UNE VIE, DES PASSIONS

  UNE VIE, DES PASSIONS

Je n’étais pas un passionné, cette vie ne me motivait pas, je me laissais un peu aller, des années de langueur et d’ennui.
Une grande famille, bien peu remarqué, au milieu d’une famille immense où on ne peut que s’initier les uns les autres pour faire son éducation. Des parents peu disponibles, admirables chacun, mais sans amour entre eux. Des frères et sœurs qui se débrouillent chacun de son côté. L’école, le collège est le lieu de la formation et des apprentissages. Un père qui se sent bien peu capable de s’occuper d’eux, n’ayant pas eu de père lui-même, il se consacre à son métier et aux œuvres sociales.
Les Petits chanteurs de Provence, un espace de liberté. Le chant comme moyen de se distinguer des autres. Peu à peu comme moyen de se « croire » quelqu’un avec ses propres capacités. En tout cas un lieu de détente – avec une troupe scoute spécifique – et d’évasion, avec ses camps d’été et ses sorties dans les calanques.
Les bons pères un peu ternes, pas très marrants, des camarades de classe très ordinaires, avec quelques premiers de la classe et quelques bons amis. Lais les bons pères c’est aussi un « père spirituel » celui qui s’insinue dans ta vie, tour à tour in est « convoqué » pour se confesser aux heures d’études entre 13h et 14h ou après 17h. Je me confesse, je n’ai rien que des banalités à dire.
Est-ce un effet de la recommandation qu’ils ont de former des hommes et pas seulement de les éduquer ? Toujours est-il que mon père spirituel finit par m’interroger davantage avec un air de dire « tu n’as donc que des banalités à dire ? » et qu’en est-il du côté de la « pureté » ? je ne connais pas ce terme, il m’explique de façon embarrassée, je finis par comprendre ce qu’il veut, mauvaises pensées, rêves incongrus, excitations déplacées, filles, liberté prise avec mon corps. Je pense au sexe brûlant que je n’ai pas le droit de toucher. Je ne comprends pas très bien ce que cela a à voir avec les confessions mais en garçon moyen et docile je m’entortille là-dedans.
A partir de là, je suis dans une spirale infernale. D’autant que la troupe scoute des Petits chanteurs est source de tentations. Fait d’argile comme je suis, je me coule dans le moule, je me contracte. Si je veux moi aussi être un bon chrétien, il me faut (très) bien me conduire.
Il me faudra plus de 10 ans pour que je sorte de cette spirale infernale. Près de 15 ans de ma vie pour comprendre les raisons de mon mal être.
Les voyages fuites et ouverture sur un désir de vivre.
Le Tchad d’abord, beauté des corps sur les rives du Logone, découverte d’un pays, ouverture sur des réalités sociales si nouvelles, rencontre avec des gens simples, souriants, durs à la tâche et ouverts sur la vie, acceptation simple d’une autre vie, éveil du désir aussi mais en tout bien tout honneur.
Et de nombreux voyages au Chili, en Inde, au Maroc, en Italie, au Sahara, etc. Tant de beaux espaces, de magnifiques paysages, partir, partir, découvrir, rencontrer.
Mes engagements sociaux. Avant d’assumer mon homosexualité, tout naturellement, sous l’influence de mon père sans doute, je m’engage : alphabétisation, mobilisations étudiantes et politiques de Mai 68 aux années 1970. Après l’avoir assumé, là encore avec le souci de n’être pas engagé qu’en homosexualité mais aussi dans la vie sociale : Centre social Belsunce, A3CI, CVPT, enchainement naturel qui occupe beaucoup de mon temps.
Avec tout cela je n’ai rien dit de ma vie étudiante, ni de ma vie professionnelle, rien d’exaltant dans les faits, si ce n’est (heureusement) le sentiment qui sauve un peu l’image que je me fais de moi. Je fais Sciences Po à Paris et je passe 12 ans qui m’intéressent vraiment dans la politique de la ville consacrant mon temps et mes efforts aux quartiers les plus oubliés de Marseille. Ma fibre sociale croise ma fibre politique, je m’engage pour plus de justice et je porte mon combat pour les homosexuels désormais, c’est ma passion ultime.

Mes passions, mes modèles, mes amis.
1975, déjà 29 ans, je sors dans la galère après être un temps revenu dans le giron de mes parents, de retour d’Afrique en attendant de trouver du boulot. Je suis depuis plus d’un an dans un travail qui m’intéresse à moitié, je gagne ma vie, pas tant que ça.
J’ai la chance de tomber sur un collègue de travail en instance de divorce qui ne sait plus trop où il en est. Un week-end de grande balade nous nous apprécions bien, je termine chez lui. La rencontre se fait enfin pour moi, qui m’offre une image toute différente de ce qu’est pour moi l’homosexualité, quelque chose de repoussant, de caricatural (alors que brillent Jacques Chazot, Roger Peyrefitte ou Jean-Louis Bory et que se déroulent des débats compassés à la télé), qui permette la rencontre entre deux hommes, c’est la douceur, c’est l’intelligence. Bref, il m’introduit en douceur dans l’homosexualité. Cette rencontre est un éblouissement, mais c’est un passage pour lui alors que c’est une terrible épreuve pour moi. A peine rencontré, à peine perdu.
Une chose s’est passée. Je suis trop entier pour ne pas l’admettre dans ma façon d’appréhender les choses. Compte tenu de l’éblouissement que ça a été pour moi. Il me faut peut-être admettre que le drame de ma vie sans intérêt, de mon vieillissement prématuré c’est cette question de l’homosexualité.
Dès lors insensiblement de rencontres de hasard, en nuits et en week-end de solitude éprouvante, je chemine autrement.
Cet ami, André, m’a mis en contact avec Jacques Fortin qui me propose de le rencontrer. Je suis tellement mal que j’accepte après moult hésitations de le rencontrer. Je bloque sur presque tout ce qu’il me dit, mais je comprends qu’un groupe se réunit. Je le sais plus ou moins, j’ai vu des entrefilets dans le journal La Criée depuis quelques mois mais j’étais vent debout contre l’idée de m’approcher de ce groupe. D’autant que je redoutais de me trouver nez à nez avec la petite équipe des fondateurs de ce journal dont j’avais été 2 ans plus tôt lorsqu’on avait brainstormé à 4 ou 5 sur ce que pourrait être le nom de ce journal alternatif, et que je m’étais même chargé de rencontrer l’écrivain Raymond Jean pour le solliciter afin d’être notre paratonnerre comme l’avait été » Jean-Paul Sartre avec La Cause du Peuple en 1968.
Par un jour de novembre 1978 je fais le pas, je monte l’escalier du 41 rue de la Palud où se réunissait le vendredi soir ce terrifiant et mystérieux GLH (groupe de libération homosexuel). Je suis d’emblée mis à l’aise, accueilli comme un ami, Michel, Pierre et Léon sont pleins de sourires et de gentillesse. La surprise est énorme pour moi.
A partir de là tout va vite. Comme je l’ai dit je suis trop entier pour ne pas me confier, me livrer, ce sont des amis, ce sont des personnes d’une qualité inattendue, je n’imaginais pas que l’homosexualité pouvait aussi être de la qualité humaine, d’autant que dans la pseudo communauté de vue toute hétérosexuelle dans laquelle je baigne alors (on est 3 puis quatre, parfois 5 à vivre ensemble à Cabriès) l’un d’entre eux m’entendant parler de boite gay et de musique disco (qu’il voue aux gémonies) a une idée toute faite sur l’homosexualité comme garantie de terminer sa vie tout seul.

Mes modèles

Jacques Fortin

Je trouve dans ce GLH une équipe de gens fabuleux, il y a Jacques Fortin, l’âme de ce groupe, Je ne ferai jamais assez son éloge, il est une personnalité forte, charismatique, il rassemble des caractères très divers parce qu’il a pour chacun une facette qui les touche, qui les aimante. Il est psychologue, cultivé, mobilisé, convaincant, pédagogue, révolté, doux, capable d’haranguer, capable de laisser place à toutes les couleurs politiques aussi (quoique membre d’un mouvement politique d’extrême gauche très marqué). Il motive les personnes et encourage les énergies.  Pourtant il est parfois très dur avec son absence-présence qui conduit à lui reprocher d’impulser puis de disparaître, une façon de dire aux autres débrouillez-vous sans moi. Je ne comprends pas l’incapacité que je crois trouver en lui de ne pas comprendre à quel point un groupe ne peut tenir que parce qu’il en est le catalyseur, ce qu’il refuse.
Quoiqu’il en soit il est là pour toutes les occasions importantes, pour lancer le GLH depuis 1976, pour lancer les UEH en 1979, il sera encore là pour relancer les UEEH en 1999, et pour lancer LGBT formation quelques années après avoir réalisé le documentaire « Etre jeune et se vivre homo » en 2001. Il a une énergie, une force de persuasion, une capacité d’entrainement, une attention aux femmes aussi, nécessaire pour passer par-dessus la tendance naturelle des gays à ne vivre qu’entre eux. Je l’avais entendu dans le stage politique de la LCR, dont il était cadre en charge de la formation, lors d’une journée de travail, il avait été éblouissant, avant tout un pédagogue, avec modestie il dira « je suis un causeur ».
Mais il y a aussi tous les autres, qui constituent un patchwork étonnant. Impossible de tous les citer.
Roland Thélu, notre homme de culture, qui lit tous les livres et discute avec autant de facilité avec Dominique Fernandez, Yves Navarre, Conrad Detrez qu’avec Edmonde Charles-Roux ou encore avec le peintre sur mur Ernest Pignon-Ernest. Il n’a jamais froid aux yeux pour inviter les grands qui nous fascinent. Il nous fait connaître Jean Genet, le film Le condamné à mort avec cet homme qui communique par un trou dans le mur « l’assassin si beau qu’il fait pâlir le jour » et le Funambule. Il vit à l’hôtel de Cabre où il organise des repas de sa confection et des fêtes lumineuse, il est directeur de magasin chez le joaillier Frojo.
Raymond Martinez, le souffleur de verre, créatif, enjoué, membre d’une cellule du parti communiste il a trouvé quelques autres communistes comme lui pour ensemble, affirmer leur combat et du coup se faire expulser ensemble du PCF.
Pierre Jolivet de Thorey, l’aristocrate au bracelet berbère et à chevalière, architecte tout de blanc vêtu, insatiable coureur, décrivant ses rencontres amoureuses avec poésie et délicatesse.
Gérard Goyet, note troubadour, organisateur de spectacle et de fêtes, insatiable initiateur de théâtre, de groupe de musique, de table de restaurant dans son appartement, détecteur d talents et détecteur d’amants artistes.
Jean-Pierre Léonetti, dit Léon, cheville ouvrière bien nécessaire, toujours disponible pour le secrétariat ou la trésorerie, apprécié de tous pour la qualité de son écoute et sa gentillesse.
Marco Lemaire qui lance le petit journal La plume taillée et deviendra journaliste à Gai Pied
Bernard Pollet qui lance le premier festival de cinéma avec Genet, Race d’Ep, David Hockney, Andy Warhol, et les Chevaux de feu de Sergeï Paradjanov.
Michel Richardot professeur de math à l’université, effervescent et mutin
Jean-Luc Van Hasebrouck contrôleur du travail, toujours accueillant et bienveillant
Mélanie (Jean-Michel Rousseau), Jacques Garry, Alain Julien, Georges Fernandez (Flavien), Alain Farge, Pierre Farges, etc. Avec ces énergies et les autres, les premières années resteront très marquantes dans la mémoire des anciens, année d’amitiés très fortes et de créativité, cinéma, petit journal, débats publics (Homosexualité, justice police, etc.), soirées au restaurant du vendredi soir Chez Alex, qui mobilisent et alertent bien au-delà du milieu gay en direction des journalistes et média locaux et nationaux (Patricia Charnelet fait une émission sur Antenne 2), et permettent l’organisation des Universités d’été homosexuelles en 1979, puis 1981, 1983 et 1985.
Le noyau d’origine a la capacité d’accueillir et de mobiliser des cercles toujours plus larges à Marseille, mais aussi d’être un pôle au niveau national pour le CUARH et bien d’autres réseaux.
Pour moi cette période est marquée aussi par les campings gays italiens tous les été s pendant plusieurs années dans divers coins de la botte italienne. Le premier en 1979 quelques semaines après la première UEH, à Capo Rizzuto dans l’extrême sud italien, est un moment d’anthologie, organisé par les fondateurs (Felix Cossolo, Ivan Théobaldeli) de Babilonia (l’équivalent de Gai Pied), la nudité sur la plage dans un lieu inaccessible, au pied d’une falaise, des jeux de pyramides humaines, des corps enduits d’une boue très douce qui craquèle sous l’effet du soleil, des soirées merveilleuse de spectacles spontanés avec Ciro Cacina (qui deviendra leader des trans napolitaines). Ce premier camping est l’objet d’un livre Cercando il paradiso persduto dont le titre est éloquent à lui tout seul. Cette folie italienne se reproduira plusieurs années, mais les contraintes de rentrer dans l’ordre deviennent de plus en plus fortes, les plages trouvées interdisent la nudité puis l’homosexualité, la presse et les édiles locales mettent leur nez dans ces campings inavouables.

Jean Le Bitoux

J’ai eu la chance de connaître Jean en 1978, c’était au Mazel au mois d’août, une ferme en Ardèche, avec de grands bâtiments, toute l’équipe fondatrice du futur journal Gai Pied s’y retrouvait pour préparer le projet.
Des copains accouraient de divers coins de France pour participer au projet. En montant, dans ma voiture je suis monté une première fois avec Marco Lemaire et Flavien (Georges Fernandez), et la 2ème fois, avec Patrick Cardon que j’avais rencontré à Aix, animateur de la Mouvance folle lesbienne à la trajectoire bien éloignée de celle du GLH de Marseille. C’était un bonheur de vitalité que j’avais rencontré, de fêtes jusque tard le soir, de baignades dans le Gardon.
J’étais un bleu, je ne voyais pas le travail qui se faisait, je ne voyais que le bonheur de la vie communautaire festive. Je voyais que Jean jouait un rôle important, il était accueillant et ouvert, je l’ai pris en photo assis au bord de l’eau, il tirait la langue.
Par la suite, il m’a sollicité peu ou prou pour être correspondant du journal. Je voyais bien que je n’avais aucune compétence pour cela. Et lorsqu’avec Marco nous sommes allés voir la vie gay à Toulon ou que nous avons rencontré la chanteuse polonaise Anna Prucnal à Hyères, c’est lui qui a su rédiger des articles. En revanche je me sentais l’âme de faire connaître le journal, je faisais le tour de quelques kiosques pour leur faire connaître, mais je l’ai fait en rougissant…
Si mon temps ne me permettait pas de le lire, je ne me sentais pas la capacité de donner mon avis sur les articles, je suivais le journal et son évolution.
Et puis j’ai eu la chance de revoir Jean pour lui parler du procès que j’avais gagné contre Paris Match et des idées qu’on pourrait avoir pour utiliser les 10 000 francs que m’avait fait gager le procès, il a eu l’idée de lancer une fondation pour les documents et archives dispersées par les familles après la mort des homosexuels. Il était marqué par l’incapacité que nous avions eu d’offrir un lieu d’accueil pour les archives de Pierre Hahn lors de sa mort. Ce sera la fondation mémoire des homosexualités. Il a sollicité plusieurs personnes pour cela, Geneviève Pastre, Jacques Vademborghe, Pierre Verdurier, ancien d’Arcadie, mais aussi Jean-Pierre Joecker, fondateur de la revue Masques, et Jean-Pierre Meyer-Genton, fondateur de la librairie Les Mots à la Bouche, une formidable équipe. Pierre Verdurier et Geneviève Pastre racontent leur visite récente à l’exposition Eldorado de Berlin qui retrace les grandes années de la vie homosexuelles au cours de la république de Weimar. Le projet n’a pas réussi à décoller. Dans ma naïveté je pensais que les 10 000 francs que je mettais dans la corbeille une fois l’idée lancée, le projet marcherait tout seul sous l’effet des compétences assemblées, je me dissimulais derrière la distance à 800 km de Paris. C’était sans compter sur le fait qu’ils étaient tous très occupés et visiblement attendant beaucoup de moi comme moteur du projet. C’est Jacques Vandemborghe qui a pris le relais, il semblait le plus disponible, il s’est impliqué activement pendant 2-3 ans à travers des concerts et des colloques. Mais nous avons été confrontés très vite à la montée de l’épidémie du sida, comment pouvions-nous apparaître comme des rapaces à l’affut des biens des morts du sida ? Plusieurs d’entre nous étaient atteints par le virus, le temps n’était plus) à la collecte, il était à l’urgence, il était à l’épée de Damoclès.
Nous avons pourtant eu grâce la crédibilité acquise par Jean, la confiance que nous a témoigné Daniel Guérin (qui nous a remis tous ses rayonnages homosexuels) et de quelques autres donateurs.
J’étais sensible à la capacité de Jean de travailler sur de nombreux sujets. Il est venu à la première université d’été homosexuelle de 1979, il avait rencontré le GLH. Puis je l’ai fait venir  à Marseille pour des débats publics, l’un sur son analyse de la condition des homosexuels, l’autre sur la question de la déportation homosexuelle, il voulait la présence d’un historien, j’ai invité Emile Témime, très connu à Marseille. Je savais que Jean suivait attentivement l’Alsacien déporté Pierre Seel qui avait envoyé dans de nombreuses directions des bouteilles à la mer lorsque l’archevêque de Strasbourg avait traité les homosexuels d’handicapés. Jean écrira avec lui le livre « Moi Pierre Seel, déporté homosexuel ». Grâce çà lui j’ai connu Pierre Seel, je les rencontrera ensemble à Toulouse alors qu’ils travailleront sur la relecture du manuscrit.
Lorsqu’à Paris, Jean, a déposé la première gerbe des homosexuels pour la cérémonie du Souvenir du dernier dimanche d’avril, il m’a incité à faire de même à Marseille, c’est comme cela que j’ai déposé moi aussi la première gerbe à Marseille en 1995.
Jean le Bitoux à ce que j’en ai vu a des qualités rares, il a créé Gai Pied après avoir créé à Nice un petit journal dans ses années FHAR Le Gai Tapant, mais il a surtout été capable de mobiliser une équipe, avec l’aide précieuse de son administrateur Gérard Vappereau, de motiver les uns et les autres, de répartir les tâches, afin d’en faire une équipe rédactionnelle. E au-delà il a su mobiliser bien des personnalités pour donner un contenu fort à ce journal et pour qu’ils servent de caution face aux velléités d’interdire le journal. Il créera d’autres journaux après avoir quitté Gai Pied en 1983
Au cours du premier semestre 1983, il y a un clash sérieux à Gai Pied, Jean quitte le journal, il n’a pas accepté le tournant « commercial » que prend le journal, qu’il a voulu militant d’abord, sans compromis avec les commerces sous prétexte de recette publicitaires et d’équilibre financier. Il a claqué la porte mais il est loin d’être tout seul, toute une équipe le suit. Une équipe magnifique dont je ne connais que les noms marseillais (Marco Lemaire, Jean-Georges), plusieurs brillants collaborateurs du journal. Ils viennent aux UEH de 1983 expliquer leur démarche, puis je les revoie à Avignon, lors du Festival, ils se rassemblent dans une belle maison, rue Saluces, avec jardin mis à leur disposition par Pierre de Ségovia, proche ami de jean depuis le Fhar de Nice. Le lieu, où je vais le week-end, est à nouveau un lieu d’effervescence. Jean et son équipe diffusent un journal explicatif Gai Pied au cul, veulent expliquer leur conflit et leur départ, ils veulent préparer un nouveau journal.
Puis Jean sera précieux à Aides et à Arcat Sida pour leurs médias et leur communication.
Je ne l’ai pas connu dans ces projets-là en revanche j’ai apprécié son écoute et sa capacité de faire émerger les potentialités des autres et de leur faire confiance. Avec lui ion devenait intelligent, il savait aller à l’essentiel et foncer en donnant une place à chacun tout en donnant le meilleur de lui-même. Je l’ai vu à l’œuvre pour la cérémonie de la Déportation, avec Pierre Seel, avec ce projet de Mémoire des homosexualités et avec le Mémorial de la déportation homosexuelle qu’il a fondé. Jean était un combattant, un militant, un précurseur. Il était un ami bienveillant pour beaucoup d’entre nous.
Par ailleurs, c’est grâce à Jacques Vandemborghe que j’ai fait la connaissance de Gerard Koskovich, l’historien américain qui s’occupaient de créer à San Francisco un centre documentaire sur les questions LGBT. Jacques l’avait rencontré lors d’une marche de la Pride à Paris dans les années 1980. Depuis cette époque Gerard Koskovich a avancé de façon considérable avec ce qui est devenu un musée LGBT, c’est-à-dire un lieu d’information s’adressant aux gays et aux lesbiennes mais bien au-delà au grand public.

 

Pierre Seel

Je reçois ses textes photocopiés, des télégrammes envoyés comme des bouteilles à la mer. Il exprime sa révolte à propos de Mgr Elchinger qui parlait d’handicapés à propos des homosexuels.
Je comprendrais peu à peu, il ne fait pas partie de ces révoltés sans cohérence qui diffusent des textes plus ou moins fondés. Son propos a porté, il a trouvé en particulier parmi mes amis de Mémoire des homosexualités, Jacques Vandemborghe et Geneviève Pastre, et bien sûr Jean Le Bitoux, avec le soutien de Me Jourdain, une chambre d’écho. Ceux-ci ont avec lui porté plainte contre Mgr Elchinger. Ils ont perdu leur procès mais Mgr Elchinger a été dénoncé.
Pierre Seel attrapé par la police alsacienne, encadré par celle du Reich désormais, a du reconnaître qu’il avait fréquenté un lieu de drague de Mulhouse à 17 ans, lorsqu’il avait bêtement porté plainte pour vol de sa montre. Bon catholique et père de famille, 40 ans plus tard il est révolté malgré la promesse faite à son épouse de ne pas parler de sa détention pour homosexualité, son sang n’a fait qu’un tour. Ses enfants étaient grands maintenant, il s’était plié aux lois de la société policée et formatée, il s’était soumis. Il ne pouvait plus se soumettre surtout face à une éminence de son Eglise qui se permettait encore de le salir.
A partir de là, un long et douloureux processus conduit Pierre à prendre sa vraie place de déporté homosexuel.
Du côté des homosexuels, il a fallu une prise de conscience de notre histoire. Gai Pied a fait paraître de nombreux articles après s’être penché sur des travaux d’historiens.
Du Côté de Pierre, l’émergence a été douloureuse, vis-à-vis de sa femme qui s’est sentie trahie, vis à vis de ses enfants qui ont vécu une difficile période chahutée entre père et mère. Pierre était à l’âge de la retraite et ses enfants avaient grandi, il s’estimait, malgré la colère de son épouse, à un âge où il pouvait s’exprimer enfin librement et vivre tout autant c’est-à-dire prendre le risque de devoir habiter ailleurs, seul, s’il le fallait et même rencontrer de nouveau des garçons.
Il est invité au GLH de Toulouse, rencontre David et Jonathan, sa famille spirituelle. Il parle de ce qui lui est arrivé, il en parle sans cesse. Il est invité dans de nombreuses villes.
Je découvre Pierre Seel part Jean Le Bitoux qui me suggère d’aller le voir et de garder le contact avec lui, je l’invite à Marseille. En 1997 j’invite Pierre à Marseille, il s’exprime au Goetghe Institut, rue de Rome, il y a du monde, il y a même Mme Toros-Marter, de l’Amicale des déportés d’Auschwitz, elle écoute son témoignage, elle était sceptique, elle se dit touchée par son témoignage. Je le fais recevoir au conseil général des Bouches du Rhône par le président Jean-Noël Guérini.
Une fois je vais à Toulouse alors que Jean Le Bitoux est chez lui et vient travailler sur l’un des chapitres du livre en préparation. Ils veulent l’un et l’autre être le plus précis possible, et même s’il y a des choses qu’ils conviennent de ne pas dire car pour un livre de grande diffusion, il faut éviter ce qui peut être mal compris. Lorsque le livre paraît en 1994, il joue un rôle majeur. Il permet enfin la reconnaissance de la déportation de Pierre, il n’est plus un « droit commun », il devirent officiellement un déporté politique.
Des chercheurs et des militants homosexuels de divers pays cherchent à le rencontrer, à l’inviter à parler chez eux. Alors, il va à Berlin pour la première fois depuis la guerre et s’exprime enfin en allemand, ce qu’il avait toujours refusé depuis sa déportation. Il est invité à la télévision. Jean Le Bitoux l’engage à passer dans l’émission Perdu de Vue afin de lancer un message à la mer, pour que d’autres déportés homosexuels s’expriment au grand jour, afin de sortir de cette solitude terrible, celle d’être seul porte-parole de cette cause en France.
On découvrira peu de temps après qu’il y a eu 110 noms de déportés en France. Mais des recherches plus précises encore, plus tard, retiendront plus de noms qui concernent essentiellement les 3 départements d’Alsace- Moselle soumis au joug du Reich allemand, c’est-à-dire au paragraphe 175.
Pierre Seel a donc été parmi les rares déportés homosexuels français. Et c’est dans les autres territoires du Reich, en Allemagne et en Autriche, que des cohortes d’homosexuels ont été dénoncés, harcelés, humiliés, licenciés et déportés.
En 2000 j’invite Pierre à venir parler à l’Université d’été homosexuelle à Marseille.
Dans les années qui suivent, de plus en plus malade et fatigué, Pierre participe à des cérémonies de la Déportation en France. Il vient en 2003 à Marseille, il est reçu en mairie, participe à la cérémonie et dépose une gerbe. Ainsi, un pas important est franchi à Marseille, son dépôt de gerbe atteste l’existence de la déportation homosexuelle alors que nous n’avions pas ce jour pas le droit de déposer une gerbe dans le cadre de la cérémonie officielle (nous n’aurons le droit qu’en 2010).
Depuis que je connais Pierre, je lui téléphone autant que je le peux, tous les samedis soir. Nous devenons proches tout naturellement. Cela me donne l’occasion de le suivre pas àç pas entre voyages pour lesquels on le sollicite, comportements de son voisinage lorsqu’un jour on vient souiller le pas de sa porte, occasions de débats dans le milieu associatif toulousain, répercussions pénibles de l’explosion d’AZF en 2000 (avec ses fenêtre brisées), relations compliquées avec son épouse, rencontre avec son ami Eric qui lui fait tant de bien. Je prends des notes de tout ce qu’il me dit au téléphone, là aussi assez naturellement car j’ai eu longue habitude de prendre des notes, et mes entretiens avec Pierre me paraissent mériter cela.
Il vit dans un appartement qui est peu à peu devenu d’un grand désordre car il accumule tant et tant de documents, il allume la bougie qui lui rappelle son ami Jo, attaqué par les chiens et déchiqueté comme il le raconte dans son livre.
Le samedi soir est notre rituel, si bien que je suis l’évolution de sa maladie, il devient de plus en plus incapable de se mouvoir. Eric est un ami impeccable, toujours attentif et prévenant, c’est une chance inespérée pour cet homme qui vit loin de sa famille.

 

Daniel Guérin

Lors du gala de la première UEH en 1979, je vois dans le hall d’entrée du théâtre du Merlan, ce vieux monsieur en short souriant, heureux de se trouver au milieu de cette nouvelle génération d’homosexuels venus en masse.
Intrigué, je vais vers lui l’interrogeant sur sa présence, je comprendrais peu à peu qu’ils sont des compagnons de lutte de longue date me dit qu’il a une maison à La Ciotat non loin de Marseille. J’aperçois Françoise d’Eaubonne qu’il me présente. C’est l’entrée en matière. Peut-être qu’il a eu le temps de me donner ses coordonnées, en tout cas j’ai eu le désir d’aller le voir à La Ciotat. Je l’ai découvert dans sa villa des Strelitzias qui domine la vieille ville et les chantiers navals, avec son bureau au premier étage.
La conversation avec lui est riche, il est intelligent et pédagogue. Ce début de dialogue est prometteur, j’apprendrais beaucoup plus par la suite.
Il me propose un jour d’aller rendre visite à son frère, Guillaume, qui vit dans le Luberon, à la Roche d’Espeil, accessible depuis la combe de Lourmarin. Un garçon l’accompagne, nous sommes bien reçus par ce frère dans cette belle maison qui domine les collines du Luberon. Le frère doit être habitué de longue date, il ne se formalise pas devant ce débarquement de garçons. Etonnant frère qui vit seul dans cette demeure où son épouse n’a pas voulu l’accompagner, il est artiste, il passe son temps à peindre, installé dans l’immense pièce du dessus. Il nous fait découvrir ses réserves, ce sont toutes ses peintures bien rangées. Peintures dans l’esprit de cette période des années 1950-1960. Géométriques, entre Nicolas de Staël et Victor Vasarely avais-je pensé en médiocre connaisseur de la peinture. Il ne vend pas sa peinture, il ne donne pas de dessin. Il la thésaurise dans sa magnifique maison, il a eu les moyens de construire un ascenseur pour monter au 2ème étage, son étage de travail, pressentant une éventuelle incapacité de monter l’escalier.
Je comprendrais plus tard que les 2 frères ont hérité d’une belle fortune, l’un l’a utilisé pour se faire plaisir, l’autre, Daniel, a choisi d’aider les causes auxquelles il croyait. Leurs grand père dirigeait les éditions Hachette, leur père était un grand collectionneur d‘art à Saint-Germain des Prés.
Je perds de vue Daniel n’osant pas trop le déranger, je saurais grâce à Jean le Bitoux qu’il a trouvé un jeune compagnon à l’heure de son grand âge, Gérald, haut-alpin, que j’avais connu lors de la première UEH de 1979. Il a enchanté les dernières années de Daniel Guérin avant de mourir du sida.
Une décennie plus tard, je rencontrai la fille de Daniel Guérin, Anne, lorsqu’elle fera son enquête sur le sida aux côtés du sociologue Bernard Paillard. Je serai heureux de revoir grâce à elle cette maison de La Ciotat.
Daniel c’est une fabuleuse histoire, une histoire de militant politique, très tôt en rupture avec son milieu familial, en révolte contre la bourgeoisie, en communion étroite avec les jeunes prolétaires. De ce fait il a connu très tôt la drague de rue, les bals de la rue de Lappe et les rencontres fortuites avec ces jeunes hommes qui l’attiraient tant. Dans mes années 1930, il s’est engagé à la CGTU (confédération générale du travail unitaire) puis politiquement au PSOP (parti socialiste ouvrier et paysan), opposé au parti communiste, à la gauche de la SFIO, sous la direction de Marceau Pivert. Il sera longtemps entre trotskisme et anarchisme.
Marié avec une autrichienne. Par amour ? par attrait intellectuel pour cette femme proche de Freud ? pour convenance à une époque où même les homos se rangeaient ? je ne perçais pas cette énigme. Il a eu Anne avant la guerre et laissé sa femme s’en occuper, ce qui n’empêchera pas qu’un lien fort se crée entre le père et la fille, fait de discussions intellectuelles et politiques de haute tenue. Mais Daniel Guérin sera surtout l’un des premiers grands intellectuels à affirmer son homosexualité dans deux livres autobiographiques d’après-guerre. Il approfondira la question de l’homosexualité, lisant beaucoup dans ce domaine comme dans les autres, des livres en français, en anglais comme en allemand. Il a été le premier à diffuser en France et commenter les écrits de l’Américain Alfred Kinsey, sa grande enquête sur la sexualité des étudiants au cours des années 1940. Kinsey a observé que l’hétérosexualité était aussi répandue que l’homosexualité, chaque individu se plaçant sur une échelle de 1 à 100, entre 100% d’hétérosexualité et 100% d’homosexualité.
Au cours des années 1950, il installe sa maison d’été à La Ciotat. Il est attiré par les ouvriers des chantiers navals, pour des raisons syndicales et politiques, pour des raisons érotiques aussi. Il a surtout une belle opportunité d’investir une partie de son héritage dans un bel espace qui domine la vieille ville, il crée une résidence d’accueil temporaire pour intellectuels et artistes, il leur offre le gite et le couvert, plusieurs grands intellectuels apprécient le lieu, parmi eux André Schwarz-Bart prix Goncourt en 1959 avec le Dernier des Justes.
Par deux fois, il est victime d’injures homophobes publiques de la part du maire de La Ciotat, Jean Graille (maire socialiste de 1949 à 1977), lorsqu’il apporte son soutien à des mobilisations sociales.
Au début des années 1970, Daniel Guérin il s’est lié avec Pierre Hahn rencontré à Arcadie, et avec lui il s’est bien senti au Fahr, entretenant des discussions avec ses animateurs, servant de relais entre les bouillonnements homosexuels américains (issus de Stonewall) et français. Avec Françoise d’Eaubonne, il est allé peu à peu mettre la pagaille chez Arcadie proposant des textes et faisant des interventions qui révoltaient le trop sage André Baudry, président de la confrérie des homosexuels arcadiens.
Il faut très vite partie du réseau des personnalités qui soutiennent Jean Le Bitoux lors de la création de Gai Pied et vient participer à Université d’été homosexuelle de Marseille en 1979.
L’âge avançant, il sera l’un des premiers à croire dans la démarche de la Fondation Mémoire des homosexualités et laissera aux porteurs de ce projet ses livres (plus de 1 000 livres) traitant de l’homosexualité. C’est Jacques Vandemborghe qui aura la possibilité de stocker ces livres dans son appartement situé près du Panthéon, en attendant la concrétisation du projet.

Magnus Hirschfeld

A la différence des autres, je ne l’ai pas connu et pour cause, il est mort en 1935 (plus de 40 ans avant que je m’assume en tant qu’homosexuel), mais je le place très haut dans ma galerie de modèles.
Nous l’avons honoré au titre du Mémorial de la Déportation Homosexuelle, lorsque nous sommes allés sur sa tombe en 2010 au cimetière de La Caucade à Nice. Puis j’ai eu la chance d’organiser à Marseille des conférences sur lui, avec un spécialiste l’historien allemand Ralf Dose dans le cadre du Forum euroméditerranéen dans le cadre de l’Europride en 2013 et avec Gerard Koskovich en 2019 dans le cadre de l’ARES (asso de recherche et d’études sur la Shoah).
Cet homme de grande stature a pu en tant que médecin apporter sa pierre au débat médical sur l’homosexualité à l’heure où le corps médical s’est approprié le discours sur ce sujet. Il a accueilli à Berlin tant et tant d’hommes et de femmes qui étaient mal dans la société hétéronormée du Guillaume II et de la République de Weimar, il les a aidés à mieux se connaître et à s’accepter.
Et surtout il a cherché à créer un grand mouvement de mobilisation contre ce terrible Paragraphe 175 du code pénal hérité de Prusse, étendu désormais à toute l’Allemagne (y compris donc à Louis II de Bavière).
Il a lancé une pétition demandant l’abolition de cet article, qui a été soutenue par les plus grandes personnalités en Allemagne, chez les scientifiques (comme Einstein) et les socio-démocrates en particulier, mais aussi en France (avec André Gide).
La guerre de 1914-1918 a contrarié ce mouvement de mobilisation mais la République de Weimar lui a donné davantage d’ampleur avec l’évolution considérable des mœurs et des libertés de l’après-guerre.
Il a constitué un centre d’archives et de documentation considérable dans la capitale de l’Allemagne, il a documenté grâce à sa nombreuse patientèle de nombreux cas pathologiques ou non. Il a écrit de nombreux livres qui ont permis de comprendre à quel point l’homosexualité était une façon commune d’être et de vivre, mais aussi de connaître la transsexualité et l’intersexualité.
L’arrivée du nazisme au pouvoir a réduit très rapidement à néant son œuvre considérable. Pour les nazis sont œuvre était l’un des pires ennemis de leur idéologie, en tant que juif et homosexuel, Hirschfeld était le symbole même de ce qu’il fallait éradiquer dans une Allemagne rééduquée, virile et conquérante.

Et puis, il y a mes vieux amis

Joseph Nadjari

Je le rencontre au GLH de Marseille où il fait des apparitions, c’est pour nous un homme déjà âgé, ce n’est pas un problème. Il a une forte personnalité, il dessine sur toutes sortes de morceaux de papiers.
Je le revoie à divers moments et en divers endroits du centre-ville. Il cherche toujours la discussion, le dessin est un mode d’entrée en communication.
Il a un caractère trempé.
Peu à peu j’entre dans son univers qui m’intrigue et j’apprends mille choses.
Il a été avant-guerre militant syndical au PLM puis leader syndical à la SNCF. Il était à le CGTU mais plutôt du côté des trotskistes, antistalinien et engagé dans la rivalité avec la CGT. C’était vraisemblablement un leader syndical infatigable qui ne regardait pas à sa peine, son célibat le rendait disponible à tout moment sur toute la façade méditerranéenne, pour aller de Perpignan à Nice soutenir les combats des uns et des autres.
Pendant la guerre Joseph a participé avec passion à la coopérative d’artistes qui fabriquaient des gourmandises aux amandes, le Croque-Fruit, rue des Treize-Escaliers, entre la gare et la place Marceau, il était heureux d’être avec des réfugiés et de les aider, il appréciait que tout le monde soit rémunéré à égalité en fonction du nombre d’heure de travail, il était surtout heureux de trouver là des artistes, comédiens (dont Sylvain Itkine et son frère) et peintres réfugiés liés aux surréalistes.
Lorsque les Allemands sont arrivés, il s’est retrouvé seul et traqué comme tous les juifs, il avait heureusement la SNCF et la solidarité syndicale.
Après-guerre, il participe à la scission de FO et de la CGT, et à la construction du syndicat FO, mais dans l’aile trotskiste de FO.
En 1968 il s’est engagé dans la mobilisation des cheminots. Participant à un débat public où il y avait Gaston Defferre, lorsqu’il a été rabroué par des proches du maire, celui-ci est monté au créneau en sa faveur « Laissez parler Nadjari » et de sa voix forte Nadjari s’est imposé. On peut penser que Defferre avait repéré ce leader s’un syndicat qui avait été dans son camps lors des combats mémorables contre la CGT et le PCF.
Peu à peu ses responsabilités syndicales le conduiront à approcher la vie politique. Il a participé à des rencontres de refondation de la gauche avec Mendès-France à Grenoble au début des années 1970, puis sera contacté par des opposants à Defferre à l’intérieur de la SFIO (le groupe de Daniel Matalon) qui auront le front de se présenter contre le maire.
Cette une forte tête mais toujours écouté.
Je découvre son appartement dans des combles. Il n’y a que des tableaux, partout. Il consacre sa retraite à la peinture. Son frère qu’il estimait était peintre, il n’osait pas lui dire que lui aussi se sentait l’âme d’un peintre.  Il a attendu l’âge de la retraite pour peindre, sans plus s’arrêter.
Il est dès lors intarissable sur ce qu’il exprime ou veut exprimer dans ses tableaux. Je découvre par-là la richesse de sa culture et de sa vie.
Il est né à Salonique et a dû comme les autres juifs quitter le territoire Ottoman lors de l’arrivée du mouvement des Jeunes Turcs d’Atatürk. Il compare son parcours à celui d’Edgar Morin qui quitte la Turquie quelques années plus tard. Il est un juif sépharade de la longue histoire des judéo espagnols chassé par Isabelle La Catholique, dès lors il embrasse une histoire qui n’a pas de limite, il n’est pas d’aujourd’hui, il se sent et se vit intemporel (il ne dit jamais son âge). La grande épopée de la Bible l’habite, Moïse, la reine de Sabah, mais aussi les grandes étapes du peuple juif depuis l’ère chrétienne, Maïmonide, la longue errance depuis l’Espagne et l’exil de sa famille depuis le début du XXème siècle. Le massacre des juifs de Kichiniev (devenu Chisinau en Moldavie) et bien d’autres.
Et je découvre qu’il a vécu dans sa chair le génocide des juifs de 1940-1945, les passages de la ligne de démarcation pour poursuivre le combat syndical, les deux moments où il a été sur le point de se faire il a eu le pressentiment que le médecin de la file où il était, allait le dénoncer, il a changé de file prestement et heureusement. Une autre fois dans le wagon, pour un passage de la ligne de démarcation, il n’a obtenu des personnes présentes dans le compartiment aucun soutien, il est arrivé à échapper au contrôle par miracle. A chaque fois le fait qu’il soit cheminot et qu’il bénéficie du transport gratuit l’a aidé à s’échapper dans les couloirs et les portes adjacentes, à la gare de Lyon à Paris ou dans d’autres gares.
Mais le moment le plus terrible a été pour lui à Marseille, après que les Allemands soient arrivés en novembre 1942. Il a pu prévenir son père et son frère aîné, peintre, au bd Vauban, de la venue de la Gestapo le lendemain, les enjoignant de quitter l’appartement dès le soir. Ils ne l’ont pas fait, ils ont été arrêtés et déportés.
Toute sa vie il est resté combatif et réactif.
Il a aussi réussi à vivre sa vie d’homosexuel sans que cela semble lui poser de problème.
Il reste en contact avec son frère Edmond (des carrelages Nadjari, près du Bd des Dames), allant souvent déjeuner chez lui le dimanche. Mais son caractère entier l’amène à rompre avec lui. Et alors que son frère est engagé dans la communauté israélite marseillaise, i ;l se sent d’abord laïc et d’aucun engagement religieux.
Je me sens proche de lui, je le vois souvent, les premières fois avec des discussions sont orageuses y compris au restaurant où il élève les voix avec violence, puis peu à peu plus calmement.
Il avait déjà fait quelques expositions de ses œuvres notamment avec l’aide de la MJC Corderie où un espace de travail lui avait été offert. A mon tour je l’aide à présenter ses peintures plusieurs expositions ont lieu. Il compte sur moi pour le faire connaître, il finit par me confier ses peintures et ses dessins (environ 50 peintures au pastel et 70 dessins à la mine de plomb). Je ne suis pas un connaisseur er je vois bien que sa peinture d’autodidacte (un connaisseur me parle d’Art Brut) est difficile à comprendre.
Je l’accompagne dans ses vieux jours de maladie en lui trouvant un appartement de premier étage à côté de la Canebière. Il mourra bien seuil. Ses œuvres dont il pensait qu’elles termineraient dans les « poubelles de la ville » devraient être finalement récupérées par un de ses neveux tout heureux de savoir qu’elles ont été préservées.

Maurice Chevaly

C’est Sébastien Lifschitz après le tournage du film Les Invisibles qui m’a parlé de Maurice Chevaly. Je ne sais s’il faisait partie des sollicités pour son documentaire, en tout cas c’est de chez lui que sont tournées les dernières images, avec vue sur les plages Gaston Defferre et la mer, près de la Pointe Rouge.
Il me dit que c’est un ancien d’Arcadie et qu’il possède beaucoup de choses importantes. J’y vais à pas comptés, avec l’aide de Bernard Romieu, ami de Maurice, qui lui, figure dans le documentaire et que j’ai rencontré à l’occasion de débats avec le public, après sa parution sur grand écran en 2013.
Maurice a déjà plus de 90 ans, il est accueillant, toujours très présent et actif. Il est de l’ancienne école, ceux qui avec Arcadie voulaient constituer un club, amical et intellectuel, sans chahuter la société. Il perçoit vite que je suis de l’autre bord, en plus j’ai connu Daniel Guérin ce qui n’arrange rien car le conflit avec lui a été sévère.
Il comprend que je le respecte, que je tiens Arcadie pour un grand frère, une première période nécessaire alors et utile aux homosexuels d’aujourd’hui.
Il me donne un certain nombre de n° de la revue Arcadie dans lequel il tenait une rubrique régulière, tirée du courrier des lecteurs, sous le nom de Jean-Pierre Maurice. Plus tard, sachant que je rassemble des documents de mémoire, il me donnera toute sa collection d’Arcadie, qu’il avait un fond d’une cave, bien à l’abri du regard du regard des visiteurs (amis, infirmiers, femmes de ménage, etc.).
Puis le film Der Kreis (Le Cercle) vient à sortit sur grand écran, or j’avais appris qu’avant de travailler pour la revue Arcadie, il avait été collaborateur de la revue Der Kreis. L’association Der Kreis crée à Zurich en 1932 a existé jusqu’en 1967, elle est de 20 ans l’ainée de la revue Arcadie. J’organise un débat d’après projection, au cinéma Les variétés, où il vient prendre la parole ; très professionnel, il a préparé son intervention, parlé du journal et de l’équipe de rédaction.
C’est là qu’il a connu André Baudry, avant qu’il ne fonde l’association Arcadie, puis la revue Arcadie. Baudry l’a vite compoté parmi ses appuis. Il faut dire que Maurice Chevaly a beaucoup de cordes à son arc, il a une grande culture, il est comédien, journaliste de radio, enseignant. Il écrit bien, parle admirablement et, avantage estimable, il n’est pas parisien – il exerce sa vie professionnelle dans divers coins de France et en Afrique du Nord – il ne fait pas partie du sérail arcadien et ne participe pas aux jeux des moqueries, railleries et coteries qu’apprécient tant ces « grandes folles », intelligentes et vipérines. Il est simple avec chacun ert respectueux des personnes. Je m’attache à lui et il me manifeste son attachement parce que je suis un partenaire des discussions, y compris sur des sujets intimes, et je lui rends bien des services (je tape sur ordinateur son CV, puis une mini biographie, un chapitre de son futur livre, etc.). Il sent bien que je n’ai pas une attitude « intéressée », il manifeste à chaque fois sa gratitude, en m’invitant au restaurant, en me prêtant un livre, en tentant de m’intéresser à ses sujets de recherches et d’études favoris. Il a écrit sur Giono qu’il a fréquenté, sur Thyde Monnier et Pierre Magnan qu’il a encore mieux connus. Il a écrit deux livres sur Jean Genet, admirable travail, très daté quant aux appréciations morales qu’il croit nécessaire de porter à tel ou tel moment, mais plein d’admiration pour l’écriture de Genet. J’ai lu ses livres sur Genet et tenté, à sa demande mais sans succès, de voir qi une réédition était possible. Et j’ai lu bien d’autres textes de lui, en particulier ses conférences sur des sujets très divers qui attiraient plus ou moins mon attention.
Il s’est passionné pour l’histoire de la Provence, de l’antiquité à Louis XIV, et venait d’éditer le 5ème tome quand je l’ai connu, mais là aussi j’étais moins réceptif. Il ne m’en voulait pas parce qu’il appréciait en moi quelqu’un qui lui parlait de ses propres sujets d’intérêt. Je venais le voir régulièrement. Sentant l’âge venir, 97 ans en 2019, et la maladie récidiver, il s’est engagé dans la rédaction d’un texte en partie autobiographique de plus de 600 pages, il a sollicité mon aide pour le taper et l’envoyer de son vivant à un organisme collecteur de ce type de manuscrits.
Il est pour moi un passeur de l’histoire homosexuelle, un relais bien nécessaire pour les générations qui viennent.
Un jour où Bernard Romieu et Maurice Chevaly étaient ensemble, ils ont appelé au téléphone à l’improviste André Baudry, installé dans le sud de l’Italie avec son ami. Maurice avait apprécié que j’ai écrit un texte sur Arcadie, en réalité un résumé du livre de Julian Jackson, Baudry appréciait que j’aie travaillé sur ce sujet, mais cet entretien non préparé ne m’a pas permis de lui poser quelque question, Baudry qui détestait se confier sur Arcadie à un interlocuteur français, m’a dit quelques amabilités. Par Maurice, j’aurai des nouvelles de Baudry au cours des années suivantes, son ami décédé, il sera dans la solitude et aveugle, son pharmacien lui refusera le médicament qu’il implore de lui donner afin de lui permettre fin à ses jours, il ne pourra plus aller en Suisse pour le faire. Très touché, Maurice, membre de l’AFMD (l’association pour le droit à mourir dans la dignité), est lui-même en colère de ne pas pouvoir librement mettre fin à ses jours s’il le souhaite.

Le sida d’un côté et mes engagements de l’autre

L’hécatombe du sida

L’ombre noire s’étend. La menace est partout. Tout le monde en parle, personne n’en parle en particulier ni n’emploie le mot pour ce qui le concerne. Le sida chemine à bas bruit. Crainte d’amener la poisse, crainte d’être repoussé du cercle de discussion. Si bien qu’on peut passer ces années-là sans trop se soucier sauf si l’on est soi-même concerné c’est-à-dire déjà dans la seringue.
Pour ma part, je n’avais déjà pas une vie sexuelle débridée, je m’enferme un peu dans ma bulle, je redeviens un peu un moine et je me méfie de toute relation risquée. Mettre un préservatif, aller se faire contrôler, m’insupportent. Il est vrai qu’à partir de 1992, à 46 ans j’entre dans une relation stable (et peu active sexuellement).
Mais mon cas importe peu, ce qui se passe est immense et dramatique.
Des amis tombent malades, rares parmi mes très proches, mais un peu plus loin il y a de plus en plus de cas, et dans les sphères parisiennes que je connais il y a de nombreux cas. Le plus souvent ce sont des absences, des amis dont on entend plus parler ou dont on n’a pas de nouvelles. Le « respect de la vie privée » que s’imposent les associations qui s’occupent de personnes atteintes rend le contexte encore plus assourdissant. Mais ceux qui les connaissent font silence. Mettre le mot sida sur une personne en traitement c’est la condamner. De ce fait, comme pour un ouragan, c’est après coup qu’on constate les effets.
Il y a au moins un domaine dans lequel on constate l’ampleur de l’événement en cours c’est dans l’effondrement de la vie associative à Marseille avec la disparition du GLH en 1987 (année de la dernière université d’été homosexuelle, première manière). C’est, au niveau national aussi, l’hiver associatif pour de longues années. Plus personne ne répond, il n’y a plus d’association militante ou conviviale. C’est Aides qui regroupe toutes les bonnes volontés, toutes les énergies, ainsi que les personnes atteintes qui souhaitent de se mobiliser. Et autour d’Aides et du sida, plusieurs associations nouvelles se développent prônant rencontres, convivialité, groupes de parole, mais aussi thérapies collectives, substituts affectifs, conversions, recours à Dieu, etc. se développent.
Il n’est plus question de combats pour les droits des homosexuels, il est désormais question de combats pour les malades et contre les gouvernants qui ne prennent pas suffisamment en compte la maladie. Ceux qui s’en vont, personnalités connues ou non, militants repérés ou non, homos inconnus mais aussi toxicos, transfusés, hétérosexuels, sont de plus en plus nombreux.
Dans le milieu homosexuel militant, l’hécatombe est sauvage. C’est toute une « élite », de jeunes actifs et motivés, qui est touchée, c’est toute une couche d’acteurs, d’aucuns diront une génération, qui n’est plus là pour contribuer à faire avancer les mœurs et les droits, pour agir dans la culture, la littérature, la presse, le cinéma, pour prendre des places dans la vie politique et sociale.
Ces acteurs étaient des moteurs dans l’élaboration collective d’une nouvelle société, par leur charisme et leur intelligence. Pour les homosexuels c’est le temps de la stagnation, voire de la régression. Le regard négatif de la société prend le dessus.
Ainsi Charles Pasqua, ministre de l’intérieur en 1986, peut se permettre de menacer le journal Gai Pied, le Front national et d’autres mouvement se construisent sur leur dos, les autorités morales condamnent avec délices ces vecteurs de débauche, de dépravation et d’effondrement civilisationnel.
Ceux qui s’investissent dans la lutte contre le sida font un travail extraordinaire, c’est là qu’apparaissent de nouvelles « élites », ils feront évoluer bien des choses dans les droits des malades, puis prendront le relais des militants associatifs précédents, ou avec un certain nombre d’entre eux, dans le droit des personnes (droit au couple, etc.).
Les années d’effondrement du mouvement associatif sont aussi des années d’épreuves et de misères individuelles, pour les personnes atteintes du VIH qui pensent ne plus avoir d’avenir et vivent la misère affective, pour tous les autres qui sont désemparés, qu’ils ne puissent plus vivre leurs libertés d’avant, qu’ils voient leur monde s’effondrer, qu’ils voient les regards hostiles à l’égard des homosexuels se consolider, pour les jeunes qui ne savent plus comment exprimer leur désir de vivre, entre début de libération, risques accrus et retour de l’oppression.

Mémoire des sexualités

Créer Mémoire des homosexualités à Paris en 1983 avait un sens fort pour moi, même si c’était pleinement chimérique et très empirique. A Marseille je prends le relais un peu dans le brouillard. En 1989 j’organise un colloque qui constitue un moment fondateur sous divers angles. J’ai constitué une équipe mi-homosexuelle mi-hétérosexuelle. La régression sur la question de l’homosexualité dans le contexte sévère de la montée du sida et la disparition de la visibilité homosexuelle amènent à mettre en avant la sexualité plutôt que l’homosexualité pour attirer un public plus large. Le colloque porte sur le thème Morales et sexualités et l’association qui se crée s’appelle Mémoire des sexualités.
Pour moi le principe est de mêler débat et rassemblement de documentation même si les personnes ainsi rassemblées ne sont pas concernées par la documentation.
Lorsque le contexte sera à la renaissance associative dans les années 1990, l’équipe constituant Mémoire des sexualités sera exclusivement homosexuelle, avec des anciens du GLH. Ils me laissent carte blanche pour organise des débats publics, puis organiser dans les années 2000 les Salons de l’homosocialité, à l’image de ceux lancés par nos amis du CGL de paris, selon le concept mis en avant par le sociologue Michel Maffesoli, réunissant au cours d’un week-end les associations homosexuelles dans un même lieu, avec stands associatifs et débats, associations marseillaises d’abord, puis de plus en plus nationales.
Pendant toutes ces années de visibilité publique, je fais mon bonhomme de chemin prenant des notes et collectant ce que je trouve sur ma route. Je ne suis pas un collecteur fou, je rassemble ce que je peux, là où je suis, là où je vais (à Marseille, dans les villes où je passe, à Paris, ou à l’étranger). Ce qui rend ma collecte plutôt subjective.
Et en tant que Mémoire des sexualités, je suis pleinement engagé dans le mouvement homosexuel marseillais, je suis même moteur dans beaucoup de ses étapes, du Collectif gay et lesbien Marseille Provence au début des années 1990 au Collectif IDELM dans les années 2010.
Pour moi, cette mémoire que je rassemble à chaque étape n’a de sens que parce qu’elle est une mémoire vive et engagée, j’en suis en partie le créateur. Cette mémoire collective est aussi ma mémoire.
Je me suis aussi abonné à Gai Pied, à Homophonies et à plein d’autres revues, n’ayant souvent pas même le temps de les lire. Je sentais bien que c’était un élément de ma mémoire mais aussi de notre mémoire. Depuis toujours je sens bien intuitivement que ma mémoire est une partie de cette mémoire collective.
Mais ce n’est que plus tard que je sentirais mieux que la mémoire de la vie LGBT constitue une mémoire sociale qui la dépasse plus largement. Et plus tard encore que je verrai combien la mémoire LGBT est une partie vive de l’histoire culturelle, sociale et morale, une contribution majeure à l’évolution de la société.
Quarante ans plus tard, je suis encore actif dans le mouvement homosexuel (en 2019 réalisation de l’exposition 50 ans de Fiertés depuis Stonewall, et en 2023 mobilisation inter-associative pour l’inscription des triangles de la déportation, une stèle LGBT, la dénomination de rues et d’espaces, ou la diffusion de l’exposition de 2019).
Mais je prends de la distance à la fois parce que le mouvement homosexuel marseillais s’est considérablement construit, franchissant plusieurs pas décisifs pour mieux travailler collectivement (je me sens dès lors beaucoup moins « indispensable ») et parce que ma vie me conduit à être moins présent à Marseille. (Les événements m’ont conduit par une succession d’heureux hasards à vivre la moitié de la semaine à La Ciotat dans une partie de l’ancienne maison de Daniel Guérin) .
Depuis que je suis à la retraite, soit 8 ans, je me consacre à la création et à l’enrichissement permanent du site internet de Mémoire des sexualités. Je trouve là un lieu pour valoriser la documentation que j’ai rassemblée. Je découvre moi-même l’ampleur de ce que j’ai collecté, d’autant que cela s’est enrichi presque sans que j’y prenne garde, de nombreux documents qui m’ont été déposés sur ma sollicitation ou hors de celle-ci.
Le temps est venu de réfléchir à l’avenir de cette masse d’informations et de documents. Un mouvement de mobilisation autour de ces archives s’est constitué depuis 2018, reste à ce mouvement à prospérer et à se structurer.

Christian de Leusse
Août 2021