Les Archives et Centres documentaires France, Europe, USA

Débat sur « les Archives et Centres documentaires LGBT en France, en Europe et aux USA »

Mercredi 17 juillet 2013

Dans le cadre du
« FORUM EUROMEDITERRANEEN LGBT »
Les minorités font bouger la société !
Europride de Marseille 10-20 juillet 2013

Ces textes sont en cours de publication

 

Mots de bienvenue de Mme Jacqueline URSCH
Directrice des Archives Départementales des Bouches du Rhône

Bonjour à tous. Aujourd’hui nous allons parler de centres de documentation, d’archives, de l’idée de rassembler des documents sur l’histoire de l’homosexualité. Et cela me semble très bien que cela se fasse ici, aux Archives départementales, puisque nous faisons aussi cela, de rassembler les documents. Nous, sur l’histoire de ce département. A vous tous, je souhaite la bienvenue, une bonne après midi d’échanges, de réflexions. Tout cela pour aboutir, peut être, ce soir, à un projet visant à rassembler toute cette documentation.
Les Archives départementales, c’est d’abord la production administrative du département. Je précise que l’on commence en l’an 814. Ce qui est extraordinaire, il y a un fond formidable. Nous avons aujourd’hui, quelques 54 kilomètres de documents, repartis entre deux bâtiments. Celui où nous sommes aujourd’hui, qui est le plus grand, et un autre sur Aix en Provence. Bien sûr, ce sont les archives publiques notre principale matière, mais il y a aussi, et c’est très important pour nous, des archives privées, associatives, familiales, d’entreprises, d’architectes… qui viennent compléter les fonds publics. Elles nous donnent des informations que l’on ne trouverait pas dans les fonds publics. Mais bien sûr, ces archives doivent concerner le département. C’est de l’écrit, de la photographie, de la vidéo, du témoignage oral, les archives c’est vaste. Mais ce n’est pas une bibliothèque, c’est la petite différence qu’il faut avoir en tête. Car nous ne prenons pas des bibliothèques, ce n’est ni notre mission, ni notre objet. Merci.

 

Christian de LEUSSE
Mémoire des Sexualités (Marseille)

Pourquoi organiser ce débat dans le cadre de l’Europride ?
Simplement parce qu’il valait la peine de le faire, de rassembler ceux qui voulaient venir pour parler de cela.
Nous n’avons pas de prétention particulière. Nous posons une question qui est en France un serpent de mer. Que faisons-nous, que ferons-nous avec toutes les initiatives en cours de rassemblement de documentations ? Des chercheurs nous contactent. De plus en plus d’entre eux ont le désir ou le besoin de venir vers ces documents. Est-il possible que cela continue à être confidentiel ? que ceci soit découvert par le hasard des circonstances et des relations ?
Ne faut-il pas le rendre davantage ouvert et accessible ? Ne faut-il pas créer des réseaux qui permettent par internet de savoir que ce qui ne se trouve pas dans telle ville se trouve dans telle autre ?
Ne faut-il faut organiser l’hébergement des fonds qui doivent l’être ?
Ne faut-il faut encourager la protection et le don des fonds documentaires ?
Ne faut-il faut aussi protéger les archivistes, s’ils souhaitent continuer à détenir lorsqu’ils travaillent sur la documentation qu’ils ont eux-mêmes rassemblée et continuent à enrichir par passion la documentation déjà constituée.
Nous sommes nombreux à rassembler de la documentation
Vous êtes nombreux à attendre que quelque chose se passe dans ce domaine. Les présents d’aujourd’hui témoignent de cette attente. Mais il nous faut penser à tous ceux qui ne sont pas là, quelle est leur attente ?
Enormément de documents ne sont pas rassemblés, pour l’essentiel ils ont disparu corps et bien, vendus, brûlés, dispersés par les proches.
Avec eux, une grande partie de notre mémoire a disparu. Une partie de cette mémoire pourra être recomposée par des chercheurs, mais une petite partie seulement. Tant et tant de décennies de « notre » histoire sont des trous noirs.
Comme des fourmis, les uns et les autres ont rassemblé des documents, patiemment, pendant de nombreuses années, des petits rien – mais ces petits rien font sens sur une longue période – et parfois aussi des documents majeurs qui aujourd’hui sont extrêmement précieux.
Il était difficile sur le moment de savoir que le texte du docteur Carpentier, Trois millions de pervers ou les différentes revues (Arcadie, Masques, Gai-Pied et toutes celles qui suivront) auraient de l’importance.
Lorsque l’Université d’été homosexuelle rassemblait tant de futurs animateurs de la vie militante homosexuelle, qui avait l’idée d’enregistrer et de transcrire leurs propos ?
A titre personnel, j’ai longtemps communiqué avec Pierre Seel, survivant de la déportation homosexuelle
Je rencontre avec plaisir en ce moment un nonagénaire marseillais qui est un ancien d’Arcadie, toujours en contact avec André Baudry ! Ce sont des moments privilégiés.
Vous avez tous des moments forts à dans votre expérience de collecte de la documentation.
A l’heure d’internet notre demande a-t-elle un sens ?
Nous entendons tant de personnes qui nous disent aujourd’hui qu’à l’heure d’internet, ce que nous faisons n’a plus d’utilité. Nous nous interrogeons bien sûr là-dessus, mais nous sommes sûrs qu’internet est justement l’occasion de valoriser et de démultiplier
Ceux qui ont pu venir à cette rencontre.
Parmi ceux qui sont ici (ou qui ont souhaité venir mais n’ont pas pu)
Il y a avec nous des centres de ressources français qui concerne les textes anciens (avec GKC), la mémoire militante des 40 dernières années (avec l’Académie Gay et lesbienne à Vitry, le fonds Michel Chomarat à Lyon, Mémoire des sexualités à Marseille), le sida (avec Sida : Fonds pour la mémoire), la transidentité (avec l’Observatoire des transidentités), etc.
Il y a aussi des centres de ressources de pays proches ou semblables, d’Amsterdam, de Bologne ou de San Francisco. Leurs exemples sont remarquables souvent, ils peuvent nous montrer la voie.
Les questions que nous vous proposons de nous poser ensemble : Qui sommes-nous ? Que faisons-nous ?
Il y a parmi nous ceux qui rassemblent de la documentation. Et ceux qui exploitent ces documents organisés et rassemblés. Certains ont su aller chercher des textes beaucoup plus anciens, les textes oubliés de la fin du XIXème siècle ou du début du XXème.
Que souhaitons-nous ?
Chacun doit-il s’organiser seul comme il le peut ? Des réseaux peuvent-ils s’organiser ? Faut-il imaginer une mise en réseau général ?
Mémoire des sexualités c’est quoi ?
35 ans de mémoire militante à Marseille certes, mais bien au-delà
Textes, articles de presse, documents associatifs
Livres
Affiches
Revues payantes et gratuites françaises collectées systématiquement
Des Actes des Universités d’été homosexuelles au début des années 2000
Des documentaires et des films
Les donations de telle ou telle personnalité (comme Daniel Guérin) ou d’associations marseillaises
C’est une mémoire militante dans la mesure où c’est en tant qu’acteur et que militant que cette mémoire est rassemblée. C’est une mémoire subjective, cette dimension subjective a des limites, mais elle a aussi une richesse.

 

Michel CHOMARAT
Le fonds Michel Chomarat à la Bibliothèque municipale de Lyon

Depuis 2001, je suis le chargé de mission Mémoire de la ville de Lyon et l’un des conseillers de Gérard Collomb, le sénateur-maire de Lyon. Je suis aussi également directeur des éditions qui portent mon nom et de la collection « Mémoire Active » qui ont publié de nombreux ouvrages relatifs aux questions LGBT. En ce qui concerne le sujet qui nous réunit aujourd’hui, je tiens à rappeler – qu’entre autre – j’ai donné mon propre nom à un fonds à consonance encyclopédique, « Le fonds Michel Chomarat », qui a été déposé en 1992 à la bibliothèque municipale de Lyon. Il rassemble plusieurs dizaines de milliers de documents (livres, périodiques, estampes, photos, manuscrits, CD, DVD, etc.) sur les sujets les plus divers. Il s’enrichit tous les jours, que ce soit par des achats, des dons ou des échanges. Pour ceux qui ne connaissent pas la bibliothèque municipale de Lyon ; très rapidement pour la situer, c’est la deuxième bibliothèque de France, après la BNF, elle conserve plusieurs millions de documents dans une tour de 17 étages face à la gare de la Part-Dieu.
Lors de la première Journée Mondiale de Lutte contre l’Homophobie, le 17 mai 2005, Gérard Collomb m’a demandé ce que l’on pouvait envisager à cette occasion. Afin de pérenniser cette journée dans la durée, je lui ai dit que j’avais dans mes propres collections – à la Bibliothèque de Lyon – énormément de documents, de différents supports, relatifs à l’homosexualité. C’est pour cela que le terme d’archives, en ce qui me concerne, me paraît bien trop restrictif. Je parle plutôt de centre de ressources documentaires LGBT, car se ressourcer – aller aux sources – est un enjeu bien plus décisif notamment pour les jeunes gays et lesbiennes en quête de construction identitaire. Dans mon fonds, on trouve un peu de tout, même des objets ! Normalement les objets sont conservés dans les musées mais lors du premier mariage gay à Bègles en 2004, j’ai ramassé une partie du riz rose que nous avions jeté avec Act up-Paris, sur les mariés à l’issue de la cérémonie et je l’ai conservé…

De la volonté politique : depuis de nombreuses années, je participe à ce genre de rencontre mais je crois qu’à un moment, au-delà de la réflexion théorique, il faut qu’il y ait une vraie volonté politique pour faire aboutir nos projets. A Lyon, il y a eu cette volonté politique. Il faut aussi, qu’il y ait des moyens financiers et des moyens humains. Et il faut, quand même, qu’il y ait d’abord des collections. Car souvent en France, on fait plutôt l’inverse, on commence à réfléchir sur d’hypothétiques lieux de conservation, on parle de projets plus importants les uns que les autres, on débat sans discontinuer et puis à la fin, rien de concret ! Je parle de mon exemple, je ne sais pas si c’est le bon, mais c’est un exemple qui fonctionne. Le fonds Chomarat fonctionne depuis maintenant 21 ans, c’est-à-dire presque une génération ! Et en ce qui concerne le point G de la bibliothèque de Lyon, il existe depuis 8 ans maintenant.
A Lyon, il y a eu cette rencontre entre un militant-collectionneur, un Sénateur-Maire, et cette volonté politique d’apporter des moyens. Je ne vous cache pas que l’un des arguments qui a fait pencher la décision politique à Lyon, c’est l’opposition classique Province/Paris. Le centralisme parisien, je crois, à ses limites. A Paris, depuis plusieurs années, nos amis désespèrent de faire quelque chose : de Jean Le Bitoux hier, à Georges-Louis Tin aujourd’hui, on ne compte plus les préfigurations de centres de documentation LGBT restées lettre morte. En ce qui me concerne, en dehors du collectionneur, j’ai toujours été un activiste gay notamment comme l’un des inculpés en 1977 dans l’affaire du Manhattan (notre Stonewall français) qui, avec l’affaire de Marc Croissant, ont permis d’aller jusqu’à la dépénalisation de l’homosexualité en 1982. J’ai également participé à la révolte des prostituées à Lyon, à l’église Saint-Nizier, en 1975. Quand on est militant, la plupart du temps, on est dans l’urgence, dans le conflit, souvent dans l’affect, et on n’a pas le temps ou la volonté d’archiver, de s’archiver soi-même. Et quand il y a des ruptures, qu’elles soient associatives, affectives ou autres, l’archivage de nos propres actions vient trop souvent après et souvent trop tard. A ce titre, j’interviens très fréquemment dans des situations d’extrême urgence, suite à des ruptures affectives, suite à des décès, suite à des déménagements, ou lors de la disparition de journaux ou la dissolution d’associations. Et j’arrive tant bien que mal avec, excusez l’expression, avec seulement ma « bite et mon couteau », de façon souvent empirique. L’intérêt de la bibliothèque de Lyon, et de cette démarche à la fois publique et privée, c’est son extrême souplesse. Car si vous entrez dans le cadre juridique classique d’une institution, c’est quelque chose d’extrêmement compliqué. Il faut passer par tout un tas de démarches administratives, plus longues les unes que les autres, qui rebutent, la plupart du temps, les meilleures volontés.
Ce qui se passe aujourd’hui à Lyon, j’aimerais que cela fasse école, je regrette que cela n’ait pas pu se faire notamment à Lille ou à Montpellier avec Patrick Cardon. Mon idée, c’est que dans les principales villes de France, il y ait un centre de ressources documentaires LGBT public et toujours au sein d’une institution de la République. Je suis très ferme sur ce point et pour moi ce n’est pas négociable. La République doit nous reconnaître tels que nous sommes au même titre que tous les autres composantes de la société française. A titre d’exemple, à la bibliothèque de Lyon, il y a différents fonds thématiques (chinois, jésuite, Première Guerre Mondiale, etc.). De ce fait, je ne vois pas pourquoi il n’y aurait pas aussi un fonds LGBT. Pour moi, c’est quelque chose de très important que les fonds de ressources documentaires LGBT se trouvent dans une institution publique, car alors il y a de fait une reconnaissance de notre République, une et indivisible…

De la pérennisation des fonds : Ensuite, deuxième point important : la pérennisation. Quand vous vous occupez d’un fonds, conservé dans une institution vous bénéficiez de fait – c’est le cas de la Bibliothèque de Lyon – d’une logistique et des moyens techniques considérables que l’on ne peut pas trouver dans les démarches privées ou associatives. Ainsi à Lyon, je bénéficie d’un service photo, d’une menuiserie intégrée, d’un service communication, d’un webmaster, etc. On ne peut pas être à la fois militant, menuisier et communiquant. Pour ceux qui sont militants ou représentants d’association, on doit se tourner plutôt vers des choses qui existent déjà. L’Alcazar, la grande bibliothèque de Marseille ayant cette logistique, je ne vois pas pourquoi il n’y aurait pas l’équivalent de ce que j’ai fait à Lyon. J’entends parler de centres d’archives, mais des archives, justement, on en fait quoi ? La promotion, la diffusion passe par quoi ? Ainsi, à la bibliothèque de Lyon, on a organisé des expositions sur Michel Foucault, sur Jean Genet (dont j’étais le commissaire), j’ai aussi créé les assises internationales de la Mémoire Gay et Lesbienne.
Le festival de films LGBT Écrans Mixtes est également partenaire en projetant des films en présence des réalisateurs. Tout ça se déroule dans un espace public, c’est-à-dire un espace gratuit, ouvert à tout le monde avec une grande amplitude d’horaires d’ouverture. Ce qui est très important, car on nous reproche souvent notre communautarisme, parfois à juste titre. En 2005, j’ai aussi organisé une exposition sur l’homosexualité dans les collections de la bibliothèque municipale de Lyon intitulée « Follement Gay ! ». Le succès a été au rendez-vous puisqu’on a eu des milliers de visiteurs de tous âges et de toutes origines. A La bibliothèque de la Part-Dieu, la plus importante à Lyon, il passe chaque année un million de personnes. Imaginez-vous, sans moyen, d’avoir des flux aussi importants et aussi divers ? D’autre part, nos expositions concernant la question LGBT sont systématiquement numérisées. Je vous invite à aller sur le site de la bibliothèque municipale de Lyon, vous avez en ligne les expos dont je viens de parler, que ce soit « Follement Gay ! », « Michel Foucault, archives de l’infamie », « Genet ni père ni mère ». Elles sont aussi couplées avec des catalogues papier. Par exemple, je suis en train de préparer celui consacré à Jean Genet qui est venu à Lyon pour faire éditer son œuvre chez Barbezat pendant la Deuxième Guerre Mondiale.
Voilà ce que je voulais dire très rapidement, à rappelant l’exemple lyonnais. D’abord, avant tout, il faut avoir des collections, c’est le minimum pour être crédible auprès de nos différents partenaires. Trop souvent à Paris, on commence par réfléchir. J’ai participé à je ne sais combien de comités scientifiques ou à des colloques qui n’ont abouti à pas grand-chose. Après, il faut qu’il y ait une volonté politique. C’est à nous de créer le rapport de force. Imaginez Jean-Claude Gaudin parmi nous. On ne sait jamais, la vieillesse peut être conseillère… Vu l’état des troupes qui réfléchissent sur les centres de ressources documentaires LGBT en France, en Europe et aux USA, on voit que le rapport de force ne nous est pas très favorable. Il faut aussi négocier, je dirais de façon intelligente car nous sommes chacun d’entre nous ici présents, porteurs d’actions et de vécus très différents. Je suis très heureux d’être ici à Marseille, et je souhaite que Christian de Leusse puisse faire à Marseille la même chose que j’ai réalisée à Lyon. Rêvons un peu : si Lille, Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, étaient mis en réseau, nous aurions alors, une lisibilité, un poids non négligeable, et une vraie synergie !

De l’intérêt du dépôt : Entre les dépôts, les dons et les legs, c’est souvent des débats sans fin dans le monde de la mémoire LGBT. Rappelons que le legs se situe après la mort du possédant, il est définitif comme le don, contrairement au dépôt. En ce qui me concerne, pour mon fonds, il s’agit juridiquement « d’un dépôt à usage », c’est-à-dire à l’usage du public. J’en garde la propriété de mon vivant et il se transformera en legs à mon décès. Le dépôt permet une certaine souplesse, contrairement au don où vous pouvez difficilement intervenir après la démarche. En ce qui concerne le centre de ressources gay et lesbiennes de la Bibliothèque de Lyon, il se compose de deux parties : mon fonds, à connotation patrimoniale, au 5e étage, et le point G plus axé sur l’actualité, situé au 3e étage, à l’espace « Société et civilisation ». A ce niveau, vous pouvez ainsi emprunter les livres qui si trouvent, français ou étrangers, contrairement au fonds Chomarat où aucun prêt n’est possible. Il est destiné en priorité aux chercheurs, universitaires, ou journalistes. De ce que j’ai vu aujourd’hui des trois centres documentaires ici présents (Amsterdam, Bologne et San Francisco), j’ai eu l’impression qu’il s’agit d’éléments assez récents alors que dans mon fonds, les pièces, qu’elles soient manuscrites ou imprimées, remontent au 16ème siècle comme par exemples le poème de Ronsard sur Henri III, Roi de France, qui pratiquait les « mœurs des peuples étrangers » ou l’iconographie sur les mignons de ce même roi.

En conclusion : Voilà rapidement ce qui s’est fait à Lyon, j’aimerais que ce soit un modèle, une référence, car cela fonctionne et existe depuis de nombreuses années. Il y a ici présent, parmi nous, un acteur (et c’est le moins que l’on puisse dire) qui a été le premier à créer au monde un centre documentaire LGBT à San Francisco, je veux parler de Gérard Koskovich avec qui j’ai entrepris de fructueux échanges. Il en est de même avec l’Académie Gay et Lesbienne à Vitry-sur-Seine. Lorsque que le réseau français aura été créé, nous pourrons envisager une vraie politique d’échanges entre nous. Je suis plutôt hostile à tout concentrer sur Paris car il y a un risque terrible – nous l’avons vu avec Magnus Hirschfeld à Berlin en 1933 – où les nazis, ont, en quelques minutes, détruit l’œuvre de toute une vie. Notre mémoire est extrêmement fragile, elle est entre les mains seulement de quelques militants, pratiquement tous présents ici à Marseille. Nous l’avons bien vu lors du débat sur le mariage gay, nous n’avons rien à attendre de nos ennemis et c’est à nous que revient l’honneur de conserver, de défendre et de restituer notre mémoire et notre histoire !

 

Michel BOURELLY
Directeur de SIDA : Fonds pour la Mémoire

Archives et centres documentaires
Je suis directeur de SIDA : Fonds pour la Mémoire qui est un fonds de dotation qui a vu le jour en France fin 2010. Cet après-midi dans le cadre de cette EUROPRIDE phocéenne, je pourrais me borner à vous raconter pourquoi ce fonds et comment ce fonds. Certes je vais le faire mais brièvement, puis je vais vous parler de façon plus générale sur la mémoire et l’histoire du sida.
Comment débuter une intervention sur le sida sans citer Daniel DEFERT qui disait “Dès le départ, il y a un projet global : celui d’acquérir une expertise sur la maladie et de créer une mobilisation sociale. Tout cela doit être articulé sur une parole des malades pour aboutir sur une mobilisation politique.” C’est la base de mon engagement, de nos engagements.
Après plus de 20 ans au sein de cette même structure, avec la difficulté de voir disparaitre depuis si longtemps, des proches, des amis, des connaissances sans que la marque de leur passage puisse s’inscrire ailleurs que dans nos circonvolutions cérébrales encore plus éphémères que nos corps, à quelques uns il nous est apparu évident qu’il était temps de faire quelque chose autour de cette mémoire.
Nous croyons en la valeur historique et pédagogique du témoignage : l’ère du témoin et de l’héritier.
En un quart de siècle, le monde a connu une épidémie sans précédent, dont le mode de transmission et la rapidité d’évolution, a généré des luttes et des avancées dans les domaines de la recherche, et de la santé, mais également dans celui des droits sociaux et de la reconnaissance politique pour certaines catégories de citoyens.
Donner à entendre les voix de ceux que l’on pourrait qualifier de survivants au regard des 25 millions de personnes qui sont décédées tel est notre objectif.
Éviter la vision univoque qui fait souvent le terreau des peurs, des fantasmes, et de l’intolérance.
Les témoignages sont des récits biographiques se référant aux années avant sida, à la rupture du sida, et enfin aux combats et à la reconstruction collective et / ou personnelle.
Il s’agit de s’inscrire dans une démarche historique, et plus précisément « d’histoire orale », c’est-à-dire une démarche où le témoignage prend une valeur historique : rendre compte d’un événement historique pour que l’expérience devienne exemplaire, pour qu’elle serve, et afin de lutter aussi contre l’ignorance et l’intolérance.
Dans le cas de ces 30 années de lutte contre le sida, le fonds d’archives constitue une entrée dans l’histoire de cette période mais surtout un nouvel outil pour continuer la lutte, notamment au niveau international, qui reste après la recherche, l’un des principaux enjeux de la lutte aujourd’hui.
Un fonds géré avec le soutien de AIDES comme garant « historique » et « éthique » de la démarche, comme légitime « dépositaire » et « diffuseur » du fonds d’archives constituées.
Les exigences « historiques » engendrent une démarche accompagnée d’une méthodologie forte.
Mais nécessitent aussi une implication commune et non pas au service de la notoriété d’un seul, à plus forte raison quand cela n’aboutit pas.
Dans ce fonds qui se constitue et qui existe sans argent – à part celui de AIDES et du Conseil Général des Alpes Maritimes (1 500 €) – nous avons essayé d’instiller, de concentrer, de fourrer toutes les valeurs qui font la force des associations qui veulent changer le monde. Donner la parole à ceux qui ont vécu et vivent le sida (qu’ils soient séropositifs, conjoints de séropositifs disparus, médecins ou politiques). Loin d’un discours Narcissique et Unicentré d’une personnalité qui bien que pouvant être brillante attire les financements sans agir.
Est-il normal que le Grand Centre des ARCHIVES GAIES de PARIS n’ait toujours pas vu le jour ?
Des quantités de témoignages des 50 dernières années de ce combat qui a aboutit cette année au MARIAGE pour tous, en passant par la lutte contre le sida (car OUI, le sida a était et est un des éléments déterminants dans le combat pour la reconnaissance de la place des homosexuels dans la société), des quantités de témoignages, dis-je sont éparpillés de-ci de-là, et ne sont pas rassemblés dans un lieu unique et centralisé.
Peu importe que le chat soit noir ou blanc pourvu qu’il attrape des souris, et c’est donc un bon chat disait Den Xiao Ping.
Alors trouvons ce chat car pour l’instant il est aux abonnés absents.
Quand on s’occupe de la mémoire on doit apprendre à reconnaitre que les cimetières sont remplis de gens indispensables.
J’ai choisi depuis 27 ans AIDES pour y lutter contre le sida, j’y rencontré mes amours et mes amitiés, j’y ai perdu beaucoup de monde, par le sida ou par d’autre causes, la pire des choses pour moi serait qu’après moi des projets s’arrêtent.
Alors depuis des années de façon non structurées (à l’époque où ce qui allait devenir le MUCEM 13 ans plus tard se préparait) puis depuis 3 ans de façon plus organisé, je collecte et rassemble et dispatche tout ce que nous pouvons avoir les uns et les autres chez nous, ou dans nos locaux , dans nos placards et nos armoires et avec d’autres j’essaie que l’histoire du sida puisse être écrite. Rassurez vous, il n’y a pas et n’y aura jamais de FONDS MICHEL BOURRELLY, cela n’aurait aucune utilité.
Je souhaite, nous souhaitons, que cette histoire de la lutte contre le sida soit écrite avec les pièces tangibles et d’époque, et non pas réécrites par des thuriféraires patentés qui bientôt vont nous faire croire que c’est un homme d’affaire qui a découvert le virus du sida.
Ce n’est pas Christian de Leusse qui me démentira, (car en 1987 déjà et bien avant d’ailleurs, il était là et j’étais avec AIDES sur un stand à l’UEH) ces années là, faire de la prévention, parler du sida (à 25 ans), ce n’était pas facile. Organiser une réunion des commerçants gay en 1987 à MARSEILLE (ce que j’ai fait avec Gérard BOURGUE alors Vice président de AIDES) ce n’était pas réaliste, si peu réaliste que personne, je dis bien personne n’est venu. Faire des permanences dans un bar GAY (le KEMPSON) ce n’était vraiment pas cool, les dimanches soirs de 18h à 20h, cette sensation d’être un fantôme, faisait froid dans le dos. C’était même parfois désespérant, comme au salon de l’étudiant en 1987 où nous avions un stand prêté par l’assistance publique des hôpitaux de MARSEILLE. Cette dernière par la voix de la responsable de la communication est intervenue auprès du président de AIDES car j’avais l’intention de distribuer … des préservatifs.
Alors on peut désormais avec la candeur de certains jeunes activistes blancs et séronégatifs faire fi de tout ce passé, affirmer derechef qu’il n’y a qu’une voie pour la prévention et que tous ceux qui sont hors de ces clous sont des meurtriers, mais c’est mépriser l’HISTOIRE, cette histoire qui se construit avec des acteurs ou ce qu’ils ont laissé mais aussi avec de la vérité, de l’abnégation, de la fierté, du partage et de l’amour.

 

Karine ESPINEIRA
Docteure en Sciences de l’information et de la communication
Qualifiée MCF à la 71ème section CNU.
Chercheure associée au LIRCES (Laboratoire Interdisciplinaire Récits, Cultures Et sociétés)
Équipe d’accueil 3159 – Ministère de la Recherche
Université de Nice-Sophie Antipolis

Le T dans la mémoire et dans les archives
On le sait, mémoires et archives sont indissociables. Dans le cas français, mais on imagine que c’est aussi le cas ailleurs, l’histoire des personnes  trans est encore écrite par des non-trans. On sent que le danger est d’obtenir des archives uniquement « médicales ». Hier encore je parlais avec le psychologue clinicien Tom Reucher du projet Vigitrans qu’il était prêt à porter. Ce projet d’archives trans n’a finalement jamais vu le jour et nous avons peine à l’imaginer aujourd’hui. Pourtant, ce projet nous est nécessaire. Nous devons pourtant œuvrer pour une histoire investie par les personnes trans, pour toutes les personnes trans. Notre histoire doit être trans mais pas que trans nous le savons aussi. Et les transversalités entre nos différentes cultures plaident aussi en ce sens.
Autre point qui plaide pour la nécessité d’archives trans : une mémoire se perd en partie même si nous pouvons nous appuyer sur le travaux de Meyerovitz, de Namaste, de Foerster, entre autres. On ne parvient à fixer qu’en partie cette réalité méconnue qu’est la culture cabaret transgenre en tant que réseau d’entraide avant la psychiatrisation de nos existences. C’est un exemple parmi d’autres.
Nouvelle approche, ma propre recherche, avec mon exploration de la mémoire de l’audiovisuelle a l’Institut National de l’Audiovisuel. Cette mémoire n’est pas notre disons-le clairement. C’est une mémoire à analyser. Il y a un enjeu méthodologique à pouvoir utiliser ces matériaux. J’ai réuni plus de 800 documents audiovisuels de 1946 à nos jours. Aucun ne relate une mémoire trans sans poser de nombreuses questions à la recherche, en termes d’analyse et de recontextualisation.
J’ai beaucoup pensé au travail de Vito Russo, quand il publie The celluloïd closet en 1981, démontrant non seulement comment l’homosexualité est représentée au cinéma mais comment elle a passé des filtres et la censure. Il décrit son évolution et la force de cette présence. Car, on se rend compte que nos subcultures LGBTI font bien partie de la culture commune. Mais nous savons qu’il nous faut la retravailler et non les diffuser sous une forme brute.
Je peux aussi donner l’exemple de La transyclopedie : un ouvrage collectif autant qu’un travail d’inventaire que nous voudrions inscrire dans une culture commune. Mais le travail va être de longue haleine. Il est encore fréquent que nos amis LGB établissent des bibliographies compilant les ouvrages de nos « experts », écrits souvent marqués par une transphobie non dissimulée. Et l’on se retrouve à voir nos « détracteurs » plus cités que nous mêmes alors que nous produisons désormais…
Nous plaidons pour des archives communautaires qui soient respectueuses aussi bien l’action associative que la production l’universitaire. Et, ce pourrait être déjà un point de départ.
Je vais conclure sur deux points. En premier lieu sur l’idée du mariage dont nous nous amusions tout à l’heure. Je veux bien me marier mais pas sans avoir étudié le contrat de mariage auparavant (réf. à l’histoire particulière du centre d’archives Arc-en-ciel). Enfin, je veux remercier l’Académie Gay et Lesbienne, car j’ai ressenti une plus grande joie à voir mon premier ouvrage référencé dans leurs archives que de le voir apparaître dans des catalogues commerciaux. Un mot décrit mon ressenti : fierté.

(voir notes au bas des textes)

 

Patrick CARDON
Editions QuestionDeGenre/GayKitschCamp

L’HOMOPHOBIE INTELLECTUELLE
Études et Archives LGBT : un bref historique d’une manie
Archéologie. Rassembler des documents sur les sujets LGBT ne date pas d’hier. Parmi les doléances des Enfans de Sodome à l’Assemblée Nationale, un des pamphlets de 1790 que nous avions réédité à l’occasion du bicentenaire de la révolution française, puis repris en 2002 sous la forme d’un guide gay de cette époque, nous notons : art. vi
« Il sera mis incessamment sous presse et dans le plus court délai possible, un manuscrit sauvé de l’embrasement de Sodome, ayant pour titre : Traité élémentaire de l’Antiphysique, ou Abrégé théorique de cette manie, à l’usage des Prétendants et des jeunes Bardaches : quatre des plus anciens de l’Ordre seront tenus d’en soigner l’impression. »
Je ne connais pas l’aboutissement de ce projet qui était peut-être présenté à l’époque comme farfelu. Pourtant, peu d’années auparavant (1785), le philosophe libéral britannique Jeremy Bentham, rédigeait un essai sur la pédérastie. Cet essai ne fut imprimé aux USA qu’en 1978 par le chercheur Louis Crompton et traduit et publié par nos soins en 2000.
Il faudra attendre 1885 pour que paraisse une étude qui tentera de faire la synthèse des connaissances de l’époque. Ce sera une partie de « l’Essai terminal » des Mille et une nuits de Richard Francis Burton dont la traduction en français est en cours.
C’est à la fin XIXe que cette passion de collecter ces documents s’affirme et c’est pour cette raison qu’une de nos périodes préférées de réédition est la fin de ce siècle marqué par cette volonté de réunir des témoignages sur ces « Enfans de Sodome » qu’on préfèrera appeler dorénavant des invertis et des pédérastes, termes qu’adopteront autant les sciences médicales qui s’intéressent beaucoup au sujet, pour établir leur autorité naissante, que les écrivains avec qui ils collaborent parfois.
En Allemagne, Richard von Krafft-Ebing publie en 1886 Psychopathia Sexualis, qui sera publié en 1895 par les éd. Carré sous le titre de Étude médico-légale, psychopathia sexualis : avec recherches spéciales sur l’inversion sexuelle. C’est bien en Grande-Bretagne que le Dr Havelock-Ellis écrit huit volumes d’Études de psychologie sexuelle mais c’est aux USA, et pour un public averti, qu’ils sortiront en 1898. Le volume sur l’inversion fut écrit en collaboration avec le poète John Addington Symonds. Ce sont surtout des études de cas.
Pour les études littéraires, il faudra attendre, en France, le Dr Lacassagne, qui accueille, dès 1894, dans ses Archives d’anthropologie criminelle de Lyon, les papiers sur l’unisexualité de l’écrivain d’expression française et d’origine russe Marc-André Raffalovich, installé à Londres. En 1897, ses modestes « notes et observations » deviennent des « Annales » puis des « Chroniques » de l’unisexualité.
Mais c’est Magnus Hirschfeld qui jouera probablement le rôle le plus important : en 1897, il fonde un Comité scientifique humanitaire. Deux ans plus tard, Hirschfeld publie la revue Jahrbuch für sexuelle Zwischenstufen (Annales des sexualités intermédiaires et en particulier de l’homosexualité (1899-1923). En 1919 il fonde le premier Institut de sexologie et participe aussi au scénario du film Différent des autres de Richard Oswald. En 1921, il initie la création d’une Ligue mondiale pour la réforme sexuelle.
Le 6 mai 1933, le premier autodafé nazi est pour ses bibliothèques. Réfugié à Nice, il y décède en 1935, le jour de son anniversaire. Il faut attendre 2010 pour que le Mémorial de la Déportation Homosexuelle et des collectifs niçois lui rendent hommage en publiant un opuscule et en déposant une gerbe sur sa tombe alors que depuis 1990, nous rééditions ses Homosexuels de Berlin . Notre troisième édition, de 2001, comporte un dossier conséquent sur l’aventure extraordinaire de cet homme et en tête-bêche un état des lieux lesbiens de Berlin en 1928 par Ruth Margarete Roellig.
En France, on ne fait pas que publier, on archive aussi d’une manière privée en vue ou non de publication. Il existe par exemple des fonds privés comme celui déposé à la bibliothèque municipale de Troyes de Georges Hérelle qui avait traduit et annoté l’ouvrage du philologue allemand Meier, l’Histoire de l’amour grec dans l’antiquité, paru en 1837, traduction qu’il avait publiée sous un pseudonyme (L. R. de Pogey-Castries) en 1930, « augmentée d’un choix de documents originaux et de plusieurs dissertations complémentaires ». Or, ce manuscrit « Nouvelles études sur l’amour grec », resté inédit, n’est pas la simple expression d’une nouvelle curiosité intellectuelle induite par cette traduction, c’est au contraire parce qu’il s’intéressait à ce sujet qu’il a traduit l’ouvrage de Meier. D’ailleurs l’un des trois dossiers de travail rassemblés sous la cote 3257 et intitulé de sa main « Manuscrit sur la pédérastie » a été élaboré à partir des années 1884, donc bien avant la publication de la traduction de l’Histoire de l’amour grec. [Bibliothèque municipale de Troyes]
Claude Courouve, en 1975, est à l’origine des premières bibliographies qu’il publie dans des Collections Archives unisexuelles ou des homosexualités dans le cadre de l’ALEPH (Association Laïque pour l’Étude du Problème de l’Homosexualité) puis, en 1977, dans celui du Centre d’Information et de Documentation de l’Homosexualité. En 1985, il publie un Vocabulaire de l’homosexualité masculine chez Payot.
Au début des années 1980, Franck Arnal, historien, directeur de publication de Gai Pied, découvre le fonds de Toulon. Valdo Bouyard et Henri Amouric, d’Aix en Provence, commencent à dépouiller les fonds d’Aix et surtout de Marseille (travaux non publiés). Les histoires régionales sont encore les parents pauvres de l’histoire LGBT française.
Le fonds Gai Pied détenu par Gayvox n’a pas trouvé le moyen d’être exploité. Le dernier essai de financement par internet à l’initiative de Jérémy Patinier des éd. des Ailes sur un tracteur, a échoué.

TENTATIVE PARISIENNE
L’APCADHP. On trouvera sur le site de l’Académie gaie et lesbienne , tous les éléments des péripéties puis l’échec de Association de Préfiguration d’un Centre d’Archives et de Documentation Homosexuelles de Paris (AP CADHP) confiée à Jean Le Bitoux avec le soutien de la seule ville de Paris pour 100 000 €. J’ai participé aux réunions régulières organisées aux Archives départementales de Paris en 2006 jusqu’à ce que le bureau de cette association de préfiguration refuse de donner quittance de ses comptes. Malgré cela et sans concertation, on apprend que L.-G. Tin est délégué à un nouveau projet par le maire de Paris, ce que me confirme le secrétaire à l’adjoint de la mémoire. La situation bloquée est donc bloquée alors que fin 2005, je proposais, contraint de fermer celui de Lille, mon centre de doc clé en main. Poussé à la retraite par le Ministère de l’Éducation nationale en 2002 (2 ans avant la loi contre les discriminations homophobes) il a fallu que je sauve ma peau et donc je liais ce projet à un emploi qui m’aurait été dévolu. Cette proposition légitime n’a toujours reçu que des réponses grossières.
En 2010, L.-G. Tin organise l’Institut Arc en ciel en instituant deux comités, un comité d’associations et un comité scientifique. Depuis, tous sont aux abonnés absents. L.-G. Tin ne répond pas aux messages depuis 2 ans et lorsque j’ai demandé par le même moyen l’an passé à chacun des élus si l’un d’eux se rendait à Rotterdam pour une rencontre internationale sur les archives où se rendait l’Académie Gay et lesbienne, je n’ai reçu qu’une réponse négative d’un Américain.
Ma conclusion est que les personnes nommées et élues ne sont aucunement motivées par les Archives et qu’ils/elles l’ont été non pas pour créer un centre d’archives mais au contraire pour bloquer toute initiative en ce sens.

TENTATIVE EN RÉGION.
À Montpellier où je pensais pouvoir contribuer à sa réputation jumelle avec celle de Lille de seconde ville gay de France, tout le monde a fait la sourde oreille malgré le soutien déclaré du collectif contre l’homophobie et de la Lesbian and Gay Pride. Une responsable de la bibliothèque est allée jusqu’à me désigner une fille voilée pour me dire : c’est cela que vous voulez ? (soupçon de communautarisme). Je fais publier ma déception dans le Midi Libre , ce qui n’a pas eu l’heur de plaire. Côté financement de livres, les aides ne vont qu’aux projets économiques générateurs d’emplois, ce qui ne convient pas aux associations à but non lucratifs. Ce n’est qu’après 6 ans d’existence que GayKitschCamp a enfin pu être reconnu comme éditeur en région Languedoc-Roussillon ! Au niveau national, le Centre National des Lettres n’aide que les publications ayant externalisé leur diffusion / distribution.
Il ne restait plus qu’à répondre à l’opportunité qu’offrait Michel Chomarat, chargé de mission « Mémoire » de la Ville de Lyon, qui avait réussi à obtenir un demi poste pour le point G de la Bibliothèque Municipale de Lyon. Il attendait ma candidature. Il me téléphone pour me dire que la balance pencherait vers moi si j’acceptais de joindre mon fonds au sien. Nous avions mangé plusieurs fois ensemble et à Lille et à Lyon, et nous semblions d’accord. Mon travail sur le fonds Lacassagne de Lyon (ma thèse) avait bénéficié d’un numéro spécial de sa très élégante revue « Mémoire gaie » (2001) et ma participation aux Assises de 2002 était parue… Ma candidature fut refusée sans qu’on ne m’en donne aucune raison, ni de la part des membres du jury ni de la part de Michel Chomarat.
Autre occasion, le MUCEM (Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée) de Marseille. Nous devions prendre part à l’exposition Le Bazar du genre. Masculin/féminin en Méditerranée présentée par Denis Chevallier mais cette participation fut annulée au dernier moment. Nous attendons toujours le rapport que le directeur M. Muzzarelli a demandé à ses collaborateurs sur ma proposition de collaboration. L’un d’entre eux me déclare qu’il est déjà chargé du fonds SIDA et un autre que le dépôt d’un fonds ne peut pas être lié à un emploi. Des rencontres sont promises mais toujours reportées. Les tractations continuent…

CONCLUSIONS PROVISOIRES.
La population LGBT ne souffre pas que d’homophobie physique basée sur les insultes, les coups et les blessures. Elle est victime aussi d’homophobie intellectuelle. Elle a droit à la compassion (sida, homophobie, discrimination, extermination) mais pas à la mémoire ordinaire que pourrait conserver un organisme semblable à un « ethnopole ». Mais ethnopole suppose que la population LGBT soit vraiment considérée comme une population autre qu’à risque (comme on dit pour la transfusion sanguine) mais une population à part entière avec aussi sa culture du plaisir.
Grossièrement, deux conceptions du mouvement LGBT se sont affrontées ces dernières années qui ont leurs racines bien avant : une conception « victimiste » qui s’est traduit par la reconnaissance puis le financement d’associations contre les discriminations et pour le souvenir des déportés ; une conception de l’histoire des plaisirs qui a du, comme autrefois, se mettre à la remorque d’un mouvement féministe de plus en plus moraliste (pudibond, anti prostitution et anti pornographique) et qui s’est engouffré dans la « théorie du genre » ouverte par les LGBT en éliminant peu ou prou ces derniers. Ces deux conceptions, qui auraient du se compléter (l’une pour la résistance et l’autre pour la vie, l’espoir), ont été instrumentalisées certainement de l’extérieur par les institutions mais surtout par les acteurs eux-mêmes.

GAYKITSCHCAMP.
Devant cette paralysie, GayKitschCamp a exposé la mémoire LGBT à Lille, de 1991 à 2006, grâce à des collectivités locales de gauche qui finançaient ses activités alors que les associations de Paris ne recevaient aucune aide de ses élus majoritairement de droite. Elle fut une des premières avec la ville de Tours à reprendre la tradition des festivals de films LGBT.
Après avoir présenté des centaines de films au cours de son festival ou des semaines culturelles GayPride, GayKitschCamp se limite actuellement dans le cadre des éditions QuestionDeGenre/GKC à la réédition ascientifique d’ouvrages introuvables de l’histoire LGBT au rythme de 3 ou 4 par an suivant les disponibilités et les motivations de ses collaborateurs.
Ligne éditoriale. Depuis 1989, la ligne éditoriale des éditions QuestionDeGenre/GKC est de remettre à la disposition des chercheurs, des étudiants et des amateurs d’histoire littéraire homosexuelle, des textes devenus introuvables. Très en phase avec l’actualité, elle a publié à l’occasion du bicentenaire de la révolution française un ensemble de pamphlets réunis sous le titre du premier : Les Enfans de Sodome à l’A. N., 1790.
Une des premières collections a été la collection UNIVERSITÉ qui rendait compte des conférences à la Sorbonne, organisées par le Groupe de Recherches et d’Études sur les Homosexuels dirigé par Rommel Mendès-Leite, l’inventeur en France de la Question du Genre développée dans Homosexualité & lesbianisme : mythes, mémoires, historiographes. D’autres titres parurent sur l’histoire et la sociologie. L’un fut le premier à traiter courageusement les relations entre Homosexualités et Sida (1991). Mais les chercheurs universitaires se virent bientôt proposer des collections chez une maison d’édition assurant une diffusion plus large : L’Harmattan. De nombreux textes n’intéressant pas les universitaires restaient à dénicher ou à interpréter. Mirande Lucien se spécialisa dans la redécouverte de l’écrivain belge Georges Eekhoud, effort couronné par l’exposition récente autour des Gay Games d’Anvers ; Thierry Martin continuait à révolutionner l’approche de genre de la littérature médiévale et faire accepter le double langage du jobelin de ses Trois Essais sur la littérature médiévale à sa traduction moderne de la Farce de Pathelin.
Plus récemment, à l’occasion du mariage pour tous, M. Antinoüs et Mme Sappho de Luis d’Herdy, 1899 présenté par Marie-France David-de Palacio et qui eut la faveur d’un édito du Monde des Livres ; de même et en réponse à la « Manif pour tous », la réédition du Rapport contre la normalité du Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire de 1971.
QuestionDeGenre/GKC publie aussi des textes contemporains, tel le premier témoignage tunisien autobiographique de l’écrivain récemment décédé (Eyet Chékib-Djaziri, Un Poisson sur la balançoire et Une promesse de bonheur )
En juin, Marie-France David-de Palacio réitère en présentant, cette fois-ci avec Patrick Cardon, La Fille manquée de Han Ryner (1903). Pour la rentrée est prévue la réédition du Troisième Sexe de Willy (Henry Gauthier-Villars) (1927) qui ouvrira une série de publications de sa « fabrique » signées Menalkas (Ersatz d’amour, 1923 et Le Naufragé, 1924, deux volumes pour un même roman d’amour entre un artiste français et un officier allemand pendant la première guerre mondiale), ainsi que d’autres ouvrages relevant de la littérature « art déco », Des Fredi de Max des Vignons (Fredi à l’école, Fredi en ménage et Fredi s’amuse, 1929-1930) dont la réunion des dessins réservés aux éditions de luxe a nécessité la collaboration de trois collectionneurs internationaux, jusqu’au Poiss’ d’or d’Alec Scouffi (1929), auteur d’origine égyptienne mort assassiné dans son appartement ainsi que Patrick Modiano le raconte dans ses Boutiques obscures, en passant par Ces Messieurs du Sens interdits de Marilli de Saint-Yves (1933) et pourquoi pas Chez les mauvais garçons de Du Coglay (1937) ?
En ce qui concerne les rares fictions contemporaines que nous éditons, nous avons choisi l’étonnant séjour au Maroc de l’Aller sans retour pour Tanger de Pierre Morvilliers.
Le 80e numéro devrait paraître à la fin de cette année. Il s’agit d’une bibliographie homosexuelle de 1927 présentée allègrement par le premier mari de Colette, Willy sous le titre de 3 e Sexe. Willy n’étant pas gay mais de culture gay, il nous faudra utiliser toute la panoplie de l’approche genre qui est la caractéristique de GayKitschCamp depuis ses débuts en 1991 pour retirer des pépites de ce chantier en cours, celui annoncé par le FHAR en 1971 : « une vision homosexuelle du monde » (et sa révision des canons hétérocentrés).

QUESTION FINALE : combien de livres devra-ton encore éditer pour enfin être pris, un jour, au sérieux ?
Patrick Cardon est chercheur auprès de l’association GayKitschCamp
(catalogue sur http://gaykitschcamp.blogspot.fr/ )

Annexes : (images)

Midi Libre 24 février 2007

L’auteur ce cet article lors du dépôt d’une gerbe offerte par le MDH sur la tombe de Magnus Hirschfeld pour le 75e anniversaire de sa mort (2008)

(voir notes au bas des textes)

 

Gérard KOSKOVICH
Musée LGBT San Francisco
Membre fondateur de la GLBT Historical Society
Montrer le Passé Queer : Le Cas du Musée Historique LGBT
Présenté au Forum Euroméditerranéen LGBT du Collectif IDEM pour l’Europride 2013, à Marseille. Copyright © 2013 Ray Gerard Koskovich; tous droits reserves. Ne peut être publié, mis en ligne ou toute autre forme de diffusion sans autorisation écrire. Contacter Gerard Koskovich à l’adresse mail : HYPERLINK « mailto:gkoskovich@gmail.com »gkoskovich@gmail.com

Dans le Quartier de Castro à San Francisco, une devanture, dissimulée entre un bar gay dansant et une pharmacie pourrait, au premier coup d’œil, sembler n’être rien de plus qu’un banal commerce du quartier. Pourtant l’établissement en question a attiré les média internationaux et 10 000 visiteurs à travers le monde depuis janvier 2011. C’est à ce moment et à cet endroit que le Gay, Lesbian, Bisexual, Transgender History Museum a ouvert ses portes. Sur une surface de seulement 150 mètres carré, cet espace est loin d’être monumental. L’intérêt ne vient clairement pas de la taille. L’une des clés pour comprendre l’attention que le musée a suscité est l’invisibilité générale de l’expérience LGBT dans les lieux publics où les sociétés transmettent leurs histoires ; une deuxième est la reconnaissance croissante, de la part tant des personnes LGBT que des non-LGBT, du fait que cette absence est préjudiciable puisqu’elle renforce notre marginalisation sociale et culturelle. A partir de ces facteurs, l’ouverture d’un musée queer, où qu’il se situe, mérite d’être remarquée. Dans le cas du Musée d’Histoire LGBT, les circonstances spécifiques à San Francisco ont également joué un rôle.
Le musée est financé par la GLBT Historical Society, un centre d’archives fondé en 1985. Aujourd’hui, j’aimerais, devant vous, donner un sens à l’interconnection qui lie le travail des archives et celui du musée. Je soulignerai aussi la généalogie du musée, j’aborderai ses programmes et ses publics et j’évoquerai la cause défendue dans notre travail.

Historical Context Le LGBT History Museum est l’une des premières institutions de ce genre, mais certainement pas la plus ancienne. D’après mes informations, une recherche historique systématique sur le sujet devrait être publiée, mais l’on peut déjà identifier un ancêtre lointain. Le premier effort connu pour combler le vide du queer dans le monde des musées date de 1919, lorsque le Docteur Maghnus Hirschfeld (1868-1935) créé l’institut pour la Science Sexuelle à Berlin.
L’une des initiatives les plus visibles de l’Institut consistait en un musée interdisciplinaire mettant en lumière la diversité des identités sexuelles, leurs habitudes et leurs comportements à travers le monde. Bien que les vitrines ne soit pas uniquement dévolues à ce que l’on appellerait aujourd’hui les personnes LGBT, elles donnent une place de choix aux vies des homosexuels et des transgenres, en faisant d’elles, pour la première fois, un sujet de représentation au sein d’une salle de musée. Le musée avait aussi pour fonction de donner un visage public à l’une des autres initiatives majeures de l’institut : ses archives et sa bibliothèque de recherche.
L’institut pour la Science Sexuelle fut détruit par les Nazis peu après l’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933. Mais sa mémoire a perduré à travers l’impulsion qu’il a donnée aux archives LGBT établis dans différents pays à partir de l’ère de la libération homosexuelle, au début des années 1970. En tant que membre fondateur de la GLBT Historical Society, je peux témoigner que nous étions très certainement conscients de faire partie d’un vaste mouvement archivistique pensé en partie pour réparer la perte de l’Institut d’Hirschfeld. Notre musée et nos archives à San Francisco ont par conséquent puisé leurs racines au sein du premier mouvement pour l’émancipation homosexuelle en Europe.

The GLBT Historical Society
Abordons maintenant la filiation directe du LGBT History Museum. Comme je l’ai évoqué tout à l’heure, le musée est un projet du LGBT Historical Society, fondé en 1985 pour documenter les communautés LGBT et éduquer le public sur leur histoire. Les toutes premières collections de la société étaient localisées dans l’appartement de l’un des fondateurs : Willie Walker (1949-2004). La priorité de cette première période était la collecte de matériaux historiques.
Après presque 30 ans de collectes, les archives de l’Historical Society sont aujourd’hui parmi les plus vastes des Etats Unis. La majorité des documents proviennent de Californie du Nord, région peuplée de 14,5 millions de personnes et possédant une riche histoire LGBT, néanmoins plus brève que celle conservée dans les centres Européens, puisqu’elle ne remonte qu’au milieu du 19ème siècle.

From Archives to Museum
Comme les commentaires le suggèrent, la LGBT Historical Society a dès le début du projet collaboré avec des chercheurs. L’idée que nous devrions créer un musée a, au contraire, émergé progressivement. Durant les premières années de ses vingt ans d’existence, la société n’a organisé qu’occasionnellement des expositions. La plupart d’entre elles étaient modestes, mais certaines furent plus ambitieuses. Par exemple, de 1999 à 2001, l’Historical Society finançait les expositions annuelles de la Gay Pride, intitulées « Défendre l’Histoire de la Communauté ». Des groupes de travail issus des différentes populations LGBT venaient, ensemble, organiser les présentations des vitrines.
Le succès populaire de l’exposition a été l’un des facteurs qui ont conduit le GLBT Historical Society à donner la priorité aux expositions. Nous sommes sur le point de reconnaitre que les archives sont au fondement de l’institution, mais leur intérêt s’adresse principalement aux scolaires et aux passionnés déjà conquis. Pour toucher un public plus large, nous avons progressivement vu émerger la nécessité de raconter des histoires touchantes à travers une forme et un cadre plus accessibles à ceux dont l’intérêt est plus occasionnel.
La société a acté cette observation en 2003 quand elle s’est déplacée dans un nouveau lieu possédant une pièce pouvant servir de premier espace d’exposition entièrement dédié. Les expositions qui y étaient organisées ont attiré l’attention des média et ont été très bien reçues. Au même moment, cet espace, situé au deuxième étage d’un ancien bâtiment industriel, a commencé a montré ses limites : son emplacement n’était particulièrement fréquenté ni par des résidents LGBT, ni par les touristes, et il n’était pas facilement visible depuis la rue.
A l’occasion de la sortie du film Harvey Milk, de Gus Van Sant, en 2008, la LGBT Historical Society a décidé de remédier à ces problèmes en ouvrant un musée temporaire dans une petite galerie au croisement de Castro et de la 18ème rue, en plein cœur du quartier gay mondialement célèbre de San Francisco. L’espace a servi à monter une exposition appelée « Un combat passionné : Dynamiques de l’histoire LGBT de San Francisco », qui retraçait un siècle de vie LGBT dans la ville à travers quatre principaux  thèmes: Lieux, Politiques, Plaisirs, Personnes.
Au cours de ses 11 mois d’existence, “Un Combat passionné” a attiré presque 25 000 visiteurs. Notre galerie du centre ville, depuis son ouverture, n’avait jamais approché de tels niveaux de fréquentation, ce qui nous a amené à conclure que Castro était l’endroit le plus adéquat pour toucher ceux pouvant être intéressés à apprendre sur notre histoire. Le nouveau musée nous avait aussi permis de comprendre autre chose : alors que nous pensions attirer principalement des personnes LGBT de notre région, nous avons eu la surprise de découvrir que plus de la moitié des visiteurs étaient en fait des touristes, avec une proportion significative de non LGBT. Enfin, nous avons eu la joie de constater que les LGBT aussi bien jeunes que plus âgés venaient en nombre considérable.
Par conséquent, nous avons acquis une meilleure compréhension des publics et des objectifs d’un musée queer. Nous avons plus clairement repéré qu’un tel musée pouvait aider à réduire le fossé qui retire aux plus anciens l’honneur qu’ils méritent et laisse la jeunesse queer sans moyen d’apprécier l’héritage légué par les personnes LGBT qui les ont précédé. Nous avons aussi constaté que le musée était un cadre où les personnes non LGBT pourraient apprendre sur notre histoire, nous pouvions aussi tirer profit de la forte attractivité touristique de San Francisco pour faire que cette transmission de connaissances ait une portée mondiale.

The GLBT History Museum
Un an et demi après la fermeture de la galerie temporaire, la LGBT Historical Society a finalement ouvert un musée pérenne et autonome dans le quartier de Castro. Situé dans une plus grande galerie, la surface du LGBT History Museum a été remodelée selon nos spécificités, avec une entrée, trois sections d’expositions et une petite boutique. Comme vous pouvez le voir sur ces photos, la présentation est assez soignée, mais loin d’être luxuriante. A mesure que le musée grandit, nous espérons récolter des fonds qui nous permettraient de développer une scénographie plus sophistiquée et des interfaces multimédias.
Depuis que le musée a ouvert, voilà deux ans et demi, l’institution est devenue une maison prospère pour l’histoire publique queer, attirant environ 15 000 visiteurs par ans, selon une proportion estimée de 70% de touristes pour 30% de locaux. En plus de l’exposition permanente, le musée organise des expositions temporaires durant trois à six mois. Un audioguide est disponible en quatre langues, et des guides bénévoles organisent un grand nombre de visites pour les groupes, depuis les scolaires jusqu’aux maisons de retraites. Le musée a enfin financé des douzaines de programmes publics.
Passons maintenant à la réponse des medias, et laissez-moi remarquer que le simple fait que le Musée LGBT ait ouvert dans le célèbre quartier gay de San Francisco a clairement créé un espace de discussion, rassemblant des média du monde entier, ce qui a permis à notre institution de toucher des publics bien plus larges que nos visiteurs actuels. Cette couverture médiatique reflète le fait que San Francisco est perçu dans l’imaginaire international comme une capitale de la vie gay dans le monde. En même temps, la gravité des termes « musée » et « histoire » semble avoir rendu possible, pour les journalistes, les bloggers et les consommateurs de médias, le fait de traiter le sujet en des termes neutres ou positifs, y compris dans des lieux parfois hostiles à l’homosexualité.
Pour les media LGBT et friendly, l’ouverture du Musée offre l’opportunité d’affirmer que nous méritons le respect culturel qu’accompagne l’histoire exposée dans le cadre traditionnel d’un musée. Mais des réactions sont aussi venues des idéologues anti-LGBT, notamment d’un blog néo-Nazi en Espagne, d’un site islamiste en Indonésie et d’une radio fondamentaliste chrétienne de la région de San Francisco. Ces attaques suggèrent que même les opposants ont saisi le pouvoir inhérent à l’appropriation de l’histoire.
Pour finir, laissez-moi suggérer qu’en montrant un passé queer qui était auparavant invisible, nous pouvons faire en sorte que le présent des LGBT paraisse moins inévitable. Augmenter notre connaissance de cette histoire nous aide à voir que les régimes politiques, culturels et économiques qui structurent la vie LGBT sont historiquement contingents, nous pouvons ainsi être capable de les transformer à partir de nos actions individuelles et collectives. En représentant de manière critique les récits de l’histoire LGBT dans le cadre d’un musée, nous ne créons pas seulement l’assise d’une plus grande acceptation sociale pour aujourd’hui ; nous aidons aussi à ouvrir la voie, tant pour les LGBT que pour les autres, pour imaginer un futur de plus grande dignité pour tous les membres de la société.

 

Jack VAN DER WEL
Centre International d’Archives et d’information Gay et Lesbienne d’Amsterdam, Pays-Bas Présentation : Je m’appelle Jack van der Wel, je dirige les services des Collections et de l’Information de l’IHLIA, le Centre International d’Archives et d’information Gay et Lesbienne d’Amsterdam, aux Pays-Bas. Je remercie les organisateurs pour leur invitation et la tenue de ce débat.

Une rapide introduction à l’IHLIA
Homodok, l’ancêtre de l’IHLIA a été créé en 1978 par un groupe d’étudiants et de chercheurs issus de plusieurs universités hollandaises. Leur objectif était de déterrer l’information et la littérature sur l’homosexualité, cachée dans plusieurs bibliothèques et centres de documentation. Ils cherchaient à la rendre accessible au grand public. Dévoiler ces documents au grand jour n’était (et n’est toujours) pas une tâche facile, puisque les informations disponibles concernant notre communauté étaient minimes.
Depuis cette époque, la position des LGBT dans la société a énormément évolué. Nous sommes plus visible, IHLIA l’est aussi beaucoup plus. IHLIA est accueilli, et occupe une place de choix, au sein de la bibliothèque publique d’Amsterdam où nous disposons au sixième étage d’un bureau d’information et d’un espace d’exposition.
Quelques événements marquants et quelques chiffres sur ILHIA :
* IHLIA possède plus de 130 000 livres, périodiques, littérature grise, vidéos, posters, archives, photos, etc.
* IHLIA accueille plus de 4 000 visiteurs par an.
Cela signifie qu’IHLIA est le principal centre d’archives LGBT en Europe.
IHLIA possède différents lieux de stockage pour ses archives, dont la plupart bénéficient d’un contrôle du climat permettant une conservation adéquate.
1- IHLIA est au service du public, des chercheurs, journalistes, étudiants, femmes et hommes politiques, et de quiconque s’intéresse aux questions LGBT.
2-IHLIA offre :
* Un accès facile : tout est catalogué (et en ligne) et inscrit sur une base de données
* Des recherches personnalisées : chacun peut déposer une demande spécifique pour avoir accès à des documents que l’ILHIA s’efforcera de rendre disponibles.
* Pour la recherche scientifique : la possibilité pour les chercheurs d’obtenir une autorisation pour accéder aux archives de l’organisation ou aux documents qui ne sont pas présentés au public : quelques pièces uniques du patrimoine LGBT.
* La possibilité de voir, d’apprendre et de se souvenir du patrimoine LGBT à travers des expositions.
IHLIA : quatre domaines de priorité
Bien que nous ayons réalisé de grandes avancées depuis la fondation d’IHLIA il y a 35 ans, nous avons toujours beaucoup de travail à effectuer. Nous avons défini quatre domaines pour notre travail, que j’aimerais partager avec vous. Les quatre domaines sur lesquels nous sommes focalisés sont :
* La société d’aujourd’hui
* La visibilité
* L’urgence
* La collaboration

Première priorité : IHLIA et la société d’aujourd’hui
Les Pays-Bas possèdent une longue tradition d’émancipation. Le mouvement des femmes et le mouvement gay sont profondément enracinés dans la société hollandaise. Nous avons travaillé dur pour faire du monde un endroit qui soit sûr pour nous, à la fois pour les individus et pour notre patrimoine collectif LGBT. Et à bien des égards, nous y sommes parvenus.
Par le passé, nous croyions qu’en nous émancipant nous-mêmes, nous pourrions éliminer l’inégalité. Le gouvernement a fait avancer les choses en faisant adopter des lois en faveur de l’égalité des droits. Ces dernières années cependant, nous avons vu que les revendications se déplaçaient de l’émancipation de la communauté LGBT à l’acceptation de celle-ci par le reste de la société. On n’attend plus de la communauté qu’elle agisse : se battre pour des droits égaux et s’affirmer davantage. On demande aux gens en général de faire une chose : nous accepter. Au contraire, la priorité du mouvement gay était de s’émanciper, on vise aujourd’hui à atteindre l’acceptation sociale. Nous ciblons activement l’environnement non LGBT : les élèves de l’enseignement secondaire, nos voisins et nos collègues de la bibliothèque.
Nous organisons des activités pour répondre à ce changement. Dès que le mariage gay a été légalisé aux Pays-Bas, IHLIA a été tout de suite présente pour documenter ce développement historique. Nous avons produit une série de portraits des premiers couples à se marier, qui ont été utilisés pour soulever le débat sur les violences homophobes dans un quartier de l’est d’Amsterdam. Les photos ont été exposées dans des vitrines de magasins et dans des bâtiments publics comme la bibliothèque et l’Hôtel de Ville.
Vient ensuite la question de la sauvegarde de notre patrimoine. Retour sur les années 1930 où les archives et les bibliothèques d’Hirschfeld et de Schorer furent détruit sous le régime Nazi. Par chance, nous avons été capables, avec le soutien du gouvernement néerlandais, de reconstruire la bibliothèque de Shorer à partir de ses listes d’ouvrages et registres.

La deuxième priorité : IHLIA et la visibilité.
Plus nos droits sont garantis par la loi, plus nous sommes intégrés, plus nous devenons invisibles. C’est une mauvaise chose, puisque l’invisibilité est une forme de déni.
IHLIA est elle-même très visible à la bibliothèque publique d’Amsterdam, mais les livres et DVD à thématiques LGBT sont très peu visibles dans les bibliothèques publiques. Nous, à IHLIA, nous avons voulu faire quelque chose à ce propos, nous avons donc introduit les « étagères roses ». Les étagères roses rendent les ouvrages LGBT de fiction ou de non fiction plus accessibles au public, et plus visibles. Les étagères roses réunissent une palette de la littérature la plus intéressante dans ce champ, autant que des films et des documentaires. Il s’agit en quelque sorte d’un canon de l’histoire LGBT et de la littérature moderne.
Pourquoi donc avons-nous introduit les étagères roses ?
Une sélection aléatoire de titres de livres issus du catalogue de la bibliothèque d’Amsterdam en donne quelques exemples :
* Jane Rule, Desert of the Heart. Description : deux femmes – une professeure et une aventurière – se rencontrent à Reno et tombent désespérément amoureuses. Elles ont du mal à comprendre leurs émotions. Mot-clé : Romance
* Une recherche sur les films lesbiens parmi les DVD génère 12 titres, et ne parviens pas à inclure Tipping the Velvet, qui est disponible à la bibliothèque. Ce film n’est rattaché à aucun mot-clé.
* Une recherche sur les films transsexuels/transgenre ne donne aucun résultat ; une recherche sur le thème transsexuels & DVD génère trois résultats, mais n’inclue pas Boys don’t Cry, Hedwig and The Angry Inch, Ma Vie en Rose ou XXY, même s’ils sont disponibles à la bibliothèque.
Je pourrais continuer avec d’autres exemples, mais la conclusion est celle là : lorsqu’il s’agit de créer des marqueurs, nous avons un travail énorme à fournir. Certains livres ou DVD à thème LGBT ne peuvent même pas être trouvé. C’est pour cela qu’une organisation comme l’IHLIA est toujours nécessaire, même en 2013, pour faire en sorte que les matériaux LGBT soient accessibles et visibles.
IHLIA souhaite travailler avec les fournisseurs pour explorer la manière dont les marqueurs des documents LGBT peuvent être améliorés. Pourtant, tout le monde aux Pays-Bas n’est pas de tout- feu-tout- flamme avec cette idée. La bibliothèque publique de Rotterdam labélise les livres avec un sticker arc en ciel, mais certains auteurs ont protesté, et cela a déclenché un débat. D’un côté, les gens étaient effrayés par le fait que les jeunes gays seraient gênés par le fait de prendre un livre avec un label arc en ciel – ou horreur ! – être vu navigant entre les étagères roses. D’un autre côté, la peur de la stigmatisation. Un auteur a même fait la comparaison avec le fait d’être forcé de porter l’étoile de David.

Priorité suivante : IHLIA et l’urgence
“Histoire orale” est la tentative d’enregistrer les histoires de personnes LGBT qui ont connu l’époque où il existait peu de matériaux écrits sur ce sujet, parce que c’était tabou. Les expériences personnelles et la vie de tous les jours étaient particulièrement invisibles. Les projets d’histoire orale officiels sont relativement couteux s’ils sont conduits selon les standards académiques. Comme la levée de fond est devenue de plus en plus difficile, IHLIA a commencé à se focaliser sur une nouvelle variation : « les biographies roses ».
Des volontaires ayant suivi une formation écrivent l’histoire des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres plus âgés. En utilisant les interviews, ces volontaires prennent le temps de transformer l’histoire des personnes âgées en livres, en ajoutant des photos et d’autres traces mémorielles. Il est important que ces biographies soient publiées, puisque très peu de personnes sont conscientes de la lutte personnelle et sociale que ces personnes âgées ont mené. Bien que nous ayons fait de grandes avancées dans l’acceptation, nous avons tendance à oublier que nos ancêtres ont évolué dans des circonstances très différentes. Au temps où l’homosexualité était tabou. Et cela a laissé des marques sur ces individus de façons particulières.
Il y a donc ici une réelle urgence : nous avons besoin d’enregistrer les histoires des groupes des personnes âgées qui ne resteront peut être pas très longtemps parmi nous. Nous ne pouvons courir le risque d’autoriser la disparition de ces histoires inestimables.

Ce qui me conduit à parler de notre dernière priorité : IHLIA et la collaboration
Je pense que nous sommes tous d’accord sur l’importance de préserver notre patrimoine. La question est : comment ? Une manière est d’avoir des organisations LGBT comme protectrices exclusives de nos archives. Une autre manière est d’avoir des bibliothèques et des centres de documentation généralistes qui prennent en charge eux-mêmes ces tâches, intégrant notre patrimoine au sein d’institutions conventionnelles. Rendre queer les archives. Nous à IHLIA croyons en une approche double, nous avons besoin des deux simultanément. Dans l’esprit de nous tous qui sommes là aujourd’hui, nous sommes tous responsables de la préservation de notre patrimoine. Et nous devons tous travailler ensemble. IHLIA travaille avec la Bibliothèque Publique d’Amsterdam, l’Institut International d’Histoire Social à Amsterdam, la bibliothèque de l’Université d’Amsterdam et AdamNet, le réseau des bibliothèques d’Amsterdam.
Malheureusement, aux Pays-Bas, nous avons pu constater qu’avoir une organisation LGBT établie signifiait qu’il y avait une plus faible conscience de la part des archives et bibliothèques grand public. Les exemples les plus notables à cet égard sont la bibliothèque nationale Hollandaise et les Archives Nationales Hollandaise de La Haye. Ces institutions ont clairement exprimé le fait qu’elles ne voyaient pas le besoin de changer.
A IHLIA, nous continuerons à agir en tant que protecteurs de notre patrimoine, utilisant nos ressources propres et notre connaissance dans nos efforts. Et nous continuerons à encourager d’autres organisations à réfléchir sur ce sujet. Après tout, elles ont souvent plus de ressources et de moyens à leur disposition que nous. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas travailler ensemble. Et nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres.
De la même manière, la collaboration internationale ne peut se faire sans les uns ou les autres. Nous avons besoin de suivre les pas de médias sociaux et de forger des relations au-delà des frontières. Nous ne pouvons offrir la même qualité et le même professionnalisme sans travailler ensemble. En préservant notre patrimoine, je vois notre rôle évoluer vers un autre au sein duquel nous partageons notre expertise et une plateforme. Un bel exemple de cela est le projet que nous avons lancé l’année dernière : Open Up !
Open Up ! est une initiative d’IHLIA pour révéler l’histoire de l’émancipation et du développement LGBT en Europe Centrale, de l’Est et du Sud-est. Il prévoit pour cela la numérisation et l’accès par une interface sur Internet d’un vaste éventail de périodiques et d’archives de certaines organisations LGBT nationales et internationales. Nous avons vu l’opportunité de créer une nouvelle collection virtuelle à partir de nos archives qui aurait une cohérence géographique et un sens non seulement pour l’histoire LGBT, mais aussi pour l’histoire Européenne.
1. L’utilité du patrimoine : nous savons que la valeur du patrimoine n’est pas seulement d’être collecté, apporté dans un lieu et préservé, mais qu’il doit aussi être partagé à un public aussi large que possible.
2. L’utilité pour la communauté LGBT : nous espérons que l’initiative Open Up ! sera utile à la communauté LGBT de deux principales manières :
* Rendre les mouvements LGBT, les activités et les individus conscients de l’importance de garder notre patrimoine et de l’archiver et à partir de là, de les encourager à ne pas jeter n’importe quoi ! En même temps, nous cherchons à rendre la matière LGBT plus accessible aux chercheurs, aux historiens du champ social, aux journalistes et aux autres afin que ce savoir à l’intérieur et à l’extérieur de la communauté puisse être approfondi. Par conséquent, nous espérons qu’Open Up ! sera une ressource précieuse et un outil éducatif.
* Etablir un large réseau de coopération à l’échelle européenne sur la question des archives et de récupération d’informations relatives aux LGBT. Nous espérons que notre initiative autorisera et encouragera les mouvements LGBT à partager une partie de leurs archives et à les ouvrir les uns les autres pour une meilleure connaissance et un meilleur respect de nos patrimoines mutuels. Nous croyons que par ce moyen la communauté LGBT peut devenir plus forte.
Nous n’aurions pas pu atteindre les résultats que nous avons sans la collaboration et le support précieux d’une série d’organisations et de sociétés.

La conférence LGBTI ALMS
La conférence LGBTI ALMS est un autre exemple de collaboration et de construction d’un réseau. ALMS signifie : Archives, Librairies, Museums & Special Collections [Archives, Bibliothèques, Musées et Collections spéciales]. IHLIA a organisé la 4ème conférence LGBTI ALMS à la Bibliothèque Publique d’Amsterdam en août 2012. C’était la première conférence LGBTI ALMS en dehors des Etats-Unis. Plus d’une centaine de personnes venant du monde entier (Europe, Afrique du Sud, Canada, Etats-Unis et Australie) ont participé à cette conférence. Le but principal était de partager nos expériences à l’égard de la collecte, de la préservation et de l’accès aux histoires des LGBTI. Les sujets abordés : Comment collecter nos histoires ? Comment utiliser les nouveaux media et technologies ? Comment créer des espaces plus inclusifs et accessibles ? Comment rendre queer les archives et les musées ? Comment développer les collaborations ?
L’un des points urgents, pour lequel nous n’avons pour l’instant aucune solution, est de sauvegarder les volumes d’informations échangés sur les sites internet et les media sociaux. Comment allons-nous faire cela ? Les archives traditionnelles luttent avec ce même problème. Et nous sommes conscients que nous ne sommes capables que de sauver une fraction du flot d’informations journalier. Les questions qui apparaissent alors sont celles-ci : Qu’est ce qui vaut la peine d’être sauvegardé ? Comment peut-on le sauvegarder ? Durablement, bien sûr. Comment peut-on le rendre facilement accessible ?
Il s’agit d’un problème qui devrait être abordé plus globalement. Par le réseau ALMS ou au débat que nous avons maintenant. Les sites web et les media sociaux ont depuis longtemps franchi les barrières nationales, et c’est ce qu’en tant que réseaux nous devions accomplir aussi. Ensemble nous pouvons accomplir bien plus que ce que nous pouvons faire individuellement.
Nous nous consacrons de manière égale à nos quatre domaines de priorité, mais il y a un but sous-jacent qui vient toujours en premier : préserver notre patrimoine. Parce que collecter et préserver le passé et le présent informe et inspire le futur.
Merci pour vôtre attention.

 

Sara DE GIOVANNI
Centro di Documentazione «Il Cassero » Centre de Ressources LGBT de Bologne, Italie

Bonjour, je viens de Bologne en Italie, je travaille au Centre de Ressources LGBT de la ville. Centre qui a commencé en 1983 sous la forme d’une bibliothèque, et sous l’impulsion de la plus grande association gay d’Italie, association gay à l’époque mais aujourd’hui à caractère beaucoup plus LGBT, plus trans-identitaire.
En 1982, Bologne est la première ville à accueillir un centre LGBT. C’est un pas important parce qu’il permet des rencontres, des rassemblements, des convergences des luttes. C’est aussi le premier lieu qui bénéficia de l’aval de l’administration. Son nom est Il Cassero en clin d’œil à l’architecture du lieu lui-même qui ressemblait à un château. Toujours en 1982, le 27 juillet, eu lieu la première gay pride qui pour l’époque fut une grande fête, une grande démonstration de joie.
Et donc, en 1983 la bibliothèque du centre LGBT fut fondée, avec plusieurs objectifs, se donnant plusieurs missions. Au niveau social, politique et culturel. Principalement parce qu‘en Italie il était alors dur d’avoir accès à des information à caractère LGBT, on ne pouvait alors pas se permettre d’entrer dans une librairie et d’y demander un livre à caractère LGBT, homosexuel, bi ou lesbien. La bibliothèque a commencé avec un nombre de personnes assez réduit, quinze personnes qui se chargeaient de la collecte de matériaux, tenue de la bibliothèque, des rayons, des cotes…. L’effort de collecte ne se concentrait pas seulement sur les livres, mais sur tous documents ayant trait à l’histoire du Cassero. Que ce soit des posters, des flyers, des photos. Le moindre document était recherché. J’insiste sur le côté militant et politique de la naissance de cette bibliothèque. Nous avons été amené à nous développer, a grandir très vite.
En 2002, pour des raisons politiques nous avons changé de lieu. Les politiques locaux ont reconnu la valeur et l’importance pour la ville de cette bibliothèque, de cette association. Elle fut donc transférée dans le quartier culturel de la ville, mais avec le souci de garder le même nom car celui-ci est un vecteur de mémoire et d’histoire.
Aujourd’hui notre bibliothèque est la plus importante d’Italie et une des plus grandes bibliothèques LGBT d’Europe. Elle se donne pour mission, entre autre, d’aider les chercheurs doctorant et chercheurs qui travaillent dans le champ des études LGBT. Nous avons même rejoint le catalogue national inter-université et nous offrons tous les services de bibliothèques dites « normales » : je le dis ironiquement, car il arrive souvent que quelqu’un nous demande si nous sommes une bibliothèque normale !
Notre fond d’archives recèle quelques 14 000 livres, beaucoup de vidéos (6 000) et de photos. Les vidéos, souvent, tournent autour de l’activité de l’association. Et depuis 1970, nous récoltons et conservons des coupures de presse, et notamment de la presse LGBT. Ce qui représente une part énorme de notre fond d’archive, à tel point je ne peux pas donner d’estimation précise du nombre d’articles.
Donc nous avons un site internet qui offre un accès aux ressources en ligne qui sont composés des trois catalogues : un première pour les livres et le vidéos, un deuxième dédié aux périodiques et aux magazines et le troisième, je suis particulièrement fier, qui donne accès à la collection des posters et flyers numérisées qu’on peut télécharger et consulter de partout dans le monde.
Nos activités s’organisent en termes de volume horaire sur 43 heures par semaine. Nous organisons beaucoup d’événements (conférences, rencontres avec auteurs, expos). Une des initiatives qui rencontre le plus des succès est la tenue des ateliers d’écriture créative pour enfants fondée sur la notion de tolérance et sur la valorisation de toutes les différences. Nous sommes particulièrement fiers de ce projet parce que c’est la première fois qu’une association LGBT a une interactivité qui attire jusqu’à des parents hétérosexuels.
Nos projets futurs sont les suivants: un thesaurus, dictionnaire des synonymes LGBT, car très souvent les mots posent des problèmes et nous empêchent de trouver des définitions communes ; la création d’un réseau des bibliothèques LGBT en Italie ; la promotion de la culture LGBT italienne, de sa mémoire et de son histoire ; l’amélioration des relations internationales entre associations LGBT et pourquoi pas, avec un peu de chance, la levée de fonds pour nous aider à développer.
Mais pour finir, quelques tristes nouvelles: en 2013, en Italie, les personnes LGBT sont toujours exclues de beaucoup de droits et un des exemples les plus flagrants c’est qu’il n’existe pas en Italie de lois anti-homophobie et transphobie, nous n’avons pas accès au mariage ni à l’adoption, la PMA et la GPA évidemment sont aussi exclues. Et heureusement, nous ne faisons pas partie de ces pays où les homosexuels et les transsexuels sont persécutés au risque d’encourir la peine de mort.
Donc une question émerge : en tant que bibliothèque que pouvons nous faire ? Une des réponses semble être la promotion de la culture et de la mémoire LGBT car c’est par la compréhension qu’on lutte les mieux contre les préjugés. Je pense que nous avons une mission importante qui nous concerne tous, bibliothécaires et archivistes, de promouvoir une culture de respect et d’acceptation de toute la diversité. La mémoire de notre histoire est la clé nécessaire pour créer et façonner un monde meilleur pour les générations futures.
Cela a été notre mission pour nôtres 30 dernières années et nous la continuerons d’emmener. Merci beaucoup.

 

Phan BIGOTTE et Thomas LEDUC
Académie Gay et Lesbienne, Vitry

L’Académie Gay & Lesbienne, à l’origine, une collection personnelle
En 1975, Phan Bigotte, un jeune réfugié politique de vingt ans, découvrait à son arrivée en France un nouvel univers homosexuel, beaucoup plus expressif dans toute sa variété, que celui de sa jeunesse au Sud Viêt-Nam. Il a commencé à collectionner tous les documents qu’il trouvait sur l’homosexualité.
En 1989, après avoir découvert sa séropositivité au VIH, il a vendu sa librairie. L’argent de la vente lui a permis d’acheter aux enchères de l’État français une grande maison pour un meilleur stockage de sa collection de plus en plus volumineuse. Il a récupéré tous les livres de son ancien rayon gay pour compléter sa bibliothèque personnelle.
Il a milité ensuite simultanément dans les deux grandes associations de lutte contre le sida, Act Up – Paris et AIDeS, dont il a conservé de nombreux documents (notamment internes).
Pendant les années de combat désespéré contre cette pandémie mortelle, la prévention et les traitements ont été focalisés sur la survie. Il a assisté impuissant à la disparition prématurée, corps et biens, de nombreux homosexuels. En effet, souvent les familles ont tout jeté, cherchant à se débarrasser de toute trace de l’homosexualité de leur parent mort du sida. Ce qui l’a motivé à plaider pour la nécessité de la préservation de leurs archives : pour leurs mémoires qui sont aussi les nôtres.
Après le succès des multi-thérapies avec anti-protéases, de nombreux militants homosexuels historiques ont quitté des organisations de lutte contre le sida qui s’étaient professionnalisées. La lassitude, l’amertume ou le choix de réorganiser leur vie sur d’autres préoccupations avaient entraîné ces départs. Beaucoup de documents ont été alors emportés et/ou jetés causant la perte d’une partie importante de l’histoire de la lutte contre le sida en France.
En 2000, après avoir attendu en vain des soutiens, il décide de fonder avec des amis collectionneurs une organisation avec leurs seuls moyens personnels.
Le 1er mars 2001, l’Académie Gay et Lesbienne est officiellement enregistrée à la Préfecture sous forme d’association à but non lucratif.

Aujourd’hui, un des plus importants fonds LGBT en France
Le nom donné à notre fonds est le Conservatoire des Archives et des Mémoires LGBT. C’est aujourd’hui sans doute le plus grand rassemblement de documents sur les LGBT en France par son volume et sa diversité.
En effet, nous collectons tout document relatif aux LGBT : de tout format et sur tout support : y compris les éphémères (gratuits destinés à être jetés…) ; dans toute leur variété : y compris sur la prostitution, le BDSM, la pornographie (sauf à caractère pédophile) ; de tout pays ; de toute opinion : y compris les documents anti-LGBT (tracts homophobes, articles caricaturaux…).
Nous nous intéressons également aux thématiques connexes du sida, de la sexualité, du sexe et du genre.
Le fonds contient aujourd’hui :
– plus de 1 800 titres de http://www.archiveshomo.info/archives/presse-lgbt/presse.htm      périodiques LGBT (depuis 1909) ;
– 1 200 numéros de http://www.archiveshomo.info/archives/presse-diverse/straight.htm  presse grand public et presse spécialisée hors LGBT ;
– 2 700 ouvrages (dont 1700  http://www.archiveshomo.info/pmb/opac_css/index.php?id_thes=1″non-fictions) ;
– un millier de doc. audiovisuels en VHS et DVD (fictions et documentaires) ;
– des http://www.archiveshomo.info/archives/fonds/fonds.htm  fonds d’archives de personnes (militants historiques et anonymes) et d’organisations ;
– exemples par décennies :
pour les années 70 : fonds Alain Huet (GLH – Groupes de Libération Homosexuelle),
pour les années 80 : fonds Présence – A.R.E.HO. (fondé par des anciens membres d’Arcadie)
pour les années 90 : Philippe Labbey – Cleews Vellay (2e président d’Act Up-Paris), Thierry Meyssan (Projet Ornicar, Maison des Homosexualités), Anne Singer (Festival International du Film VIH & sida de Paris, Résister-Vivre la Mémoire)…
– exemples de fonds d’organisations : Centre Gai et Lesbien de Paris, LusoGay, Société Civile du Personnel du groupe Gai Pied, Les Sybarites…
– des coupures de presse  et des centaines de dossiers : sur des organisations, des personnes et des thèmes ;
– des collections diverses ;
– de http://www.archiveshomo.info/pmb/opac_css/index.php?id_thes=6 guides, annuaires, plans et cartes ;
– de http://www.archiveshomo.info/pmb/opac_css/index.php?id_thes=7  brochures et matériel de prévention ;
– de http://www.archiveshomo.info/pmb/opac_css/index.php?id_thes=11  calendriers et d’agendas ;
– de http://www.archiveshomo.info/pmb/opac_css/index.php?id_thes=8  documents événementiels (salons, festivals, soirées) y compris flyers (27 ans de collection dont 10 ans de collecte hebdomadaire systématique) ;
– de  « http://www.archiveshomo.info/pmb/opac_css/index.php?id_thes=12  documents publicitaires (catalogues, prospectus) ;
– des objets divers (autocollants, boîtes d’allumettes, bouteilles, emballages de préservatifs, pancartes, pin’s, sacs, T-shirts, tickets…) …
Nous avons aussi rassemblé une documentation spécifique sur les archives, bibliothèques, centres de documentation et musées LGBT en France et dans le monde.

A quand un local adapté pour les archives ?
L’Académie Gay & Lesbienne est une petite association de moins d’une dizaine de personnes, certaines plus actives que d’autres selon leurs disponibilités.
Elle est autofinancée car elle ne perçoit pas encore de subvention. Le Conservatoire des Archives et des Mémoires LGBT se développe de jour en jour grâce au travail des bénévoles, de leurs collectes, de leurs achats, des dons (de personnes et d’organisations) et d’échanges avec d’autres centres de ressources LGBT en France et à l’étranger.
Les archives sont actuellement hébergées dans la maison du président de l’association, qu’elles occupent à plus de la moitié. Ce bâtiment a permis une conservation pérenne de documents de plus en plus volumineux. Malheureusement nous ne pouvons recevoir de public, faute d’un véritable local aux normes.
C’est pourquoi nous assurons, dans la mesure de nos moyens, un service à distance : fourniture de renseignements, de copies et de numérisations de documents ; redirection vers des personnes et lieux-ressources…
Et nous enrichissons  http://www.archiveshomo.info/ notre site internet : http://www.archiveshomo.info/pmb/opac_css/ »catalogue de notre fonds (non exhaustif, informatisation en cours depuis 2008), numérisation de documents (http://www.archiveshomo.info/documents/akademos/couverture.htm n° 1 de la revue Akademos datant de 1909), ressources documentaires (sommaires de numéros de la revue Arcadie)…
Nous avons ainsi aidé le chercheur Antoine Idier pour son mémoire sur la vie homosexuelle à Lyon dans les années 70, en lui scannant des extraits du guide Spartacus et un plan de Lyon par Gai Pied. Autre exemple : Nous avons fourni à l’association L.G.R (Les Gais Retraités) des copies de leurs premiers bulletins qu’ils n’avaient pas conservés. Dernièrement nous avons apporté notre aide en fournissant des documents d’archives au Centre LGBT Paris Île-de-France, pour la célébration de ses 20 ans, au mois d’octobre 2013 (exposition, etc.).
Nos démarches pour faire héberger les archives, obtenir un local ou une subvention publique ont échoué sous divers prétextes.

Diverses activités
L’Académie Gay & Lesbienne a d’autres activités connexes :
le recensement des centres et fonds d’archives et de documentation en France ;
l’information et la sensibilisation du public sur les archives et la mémoire,
Nous participons ainsi tous les ans au Printemps des assoces (salon d’associations LGBT organisé à Paris par l’Inter-LGBT),
En 2002, suite aux liquidations successives des sociétés du groupe Gai Pied, nous avons alerté sur le sort des archives du groupe et avions écrit en particulier à la Ministre de la Culture et de la Communication, à l’époque Madame Catherine TASCA, qui nous avait répondu,
en 2007, avec l’association GayKitschCamp, nous avons envoyé un questionnaire aux candidat-e-s à l’élection présidentielle ;
l’échange de documents avec d’autres centres de ressources LGBT en France et à l’étranger (Allemagne, Belgique, Canada, Espagne, Pays-Bas…).
En août 2012, nous avons participé en tant qu’intervenants à la 4e conférence internationale sur les archives, bibliothèques, musées and collections spéciales LGBTI (LGBTI ALMS), organisée par Ihlia, les archives LGBT des Pays-Bas. Notre contribution proposait notamment un panorama historique des archives, bibliothèques et centres de documentation LGBT en France.
Enfin, en octobre 2012, nous avons apporté notre contribution au programme gouvernemental d’actions contre les violences et les discriminations commises à raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre.
Nous avons fait plusieurs propositions :
1- Le développement des lieux-ressources sur les LGBT ;
2- L’organisation de manifestations sur les cultures LGBT (expositions, colloques…) par les archives, bibliothèques et musées publics ;
3- La valorisation et le recensement des documents relatifs aux LGBT dans les collections publiques ;
4- La numérisation d’archives d’organisations LGBT et la collecte d’archives orales auprès des LGBT ;
5- La lutte contre les discriminations et les préjugés dans le milieu professionnel des archives, bibliothèques, centres de documentation et musées publics,
Nous signalons au passage l’existence de Legothèque, groupe de travail « Bibliothèques, construction de soi et lutte contre les stéréotypes » à l’ABF (Association des bibliothécaires de France), dont quelques membres sont parmi nous dans l’assistance aujourd’hui.
Finalement le programme gouvernemental, présenté par Mme Najat Vallaud-Belkacem, la ministre des Droits des Femmes, a préconisé que « L’histoire du mouvement LGBT sera valorisée par le ministère de la culture, qui favorisera notamment la collecte et l’utilisation des archives portant sur les questions LGBT au sein du réseau national et territorial dont il assure le suivi interministériel et l’animation. »

(voir notes au bas des textes)

 

Yves GRENU
Responsable des archives d’Act Up-Paris

Il m’apparaît devant cette assemblée que bien du monde s’intéresse aux archives LGBT, à notre mémoire, à nos identités.
Je voudrais premièrement saluer Christian de Leusse pour l’initiative dans le cadre de l’Europride de nous réunir ensemble, actrices et acteurs, contributrices et contributeurs à débattre de la question des archives pour mieux les appréhender, communiquer pour établir et ainsi faire perdurer, mettre en place pour conserver et ainsi transmettre notre mémoire, pour qu’elle ne tombe ni dans l’oubli, ni ne disparaisse. Tout cela s’accorde parfaitement en ce moment à Marseille qui fête l’Europride et dont le Mucem (Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée) a inauguré depuis peu sa première exposition temporaire intitulée  » Au bazar du genre. Féminin-masculin en Méditerranée » sur la question de l’évolution des identités sexuelles et dont certains objets et documents provenant des archives d’Act Up-Paris y sont exposés.
Je me présente, je suis Yves GRENU, 41 ans, ancien administrateur culturel et festif du CGL Paris-Ile-de-France, alors situé rue Keller ; « Collecteur » si je peux me permettre ce mot depuis 2001 d’archives pour l’association Académie Gay & Lesbien ici présente, promoteur pendant 1 an des soirées OverKitsch du dimanche au Queen avec la belle et fabuleuse Galia (ça c’était pour le petit clin d’œil), et enfin et surtout pour moi, une des étapes les plus importante de ma vie de PD, être devenu militant à Act Up-Paris que
je connaissais depuis 1999 et en n’y devenant actif depuis 2004 et bien entendu encore maintenant. J’ai intégré dès novembre 2006 la responsabilité des archives de cette association de lutte contre le sida, en Co-Responsabilité depuis cette année. Enfin, j’ai créé avec mon ami « Les Balayeuses Archivistique LGBT », depuis décembre 2012, c’est tout frais, une page sur le réseau social Facebook, pour mettre en lumière, les différents objets (pancartes, banderoles, tracts, etc.) que nous avons récoltés et que nous continuons à récolter lors des manifestations des mouvements LGBT et autres. Je dois dire que le Mariage pour les couples de même sexe a été une aubaine pour nous ; les associations LGBT lors des manifestations et par leur travail ont beaucoup produit ainsi que les particuliers venant à ces manifestations. Donc, dans un sens, ce combat a créé non seulement des droits et des égalités, mais en plus, une très grande richesse
archivistique.
Il y a également des militantes et des militants qui vieillissent. A l’heure de ces grandes victoires durement arrachées, où une grande visibilité a pu s’épanouir, il est important de mettre encore plus de visibilité à toutes nos structures déjà existantes et ou en passe de se créer, afin mieux se faire connaître et de sauver ce patrimoine, ce patrimoine narrant notre histoire, la questionnant sur le pourquoi et comment nous en
sommes arrivés là, expliquant pourquoi il est important de conserver cette lutte, pourquoi et pour qui nos archives aideront d’autres à se battre pour leurs droits, leurs liberté. Nous devons faire tout notre possible pour collecter, conserver, diffuser et créer avec nos camarades LGBT et leurs amiEs nos valeurs. Car curieusement beaucoup de personnes sont toujours étonnées quand je leur parle de telles ou telles associations qui conservent cette mémoire, de leurs existences. Elles pensaient qu’ils n’y en avaient pas !
Comme nous le voyons, les différentes expériences en France et à l’étranger en lien avec des associations, des institutions publiques, des services d’archives municipaux, des bibliothèques et que sais-je d’autres structures, ont vu le jour et perdurent pour conserver cette mémoire LGBT. Donc bravo à celles et ceux qui ont permis ceci. Bien entendu le passé nous a montré les limites tant personnelles que politiques à la
réalisation de projet plus ambitieux, sachons regarder dans l’avenir. Pour le passé nous avons bien assez de documents pour cela et plaisons-nous à construire ensemble, peut-être quelques choses de plus grand encore, de plus diffus et sans frontière. En tous cas, il faut que nous œuvrions toutes et tous en ce sens.
A l’heure où certains musées mettent en vente leurs collections, notamment celles de leurs réserves, nous devons aussi nous prévenir juridiquement de tels risques pour les fonds des archives LGBT. Les associations qui possèdent des fonds peuvent par leurs simples volontés souveraines rayer d’un trait un pan de leurs identités, fautes de place, inutile de garder, nouvelle politique où on ne doit pas s’encombrer de tant de vieilles choses.
Les LGBT sont une communauté qui avance, oui, qui bouge, oui, mais qui a ce côté éphémère de toujours allez vite, trop vite pour ses archives qui n’ont pas le temps de s’implanter. J’en sais quelques choses à Act Up-Paris pour avoir donné beaucoup, pour sauver on peut dire ce que j’estimais devoir être conservé. Sans compter les anciennes militantes et anciens militants ActuppienNEs, qui conserve chez elles et eux des murs de l’histoire de cette vieille dame qui approche les 25 ans.
Ainsi, la mise en réseau des différents centres et fonds est souhaitable, pour se faire connaître, se connaître en échangeant, diffusant sur le territoire national et au-delà, leurs richesses. Pour une diffusion extérieure vers du grand public et une mise en valeur par les chercheuses et chercheurs, un portail commun sur internet serait intéressant.
Et pour finir, je souligne l’importance pour ma part de créer et rassembler en un fonds spécifique et unique ce que j’appellerais les « Archives Sida ». Ces archives auront pour point d’orgue « Le Sida » cette terrible, oui, terrible maladie ayant apporté et apportant encore beaucoup de souffrances pour les LGBT, où beaucoup d’entre elles et eux durant les années noires sont mortEs, seulEs, rejetéEs et oubliéEs. Ravivons leurs flammes. Donnons leurs aussi un visage qu’ils ont dû trop longtemps cacher par un fonds d’archives digne de ce nom. Merci et longue vie à notre union !!

 

Thomas DUPUY
Centre LGBT Paris-Île de France – Bibliothèque Jean Le Bitoux

Présentation générale
Notre bibliothèque a véritablement commencé son activité en avril 1994, lors de l’installation du Centre Gai et Lesbien (CGL) au 3 rue Keller, dans le XIème arrondissement de Paris.
Elle est l’héritière du fonds documentaire constitué dès décembre 1990 lors de l’ouverture de la Maison des Homosexualités (MH), structure inter-associative montée en premier lieu dans le cadre de la lutte contre le sida, et d’ailleurs quasi-exclusivement financée par l’Agence Française de Lutte contre le Sida, installée dans un petit appartement de 45 m² au 25 rue Michel Le Comte (IIIème arrondissement), le même appartement, propriété de Fabrice Edelmann, qui avait vu naître Aides en 1984…
En mars 1993, l’association Centre Gai et Lesbien est fondée, et prend la place de la MH. Le fonds documentaire est toujours là, mais les locaux ne permettent pas d’accueillir convenablement le public. Il faudra pour cela attendre l’installation du CGL (qui deviendra par la suite Centre Gai et Lesbien de Paris, puis Centre LGBT Paris-Île de France) dans la rue Keller, dans un plus grand local (125 m²) ouvert sur la rue. La bibliothèque peut alors véritablement être lancée. Elle est installée dans l’espace d’accueil. Elle permet de consulter sur place ou d’emprunter des livres ou des magazines, moyennant un abonnement annuel. Un temps, la librairie Les Mots à la Bouche y expose même et y vend quelques livres.

Début 1998, la bibliothèque est délocalisée rue de Charonne (XXème arrondissement), dans les locaux de Sida Info Services. Elle n’est plus alors ouverte qu’un ou deux après-midi par semaine (tous les après-midis auparavant) et ne bénéficie plus de la dynamique du CGL. La fréquentation chute brutalement. Jusqu’à ce que l’activité soit réintégrée dans les locaux du CGL, au sous-sol cette fois, en juin 1999.
En février 2008, le Centre LGBT déménage au 63 rue Beaubourg (IIIème arrondissement, en bordure du Marais), ce qui permet à la fréquentation générale de doubler. La bibliothèque suit le mouvement et bénéficie d’un grand espace très clair au 1er étage. C’est l’heure du renouveau. Le nombre de permanences hebdomadaires double, le public est au rendez-vous.
Surtout, l’activité est enfin informatisée. Dès l’installation dans les nouveaux locaux, la nouvelle équipe enregistre l’intégralité du fonds. D’abord les livres et supports numériques. Ensuite les périodiques possédés, la liste de tous les bulletins. Et peu à peu, les magazines sont un à un dépouillés, afin de référencer les articles contenus. A ce jour, l’intégralité des articles de Gai Pied, Gai Pied Hebdo, Têtu, Dixième Muse, Triangul’ère, Oxydo et Inverses sont référencés, et le travail continue pour les revues Lesbia Magazine, Masques, Homophonies, 3 Keller…
Toute cette base de données est consultable en accès libre, depuis le site du Centre (http://www.centreLGBTparis.org ou directement http://www.bibliotheque.centrelgbtparis.org/opac_css/). Cette mise en ligne garantit une grande visibilité, et permet au public de rechercher des documents (par auteur, titre, mot-clé…) avant de venir nous voir. En 2012, on a compté 330 connexions quotidiennes en moyenne sur la base, depuis 130 ordinateurs différents chaque jour.
Le pôle bibliothèque, comme les autres activités du Centre LGBT, est tenu par des personnes bénévoles (les « volontaires ») qui se relaient lors de permanences hebdomadaires de 2h chacune. Le nombre de ces volontaires, depuis l’installation rue Beaubourg, a évolué, de 3 au minimum à 9 au maximum. Trois volontaires sont là depuis 2008.
En 2010, quelques jours après sa mort, la salle qui abrite notre activité a été baptisée Bibliothèque Jean Le Bitoux, en présence du frère de ce grand militant, volontaire de la MH et du CGL des débuts, au nombre des administrateurs présents lors de l’Assemblée Générale Constitutive de notre association.

Fonds
Notre fonds compte à ce jour (novembre 2013) plus de 3 400 ouvrages et près de 600 DVD empruntables.
Nous possédons aussi plus de 5 200 bulletins de 450 magazines différents (surtout français, mais de nombreux autres pays aussi), dont plus de 19 000 articles ont été recensés sur notre base de données.
Le fonds est intégralement constitué d’ouvrages, films ou documentaires, sur des thématiques gaies, lesbiennes (et féministes), bi et trans ; ou d’auteurs classés dans ces mêmes « domaines ».
Les ouvrages sont classés physiquement selon les catégories suivantes :
* Littérature (gaie et lesbienne + théâtre et poésie) : 1 915 livres
* Sciences humaines : 968 livres
* Généralités et biographies : 493 livres
* Bandes dessinées et mangas : 169 albums
* Santé, psychologie, sexualité : 148 livres
* Art : 106 ouvrages
* Littérature grise : 254 thèses, apports, brochures
Le classement informatique les répertorie en sous-catégories plus précises et leur associe des mots-clés afin de faciliter les recherches.
Le fonds est en grande majorité constitué d’ouvrages en langue française. Des livres sont conservés en anglais dans le domaine des sciences humaines. Nous avons par contre dû faire le choix de ne garder que des ouvrages en français pour notre fonds de littérature (il s’est agi à une époque de gagner de la place, et par expérience les romans en langues étrangères n’étaient jamais empruntés).
La majeure partie de notre fonds provient de dons de particuliers (usagers ou non de la bibliothèque). Quelques éditeurs ou auteurs nous font parvenir leurs ouvrages. La revente d’exemplaires en double nous permet de procéder à quelques acquisitions (10% environ des acquisitions annuelles). En 1991, le ministère de la Culture avait accordé une subvention de 50 000 F pour l’acquisition d’ouvrages par la MH, mais l’opération n’a jamais été renouvelée depuis. En 2010, nous avons récupéré un certain nombre de livres cédés par les bibliothèques municipales de Paris. Enfin, nous bénéficions d’échanges avec d’autres associations (Académie Gay & Lesbienne surtout).

Activités
Les activités du pôle bibliothèque consistent tout d’abord à tenir les permanences hebdomadaires, 5 fois par semaine (le lundi de 18h à 20h ; le mardi de 18h à 20h ; le mercredi de 18h à 20 h ; le vendredi de 15h30 à 18h ; le samedi de 17h à 19h). Il s’agit de recevoir le public, le renseigner et le conseiller, enregistrer les prêts/emprunts… En 2012, 227 permanences ont été assurées, permettant d’accueillir plus de 900 visiteurs. Lesquels visiteurs se partagent quasiment à parité entre hommes et femmes.
Le prêt est gratuit, limité à deux emprunts simultanés (livres et DVD), pour une durée de 1 mois maximum. Sur les 10 premiers mois de 2013, 70 femmes et 62 hommes ont ainsi emprunté 576 films et documentaires, près de 800 ouvrages de littérature, une grosse centaine de livres de sciences humaines…
Les périodiques, eux, sont consultables sur place. Ils intéressent en tout premier lieu des étudiants, des universitaires, des responsables d’associations… Le dépouillement de tous les articles leur permet de préparer leurs recherches.
La mise à jour de la base de données (réception de nouveaux livres, DVD ou bulletins ; dépouillement progressif des bulletins déjà possédés) se fait en partie durant les permanences hebdomadaires, en partie en dehors de ces plages horaires. Des bibliographies thématiques sont aussi régulièrement proposées sur la base de données (hommage à Geneviève Pastre, 30e anniversaire du décès de Rainer Werner Fassbinder, hommage à Gore Vidal, coming-out…).
Des revues de presse sont constituées en fonction des événements liés à notre actualité, qui reprennent des dizaines d’articles de la presse LGBT française depuis 30 ans et sont consultables sur place : vieillir LGBT, l’abrogation des articles du Code pénal sur l’homosexualité, l’histoire du CGL, les Gay Games…
Des critiques de livres sont proposées par certains des volontaires de l’équipe, sur les pages bibliothèque du site web du Centre LGBT (http://www.centrelgbtparis.org/spip.php?rubrique47), ainsi que dans le bulletin d’information mensuel du Centre, Genres (http://www.centrelgbtparis.org/spip.php?rubrique38).
Des ventes sont organisées deux fois par an environ. L’objectif est de vendre tous les ouvrages que nous possédons en double (l’espace ne nous permet de conserver qu’un exemplaire de chaque livre ou DVD), afin de récolter des fonds pour acquérir d’autres ouvrages que nous ne possédons pas encore.
Certains volontaires aussi prennent en charge des actions ponctuelles en relation avec notre pôle en charge des événements culturels du Centre : soirées poésie, ateliers d’écriture et jeux littéraires, rencontres d’auteurs. Et depuis deux ans maintenant, le Salon du livre lesbien organisé début juillet connaît un vrai succès !
La conduite du pôle bibliothèque requiert enfin des tâches administratives, moins visibles de prime abord, mais non moins indispensables : maintenance et mises à jour de la base de données, mise à jour de nos informations sur le site du Centre (http://www.centrelgbtparis.org/spip.php?rubrique5), désherbage, relance des emprunteurs en retard, traitement des mails reçus (bibliotheque@centreLGBTparis.org  bibliotheque@centreLGBTparis.org), achats, relations avec les autres pôles d’activité, courriers aux éditeurs pour obtenir des ouvrages…

Réseau
Nous essayons depuis quelques années de mener des échanges avec d’autres associations. Nous proposons nos doubles, parfois en échange d’autres livres ou magazines que nous n’aurions pas.
Un mail avait été envoyé à plusieurs centres LGBT il y a 3 ou 4 ans pour leur proposer de récupérer certains de nos livres en double que nous ne pouvions pas garder. Nous n’avions eu que très peu de réponses ; tous les centres ne possèdent pas de bibliothèques, et surtout se posent le problème du transport physique des documents. Ce qui explique que les échanges plus ou moins réguliers que nous organisons se font avec des associations franciliennes, ou avec des associations dont des membres viennent régulièrement à Paris, pour raisons personnelles ou professionnelles.
Les échanges majeurs de documents se font ou se sont faits avec :
Académie Gay et Lesbienne (Vitry) : nous travaillons en coopération depuis 5 ans, surtout pour l’échange de périodiques. L’Académie nous a permis de compléter ou achever certaines de nos collections. Nous leur réservons aussi en priorité les magazines que nous recevons en double, ainsi que tous les documents que nous ne conservons pas dans notre fonds : cassettes VHS, flyers, badges et objets divers… Nous orientons aussi un certain nombre de personnes, qui souhaitent se défaire d’objets ou d’archives vers l’Académie qui, de son côté, peut orienter vers notre bibliothèque certains de ses interlocuteurs qui veulent consulter des magazines. Bref, les échanges sont fréquents et fluides, nous formons un véritable partenariat, même informel, et nous nous réjouissons de ces échanges, fructueux pour nous comme pour eux.
Ex-Aequo : le centre LGBT de Reims a monté sa propre bibliothèque de prêt de livres et nous lui fournissons régulièrement nos ouvrages en double
Centre LGBT de Toulouse : nous leur avons fourni une collection quasi-complète du magazine Têtu depuis ses origines
ADHEOS : nous avons donné à l’association LGBT de Poitou-Charentes un très grand nombre d’exemplaires de Gai Pied Hebdo
Emmaüs : beaucoup de nos livres en double leur sont régulièrement donnés.
Le réseau pourrait dans un second temps être dématérialisé. Nous pensons que les associations pourraient communiquer et partager leurs bases de données, afin de pouvoir, partout en France, orienter leur public à la recherche de documents et leur indiquer qui les possède et où ils peuvent être consultés. C’est ce que nous essayons de faire déjà avec la base OPAC que nous mettons à disposition du public ; il arrive assez souvent que des gens de province nous contactent parce qu’ils ont retrouvé ce qu’ils cherchaient via Google, qui les réoriente ensuite vers notre base de données.
Malgré la proximité géographique, l’équipe en charge de la bibliothèque n’a par contre jamais été contactée et n’a jamais eu l’occasion de rien faire avec l’Institut Arc-en-Ciel, avec lequel nous aurions à notre avis pu travailler en partenariat. Aussi espérons-nous, si une nouvelle initiative de centre d’archives, nationale ou régionale, est lancée un jour, pouvoir en être partie prenante et étudier une collaboration.

Archives
Le Centre LGBT Paris-Île de France, enfin, s’est lancé en 2013 dans un grand travail de collecte et de numérisation de ses archives.
Cette démarche est née du projet mis en place à l’occasion des 20 ans de notre association. Nous avons eu la volonté de retracer notre histoire, riche et foisonnante. Pour cela, nous avons interrogé des acteurs du CGL à différentes époques, consulté la presse depuis 25 ans, et surtout étudié toutes les archives possibles.
Le Centre possède lui-même bien sûr un grand nombre de documents, stockés dans un box en location dans le XXème arrondissement de Paris. Nous avons donc entrepris d’étudier enfin le contenu de toutes les boîtes possédées, d’en faire l’inventaire… Un certain nombre de documents, particulièrement intéressants et éclairants sur notre histoire, ont déjà été scannés.
Une fois ce travail terminé, il a été décidé de poursuivre et d’achever le travail. Cette initiative a d’ailleurs été prise en partie suite au débat mené à Marseille le 17 juillet 2013, qui faisait été des besoins de conservation de notre mémoire communautaire. Nous allons donc terminer d’inventorier le contenu des archives possédées. Surtout, nous avons entrepris de numériser la majeure partie des documents retrouvés, afin de les avoir à disposition et les conserver, mais aussi d’en mettre un certain nombre à disposition du public.
Les archives reconstituées seront donc classées en trois lots distincts :
des documents en accès libre sur nos supports internet : tous documents publiés officiellement dans le passé. Il s’agira de nos publications au fil du temps (Gai Bulletin, 3Keller, Agenda, Genres), de nos anciens rapports d’activité, de nos statuts successifs, d’anciennes plaquettes ou flyers, d’anciens communiqués de presse ou tribunes…
des documents dont nous donnerons la liste, mais qui ne seront envoyés que sur demande motivée : certains dossiers de présentation du Centre, des programmes particuliers, des documents d’organisation interne…
des documents qui resteront internes : comptes-rendus de Conseils d’Administration, de Bureaux, de réunions de groupes, courriers, pièces comptables et sociales, documents juridiques…
Ces archives comprendront aussi des documents que nous ne possédons pas, mais qui nous ont été prêtés. Nous espérons aussi recevoir (en don ou en prêt temporaire) d’autres documents au fil du temps. A ce jour près de 500 documents ont été scannés et reconstitués.
Bien que menée par un certain nombre de volontaires de l’équipe, cette nouvelle activité de travail sur nos archives est indépendante du pôle bibliothèque. Mais les documents mis à disposition du public seront stockés sur la base de données de la bibliothèque.
Aussi, une section consacrée aux archives sera ouverte en décembre 2013 sur le site web du Centre LGBT, afin d’y recenser les pièces disponibles, et de faire un appel au public qui possèderait encore d’autres documents exploitables. Une adresse mail (mailto : archives@centreLGBTparis.org  archives@centreLGBTparis.org) a enfin été ouverte pour gérer les échanges avec l’extérieur.

Quelques photos
La bibliothèque du temps de l’ancien Centre
(Après son installation au sous-sol)
La bibliothèque après le déménagement du Centre au 63 rue Beaubourg (Salle Jean Le Bitoux, au 1er étage)
La bibliothèque aujourd’hui
(Réaménagement au printemps 2013)

 

Jacqueline URSCH
Directrice des Archives départementales des Bouches du Rhône

Pour ma part, je suis vraiment étonnée et intéressée parce que je ne savais pas qu’il y avait autant d’initiatives comme celles-là pour conserver la mémoire de l’homosexualité. Que ce soit en France, mais aussi à l’étranger. En Italie, à Amsterdam, aux Etats-Unis et autres. J’imagine qu’il y a bien d’autres endroits encore. Et je trouve cela extrêmement intéressant que vous travailliez notamment en milieu associatif pour conserver cette mémoire. C’est quelque chose que je découvre aujourd’hui, et qui me semble très important.

Multiplier les sources : Dans les centres d’archives que je connais et que je pratique depuis longtemps, c’est-à-dire les archives aussi bien nationales que départementales, et même communales, on parle de l’homosexualité. Bien sûr. Parce qu’il y a les archives de la police. C’est le coté officiel, public. Il y a beaucoup de choses, notamment pour les périodes difficiles, comme la seconde guerre mondiale. Mais pour écrire l’histoire, il ne faut pas se contenter d’une seule source d’archives. C’est quelque chose de très important. Quand vous parlez de témoignages (j’ai entendu des tas de choses passionnantes), de films, de témoignages oraux mais aussi de la presse, des revues, il me semble que pour croiser tout cela et pour, au fond, approcher la vérité (c’est cela toute l’histoire), il est toujours mieux de croiser un maximum de sources.

La question de la pérennité : Je n’ai pas très bien compris s’il s’agissait vraiment de structures publiques ou privées. A l’exemple de Lyon où la ville a montré une réelle volonté, ville où on peut parler de pérennité, puisqu’il y a un fond dans une bibliothèque publique, classée. En matière de bibliothèques, il faut faire attention à la question des bibliothèques de prêt. A Lyon, à Marseille comme dans les grandes villes, ce sont des bibliothèques classées, avec des conservateurs. Et là il y a des fonds qui sont conservés, de même qu’aux Archives départementales.
Vous avez un dynamisme, vous y croyez, c’est important pour vous, donc tant que vous êtes là il n’y a pas de soucis. Je comprends bien que vous allez les conserver, mais il faut penser à plus tard. L’éternité, je ne sais pas si ca existe, mais quand vous avez des documents de l’an 800 que l’on conserve…. Il est évident que nous n’arrivons pas à rassembler toute la production. Et finalement tant mieux, la production contemporaine étant tellement gigantesque que c’est une vision hallucinatoire. On ne conserve jamais tout. Mais en tout cas, tout ce qui est conservé l’est dans les meilleurs conditions possibles, analysé, côté. Quand on communique en salle de lecture, on s’enregistre, chaque communication est enregistrée. C’est cela qui m’inquiète un peu dans le milieu associatif. Mais j’ai compris pourquoi. Parce que vous n’avez pas la structure pérenne qui permettrait de le faire. Alors il est vrai qu’aux Archives départementales, j’en ai déjà discuté avec Christian de Leusse, on ne va pas prendre des ouvrages surtout généraux, nationaux, parce que ce n’est pas notre mission. En revanche, ce qui pourrait intéresser localement, c’est tout ce qui concerne les Bouches du Rhône, car cela fait partie de notre histoire commune dans le département. Et effectivement il y aurait des choses à conserver sur ce qui se passe ici. C’est la même chose ailleurs, dans d’autres départements. Ceci dit je suis très impressionnée par votre travail de passeur de mémoire, de conservateur de votre histoire, de la trace de ce qui s’est passé. Je vous dis bravo.

 


Ci-dessous textes non validés par leurs auteurs (non prévus à publication)

Louis-Georges TIN
Président de l’Institut Arc-en-Ciel, Paris

Je voudrais d’abord remercier pour tout ce travail qui montre l’extraordinaire vitalité (je vous rejoins là-dessus), de tout ce mouvement qui travaille depuis des années, depuis des décennies, sur ces questions d’archives. Les initiatives sont très nombreuses, on le voit, en France et à l’étranger. Elles méritent d’être saluées. Ceci dit, pourquoi le débat est-il aussi vif, aussi important ? C’est parce que précisément dans l’ensemble de la société, la transmission des informations liées aux personnes LGBT ne se fait pas. Elle ne se fait pas à l’école ou pratiquement pas. Quand elle se fait, assez peu par les medias. Quand elle ne se fait pas aussi dans le contexte familial, il faut bien qu’elle se fasse quelque part, qu’elle soit conservée d’une manière ou d’une autre. Et pour cela que la nécessité de la conservation de la mémoire LGBT est encore plus forte qu’ailleurs. C’est une nécessité générale, qui est encore plus vitale pour les personnes dont nous parlons, a fortiori après l’hécatombe liée au sida. Ce qui a été fortement souligné.
A Paris, nous avons été sollicités, c’est une histoire qui date de longtemps. Je n’y reviens pas car les choses ont été dites. Effectivement il y a eu cette association, avec Jean Le Bitoux et Stéphane Martinet. Lorsque j’ai été sollicité, j’ai indiqué que je ne pouvais guère accepter sauf à créer une nouvelle association qui précisément ne demanderait aucune subvention, pour ne pas être comptable des subventions précédentes. Nous avons donc décidé de travailler sans subvention, mais en recueillant l’apport intellectuel des associations qui y ont précédemment travaillé, que ce soit à Paris, en France ou à l’étranger. Toutes ces précédentes initiatives sont recueillies, nous ne partons pas de zéro, loin de là. Nous avons pensé, et là je rejoins Michel Chomarat, qu’il serait bon de ne pas seulement parler d’archives. On voit à San Francisco l’importance d’un musée à coté d’un centre d’archives, de faire un centre culturel. Les objets que nous pouvons recueillir ne doivent pas être laissés de coté, il y a quantité de choses qui ne relèvent pas uniquement d’un centre d’archives. Les réflexions qui ont été recueillies nous donnent à penser qu’il faut plutôt s’orienter vers un centre culturel, les archives étant naturellement une composante majeure, mais pas seulement. Voilà pourquoi nous avons travaillé avec un conseil scientifique paritaire qui regroupe une soixantaine de personnes, des chercheurs de plusieurs générations (Sandra Borhinger, Natacha Taurisson, Michael Sibalis, Gérard Koskovich, Florence Tamagne…). Et ce sont ces travaux qui ont permis d’avancer et d’aboutir à un rapport, aujourd’hui provisoire mais pratiquement achevé.
Et aujourd’hui nous attendons que les ministères puissent, eux-aussi, participer. C’est-à-dire que le conseil scientifique a été réuni, ainsi qu’un conseil des associations (Aides, la Coordination Inter-LGBT, l’Interpride, etc.) mais il faut aussi que les institutionnels jouent leur rôle, comme disait Michel Chomarat. La mairie de Paris accepte d’être partenaire. Il faut que le Ministère de la Culture et le Ministère de l’Enseignement Supérieur et celui de l’Education nationale jouent leur rôle. Aujourd’hui le blocage est là, parce que nous pouvons certes travailler sans, mais cela limite singulièrement les capacités. Nous sommes à la croisée des chemins, et il faudra rapidement, dès la rentrée, décider d’avancer avec ou sans les ministères en question, mais d’avancer tout de même. Mais il est vrai que le soutien institutionnel est préférable.
Il y a des fonds qui accepteront ou pas de travailler avec cette nouvelle institution, comme l’Académie Gaie et lesbienne, les Archives Lesbiennes (qui disposent de fonds très important). Il y a plusieurs manières de travailler avec les archives. Cela peut être des regroupements, des regroupements numériques. Cela peut prendre des formes tout à fait diverses. C’est pour cela qu’il nous faut travailler sur le numérique, comme cela vient d’être dit, je n’y reviens donc pas. Nous avons aussi un certain nombre de personnalités qui nous ont fait des promesses de dons ou de dépôt. Comme Noël Mamère, Roselyne Bachelot, ou de générations plus anciennes. Et c’est cela qui nous renforce dans notre démarche.
Cette initiative n’a pas vocation à se substituer aux autres, elle n’a pas vocation à être la seule. Je suis d’accord avec l’idée que la centralisation (spécialité bien française) n’est pas forcément la solution. En revanche, le travail en réseau, facilité par internet, est probablement la meilleure des choses. Aujourd’hui, il est temps de travailler en réseau. Et c’est bien l’intérêt d’une telle rencontre qu’organise Christian, de faire en sorte que les noms, les listes, les adresses circulent, et que l’on puisse sortir de tout cela avec des projets de coopération. Je peux vous dire qu’un certain nombre de projets, d’expositions ont été initiés, mais c’est ici, le moment d’y travailler tous, et toutes, ensemble.
Avant l’élection présidentielle, nous étions dans le même dialogue avec les mêmes ministères. A l’approche des élections, le gouvernement de droite, bien entendu et par principe, était plutôt opposé, disant que le calendrier pré-électoral ne lui permettait pas d’avancer. Aujourd’hui nous avons une nouvelle majorité qui n’a pas un discours très différent. Hier, j’étais avec le directeur adjoint du cabinet de la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Le 2 juillet dernier, j’étais au Ministère de la Culture pour discuter du même sujet. Je peux faire la liste des rendez-vous, mais la question n’est pas d’avoir des rendez-vous, mais d’avoir l’argent. Jusqu’à présent nous avons travaillé sans argent, mais pour ouvrir un local il faut évidemment une subvention. La difficulté est là. A moins que ce soit un problème politique, évidemment. En ce sens qu’il se pourrait que certains ministères disent non, faute d’argent, alors qu’ils auraient des raisons plus « morales » ou « politiques » de refuser. Je n’ose le croire.
Voilà aujourd’hui où nous en sommes. Les financements n’étant pas arrivés, les choses n’ont pas avancé. En effet les statuts ont été proposés, approuvés avec quelques aménagements pas très importants. Sur l’essentiel nous sommes d’accord. Le rapport, là aussi, a été approuvé, quelques amendements relativement mineurs ont été proposés. Aujourd’hui la seule chose qui manque, encore une fois, c’est la volonté politique dont parlait Michel Chomarat. Et Michel a raison de dire qu’à Lyon c’est une réussite, sans doute la plus importante en France, en l’état actuel des choses. Quand vous avez un sénateur-maire qui dit oui, qui s’engage, évidemment les choses avancent. Quand de l’autre coté vous avez des ministères qui disent non, ce n’est pas la même histoire. De la Droite on ne pouvait pas obtenir grand-chose, de la Gauche, en temps de crise, pas beaucoup plus. C’est pour cela que je dis qu’effectivement nous avons essayé beaucoup de choses pour que ça avance financièrement. C’est pour cela qu’il me semble nécessaire de dire, dès maintenant, que même si les subventions sont très faibles, il faut avancer quand même.
Il nous faut des subventions ne serait-ce que pour avoir des locaux propres. Pouvoir s’adosser à une institution, c’est une formule souvent très confortable. Les recherches avaient déjà été faites, avant même que j’arrive. Des instituts comme Nanterre, Sciences Po et d’autres avaient été contactés, et avaient décliné. Christian nous dira si à Marseille les choses sont plus faciles. Je ne suis pas certain que la municipalité soit extrêmement favorable.

 

Hussein BOURGI
En charge des archives de Jean le Bitoux et de Gérard Bah-Ignasse

Bonjour. Je voudrais intervenir sur deux points. En premier lieu, tout à l’heure notre ami Patrick Cardon a dit l’hommage rendu à Magnus Hirschfeld avait été fait par un collectif local à Nice. En réalité, il s’agissait du mémorial de la déportation homosexuelle qui a rendu hommage à Magnus Hirschfeld, en 2010 à Nice, à Marseille et à Montpelier.
Je suis président du Mémorial de la Déportation Homosexuelle. Mon intervention et ma question s’adresse plutôt à Louis-Georges Tin que j’ai beaucoup de plaisir à retrouver ici aujourd’hui, pour l’entendre parler d’un sujet qui me tient à cœur, à savoir le Centre d’Archives LGBT, rebaptisé Institut Arc en ciel. J’ai eu l’honneur, la chance, l’opportunité d’être élu au collège des associations de l’Institut, il y a deux ans. Et depuis, je n’ai eu aucune nouvelle de Louis-Georges Tin sur ce dossier. A chaque fois que le l’ai interpellé, systématiquement je n’ai pas eu de réponse ou « je suis occupé par mes autres activités associatives (Comité IDAHO, le CRAN) ». Ceci est tout à fait respectable, admissible et compréhensible, ce n’est pas moi qui vais jeter la pierre à qui que se soit. Toujours est-il que ce dosser depuis deux ans n’a pas bougé. Lorsque nous avons été élus, j’ai entendu une liste de scientifiques, qu’il m’arrive parfois de rencontrer, et qui me disent ne pas avoir de nouvelles. Du coup, je me retrouve dans une situation assez compliquée, parce que j’ai des associations LGBT qui me disent ne pas arriver à joindre Louis-Georges Tin, qu’il ne répond pas à leur courrier. Des personnes qui me demandent, moi qui suis élu au collège des associations, ce que je peux leur en dire. Et avec Christian de Leusse, comme d’autres, nous n’avons rien à leur dire parce que Louis-Georges Tin ne nous dit rien. En l’occurrence il n’a peut être pas grand-chose à nous dire parce qu’il n’est pas le président, il a été sollicité par la mairie de Paris. Aujourd’hui, l’honnêteté intellectuelle devrait le conduire à nous dire que sa charge de travail ne lui permet peut-être pas de porter ce projet à son terme. Ou d’en faire une priorité, au même titre que d’autres. J’ai vu qu’il avait lâché la présidence du comité IDAHO, mais pris d’autres responsabilités ailleurs. Je pense que la multiplicité des responsabilités ou des engagements ne peut pas permettre de conduire un projet aussi important pour la communauté LGBT.
Que faire des archives ? : J’ai été chargé de récupérer les archives de Jean Le Bitoux suite à son décès. S’il n’y avait pas eu Aides pour les stocker dans ses locaux, je ne sais où je les aurais entreposées, d’autant qu’il s’agit de plusieurs dizaines de cartons. Et pas plus tard que la semaine dernière, les frères de Jean Le Bitoux m’ont à nouveau sollicité, interrogé sur cette projet de centre d’archives. Autres archives, dont j’ai eu à m’occuper sur mes deniers personnels, celles de Gérard Bach-Ignasse, qui fut l’un des pères du PACS. J’ai sollicité tout le monde, dans la torpeur estivale. Son frère m’a dit qu’il vendait la maison des parents, qu’il fallait donc vider le garage. Depuis Montpelier, je suis monté à Paris, j’ai tout stocké puis tout transporté à nouveau chez Aides. Aujourd’hui, le frère de Gérard Bach-Ignasse et ses légataires universels ont fait le choix de céder ses archives au fond sida de Aides, alors qu’initialement il voulait les céder à l’Institut Arc en ciel. Aujourd’hui, les frères de Jean le Bitoux me disent être liés par son testament, faute de quoi ils n’auraient pas remis les archives de leur frère à l’Institut Arc en Ciel. Aujourd’hui quand on m’interpelle, quand on m’interroge (et cela arrive assez régulièrement en tant que militant associatif qui est un peu plus sur le terrain en région), je dis aux uns et aux autres que l’exemple, à ce jour, qui me semble le plus abouti (et c’est très subjectif) est ce qui se passe à la bibliothèque que Lyon. Là il y a une véritable visibilité, il y a une véritable technicité, des professionnels, des gens qui sont dédiés à cette mission que des politiques et aussi des militants, comme Michel Chomarat, ont bien voulu leur céder.
Faire avancer le projet : Aujourd’hui la question est toute simple. Louis-Georges Tin nous dit qu’il a y a des blocages au niveau des ministères, il se trouve que j’y ai des contacts et que lorsque je les ai interrogés à ce sujet, ils m’ont dit leur étonnement. Il ne faudrait pas qu’il faille encore attendre qu’un article paraisse sur internet, comme celui de Yagg, pour que Louis-Georges se souvienne de ce projet, qu’il se souvienne qu’il est invité dans quinze jours et qu’il lui faudra donner des éléments de réponse ou d’explication, et donc qu’il appelle vite dans les ministères afin d’avoir un rendez-vous. Si Louis-Georges a des difficultés à obtenir un rendez-vous, qu’il s’appuie sur la dizaine de responsables associatifs, responsables dont je fais partie, car très modestement je pense qu’il y a quelques portes que je pourrais aider à ouvrir et quelques rendez-vous que je pourrais essayer d’obtenir un peu plus facilement, des moyens que je pourrai apporter. Je ne veux pas être une caution associative comme d’autres ont pu être des cautions intellectuelles. Longue liste dont Louis-Georges fait état quand il va à ses rendez-vous.
Qui dit Collectif Arc en Ciel, parle aussi de collégialité. Or depuis deux ans, je n’ai pas vu la collégialité. Je le déplore. Je ne suis pas là pour faire des polémiques Louis-Georges, je t’apprécie beaucoup, tu sais l’estime que j’ai pour toi, mais sur ce dossier je suis davantage dans l’incompréhension que dans la colère. Dans l’incompréhension parce que je ne comprends pas ce qui s’est passé depuis deux ans, ou plutôt je sais qui ne s’est pas passé grand-chose. Tu nous parles de la rentrée prochaine, mais là aussi j’ai des contacts avec la ville de Paris qui me disent qu’à la rentrée ils seront en période pré-électorale, et donc qu’il ne se passera rien du coté de la Ville de Paris. Et après les élections municipales, c’est le Conseil régional d’Ile de France qui sera en campagne électorale. Et donc la Région Ile de France ne pourra rien faire. Or ce pays qu’est la France, année après année, est en campagne électorale. Donc les engagements qui n’ont pas été obtenus pendant les deux dernières années, alors qu’il n’y avait pas d’élection, vont nous faire perdre du temps. Et j’ai bien peur, qu’aujourd’hui nous soyons partis encore pour deux ou trois ans. C’est fort dommage pour ce projet que toutes les associations et que beaucoup de membres de la communauté LGBT attendent.

 


 

 

Notes Karine Espineira

1- Voir son site en ligne, URL : http://syndromedebenjamin.free.fr/tree-menu/menusite2.htm
2- Joanne Meyerowitz, How Sex changed. A History of Transsexuality in the Unted States, Cambridge-Cumberland : Harvard University Press, 2002, 400 p.
3- Viviane Nmaste, 2005, C’était du spectacle ! : L’histoire des artistes transsexuelles à Montréal, 1955-1985, Montréal : McGill Queen’s University Press, 2005, 288 p. ; Sex Change, Social Change : Reflections on Identity, Institutions, and Imperialism. Toronto : Women’s Press, Canadian Scholars’ Press, 2005, 136 p.
4- Maxime Foerster, Elle ou lui ? Une histoire des transsexuels en France, Paris : La Musardine, 2012.
5- Vito Russo, The Celluloid Closet: Homosexuality in the Movies, It Books, réédition de 1987.
6- La Transyclopédie, Maud-Yeuse Thomas, Arnaud Alessandrin, Karine Espineira (dir.), éditions des Ailes sur un tracteur, 2012.
7- La Transidentité, de l’espace médiatique à l’espace public, L’Harmattan, collection Champs Visuels, 2008.
8- Les Enfans De Sodome à l’Assemblée Nationale (1790). QuestionDeGenre/GKC, 2005.
9- Jeremy Bentham, Essai sur la pédérastie

Notes Patrick Cardon

10- Cf. Discours littéraire et scientifique fin-de-siècle dans les Archives d’anthropologue criminelle (1886-1914) autour de Marc-André Raffalovich. Orizons, 2008.
11- Magnus Hirschfeld, Les Homosexuels de Berlin. Le Troisième Sexe, traduit et publié en France en 1908 par les éd. Rousset. Rééd. Magnus Hirschfeld /Ruth Maria Roellig, Les Homosexuels et lesbiennes de Berlin, 1908. QuestionDeGenre/GKC, 2001.
12- On notera une évolution favorable — limitée au militantisme — avec les travaux de Jeanne Robineau (Rennes), Mickaël Sibalis (histoire des Groupes de libération homosexuelle) et Antoine Idier (Lyon).
13- http://www.archiveshomo.info
14- Midi Libre 24 février 2007.
15- http://www.bm-lyon.fr/lepointg
16- Mémoire gay : actes des premières Assises nationales, Bibliothèque Municipale de Lyon, 2002.
17- Homosexualité & lesbianisme: mythes, mémoires, historiographes : actes du colloque international, Sorbonne 1er et 2 décembre 1989. Cahiers GKC 1990 (3 volumes) ; Un Sujet inclassable. Perspectives sociologiques, juridiques et littéraires des homosexualités. Lille, GKC, 1994.
18- Michael Pollak et al., Homosexualités Et Sida. Actes Du Colloque International, 12 Et 13 Avril 1991. GKC, 1991.
19- Thierry Martin, Trois Essais sur la sexualité médiévale. QuestuionDeGenre/GKC, 2000.
20- Triboulet, La Farce De Pathelin. QuestionDeGenre/GKC, 2011.
21- Luis d’Herdy, M. Antinoüs et Mme Sappho (1899). QuestionDeGenre/GKC, 2013.
22- FHAR, Rapport contre la normalité. QuestionDeGenre/GKC, 2013.
23- Eyet-Chékib Djaziri, Un Poisson sur la balançoire ; Une Promesse de douleur et de sang. QuestionDeGenre/GKC, 1998.
24- Han Ryner, La Fille manquée (1903). QuestionDeGenre/GKC, 2013.
25- Pierre Morvilliers, Aller sans retour pour Tanger. QuestionDeGenre/GKC, 2013.

 

Notes Phan Bigotte et Thomas Leduc

26- http://www.archiveshomo.info/archives/presse-lgbt/presse.htm

27- http://www.archiveshomo.info/archives/presse-diverse/straight.htm

28- http://www.archiveshomo.info/pmb/opac_css/index.php?id_thes=1

29- http://www.archiveshomo.info/archives/fonds/fonds.htm
30- http://www.archiveshomo.info/pmb/opac_css/index.php?id_thes=6
31- http://www.archiveshomo.info/pmb/opac_css/index.php?id_thes=7
32- http://www.archiveshomo.info/pmb/opac_css/index.php?id_thes=11
33- http://www.archiveshomo.info/pmb/opac_css/index.php?id_thes=8″
34- http://www.archiveshomo.info/pmb/opac_css/index.php?id_thes=12
35- http://www.archiveshomo.info/ »http://www.archiveshomo.info
36- http://www.archiveshomo.info/pmb/opac_css/ »http://www.archiveshomo.info/pmb/opac_css/
37- http://www.archiveshomo.info/documents/akademos/couverture.htm
38- http://www.archiveshomo.info/doc/presse/arcadie.htm#som