La Sarre sous protectorat français de 1945 à 1955 : le paragraphe 175 nazi toujours en application
La répression en Sarre occupée par la France au cours des années 1950
Les Actes du Colloque de Trêves (22-23 novembre 2023) La Vie Queer en Grande Région (Queeres Lebenin der Gross Region) ont amené Frédéric Stroh dans son intervention L’homosexualité masculine en Sarre depuis 1945 : de la répression à l’émancipation, à citer quelques noms de condamnés et /ou déportés.
A noter que la Sarre, soumise au code pénal allemand était sous administration française jusqu’à 1955, date du référendum de rattachement à la RFA. Ce n’est pas la présence de la France mais les juristes et magistrats locaux, et des associations de victimes du nazisme, qui ont maintenu la chape de plomb sur les homosexuels malgré la supposée dénazification des années 1945-47.
Le statut particulier de la Sarre lui permet de forger sa propre politique en matière de contrôle des mœurs, plus dure que celle pratiquée en France mais aussi en RFA. Sa constitution se base en 1947 sur la loi morale chrétienne, ou naturelle, sous l’influence du parti très catholique des chrétiens démocrates sarrois, avec son leader Johannes Hoffmann (1890-1967)
La vie homosexuelle en Sarre a été très grande jusqu’à l’arrivée du nazisme, très réprimée dans les années 1950, puis à nouveau possible à partir des années 1960 (avec l’icône gay Margaret Bardo à Sarrebruck).
Albert Spengler, né en 1889, est condamné en 1946 à 3 ans de travaux forcés, pour avoir eu des rapports sexuels avec un adolescent de 15 ans, appliquant ainsi la peine prévue par les nazis et non celles antérieures à 1933, sans que l’autorité française d’occupation ne bronche.
Ce qui conduira les autorités locales à continuer à appliquer sans restriction de code pénal nazi et à maintenir les condamnations rendues sous les nazis.
Aloïs Schweitzer (1900-1975) condamné en 1938 à 3 ans de prison n’obtient pas l’annulation de sa peine.
Les anciens condamnés continuent à être considérés comme des criminels
Les condamnés et/ou déportés pour homosexualité ne sont pas reconnus comme victimes du nazisme
La loi sarroise de réparation n’entrera en vigueur qu’en 1960 et ne prend en compte que les autres motifs de répression (hors homosexualité)
En mars 1952 la demande des parents de Heinrich Roth (1907-1945) décédé en déportation à Neuengamme, est rejetée par le ministère sarrois de l’Intérieur
Peter Bambach, décédé en 1955, détenu plusieurs mois en raison de son engagement communiste, n’a pas droit au statut de victime, suite à sa condamnation à 9 mois de prison au titre du paragraphe 175.
La répression n’a cessé d’augmenter de 1952 à 1954 (788 cas de débauche en 1954 soit une augmentation de 184,5% par rapport à 1953).
Entre 1949 et 1956, 510 jugements au titre du §175 ont été rendus avec condamnation pour 154 personnes.
1955 est l’année de plus forte répression dans un contexte de lutte politique interne pour le oui au rattachement à la RFA, les homosexuels sont les boucs émissaires
Johann W., né en 1928, coiffeur à Sarrelouis est jugé en 1955 car il franchit trop la frontière pour aller faire la vie en France.
La répression s’effondre après le rattachement de la Sarre. Et Sarrebruck verra se multiplier les bars et clubs spécialisés.