UEEH 1999 : le florilège

       

 

 

 

AVANT PROPOS

HIER

A une époque où le fait d’être homosexuel était bien plus problématique qu’aujourd’hui, les cinq premières Universités (de 1979 à 1987) eurent un rôle important dans la longue marche vers une pleine et entière reconnaissance sociale des gays et des lesbiennes. Que l’on se rappelle l’objet même de la création du Comité d’Urgence Anti-répression Homosexuelle (né à la suite de débats lors de la première Université). Du fait de leur forte visibilité, mais aussi (et surtout) du fait de la qualité des débats, les Universités d’alors mirent les homosexuels en lumière, quand ils avaient trop l’habitude d’être silencieux.  Des gays, des lesbiennes interpellèrent alors la société qu’il les ignorait, qui les stigmatisait.  Il y avait à l’époque, et plus encore que maintenant, un réel, un impérieux besoin de visibilité, un   besoin   d’exprimer   notre   existence.   Notre   existence   sociale, culturelle   et   surtout humaine.  Et d’une certaine façon, ce fut l’effet principal, l’utilité des premières universités.  Par l’affirmation visible de notre existence, hier comme aujourd’hui, nous devenions enfin des citoyens à part entière. Et c’est par l’aspect proprement universitaire de ces rencontres, cette conjonction d’idées et de réflexions, ce fourmillement d’idées, que les homosexuels d’alors apportèrent la preuve qu’ils étaient autre chose que des créatures de salon précieuses et maniérées.  Qu’ils étaient des citoyens militants qui interpellent, qui questionnent la société.

Et que reste-t-il de tout cela ? Quelques photos ? Quelques souvenirs épars et fragmentaires ? Des coupures de presse ? Cela peut suffire pour reconstituer une mémoire anecdotique de l’évènement, de l’ambiance, des gens rencontrés. Mais de la matière même de ces Universités, des débats, des idées et des opinions exposées, échangées ? Cette absence de mémoire est dommage pour les plus anciens d’entre nous, pour ceux qui eurent la chance d’y participer, de vivre ces Universités. Mais au moins, Il leur reste leurs souvenirs. Mais pour les autres, les plus jeunes ?

L’expérience de la reprise des Universités en juillet 1999 a réussi. Près de 350 personnes répondirent présents, et ensemble firent de cette semaine une réussite. Les Cahiers ainsi que les présentes retranscriptions témoignent de la qualité des échanges.

Ces Universités, actuelles ou anciennes sont une pièce maîtresse, de notre visibilité, de notre histoire collective et particulière. Bref de notre identité. Alors communauté ou mouvement homosexuel, peu importe, ce qui compte c’est que nous pouvons, que nous puissions nous rencontrer et nous retrouver autour de ce tronc commun.

Et à l’heure d’un renouveau du militantisme homosexuel dont la reprise des Universités d’été est l’un des témoignages, il semble important de constituer une mémoire, de la matière à de prochains débats, à de prochaines revendications.

AUJOURD’HUI

Durant une semaine, au cours de quatre grands forums, de plusieurs séminaires, ateliers et autres débats formels comme informels, nous nous sommes ensemble questionnés. Avec comme question transversale à tous les débats, celle de l’existence ou de la non-existence d’une « communauté » homosexuelle (objet de l’un des forums). Nous avons également réfléchi à notre identité commune, aux rapports que nous entretenons, que nous pourrions entretenir avec la société. Aux rapports que nous pouvons, que nous devons entretenir entre nous. Mais aussi aux rapports que la société entretient à notre égard, à l’égard de notre identité homosexuelle (objet d’un séminaire sur l’homophobie). Certains nom connus (Defert, Le Bitoux, Chevaux, Borrillo, Robichon, Pastre ……) et d’autres moins connus ou tout simplement anonymes animèrent les débats. Chacun, chacune exprimant son avis, exposant son travail, proposant ses idées. Que ce soit sur le PACS ou le sida (objet de deux forums) ou sur bien d’autres sujets développés en cours de séminaires et d’ateliers. De la pensée « queer » à la problématique de la capote.

Bref une semaine riche et dense, avec cette année un regard tout particulier sur les horizons méditerranéens, Marseille étant aux portes de la Méditerranée, histoire de sortir un peu de la sphère anglo-saxonne. Ainsi des représentants de Roumanie, du Maroc, d’Espagne, d’Algérie, du Portugal, de Grèce, d’Italie …. sont venus témoigner de la réalité, du vécu homosexuel dans ces pays. Ainsi, à titre d’exemple nous apprîmes que pas très loin de nous, en Roumanie, les relations entre personnes de même sexe (même consentantes) sont passibles de peine de prison.

Et l’objet même des présentes retranscriptions est de nourrir la mémoire d’un événement important pour notre réflexion, notre visibilité. Mais aussi une mémoire facilement accessible afin que ces témoignages méditerranéens puissent être portés à la connaissance du plus grand nombre, afin que ces paroles, ces appels soient entendus, et servent de moteurs à de prochaines luttes solidaires. Ces retranscriptions veulent être un témoignage d’une semaine, où ensemble, hommes, femmes, jeunes, vieux, nous nous sommes rencontrés, découverts, confrontés, appréciés. Cette semaine fut la célébration d’être ensemble, par-delà nos différences. Un tour d’horizon instructif et en fait salutaire. Car il permet de voir le reste de chemin qui reste à parcourir.

C’est grâce aux enregistrements (effectués dans la plus totale et la plus parfaite improvisation) qu’ont pu être écrites les présentes retranscriptions. Hélas, elles ne sont pas intégrales. Des passages furent parfois (souvent) inexploitables. Sans compter que bien des séminaires et des ateliers furent oubliés. Mais pour l’édition 2000, une équipe réduite se propose de s’occuper d’enregistrer les mémoires de l’Université, et de les retranscrire.

Merci de nous aider à construire une mémoire dont nous avons tant besoin. Quand tant de générations qui nous ont précédé n’ont pas laissé de trace, confiant à leurs successeurs d’imaginer ou de reconstruire le passé. Les documents écrits, les témoignages sont un socle utile, précieux parfois, pour réfléchir au présent et préparer l’avenir.

Pascal

UEEH – 1999, consulter le PDF original en savoir plus