions en Chine, en Mongolie et au Tibet, découvre de nombreuses espèces d’animaux, ses récits de voyages sont traduits en anglais, il est toujours accompagné de jeunes gens  à sa dévotion qui n’ont pas le droit d’avoir des contacts avec les femmes autochtones ; son premier amant Fyodor Eklon l’abandonne après une liaison de 10 ans, pour se marier en 1883, Pyotr Lozlov devient don nouveau compagnon jusqu’à sa mort et deviendra un brillant explorateur et archéologue

 

1889 : la loi autorise la déchéance de la puissan ce paternelle  lorsqu’un père livre son fils ou sa fille à la débauche

1889 : Emile Zola reçoit le manuscrit anonyme du journal d’un homme – d’excellente famille, méprisant les classes populaires, plutôt antisémite, amateur d’élégance masculine – qui se dit « inverti-né » ; il l’enverra au Dr Georges Saint-Paul qui le publiera dans le journal médical, Archives d’anthropologie criminelle, sous le nom de « Le roman d’un inverti-né » auquel Zola donne une préface ; dans la Débâcle, épisode des Rougon-Macquart, Zola  a mis en scène marginalement un amour masculin, ce qui a peut-être poussé cet auteur anonyme à lui écrire, Zola refusera de signer la pétition pour la libération d’Oscar Wilde en 1895 mais soutiendra Georges Eekhoud en 1899 dont le roman Escal Vigor sera qualifié de pornographique par la justice belge ; en 1897-1898 Zola publiera son roman Paris dans lequel Hyacinthe est un « sodomiste »

1889 : l’ex-chef de la brigade des moeurs de la prefecture de police de Paris (entre 1850 et 1870), Félix Carlier, écrit dans son Etude de pathologie sociale : les deux prostitutions : »Nous avons fait violence à notre dégoût » pour étudier cette « tourbe hideuse« , « La police se trouve seule pour afgir contre… les passions antphysiques« , il considère que cette « calamité » mérite un délit bien spécifique ; dans Mes Lundis en prison, le chef de la sûreté de 1879 à 1884, Gustave Macé souligne que depuis 1872 la brigade de surveillance des parcs et jardins est composée 8 agents des moeurs mais il note que leurs dossiers s’appuyaient davantage sur des rancunes et des vengeances particulières, et qu’il a choisi la destruction de ces fiches et de ces dossiers pour orienter ces agents sur « la répression des attentats à la pudeur »

1889 : mort de Jules Barbey d’Aurevilly (1808-1889), pensionnaire au collège Stanislas de 1827 à 1829 il se montrait obsédé par le sexe, il écrivait beaucoup sans succès jusqu’à la parution de Les Diaboliques qui lui a apporté le succès et un procès pour outrage aux bonnes mœurs, mais il ne peut assumer au grand jour sa (bi)sexualité compte tenu du contexte moral de son époque, il utilise l’hermaphrodisme comme paravent (Ce qui ne meurt pas) ainsi que le secret, la complicité et le risque (« Je compris le bonheur de ceux qui se cachent » écrivait-il dans Les Diaboliques) ; Edmond de Goncourt qui a rencontré Barbey la 1ère fois chez Daudet (dans un « costume ridicule et pédérastique ») écrit dans son Journal « Barbey d’Aurevilly est pédéraste » ; Barbey d’Aurevilly s’est ouvert à François Coppée : « Pédéraste ! Tout m’y porte, mes goûts, ma nature, le plaisir de la chose… »

6 janvier 1889 : le Pr Charcot déclare à une étudiante qui vient de soutenir sa thèse : « Si votre but a été de prouver que la médecine est une profession autant féminine que masculine, il m’est impossible de ne pas m’élever contre une telle prétention. La femme médecin ne sera jamais que l’exception. »

5 mai 1889 : le journal La Croix écrit : « La religion est persécutée, la noblesse est anéantie, la magistrature a perdu son indépendance et son caractère, l’armée est vaincue et humiliée, l’idustrie meurt, l’agriculture est ruinée. Partout des cris de détresse. »

16 novembre 1889 : en Grande-Bretagne, la presse à scandale se fait l’écho de la découverte par la police d’un bordel de garçons où soldats, employés de bureau et petits télégraphistes se prostituent à des aristocrates hors-la-loi, parmi eux se trouvait le frère de lord Henry Somerset, ex-chef de la Maison royale, lord Arthur George Somerset ; en 1879, lord Henry Somerset (1849-1932), administrateur de la Maison royale britannique, était accusé par son épouse Isabel, née de Somers, de crime « mentionné seulement dans la Bible » à cause de sa relation avec le « roturier » Harry Smith, il a dû démissionner de son poste, il a divorcé et s’est enfui en France, où il a écrit Songs of adieu pour son jeune amant

 

Fin du XIXème siècle : les observations anthropologiques mettent à jour de nombreux formes de sexualités et d’expressions homosexuelles ; Paul Gauguin (1948-1903) arrivé en Polynésie depuis 1891 s’est installé à Tahiti, il peint des Mahus tahitiens, hommes efféminés ; les voyages des explorateurs rapportent à la même époque de nombreux témoignages de mœurs homosexuels ou diversifiés en Afrique ; en Chine où le taoïsme considère la relation sexuelle comme un échange d’énergies possible hors de la seule relation masculin/féminin, et le confucianisme en pronant la suprématie masculine et l’ordre social fondé sur les rapports dominants/dominés favorise la promiscuité masculine et par contre-coup l’homosexualité ; au Japon les amours masculines sont largement mis en application dans les monastères bouddhistes ; en Inde les amours cosmiques entre Krishna et Arjuna du Mahabharata, donnent une origine divine à l’amour, au sexe et au désir hors de l’idée moderne d’identités sexuelles fixes

Fin du XIXème siècle : les thèses et articles sur « l’inversion sexuelle » comme le nomme le psychiatre berlinois Carl Westphal se comptent par centaines, en particulier dans l’empire allemand ; en France le Dr Paul Garnier, médecin-chef de l’infirmerie spéciale de la Préfecture de police de Paris parlent « des malheureux, des infirmes moraux, irresponsables à coup sûr de leur malformation psycho-sexuelle et des actes qui en sont la conséquence directe » ;  Jean-Martin Charcot, Valentin Magnan et Hippolyte Bernheim pratiquent une rééducation morale sous hypnose visant à supprimer les anciennes associations mentales érotiques pour y substituer de nouvelles, hétérosexuelles ; à l’inverse Georges Hérelle, professeur de philosophie et traducteur, écrit au Dr Laupts – auteur de L’Homosexualité et les types homosexuels – : « Je ne crois ni à votre prophylaxie ni à votre traitement ; je n’attends pas de vous une guérison ; je ne me considère pas comme un malade » et en Allemagne le Dr Magnus Hirschfeld multipliera les initiatives pour dépénaliser et dépathologiser l’homosexualité

 

 

Années 1890 : de nombreux ouvrages décrivent les bas-fonds de Paris, ils sont censés dévoiler les coulisses sordides (crimes, prostitution, homosexualités, drogues, etc.), de nombreux articles racoleurs ou des livres écrits par Aristide Bruant, Elevy d’Urville, Pierre Delcourt, Ali Coffignon, Jules Davray, Léo Taxil ou encore Jean-Louis Dubut de Laforest, nombre d’entre eux tombent sous le coup de la loi, les lois du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sont sans cesse modifiées jusqu’au 16 mars 1898 limitant la liberté d’expression ; les procès iront en recrudescence en 1910 ; la société française sera accusée de mollesse par le juriste Albert Eyquem en 1905 et le député Georges Berger, homme de gauche, parlera en 1903 de dévergondage, d’immoralité, d’offense à la décence et à la morale publique

Années 1890 : en Autriche, Otto Weininger (1880-1903) affirme que tout être humain est bisexué et bisexuel : « Il n’existe heureusement pas d’individu qui soit tout entier d’un seul sexe », il poursuit dans son livre Sexe et Caractère : « La classification des êtres vivants en mâles et femelles apparaît insuffisante pour rendre compte de la réalité » (ce qui ne l’empêche pas de véhiculer par ailleurs des théories misogynes et racialistes)

Années 1890 : l’écrivain Jean Lorrain (1855-1906) a un coup de foudre (platonique) pour la chanteuse Yvette Guilbert (1865-1944), c’est Auguste Musleck , propriétaire du Grand Concert parisien où Yvette se produit qui les met en contact, avant de diriger ce café-concert il fréquentait les Bains de la Samaritaine et le hammam du Faubourg Saint-Denis, fréquenté aussi par Jean Lorrain ; Jean Lorrain devient l’inspirateur d’Yvette Guilbert et se mue volontiers en elle, mais leurs relations se détériorent ; en février 1893 il fuit Paris pour l’Algérie, continuant à lui envoyer des propositions de textes, à son retour il sera emballé par son spectacle que Zola, Daudet, Loti, Jammes et Mirbeau viennent aussi applaudir, devenue une star elle apprécie moins son compagnonnage, elle est riche, il est pauvre, il continuera à aller l’acclamer anonymement

Années 1890 : des photographes s’illustrent par leurs photos de nus de jeunes gens du sud de l’Italie (le baron Wilhelm von Gloeden en particulier, mais aussi Vincenzo Galdi et d’autres)

Années 1890 : à Lille, la communauté lesbienne et homosexuelle se développe, elle est structurée autour de territoires dédiés, (cela sera analysé en 2023 par Sébastien Landrieux dans La ville « afollée » : les Lillois et les spatialités de drague homosexuelle 1891-1986)

Début des années 1890 : Gisèle d’Estoc (Marie-Paule Courbe), artiste, femme de lettres, escrimeuse et travestie milite à la Ligue d’affranchissement des femmes, mouvement féministe radical ; amante de Guy de Maupassant auquel elle écrit : » Mon amant, depuis quelques jours j’ai une idée folle, une idée de printemps, une idée d’amour. Aller nous aimer quelque-part, en pleine nature »; elle a de terribles détracteurs, P. Parent-Desbarres, Jacques-Louis Douchin et surtout Pierre Borel

1890 : édition d’un annuaire de 70 pages sur les maisons closes parisiennes (ex. le Sphinx bd Edgar-Quinet, le One Two Two rue de Provence)

1890 : les mots saphisme et tribadisme apparaissent dans un dictionnaire médical pour désigner l’amour lesbien

1890 : parution de L’Amour à Paris de Jules Davray, il décrit madame G (pour gougnotte, gouine ou gousse), tenancière du Palmyr’s Bar qui tenait une brasserie pour femmes, La Souris, 29 rue Breda, 9è arr.

1890 : parution de Biribi du journaliste et écrivain libertaire, plutôt de droite, Georges Darien (1862-1921) où apparaît une intense et solidaire camaraderie virile dans le bagne

1890 : parution de Sébastien Roch d’Octave Mirbeau (1848-1917), autobiographie vraissemblable, dans une pension les jeunes bourgeois se livrent à la débauche que le jeune héros refuse, il confie son désarroi à un prêtre qui abuse de sa confiance en le violant

1890 : en Grande-Bretagne, décès du cardinal John Henry Newman (1801-1890), il est enterré à côté de son ami le révérend Ambrose Saint John « qu’il aimait d’un amour aussi fort que celui d’un homme pour une femme » au cimetière de Rednal Hill, à Birmingham ; en 2010 les deux tombeaux seront séparés, contre sa volonté testamentaire, pour les besoins de sa béatification

1890 : parution des livres de Marguerite Coppin (1867-1931) Le Troisième Sexe et de Hors Sexe, un an après la parution de Ressort Cassé, les amours saphiques et la situation des femmes

1890 : le Dr Emile Laurent dans Les Habitués des prisons, écrit « J’ai étudié à la Santé un singulier individu, inverti passif présentant en outre une aberration génésique que faute d’autre mot, je désignerai par celui de spermatophagie… Il recherche surtout les jeunes gens pour pratiquer de l’onanisme buccal, et il assure que, pour lui, le summum de la volupté, c’est d’avaler le sperme chaud et parfumé au moment de l’éjaculation » ; il parle aussi d’un bel adolescent qui préfère le rôle passif « paresseux, ivrogne et hâbleur, il se déclatre  prêt à commettre n’importe quelle acrtion pourvu qu’elle lui rapporte » ; il écrit que sous Napoléon III, au bagne de Toulon, grâce à leurs hautes protections que les hommes libres eux-mêmes leur eussent enviés

1890 : à Paris les employées travaillent 15h à 17h par jour, malgré la loi de 1948 qui limite les horaires à 11h/jour, pour l’année 1898 les inspecteurs de travail signalent 150 000 infractions

1890 : à Paris, une vingtaine d’homosexuels sont arrêtés pour avoir causé des scandales pubolics aux bains de vapeur de la rue de Penthièvre comme le notera le Dr Naecke

11 août 1890 : mort du cardinal John Henry Newman (1801-1890), prêtre anglican converti au catholicisme ; sa pensée a ouvert la voie à plusieurs grands écrivains catholiques (Hopkins, Chesterton, Graham Greene, Evelyn Waugh ou TS Eliot) ; il est enterré dans le cimetière de Rednall Hill à Birmingham, où il partage sa tombe avec son ami, le révérend-père Ambrose St. John, qui s’est converti au catholicisme en même temps que lui

20 octobre 1890 : mort de Francis Richard Burton (1821-1890), officier dans l’armée des Indes, il a découvert à Karachi les bordels de garçons, 1er non musulman à pénétrer à la Mecque, traducteur des Mille et une Nuits (sans censurer les passages homosexuels), il a écrit Terminal Essay, analyse historique, géographique et sociologique de l’homosexualité, traducteur reconnu (il parlait 21 langues et dialectes), marié par conformisme mais vivant loin de son épouse, son épouse a détruit dans l’ouvrage posthume de son mari Perfumed Garden, les chapitres concernant la pédérastie

 

1891-1892 : Alfred Jarry (1873-1907) et Léon-Paul Fargue (1876-1947) sont élèves d’Henri Bergson au lycée Henri IV pour préparer leur entrée à l’Ecole normale supérieure, c’est entre eux le temps d’un amour sublimé et Alfred Jarry évoquera sans détour le désir homosexuel

1891 : parution de Le joujou partriotisme. Et autres textes de Rémy de Gourmont, un pamphlet qui s’attaque à l’imagerie patriotique niaise et revancharde, qui vaut à l’auteur son licenciement de la Bibliothèque nationale, le journaliste Henri Fouquier directeur du quotidien élitiste Le XIXè siècle, député républicain, horrifié par ses propos, a joué un rôle dans ce licenciement

1891 : le mot homosexuel apparaît en France pour la 1ère fois dans une revue médicale : « il existe des homosexuels purs chez lesquels toute appétence normale pour l’autre sexe disparaît » Annales médico-psychologiques, sept.1891 (p.331) ; Michel Foucault pour qui la notion est arrivée en Europe en 1870 dira qu’auparavant « les gens éprouvaient leur liberté dans leurs rapport au corps, aux autres, comme un libertinage plutôt que comme une catégorisation précise d’un comportement sexuel lié à une psychologie, lié à un désir », désormais l’homosexualité devient une « catégorisation médico-psychiatrique analysée selon une grille d’intelligibilité qui est celle de l’hermaphrodisme » (propos tenus en 1978, rapportés par Jean le Bitoux dans Entretiens sur la question gay)

1891 : en Grande-Bretagne, année de la parution du Portrait de Dorian Gray, Oscar Wilde rencontre à l’hôtel Savoy de Londres où il a ses habitudes, Alfred « Bosie » Douglas, de 16 ans son cadet, il lui a demandé : «M’accompagnerez-vous à l’hôtel Savoy ? »  ; c’est l’année où Wilde écrit Salomé, directement en français pour qu’elle soit jouée par l’actrice qu’il admire Sarah Bernhardt, pour écrire cette pièce il est inspiré par les Hérodiade de Gustave Flaubert et de Stéphane Mallarmé, et la Salomé féérique des tableaux de Gustave Moreau ; Richard Strauss sera saisi par la puissance lyrique de son livre, son opéra créé à Dresde en 1905 déclenchera un beau succès de scandale ; en 1895, Wilde, initiateur intrépide, jouera un rôle de libérateur pour André Gide, lors de leur voyage en Algérie, selon ce que celui-ci en rapportera dans Si le grain ne meurt

1891 : Paul Verlaine (1844-1896) écrit Ô ne blasphème pas « Ô ne blasphème pas, poète, et souviens-toi, / Certes la femme est bien, elle vaut qu’on la baise, / Son cul lui fait honneur, encore qu’un brin obèse,/ Et je l’ai savouré maintes fois, quant à moi. », ou encore Mille e tre « Mes amants n’appartiennent pas aux classes riches :/ Ce sont des ouvriers faubouriens et ruraux,/ Leurs quinze et leur vingt ans sans apprêts sont mal chiches/ De force assez brutale et de procédés gros. », Balanide I « C’est un plus petit cœur/ Avec la pointe en l’air ;/ Symbole doux et fier,/ c’est un plus tendre cœur. » et Balanide II « Gland, point suprème de l’être / De mon maître,/ De mon amant adoré / Qu’accueille avec joie et crainte,/ Ton étreinte/ Mon heureux cul, perforé », Un peu de merde et de fromage « Un peu de merde et de fromage / Ne sont pas pour effaroucher / Mon nez, ma bouche et mon courage / Dans l’amour de gamahucher. », Il est mauvais coucheur : « Il est mauvais coucheur et ce m’est une joie / De le bien sentir, lorsqu’il est la fière proie / Et le fort commensal du meilleur des sommeils / Sans fausses couches – nul besoin !- et sans réveils », Même si tu ne bandes pas « Même si tu ne bandes pas,/ Ta queue encor fait mes délices / Qui pend, blanc d’or, entre tes cuisses,/ Sur tes roustons, sombres appas. », Dans ce café… « Dans ce café bondé d’imbéciles, nous deux,/ Seuls nous représentions le soi-disant hideux / Vice d’être ‘pour hommes’ et sans qu’ils s’en doutassent / Nous encaguions ces cons avec leur air bonnasse », ou encore Ô mes amants « Ô mes amants,/ Simples natures,/ Mais quels tempéraments !/ Consolez-moi de ces mésaventures. /Reposez-moi de ces littératures »

1891 : en Allemagne, à Hanovre, parution du texte de la pièce de théâtre L’Eveil du printemps de Frank Wedekind (1864-1918) qui ne sera jouée qu’en 1906, il la qualifie de « Tragédie enfantine », la pièce aborde pour la 1ère fois la sexualité des jeunes, parlant de masochisme, d’autoérotisme, de masturbation collective, d’homosexualité, de suicide et d’avortement ; elle inspirera à Freud ses Essais sur la théorie sexuelle et, plus tard, Lacan

1891 : en Allemagne, parution de La Femmes et le Socialisme du dirigeant du SPD Auguste Bebel, il y classe la sodomie parmi les rapports « non naturels » ; mais dans les éditions ultérieures, sans doute influencé par Hirschfeld, il présentera le « 3è sexe » comme une condition innée faisant partie des relations sexuelles naturelles

16 février 1891 : l’Echo de Paris annonce la publication sous forme de feuilleton d’un nouveau roman Là-Bas de J-K Huysmans « qui met en scène une femme moderne, bien connue dans le monde clérical, et qui décrit et analyse ses amours sacrilèges et démoniaques« , le public est lassé des histoires d’amours et d’adultères, il est attiré par le spectre de la décadence, l’expression Fin de siècle est inventée sur fond de mutations économiques et de tensions sociales pour signaler une affreuse érosion des valeurs, on médite jusqu’à plus soif sur la décadence des Romains du Bas-Empire et les subtilités de Byzance, on rêve de violence et de régénération barbares ; François Maingy a fondé en 1890 l’hebdomadaire financier Fin de Siècle qui racole le lecteur en décrivant des demoiselles très dénudées du bal des Quat’zarts ; les débats de la Chambre des députés et les prétoires sont des lieux d’expression de cette mélancolie racoleuse sur fond de dégénérescence ; « L’anathème frappait un corps social tout entier en déréliction, le pays était décidément démenbré, taré et névrotique. Crépusculaire. » écrira l’historien Jean-Pierre Rioux en décrivant cette fin de siècle, rappelant l’éphémère journal le Décadent paru en 1886, les écrits d’Edouard Drumont dans la France juive la même année : « Jamais la France n’a été dans une situation plus critique… Autour du lit de pourpre et de fumier où se meurt cette société en décomposition, le Peuple attend. » et l’article de La Croix du 5 mai 1889 ; l’historien décrit le discours médical qui prolifère stigmatisant l’atavisme (comme dans la Bête humaine de Zola publiée en 1890), l’épilepsie, la vérole, la tuberculose, la surdité et le rachitismes, les déviances et l’épuisement de l’instinct sexuel, la criminalité précoce, l’excitation nerveuse des écoliers trop gavés et l’ivrognerie des pères

Avril 1891 : à Paris, éclate l’affaire des Bains de Penthièvre, c’est l’occasion pour la presse de salir des ennemis politiques (l’un des inculpés est un fervent catholique, un autre avec un nom à particule est un ancien militaire), le quotidien boulangiste L’Intransigeant accuse les autorités de vouloir étouffer l’affaire car de nombreux accusés appartiennent aux classes dirigeantes ; puis le cosmopolitisme est accusé dans un déversement de bile nationaliste et xénophobe, en affirmant sans vérifier que la majorité des inculpés sont des étrangers, Allemands et Anglais notamment

28 septembre 1891 : mort du romancier américain Herman Melville (1819-1891), à 20 ans il s’embarque comme matelot, ses romans seront marqués par l’amitié virile entre deux compagnons d’infortune, l’âme sœur et le corps du frère, comme dans Moby Dick, dans La Vareuse blanche les liaisons entre condamnés sont équivoques ; dans Billy Bud il se délivre totalement de ses obsessions l’amoureux desespéré du beau marin refuse de s’avouer cette passion qui offense son honneur viril, la seule issue pour le maître d’armes est d’accuser faussement Billy, Melville refuse de faire paraître ce roman qui ne sera dévoilé par ses héritiers qu’en 1924 ; en 1850 Melville rencontre Nathaniel Hawthorne, romancier américain de grande beauté, plus âgé de 15 ans, avec lequel il a un coup de foudre, dans une correspondance passionnée il exprime son amour qui semble bien être resté une chaste passion

10 novembre 1891 : mort d’Athur Rimbaud (1854-1891) , à 37 ans, à l’hôpital de la Conception à Marseille ; atteint d’un cancer osseux, le 23 août son voyage en train depuis Paris – dans le but de repartir en voyage vers Suez – a été un calvaire ; en arrivant il a été admi s à la Conception où sa sœur Isabelle l’a veillé, elle a adressé à sa mère le 28 octobre pour lui faire part du retour de son frère mourant à la foi catholique ; toute son oeuvre depuis Un coeur sous une soutane, jusqu’à Vagabonds, en passant par Le Coeur volé, Bottom, Fairy, H. Parade, Antique et Une saison en enfer, en particulier Vierge folle – texte majeur de la littérature sur l’amour entre hommes – est marquée par des références et des préoccupations homosexuelles, comme en témoigne l’Album zutique, avec le Sonnet du trou du cul, Jeune goinfre, Les Remenbrances du vieillard idiot ou Les Stupra ; dans ses lettres Reviens de juillet 1873, il écrit deux fois « Je t’aime » à Verlaine ; Rimbaud a eu aussi une relation avec Germain Nouveau ; en 1918, Louis Aragon sera ébloui par Les Illuminations : »Les mers montent, symphoniques, au-dessus des maisons, et, pour l’Univers ressurgi du Déluge, impossibles, des fleurs naissent. Monde neuf dont la géométrie se complique de dimenssions nouvelles, quel mathématicien en établira les lois ? », il dira ailleurs « Rien n’est plus précieux peut-être en ce monde qui nous est donné, que ce que Rimbaud a découvert. Une sorte de radium intellectuel, dont on ne peut deviner l’usage, mais dont les ravages au loin se font déjà merveilleusement sentir. »

Décembre 1891 : Oscar Wilde dédicace une photo de lui, réalisée au studio Downey,  à André Gide « A mon très cher ami André Gide, Oscar Wilde »

 

1892 : les juristes français commencent  dénaturer le libéralisme du Code Napoléon et à durcir la législation contre l’homosexualité (dit Michel Larivière)

1892 : 142 garçons sont envoyés en maison de correction selon la statistique pénitentiaire, au titre  de l’attentat à la pudeur

1892 : le nu masculin devient un exercice imposé pour les élèves des Beaux-Arts et les Salons officiels l’accueillent comme tel ; les artistes se réclament du néoclassicisme ou de la Renaissance, de Michel-Ange en particulier

1892 : Léo Taxil, anticlérical et membre du Grand Orient dont il a été exclu en 1881, s’est converti – sans conviction – au catholicisme en 1885, il publie des textes véhéments à ,l’égard de la République, des francs-maçons et des libres penseurs, il créé le journal La France Chrétienne Antimaçonnique, lance une campagne antihomosexuelle et promeut la thèse d’une franc-maçonnerie sectaire et satanique

1892 : Reynaldo Hahn (1874-1947) a 18 ans, il compose son 1er ouvrage lyrique, Massenet devient son maître, il produira de nombreuses œuvres ; il sera l’ami intime de Proust

1892 :  une ordonnance du préfet de Paris de 1800 interdisait aux femmes de porter un pantalon, une circulaire indique que désormais une femme a la permission de se mettre un pantalon afin de monter à cheval ou faire de la bicyclette, elle le pourra pour faire du ski en 1909 ; pour les courses en montagne il est « absurde et dangereux » selon le Dr Léon Brachet du Club alpin de Savoie de tenter les altitudes de 2 300 à 2 500 mètres, au risque de « vomissements, syncopes, suffocations et hémorragies diverses » ; le quotidien genevois le Fédéral qui relatait en 1838 la conquête du Mont-Blanc par Henriette d’Angeville a jugé que l’orgueilleux sommet a dû se sentir humilié par cette audace féminine

1892 : en Allemagne, comme son père, médecin réputé, Magnus Hirschfeld obtient son doctorat de médecine à l’université de Berlin, il a fréquenté les universités de Strasbourg, Munich et Heidelberg ; il s’embarquera dès lors pour un séjour de 8 mois aux USA, en particulier chez son frère à Chicago, il y explorera les milieux clandestins fréquentés par les homosexuels, étudiant ainsi les spécificités de la sociabilité homosexuelle, et à 25 ans il jettera les bases de plusieurs démarches personnelles et professionnelles

26 mars 1892 : aux USA, mort de Walt Whitman (1819-1892), poète du scandaleux Leaves of Grass, et humaniste américain, il a dissimulé toute sa vie son penchant homosexuel (il fréquenta Bill Duckett de 1884 à 1889), mais n’hésitait pas à faire converger homosexualité et démocratie, exaltant la camaraderie virile intense qui régnait sur la ligne de front de la guerre de Sécession en Virginie ; il sera invoqué par le mouvement homosexuel des années 1970, en particulier ses poèmes Calamus (référence au dieu Calamus qui dut endurer la mort de son jeune amant Carpus) ; dans Corydon, paru en 1922 mais écrit avant la guerre de 1914-1918, André Gide s’élèvera contre la traduction de l’œuvre de Whitman commise par M. Bazalgette, qui s’est cru autoriser à en faire disparaître toute dimension homosexuelle, n’hésitant pas à parler de « trahison » ; il célébrait l’association fraternelle créée « par l’amour masculin entre camarades » ; il se veut l’apôtre de la démocratie, compatissant aux souffrances des humbles, il rêve de créer « la cité des futrurs amis où les hommes se porteraient une affection virile », il s’engage comme infirmier pendant la guerre de Sécession ce qui lui donne l’opportunité de rapports avec les soldats des hôpitaux ; jusqu’à sa mort il tiendra ce rôle de patriarche barbu, recevant des pélerins venus du monde entier ; la prelière traduction française gommait l’homosexualité des poèmes de Whitman, Gide et Schlumberger s’associèrent pour offrir aux lecteurs une traduction intégrale

Avril 1892 : à Alger, Edouard Drumont (1844-1917) fonde La Libre Parole, il y développe l’idée du complot juif, il sera député d’Alger de 1898 à 1902 ; il s’inscrit dans la vague de ceux qui considèrent que  Juifs et homosexuels sont les boucs-émissaires d’un malaise social à multiple facettes

11 juin 1892 : mort de l’enseignant et poète britannique William Johnson Cory (1823-1892), élève à Eton, puis enseignant mais sanctionné pour un attachement trop évident à certains « favoris », en 1892 il a changé son nom en Cory et s’est marié avec la fille d’un pasteur, il rédigeait des poèmes pour se « libérer » de son homosexualité et publié une autobiographie Mémoires d’Arthur Hamilton, B.A. of Trinity College, qui sera une référence pour Marc-André Raffalovich (dans Uranisme et Unisexualité, études sur différentes manifestations de l’instinct sexuel, 1896)

6 octobre 1892 : mort du poète britannique lord Alfred Tennyson (1809-1892), en 1828 il tombe amoureux de son camarade Arthur Hallan, ils voyagent en Europe, à la lort d’Hallan à Vienne en 1833 Tennyson devient inconsolable ; leur liaision inspire le chef d’oeuvre du poète In Memoriam, aveu voilé d’un amour qui parvient à échapper à la censure victorienne

 

1893 : André Gide né en 1869 a 23 ans, « masturbateur frénétique et vierge », découvre l’existence des garçons lors d’un voyage en Afrique du Nord, il rencontrera Oscar Wilde

1893 : le Dr Moll publie Les Perversions de l’instinct génital

1893 : à Paris il y a plus de 3 500 urinoirs publics, il y en avait 500 en 1840, il y en aura presque 4 000  en 1904

1893 : parution de Mon frère Yves de Pierre Loti (1850-1923), ancien officier de marine, homosexuel, il décrit un amour pur entre un matelot et un officier de marine, la complicité virile et la prostitution dans la marine

1893 : le Dr Julien Chevalier, élève d’Alexandre Lacassagne, dans L’inversion sexuelle, une maladie de la personnalité, fait de l’inversion sexuelle une manifestation morbide parmi d’autres, il parle d’hermaphrodisme moral pour expliquer l’anomalie d’une bisexualité latente, l’institutionnalisation des amours masculines par les Grecs apparaît  dans une théorie de la contamination culturelle de la pédérastie, devenue épidémique dans le monde oriental (Inde, Chine, Perse, etc.), il parle du Mal d’Orient, ciblant les Turcs et les soldats qui font la campagne d’Afrique ; le médecin-major Tranchant et le lieutenant d’infanterie Desvignes décriront en 1911 l’homosexualité par nécessité de tous les indigènes d’Algérie (trop pauvre pour acheter une femme et souvent en dépkacement ; cette démarche s’inscrit dans un contexte où les pays d’Europe de l’Ouest utilisent l’homosexualité pour se stigmatiser les uns les autres, en même temps que les pays colonisés sont stigmatisés pour leurs mœurs

19 avril 1893 : mort du poète et critique littéraire britannique John Addington Symonds (1840-1893), à Oxford il s’éprend de beaux camarades, sur injonction de son père et après une dépression nerveuse, il se marie et s’installe en Suisse, il a 4 enfants ; il voyage beaucoup vers la Grèce et l’Italie ; il écrit des biographies (Cellini, Michel-Ange) et approfondie les questions d’éthique, écrit Problem in Greeks Ethics dans lequel il voit la paederastia grecque au filtre d’un objectif éthique et politique, souhaitant libérer et normaliser l’homosexualité ; il invite à Venise Lord Douglas – dont le coomportement ne fait que mener Oscar Wilde à sa perte – mais sans succès, et se console avec ses amants italiens, Augusto 19 ans – héros de In the Key of Blue paru en 1893 – et le gondolier Angelo Fusato ; il a beaucoup de difficultés avec la censure victorienne, son dernier ouvrage Sexual Inversion et édité à compte d’auteur et diffusé sous le manteau

6 novembre 1893 : mort du musicien russe Piotr Illitch Tchaïkovski (1840-1893), il se « suicide«  à Saint-Pétersbourg , 9 jours après la création de la symphonie Pathétique, vraisemblablement parce que sa relation avec un jeune officier de haute noblesse a été découverte ; le comte Stenbock-Fermor aurait déposé plainte contre lui à la suite d’une liaison avec son neveu (selon certaines informations il pourrait s’agir du neveu du tsar), il aurait adressé cette plainte au tsar Alexandre III par l’intermédiaire du procureur Nikolaï Iakobi, ancien élève comme Tchaïkovski de l’Institut Juridique de Saint-Pertersbourg, le jugement à huis clos a lieu le 19 octobre 1893, il aurait décidé que le seul moyen d’éviter la divulgation de l’affaire est la disgrâce – à la suite de laquelle ses œuvres auraient été interdites d’exécution en Russie – et l’exil, ce qui l’aurait conduit au  suicide (qui sera camouflé en mort du choléra compte tenu de l’épidémie en cours) ; dans son Journal intime le musicien notait toutes ses rencontres (comme celle du 22 mars 1889 à Paris) ; à son frère Modeste, homosexuel aussi, il avoue sa passion pour le jeune Alexis Soforov, son fidèle valet, entré à son service à l’âge de 14 ans, son neveu très aimé Bob Davidoff sera son héritier ; sa mère brillante pianiste meurt du choléra alors qu’il a 4 ans, il prend conscience de son homosexualité dès l’adolescence, son premier amour est son condisciple à l’école de droit Alexeï Apoutkine ; en 1863 malgré l’opposition de son père, il quitte sonemploiau ministère de la Justice pour suyivre des cours de composition au Consrvatoire de Saint-Petersbourg ; en 1865 son diplôme lui permet d’enseigner tout en composant, il est entretenu par  son élève et amant Vladimir Chivolski, mais il est déchiré entre son désir et son souhait de respecter la morale dans laquelle il a été élevée ; en 1877 Antonina Ivanovna Milioukova lui écrit des lettres passionnées, c’est l’occasion de se ranger et il l’épouse, mais le résultat est catastrophique, il éprouve une insumontable répulsion pour elle, il s’enfuit, tente de se suicider en se jetant dans la Neva, il est secouru et ne reverra pas sa femme qui terminera ses jours dans un asile ; grâce à sa notoriété naissante, il est appelé à Paris et à Rome pour présenter ses oeuvres ; il s’enflamme pour les nus masculins de Michel-Ange, il exprime son bonheur dans le Capricio italien ; à Moscou les siucis matériels le prive de toute tranquilité d’esprit, son jeune amant et mécène Chivolski ne lui a pas pardonné son mariage et a cessé de l’entretenir, par chance Nadjeda von Meck lui offre son amitié et sa fortune, elle est la femme idéale pour lui, elle n’exige pas de le rencontrer, ils s’écriront des lettres pendant 11 ans, en voyage il n’hésite pas à lui écrire ses recontres, elle lui dit qu’elle est « jalouse de ces amités », grâce à cette bienfaitrice il compose le Concerto pour violon et orchestre, Eugène Onéguine, drame lyrique d’apès Pouchkine, et deux ballets ; en octobre 1890 Mme van Meck met fin brutalement à leur relation, il retombe dans la dépression ; il entreprend une grande tournée en Europe et en Amérique, de retour à Moscou il compose la Symphonie pathétique dédicacée à Bobby Davidoff ; en 1891 il inaugure le Carnegie Hall de New York, en 1893 il ditige ses oeuvres à Berlin, Bâle, Paris, il est fait docteur honoris causa à Cambridge ; de retour à Moiscou il meurt du cholera après avoir bu de l’eau non bouillie, mais selon Alexandre Voïtov, responsable du Musée Russe, il aurait été condamné à se suicider par un tribunal de « sages » composé de 6 de ses anciens élèves qui lui donnent le choix entre l’exil en Sibérie ou le suicide, August Gerk, magistrat ancien camarade de classe du compositeur lui aurait tendu le flacon d’arsenic ; il s’est affiché imprudemment avec un officier de 17 ans, Victor Stenbock-Fermor, en un temps où le grand duc Constantin, cousin d’Alexandre III et second fils du tasr Georges Alexandrovich, lui, dissimule prudemment son homosexualité…

 

1894 : les services de contre-espionnage fabriquent des dossiers pour accabler le capitaine Dreyfus, n’ayant pas de preuves de trahison ils cherchent à le discréditer sur le plan des mœurs, ils l’accusent d’avoir transmis des informations à des attachés militaires protégés par leur statut diplomatique, le lieutenant-colonel Maximilian von Schwartzkoppen, attaché militaire allemand à Paris, qui a eu des relations homosexuelles avec le major Alessandro Panizzardi, son homologue italien, de 1893 à 1886, relations sont à la fois discrètes et très folles (Alexandrine et Maximilienne, mon chéri, ma belle petite, mon petit chien vert…) selon des lettres volées à la chancellerie allemande par le contre-espionnage français ; le ministre de la guerre, le général Mercier, ayant confié à trois spécialistes (Pierre Gervais, Romain Huret et Pauline Peretz) la réalisation d’un rapport qui, sur 35 pages, constitue un dossier destiné à révulser les juges, un dossier d’inquisition invoquant davantage « l’hérésie » que la trahison

1894 : parution en France du livre Dégénérescence de Max Nordau (1849-1923), médecin et écrivain israélite, né à Budapest, proche de Théodore Herzl, qui entreprend de montrer la dégénérescence (folie morale, imbécilité, démence) des auteurs engagés dans l’art et la littérature, il en dénonce les causes : alcool, tabac, accroissement de la population des villes, conditions de vie malsaines, fatigue, la vapeur et l’électricité ont mis sens dessus dessous les habitudes, les grands traumatismes (Révolution, 20 années de guerres napoléoniennes, épouvantable catastrophe de 1870) ; il note « les psychopathies de toutes natures sont devenues si générales et si impérieuses que les mœurs et les loi ont dû s’adapter à elles… Les masochistes, qui forment la majorité des hommes, se revêtent d’un cstume qui rappelle, par la couleur et la coupe, le costume féminin… Les gens à sentiment sexuel contraire réclamant que les personnes du même sexe puissent conclure un mariage légal, ont obtenu satisfaction vu qu’ils sont assez nombreux pour élire une majorité de députés de leur tendance… (Mais) les dégénérés, les hystériques, les neurasthéniques ne sont pas capables d’adaptation. Ils sont pour cela destinés à disparaître. » ; Nordau vise expressément Nietzsche comme « vermine antisociale » et Zola comme pornographe qui pratique « l’excitation systématique de la lubricité » avec son livre Nana (malgré leur combat commun contre l’antisémitisme dans l’affaire Dreyfus)

1894 : l’ancien député de la Drôme de 1871 1876, René Berenger,  devenu sénateur inamovible en 1875, crée une association anti-pornographique la Société de protestation contre la licence de rues, pour lutter contre la dépravation des moeurs (pornographie, pédérastie, etc.), il est surnommé Père la pudeur, il s’impose comme un défenseur de la moralité sous la IIIè République

1894 : Pierre Loti part pour le Sinaï, agnostique qui ne se résignera jamais à renoncer à Dieu, ce voyage nourrit son inquiétude religieuse, il écrira à la suite de ce voyage Jérusalem, l’une de ses œuvres majeures

1894 : Alfred Jarry (1873-1907), dirige avec Rémy de Gourmont la revue d’art L’Ymagier et donne au Mercure de France le texte Haldernablou qui sera considérée comme la première pièce de théâtre homosexuelle francophone, le très créatif auteur d’Ubu roi en 1897, inventeur de la Pataphysique fréquente de nombreux intellectuels et artistes, il restera célibataire

31 janvier 1894 : mort de Léonide Leblanc (1842-1894), artiste de grande beauté, demi-mondaine, cocotte fichée au service des mœurs, intime du duc d’Aumale et du jeune Clémenceau, volontiers lesbienne

9 février 1894 : mort de Maxime Du Camp (1822-1894), ami intime de Flaubert jusqu’en 1877 ; dans Souvenirs Littéraires il racontait ses voyages avec Flaubert, en Bretagne, en Orient ;  en août 1850 Flaubert raconte qu’il a « sodomisé un bardache » dans une grotte ; au retour Du Camp a fondé la Revue de Paris dans laquelle il a publié Madame Bovary, puis de remarquables documents dont Paris, ses organes, ses fonctions, sa vie, et le roman Les Forces perdues en 1867 ; Les Convulsions de Paris en 1879 soint sévères pour la Révolution de 1848 et féroce pour la Commune, il est devenu Académicien en 1880

30 juillet 1894 : mort de l’essayiste anglais Walter Pater (1839-1894), orphelin dès son plus jeune âge, il devient professeur, voyage en Italie, publie un essai sur Winckelmann ; c’est à son ancien élève Charles Lancelot Shadwell qu’il dédie History of the Renaissance en 1873 ; Platon and Plutonisme en 1893 le rendra célèbre; il évoque l’homosexualité sur le plan philosophique et esthétique sans l’approuver et échappe à la censure ; dans sa correspondance il déclare sa vive hostilité au christianisme et avous sa fascination pour le corps masculin

 

1895-1905 : peu à peu les médecins vont se diviser en deux groupes, ceux qui – tel von Kraft Ebing et Hirschfeld – postulent le caractère héréditaire ou congénital de l’homosexualité et ceux qui croient au contraire – et les médecins français sont majoritairement pour cette thèse – que l’inversion est un phénomène acquis par contamination ou par influence ; les tenants du caractère héréditaire et congénital se donnent les moyens d’arracher les homosexuels des griffes de la justice et de les réserver au domaine exclusif du médecin ; et en 1905 le psychiatre allemand Naecke jusifiera le combat contre le §175 qui pour lui comme pour Hirschfeld est non seulement superflu mais « nuisible »

1895 : parution de Paludes d’André Gide (1869- 1951), à 25 ans il a connu sa 1ère aventure homosexuelle en Algérie, à la veille de son mariage avec sa cousine, déprimé il rédige ce texte bref, allusif et inclassable, avec d’admirables litotes et un humour grinçant contre les « gendelettres », les diaristes et l’insignifiance du luxe que préfèrent les égoïstes ; Mallarmé est l’un des rares à remarquer ce texte qui marquera des générations d’adeptes, de malades d’indécision, tiraillés entre narcissisme et masochisme ou entre désir de faire une œuvre et besoin d’agir

1895 : Eugène Wilhelm (1866-1951) juriste avant-gardiste favorabe au droit à l’avortement et au droit des hermaphrodites à choisir leur sexe, écrit dans l’édition française de Psychopathia sexualis : « S’il existait un mariage entre hommes, je crois que je ne reculerais pas devant une vie commune qui me paraîtrait impssible avec une femmes… Je suis convaincu et certain que le préjugé disparaîtra et que, un jour, on reconnaîtra, à juste raison, le droit aux homosexuels de pratiquer sans entraves leur amour »

1895 : aux USA, sortie du film The Gay Brothers de William Kennedy Laurie Dickson, où dans une scène deux hommes dansent au son d’un violon

 1895 : en Grande-Bretagne, procès d’Oscar Wilde, pour avoir eu des relations avec des jeunes prostitués britanniques de 17-18 ans, ses amis lui conseillent de ne pas assister à son procès et de s’enfuir en France où les faits qui lui sont reprochés ne sont pas considérés comme des crimes, le juge Wilth déclare : «  Oscar Wilde, il est inutile que je m’adresse à votre conscience… De toutes les causes que j’ai eu à juger dans ma vie, celle-ci est la pire… Vous avez été une source de corruption affreuse pour des jeunes gens », il sera condamné en mai 1895 à 2 ans de confinement solitaire avec travail obligatoire, il en sortira extenué et mourra 4 ans plus tard ; Edouard Bernstein, leader historique du SPD en Allemagne commente le procès en ces termes : « A ce petit nombre d’Etats où Wilde serait condamné appartient aussi l’Allemagne qui, en ce qui concerne l’hypocrisie morale, n’a rien à envier à l’Angleterre », et il propose de rechercher des critères d’appréciation « qui, à des idées moralistes plus ou moins arbitraires, substitueraient la connaissance scientifique » ; depuis sa prison Oscar Wilde adressera à Bosie l’un de ses derniers grands textes De profondis, une lettre d’amour et de haine ; le 19 mai 1897 il sortira de prison, brisé, et rédigera La Ballade de la geôle de Reading (signée de son matricule C.3.3.) et errera à Paris en dandy clochardisé ; il mourra rue des Beaux-Arts à l’hôtel d’Alsace le 30 novembre 1900 d’une méningite, Robbie, son autre grand amour, organisera ses obsèques, et ses restes seront transféré 9 ans plus tard au cimetière du Père-Lachaise ; en 1896 sa pièce de théâtre Salomé sera créée à Paris, car la censure britannique fera obstacle à l’exhibition de la perverse danseuse Sarah Bernard au St James Theatre, à cette date Oscar Wilde sera en prison… ; en Allemagne, Eduard Bernstein, l’un des grands dirigeant du SPD, écrit 2 articles en défense d’Oscar Wilde, et souligne la relativité des moeurs et de la morale

1895 : création de la revue Les Archives d’anthropologie criminelle, de criminologie, psychologie normale et pathologique par le Dr Alexandre Lacassagne (1843-1924) avec Gabriel Tarde, à Lyon, c’est la 1ère revue de criminologie

1895 : Marc-André Raffalovich (1864-1934), qui a pu consulter les Archives d’Anthropologie Criminelle de Lacassagne à partir de 1894, ne cessera d’envoyer à cette revue des textes destinés à prouver le non-fondé des prétentions scientifiques ou pseudo scientifiques à s’approprier la question de l’inversion, qu’il appelle successivement uranisme, unisexualité, puis homosexualité ; Raffalovich réfute le schème de l’inversion sexuelle, il sépare définitivement le choix d’objet de l’identité genrée ; pour lui 2 types grecs se détachent, le guerrier viril (Achille et Patrocle, analogues païens de David et Jonathan) et le philosope (Platon), leur combinaison définit la figure de l’homosexualité grecque, que l’homosexualité ait été grecque est la preuve de son universalité et de son caractère anthropoloqique, cela disqualifie toute théorie de la construction historique de l’homosexualité par transfert culturel, décadence civilisationnelle ou contagion par prosélytisme (ce qui est le fantasme fréquemment mobilisé par des pédagogues craignent la contamination et s’appuie sur le fantasme de la franc-maçonnerie homosexuelle internationalisée), de plus la grandeur des Hellènes avec l’appel historique aux héros homosexuels, fonctionne comme une preuve historique à l’encontre des arguments sur l’état morbide et dégénérés des invertis, enfin Raffalovich souligne la valorisation positive de la culture antique « Platon n’est ni un atavique, ni un attardé, mais sous bien des rapports un avancé, comme Goethe, comme tout génie moral, équilibré et élevé » ; ainsi Raffalovich s’oppose quelque peu à l’image littéraire décadentiste du dandy ambigu promue par Oscar Wilde, et valorise davantage l’héroïsme viril et la chasteté, en écho à la revalorisation laïque de la continence dans le discours psycho-médical de la Belle-Epoque, et il appelle à la répression dure de la prostitution masculine, exemplaire de l’immoralité, de la perversité morale et du libertinage, l’unisexuel qu’il promeut se doit d’être ultra-viril et des déployer maximalement les valeurs éthiques, sociales et politiques du masculin (force, héroïsme, maîtrise de soi, domination) ; Raffalovich vit avec John Gray, l’amant d’Oscar Wilde

Janvier 1895 : nuit d’Alger où Oscar Wilde initie André Gide à la « pédérastie »

25 juin 1895 : Emile Zola hésite à publier le scabreux Roman d’un inverti-né qu’un Italien lui a fait parvenir, il le confie au Dr Laupts (Gérard St-Paul) : « Je vous confierai le document qui dormait dans un de mes tiroirs, et voilà comment put enfin voir le jour, aux mains d’un médecin, d’un savant, qu’on n’accusera pas de chercher le scandale »

14 juillet 1895 : mort du juriste et sexologue Karl Heinrich Ulrichs (1825-1895), lui-même homosexuel, développe la thèorie du 3ème sexe, qui sera reprise par Magnus Hirschfeld

 

1896 : le Dr Gérard Saint-Paul, collaborateur du Pr Lacassagne, qui écrit sous le nom de Dr Laubt ou Laupts, cité  dans  Le roman d’un inverti né de Zola les confidences d’un patient tendant à démontrer que l’homosexualité est innée chez les invertis et non acquise au cours de la vie ; il affirme dans Perversion et perversité : « Où nos prédécesseurs voyaient des coupables, nous, nous voyons des malades ; où le philosophe d’antan découvrait une faute, nous diagnostiquons, nous, la tare ou l’accident nerveux » ; Laupts écrit aussi « Peut-être faut-il regarder l’inversion comme un des phénomènes de la fin naturelle des races ; les individus inaptes à produire s’accouplent entre êtres du même sexe en de stériles unions » ; la perversion sexuelle regroupe outre l’homosexualité,  le travestissement, le sadisme, la masochisme, la zoophilie, la coprophilie, l’ondinisme ou la nécrophilie

1896 : le Dr Pierre Garnier écrit Hygiène de la génération. Onanisme seul et à deux sous toutes ses fomes et leurs conséquences, il déplore en particulier la pédérastie en Afrique du Nord « La sodomie est si commune dans l’Afrique française – au Maghreb – où les jeunes Maures s’offrent pour ainsi dire ouvertement qu’elle a envahi la Métropole dont elle est devenue une plaie honteuse » ; Ali Coffignon parlait déjà en 1889 – dans Paris vivant. La corruption à Paris –  de la recrudesccence de l’homosexualité peut-être liée à ce fait que les rapports des Occidentaux avec l’Asie et l’Afrique sont devenus plus fréquents » ; le Dr Gérard Saint-Paul écrivait dans les années 1890 « Tels qui n’eussent été homosexuels vont aux colonies, y deviennent homosexuels et parfois le demeurent »

1896 : le psychiatre Marc-André Raffalovitch (1868-1934) publie « Uranisme et Unisexualité. Etude sur différentes manifestations de l’instinct sexuel« , vivant à Londres, il attaque les experts médicaux français, affirmant que « l’unisexualité » n’est qu’une variété de la sexualité humaine, parfaitement compatible avec la virilité ; Raffalovitch qui fait un classement savant des sexualités (hétérosexuels normaux, hétérosexuels anormaux, uranistes supérieurs et invertis sexuels normaux), défend « les uranistes contre les préjugés et contre l’ignorance » mais pense qu’ils peuvent s’élever au dessus d’eux-mêmes, en se virilisant, en renonçant aux sensualités sexuelles, en se vouant à un célibat qui ne serait pas stérile . Pour eux, le célibat chaste et stérile ; pour les autres, le mariage vénérable et indispensable » ; il considère au fond que : « La conservation de l’espèce devient pour les savants d’aujourd’hui presque aussi formidable que le ‘croissez et multipliez’, et la différenciation absolue des deux sexes devient le signe de la civilisation » ; en 1909 il plaidera contre l’installation en France du Comité humanitaire scientifique de Hirschfeld « la société a le droit de se défendre et doit entraver l’action du syndicat des Uranistes » il craint la contamination de la race, la banalisation par le biais des intellectuels et la stabilisation démographique

1896 : Armand Dubarry stigmatise l’homosexualité comme un vice allemand, dans son roman Les invertis : le vice allemand ; à Berlin les lieux de vie homosexuelles sont lus nombreux qu’à Paris ; mais à l’inverse paraissent peu à peu des romans d’amours adolescents de Achille Essebac ou du belge Georges Eekhoud, pourtant comme nombre d’autres, Georges Hérelle, professeur de philosophie à Troyes n’ose pas publier son Manuscrit de la pédérastie, nie envoyer au dr Georges Saint-Paul (Laupts) la longue lettre que lui inspire son étude sur l’homosexualité

1896 : en Grande Bretagne, le sexologue Havelock Ellis publie de nombreuses études de cas dans son ouvrage Sexual Inversion 

1896 : en Grande-Bretagne, réfugié à Paris, Oscar Wilde rencontrera André Gide à plusieurs reprises, il écrira De profondis et La Balade de la geôle de Reading en 1897, il mourra le 30 novembre 1900 à l’hôtel d’Alsace

1896 : en Allemagne, Magnus Hirschfeld (1868-1935) publie Sapho et Socrate, ou Comment expliquer l’amour des hommes et des femmes pour des personnes de même sexe ? , c’est le premier texte dans lequel il défend l’homosexualité comme l’expression normale de la diversité de la sexualité humaine, le livre a un rôle important, il déclenche de nombreuses autres publications ; Hirschfeld ouvre un cabinet de médecine (naturopathie, sexologie, psychiatrie) à Charlottenburg, en banlieue de Berlin à l’époque, il fait cause commune avec les adeptes du mouvement de réforme de la vie (naturistes, opposants à la vaccination, abstinents), il se bat pour : la reconnaissance des « intermédiaires sexuels » (ni masculins ni féminins), la décriminalisation de l’avortement et l’autorisation du mariage des bonnes et des institutrices

1896 : en Allemagne, paraît la 1ère revue homosexuelle du monde Der Eigene (le Spécial, l’Unique), publication littéraire pour la « culture masculine » dans laquelle Adolf Brand, ancien professeur, rejette la théorie d’Hirschfeld sur le 3ème sexe et fait l’apologie de la beauté masculine, du modèle grec, des amours masculines à la mode antique, il glorifie les amitiés viriles, il fondera en 1903 la communauté Der Eigene sur le modèle du scoutisme ; le nom Der Eigene  fait écho au titre du livre de Stirner L’Unique et sa propriété en 1854 ; le mouvement homosexuel nait alors fort des influences conjuguées des artistes, de la subculture homosexuelle et de la psychanalyse naissante ; le revue Der Eigene paraitra irrégulièrement jusqu’en 1932, c’est le premier périodique homosexuel au monde, avec environ 1 500 abonnés ; les contributeurs iront de l’anarchiste Erich Mühsan au romancier à scandale Hanns Heinz Ewers, en passant par Karl Günther Heimsoth ou Heinrich et Thomas Mann ; le théoricien principal de Der Eigene est Benedikt Friedländer – adepte de la virilité, face à la femme, le vie familiale et la féminisation de la culture – jusqu’en 1903, Brand se sépare alors de lui pour fonder Gemeinshaft Der Eignene (GDE) (La communauté des uniques), il est alors davantage influencé par John Henry Mac Kay (1864-1933), auteur de Les Anarchistes en 1891, qui prône la dépénalisation des relations adultes-adolescents, publie des brochures qui lui valent des poursuites et des romances sur l’amour des garçons (14-17 ans) ; Der Eigene s’oppose à la théorie du 3è sexe de Hirschfeld et défend l’idée d’une bisexualité commune, il ne s’occupe pas de législation mais putôt de droits naturels, de liberté personnelle et de créer un homme nouveau (à travers le sport et le naturisme)

1896 : en Allemagne, Adolf Brand (1874-1945) publie le magazine typiquement homosexuel Mensuel pour l’Art et la Vie, avec des textes et illustrations de grande qualité artistique

1896 : aux USA, mort de We’wha (1849-1896), princesse indienne de la tribu Zuni, elle a séjourné à Washington en 1886 à l’invitation de l’anthopologue Matilda Coxe Stevenson, elle est en costume traditionnel, c’est une berdache, une catégorie qui existe dans plus d’une centaine de tribu indiennes ; ni homo, ni travesti, le berdache entretient des rapports sexuels avec des hommes, parfois se mariait avec un homme, ou devenait sa seconde épouse ; réprimés ils disparatront peu à peu au siècle suivant

1896 : en Chine, Yu Chunhe – dont Dan Shi racontera l’ histoire dans Mémoire d’eunuque dans la Cité interdite paru en France en 1991 – a 15 ans, orphelin, issu de milieu pauvre, il  deviendra eunuque au palais de l’impératrice Xiaoding, épouse de l’empereur Guangxu (1875-1909) ; en quelques pages saisissantes il raconte sa castration à 17 ans « de la main gauche, il attrapa mes parties génitales, et de droite, il tranche net ; la corde tendue (enserrant son sexe) remonta d’un saut vers le plafond et mes parties sanguinolentes restètrent à balloter en l’air, cependant qu’il rattrapait très vite les ligaments testiculaires »

8 janvier 1896 : mort du poète Paul Verlaine (1844-1896), honteux de son homosexualité, il a cherché dans le mariage une diversion, il vivait chez ses beaux-parents avec sa femme enceinte ;d’innombrables témoignages et documents témoignent de son amour pour Arthur Rimbaud, dont le poème Le Bon disciple ; Verlaine a écrit : « Le roman de vivre à deux hommes  / Mieux que non pas d’époux modèles… Scandaleux sans savoir pourquoi  (Peut-être que c’était trop beau) / Mais notre couple restait coi / comme deux bons porte-drapeaux. » ; il laisse des œuvres posthumes découvertes en 1903, comme ce Quatrain « On m’a massé comme un jeune homme,/ Ut, ré, mi, fa, sol, la, si, ut,/ Et douché, fallait voir ! mais comme / Cela ne m’a pas guéri » ou Nous ne sommes pas le troupeau « Nous ne sommes pas le troupeau / C’est pourquoi bien loin des bergères / Nous divertissons notre peau / Sans plus de phrases mensongères » ; Verlaine charge ses amis (Théodore de Banville, Charles Cros, Cabaner et Forain) d’accueillir le jeune prodige de 17 ans que sa belle famille a chassé, en 1872 Verlaine est chassé à son tour par la famille de son épouse, avec Rimbaud ils passent en Belgique où la femme et sa belle-mère de Verlaine viendront le chercher le 21 juillet, Verlaine leur échappe avec des mots de rupture féroce, et avec Rimbaud ils s’embarquent pour Ostende, puis Londres où ils vivent misérablement, mais Rimbaud quitte Londres pour Charleville, il reviendra à Londres, puis à Bruxelles aura lieu en juillet 1873 aura lieu le drame du tir de revolver, Rimbaud est conduit à l’hôpital, Verlaine est arrêté, il sera en prison jusqu’en janvier 1875, expulsé de Belgique il rejojnt Rimbaud à Stuttgart ; après une nouvelle dispute Rimbaud part poir l’Afrique ; Verlaine  connaîtra  une longue passion avec Lucien Létinois

25 janvier 1896 : mort du peintre et sculpteur britannique Frederic Leighton ((1830-1896), il est apprécié pour son classicisme, et nommé président de l’Académie royale et baronnet en 1896 ; il peint les fresques du musée Victoria et Albert et dessine la médaille du jubilé en 1887 ; sa toile David et Jonathan sera acquise par le musée d’Arts de Minneapolis ; il vit discrètement avec ses modèles masculins de grande beauté, il en fera ses héritiers

8 avril 1896 : ouverture du congrès féministe international organisé par Maria Pognon, directrice de la Ligue pour le droit des femmes , il est perturbé par des étudiants socialistes moqueurs de ces « bourgeoises exploiteuses » ; Marguerite Durand est mandatée par le Figaro pour couvrir cette rencontre et à cette occasion nait chez elle l’idée de lancer un journal réalisé exclusivement par des femmes, ce sera La Fronde lancée le 9 septembre 1897, avec des plumes d’exception (comme l’anthropologue Clémence Royer, l’avocate Maria Vérone, la militante du droit de vote Hubertine Auclert) mais aussi Séverine (Caroline Rémy qui a dirigé jusqu’en 1888 le Cri du Peuple créé par Jules Vallès), la psychiatre Madeleine Pelletier, la poétesse Lucie Delarue-Marc, la communarde Paule Minck, l’astronome Dorothea Klumpke, elle passe outre le fait que le syndicat du livre ne supporte pas la présence de jupons dans les ateliers des journaux, de très nombreux sujets concernant les femmes sont traités ; le journal paraitra durant 6 ans, avec un pic de tirage de 50 000 exemplaires en 1898

16 juillet 1896 : mort d’Edmond Huot de Goncourt (1822-1896), à la mort de leur mère en 1848, Jules et son frère Edmond ont choisi de vivre ensemble côte à côte, l’idée du mariage ne les a pas effleurés, Edmond adore littéralement son frère, ils partagent « pour l’hygiène hebdomadaire » la même maîtresse ; Jules meurt de la syphilis à 39 ans, Edmond, souvent surnommé « la veuve », est sauvé du désespoir par la défaite, le siège de Paris et la Commune, dérivatifs à sa douleur ; ils ont commencé leur Journal le 2 décembre 1951, jour du coup d’Etat du prince Napoléon-Bonaparte, la princesse Mathilde, nièce de Napoléon, reçoit les Goncourt dans son salon, ils y côtoient toutes les personnalités de la littérature, de la politique et des arts ; Edmond poursuivra leur Journal jusqu’à sa mort, il y écrit à l’heure où il y « perdu le goût de jouir… Je me sens de si infimes affinités avec le tempérament féminin, qui si je redevenais jeune et si je faisais l’amour, je redeviendrais pédéraste »; Edmond a créé l’Académie qui porte leur nom

 

1897 : Marcel Proust provoque en duel l’écrivain Jean Lorrain pour avoir insinué qu’il était homosexuel

1897 : parution de Les Nourritures terrestres d’André Gide (1869-1951), dans la préface il écrit « Certains ne savent voir dans ce livre qu’une glorification du désir et ds instincts. Pour moi c’est plus encore une apologie du dénuement, que j’y vois »; pour George D. Painter, qui écrit en 1968, c’est « un hymne à la joie ou plutôt à la vie dans laquelle tout est joie ; aux plaisirs des sens, ou plutôt à cet état dans lequel tout est un plaisir pour les sens… Ménalque est Wilde que Gide rencontra sur la colline de Florence en 1894, Ménalque est également le Des Esseintes de Huysmans, il représente aussi un aspect exagéré de la personnalité de Gide, le vrai Gide libre.. Ménalque explique sa doctrine : ‘Je haïssais les foyers, les famulles, tous lieux où l’homme pense trouver un repos… Chaque nouveauté doit nous trouver tout entiers disponibles… Familles, je vous hais !’… S’il n’est pas douteuxque l’un des éléments de la libération véhémente de Gide fut la découverte du plaisir sexuel, un autre élément également important fut sa découverte du voyage… L’hédonisme de Gide évolue vers un ascetisme. Dans la liste des innombrables plaisirs aucun n’est donné en tant que tel et dans son sens charnel : tous sont des moyens en vue d’une libération spirituelle… L’ardeur qui paraît dans les Nourritures est celle des Illuminations de Rimbaud qu’il a relu en 1894″; Jean-Louis Curtis, de l’Académie française, écrit en 1969 : »Lorsque trois ou quatre générations ont mangé les raisins verts des Nourritures terrestres, comment les dents des enfants ou des petits-enfants n’auraient-elles pas été agacées ? Elles l’ont été si bien que des milliers de jeunes ont clamé et vécu le ‘Familles je vous hais !’ en mai 1968, et qu’ils ont inscrit sur les murs de la Sorbonne des slogans comme ‘Prenez vos désirs pour des réalités’ qui paraissent sortir tout droit de Gide, dans ce n’est pas de Breton »

1897 : en Allemagne, parution de Sexual Inversion de Havelock Ellis, il est le 1er sexologue qui définit la figure de la lesbienne comme phénomène d’inversion sexuelle sur une base psychopathologique ; comme Krafft-Ebing il développe la théorie du 3ème sexe, les uranistes ou uranien-ne-s, avec une âme de femme dans un corps d’homme ou l’inverse, théorie inventée par K-H Ulrichs

Avril 1897 : André Gide, 28 ans, rencontre Henri Ghéon (Henri-Léon Vangeon)à, 22 ans, poète et étudiant en médecine, envoyé par Le Mercure de France à l’occasion de la parution des Nourritures terrestres ; ils se trouvent des traits commun du fait de leur homosexualité, errent sur les boulevards à la recherche d’un amant d’une nuit et se retrouvent le mardi aux bains du 160 de la rue Oberkampf (Régis Revenin identifiera 12 établissements de bains à Paris à cette époque), ils mettent en commun leurs amants, Gide présente Maurice Schlumberger à Ghéon ; Gide et Ghéon collaboreront à la revue L’Ermitage de 1898-1906, Verrier qui y travaille aussi parlera à Rémy de Gourmont des fréquentations de Gide (de Gourmont parlera à Paul Léautaud des « salles aventures » de Gide qui « courait la nuit sur les quais »), Ghéon lui aussi parle sans trop de retenue (à Jacques-Emile Blanche en particulier, et parle trop ouvertement dans une lettre à Gide que Madeleine Gide interceptera et touvera ainsi confirmation de son homosexualité) ; Gide et Ghéon voyagent ensemble en Normandie en 1898-1899 (ils ont des aventures communes, avec un garçon de ferme, et avec un marin sur la place de Trouville, dont Gide parlera dans son Journal), puis en Algérie en 1900 Ghéon fait l’éloge des livres de Gide, il le défend quand des critiques – comme Rachilde – réduit Les Nourritures terrestes, écrit après leur voyage en Algérie, à la thématique homosexuelle

17 mai 1897 : en Allemagne, Magnus Hirschfeld (1868-1935), suite au procès d’Oscar Wilde en 1895, s’engage socialement pour l’abolition du § 175 en fondant avec Max Spohr (1850-1905) et d’autres, à Berlin, le Wissenschaftlich-humanitäres Komitee (WHK) Comité scientifique humanitaire, la 1ère organisation dont le but est clairement la défense des homosexuels avec un centre de documentation (bibliothèque et exposition d’objets sexuels), il milite pour le droit des homosexuels, qui adresse en 1898 une pétition au Reichstag pour demander l’abolition du § 175 (signée par Albert Einstein, Thomas Mann, Richard von Krafft-Ebing, Rainer Maria Rilke, Käte Kollwitz, Stefan Zweig, Lou Andreas-Salomé ou encore Emile Zola) ; 5 000 militants homosexuels occupent la chaussée devant le Reichstag pour exiger l’abolition du § 175 ; Magnus Hirschfeld réalisera avec Richard Oswald un film Anders als die andern (Différent des autres) pour informer le grand public ; à partir de 1899 Hirschfeld publiera l’Almanach des types sexuels intermédiaires (jusqu’en 1923), en 1901 il publiera un fascicule grand public pour sa campagne contre le § 175 Que doit-on savoir sur le 3ème sexe ? (en 1911, 50 000 exemplaires auront été imprimés) ; en 1900 le WHK regroupe 70 membres ; Karl Westphal et Richard von Krafft-Ebing souhaitent aussi dépénaliser l’homosexualité mais avec des objectifs ambigües, l’un pour soigner, l’autre tout en continuant à associer homosexualité et dégénérescence donnera la parole à ces « dégénérés » dans sa Psychopathia sexualis ; en Allemagne 320 publications homosexuelles sont diffusées ; Richard von Krafft-Ebing invente le terme de pédophilie ; seules quelques femmes se sont impliquées dans le WHK, parmi celles-ci Johanna Elberskirchen (1864-1943) et Toni Schwabe (1877-1951) ; Karl Kautsky et Eduard Bernstein, grands dirigeants du SPD, signent la pétition proposée par le comité scientifique humanitaire aux côté de 600 intellectuels, savants, écrivains et personnalités politiques

Décembre 1897 : Marguerite Durand fonde le journal la Fronde, pas un seul homme n’y travaille, y collaboreront : la communarde Eliska Vincent, la libre penseuse Nelly Roussel, l’avocate Maria Vérone, la philosophe Clémence Royer, première traductrice française de Darwin, Séverine, collaboratrice de Jules Vallès au Cri du Peuple, Marcelle Tinayre, écrivaine, Maria Pognon, directrice de la Ligue pour le droit des femmes ; Emmy Fournier est secrétaire de rédaction, Neva assure la rubrique sportive, Marie Bonnevial tient la rubrique Travail

 

1898 : parution de Patenza… vers la beauté d’Achille Essabac (Henri-Louis Achille Bécasse 1868-1936), écrivain-photographe, séduit par  les photos de von Plüskow et von Gloeden, il analyse les différences entre les garçons siciliens superbes mais un peu rudes de von Gloeden et ceux de Rome et de Naples d’une exquise finesse, « exquise finesse dans les yeux… gestes d’une grâce absolue… inépuisable splendeur des marbres grecs », simultanément il dénonce le proxénétisme homosexuel

1898 : en Angleterre, Aubrey Beardsley (1872-1898), graveur et illustrateur britannique fin de siècle dont l’œuvre passionne dandys et décadents, a tracé les contours de l’esthétique Art nouveau ; il a réalisé pour Oscar Wilde – qui l’a orienté 2 ans plus tôt vers la Westminster School of Art – les dessins de Salomé sur la brochure traduite en anglais, il y a dessiné des personnages androgynes et sensuels qui scandalisait la société victorienne, entrainant son interdiction de publication, il a été associé à tort au procès de Wilde en 1894 et renvoyé du magazine The Yellow Book en 1895 ; il a écrit de nombreux poèmes et un roman baroque et érotique, ses plus grands succès ont été l’illiustration de La boucle de cheveux enlevée d’Alexander Pope en 1896 et de Mademoiselle Maupin de Théophile Gautier ; après sa conversion au catholicisme, il a demandé, à sa mort, à son éditeur Léonard Smithers (1861-1907) de détruire tous ses dessins obscènes, mais celui-ci préfèrera les vendre

13 janvier 1898 : en Allemagne, August Bebel, l’un des fondateurs du SPD, signataire de la pétition du Comité (WHK), demande pour la 1ère fois au Reichstag, la suppression du § 175

 

1899 : parution d’Escal-Vigor de l’écrivain belge Georges Eekhoud dans lequel l’auteur fait dire au chatelain Henri de Kehlmark : « Ce sont les religions bibliques qui veulent que la terre nous ait enfantés pour l’abstinence et la douleur. Impossible ! La Nature ne désavoue rien, ne répudie rien de ce qui nous béatifie », le héros qui s’indentifie à une minorité manifeste sa solidarité : « Combien de fois, en des milieux moins cultivés, lorsque j’entendais flétrir, avec des gestes et des sobriquets horribles, les amants de ma sorte, ne fus-je pas sur le point d’éclater, de proclamer ma solidatrité avec les prétendus agresseurs et de cracher au visage de tous ces incapables honnêtes gens ! », mais Henri et son amant sont lynchés par une foule hostile et hystérique

1899 : parution du livre L’amour absolu d’Alfred Jarry dans lequel il rêve de l’androgyne : «  Hors du sexe et de l’amour, je voudrais quelqu’un qui ne fut ni homme ni femme ni tout à fait monstre, esclave dévoué et qui pût parler sans rompre l’harmonie de mes pensées sublimes, à qui un baiser fût stupre démonial ! »

1899 : parution de la Tour d’amour de Rachilde (Marguerite Eymery, 1950-1953), périgourdine, sauvée du suicide grâce à la bibliothèque de son père, elle est lancée à 18 ans à la conquête de Paris, elle se coiffe à la garçonne, se pare de vêtements masculins et écrit sur ses cartes de visite « homme de lettres », la Tour d’amour s’inspire du phare (achevé en 1881 au large de l’île de Sein), deux gardiens du phare vivent au rythme de son système d »éclairage dans une mer déchainée, loin du monde dans un huis clos oppressant, entre répugnance, soumission filiale et tension homoérotique

1899 : le roman de Luis d’Herdy raconte le mariage entre 2 travestis homosexuels une duchesse virilisée Mme Sapho et un duc efféminé M. Antinoüs

1899 : à Paris la prostitution se démultiplie, il y a 48 bordels avec 486 pensionnaires (en 1880 il y en avait 133 enfermant 1 107 filles), l’exhibition et le racolage se développe dans les rues ; en 1898, le père la Pudeur le député Bérenger qui préside la Ligue pour la lutte contre la licence des rues a fait renforcer la répression de l’écrit obscène

Printemps 1899 : la jeune Natalie Clifford Barney (1876-1972) écrit à Liane de Pougy (1869-1950) « Faisons l’amour en sourdine », ses lettres resteront secrètes, ce n’est qu’en 2019 qu’on pourra en prendre connaissance conformément à la volonté de Salomon Reinach, grand ami de Pougy, mort en 1932 (grâce à Suzette Robichon et Olivier Wagner) ; Natalie Barney est née dans l’Ohio dans une richissime famille d’indistriels, Rémy de Gourmont la surnomme l’Amazone ; Liane de Pougy née Anne-Marie Chassaigne a été élevée au couvent, elle a été mariée en 1886 à un militaire violent dont elle a divorcé 2 ans plus tard à 19 ans, lorsqu’elle rencontre N.C. Barney on la surnomme la « grande horizontale », elle a fourni le modèle de Nana à Emile Zola en 1880, et sa réputation de demi-mondaine lui vaut le surnom de « Passage des Princes » ; à la fin de sa vie Liane de Pougy se fera Dominicaine sous le nom de soeur Anne-Marie Madeleine de la Pénitence avant de mourir en 1950 ; les deux femmes sont mondaines leur correspondance témoigne de leurs relations sociales, amante de Natalie Pauline Tarn apparaît, connue sous le pseudonyme de Renée Vivien, ellescommentent son recueil de poèmes Brumes de fjord paru en 1902, Natalie Barney ne cesse de citer les auteurs masculins (Baudelaire, Mallarmé, Musset, Leconte de Lisle, Gautier, Goethe, Maeterelinck, Aloysius Bertrand, Henri de Régnier, Rodendach, Verhaeren mais aussi Shelley, Whitman et Oscar Wilde), elle cite Frédérique de Marcel Prévost, Lesbia de Catulle Mendès, les vers de Verlaine ou de Browning, Seraphita de Balzac, elle appelle de Pougy ma Sappho ou ma Lesbie, elle convoque la Mytilène mythique, le sexe de Liane devient « le calice de sa douce fleur » ; face à la contrainte de dissimuler leurs amours, dans Traits et Portraits en 1921, Natalie écrira « Aimer c’est prendre le voile », elle parle de « buisson ardent », Liane devient son « lys rouge », « white rose », « iris noir », « fleur nue de mes lèvres »; Pougy nomme Barney « fleur de lin », « ma petite fleur », et lui écrit « Ma petite fleur bleue, je t’ai donné toute la nuit la pointe de mes seins », « fleur fine, fraîche et parfumée qui vous pénètre et vous embaume »; pour lutter contre le tabou qui pèse sur leurs amours, Barney et Pougy  mettent en pkace une véritable collaboration littéraire, ainsi Barney travaille à une préface pour l’Idylle saphique de Pougy un ouvrage dans lequel Pougy recopie presque mot pour mot la toute première lettre de Barney ; en 1926 Barney écrira Amants féminins ou la troisième, sur le désir lesbien, esthétique de modernisme saphique

25 mai 1899 : mort de Rosa Bonheur (Marie-Rosalie Bonheur 1822-18 la répression de l’écrit obcène 99), peintre et sculptrice, elle s’émancipa très tôt s’habillant en homme et fumant le cigare, elle fut la première femme à recevoir la Légion d’honneur ; en 1857 le préfet de police de Paris lui a accordé l’exceptionnelle autorisation de porter des habits d’homme, en 1860 le succès lui a permis d’acquérir le château de By, sur le côteau viticole de Thomery (Seine et Marne) où elle a fait construire un très grand atelier et aménager des espaces pour ses animaux ; adolescente elle s’était liée à Nathalie Micas qui est devenue peintre comme elle leur relation s’est terminée en 1889 lors de mort de Micas, Rosa à 67 ans perd alors le goût à la vie ; elle a entretenu une relation avec la cantatrice Miolan Carvalho entre 1866 et 1872, puis s’est liée avec l’Américaine Anna Klumpke artiste-peintre qui a fait son portrait, les 2 femmes ont vécu ensemble au château de By, près de Fontainebleau, Rosa désignant Anna comme son épouse, qui est devenue sa légataire universelle, son énorme collection sera vendue en juin 1900 ; les cendres d’Anna décédée en 1942 aux USA seront rapatriées en 1948 et déposées dans le tombeau de Rosa Bonheur et de Nathalie Micas au cimetière du Père Lachaise ; Anna fondera le prix Rosa-Bonheur qui sera attribué chaque année par la Société des artistes à un des meilleurs tableaux du Salon ; la propriétaire du château, Katherine Brault, descendante d’Anna Klumpke, organisera des expositions pour faire connaître Rosa Bonheur un siècle plus tard

28 juillet 1899 : Jean Lorrain, (Paul Alexandre Martin Duval, duc de Fréneuse (1855-1906), arrive au terme de son roman-journal Monsieur de Phocas qui couvre la dernière décennie du siècle, « cette œuvre admirable à laquelle je ne vois rien d’équivalent dans notre littérature… il est presque impossible de s’en détacher » écrira André Breton ; « dandy fardé, homosexuel et éthéromane, il affiche ses inclinations pour la canaille et les garçons bouchers, sillonant les caboulots de Belleville, les fortifs et les bals de barrière » écrira son préfacier de 1992 Thibaut d’Anthonay qui parle d’ « anthologie de la décadence », « reconnu par Barbey d’Aurevilly et Edmond de Goncourt dont il est l’admirateur et l’intime », il « compte parmi ses amis Rachilde, Paul Adam, Sarah Bernhardt. Il a aussi ses ennemis : Paul Bourget, Robert de Montesquiou, Marcel Proust. Malgré sa position en vue dans le Paris fin de siècle, la ville empoisonnée le dégoûte », il partira s’installer à Nice à la fin de l’année 1900 ; tout est langage poétique et codé, ce n’est qu’en fin de parcours qu’il désigne clairement l’ojet de ses désirs « ce n’est qu’après m’être dépravé et corrompu au contact des hommes… », deux noms reviennent en permanence Claudius Ethal et Thomas Welcome, sujets de relations toujours compliquées tant leurs univers sont différents

Fin XIXème : apparition dans l’argot d’Angleterre du mot camp désignant la gestuelle outrancière des homosexuels efféminés (le Dictionnaire des cultures gays et lesbienne parlera en 2003 de dandysme port-moderne), humour provoquant, style « folles », travestissement, jeu sur les identités, autodérision, manière théâtrale de se comporter, dimension esthétique surtout.