Jean Boyer-Cavailhès

Jean est une magnifique personnalité, un militant exemplaire et un professionnel reconnu

Né à Albi le 26 juin 1946, mort en décembre 2022

FAMILLE : Des parents de catégories CSP++, éclairés, modernes, progressistes et humanistes, tenant du respect absolu d’autrui et engagés dans la vie sociale. Ils ont fait visiter le monde à leurs enfants (Espagne, Portugal, Italie, Yougoslavie) en voiture ou camping-caravaning pendant 4 semaines tous les étés, dans une « micro-société au fonctionnement bien huilé » dira son jeune frère. Des parents attentifs aux lectures des enfants et à leurs loisirs, avec peu d’interdits, avec une exigence pressante de réussite scolaire. Il reviendra tous les ans à Noël pour la fête en famille et tous les étés pour la pêche aux écrevisses

SPORT : En 1968 il commence à courir, c’était alors « pour échapper à la police », et y a pris goût « En courant, il y a souvent des nouvelles idées qui apparaissent, parfois j’ai trouvé des solutions à des questions compliquées »

ETUDES : Il passe le bac de mathélem et quitte une première fois sa famille pour faire une classe préparatoire scientifique au lycée Pierre de Fermat à Toulouse, puis il est reçu à l’Agro. Il fait ses études à Agro sup Paris. A l’automne 1968 il est recruté par l’INRA et vient habiter Dijon

MAI 68 : Jean vit joyeusement l’envie de révolution. Pour vivre son homosexualité il sent qu’il faut changer le monde. Pendant le mouvement de Mai 68, ses parents sont inquiets, il leur fait savoir qu’il agit au sein d’un poste de secours avancé pour soigner les blessés.

ALGERIE : Coopérant en Algérie en 1970, il travaille dans le cadre de la réforme agraire

LIP, CHILI, VIETNAM : En 1973, avec des camarades de la Ligue communiste, dont Suzette Robichon, ils viennent soutenir l’entreprise Lip en autogestion à Besançon et manifestent en septembre contre le coup d’Etat de Pinochet au Chili. Il participe aux mobilisations contre la guerre au Vietnam et aux mouvements anti impérialistes

LCR : Jean lit beaucoup (Marx, Engels, Lénine, Trotski) et choisit d’entrer à la Ligue Communiste. Il s’implique dans le travail syndical. Il milite avec sérieux, excellent organisateur, il acquiert des responsabilités importantes, participe aux campagnes de souscriptions. Puis il est élu au comité central de la Ligue. En 1976, il rencontre Alain Sanzio dans le cadre de la commission homosexualité de la Ligue Communiste révolutionnaire. En 1977 il est permanent à temps partiel de la Ligue, candidat de la LCR il obtient 5% des voix. En janvier 1979 lors du 3ème congrès de la LCR, la majorité de la commission homosexualité démissionne de la LCR qui a refusé de leur accorder une heure sur les 3 jours du congrès. Jean et Suzette Robichon font le choix de rester pour quelques mois. Les débats sur la dépénalisation, sur le système hétéro-patriarcal, sur changer le monde ou changer la vie, se développent à la Ligue.

HOMOSEXUEL : Il dit à deux responsables de la Ligue qu’il est homosexuel, il est heureux que cela ne pose pas de problème, mais il reconnaît qu’il ne le dit pas à ses camarades de terrain. En 1976 il participe à la création du GLH de Dijon et à la commission homosexuelle de la Ligue La commission homosexualité de la Ligue accomplit un gros travail en publiant régulièrement des articles dans le journal Rouge. En 1979, lors de la première Université d’été homosexuelle de Marseille, il participe activement à la création du CUARH (comité d’urgence anti-répression homosexuelle). Il crée le groupe Diane et Hadrien à Dijon, le premier lieu gai

MASQUES : En 1979, Jean Cavailhès fait partie de l’équipe qui fonde la revue Masques, ainsi que Suzette Robichon. Jean écrit de nombreux articles sous le pseudonyme de Jean Boyer, tant dans Masques que dans le journal du CUARH, Homophonies.

LE RAPPORT GAI : En 1984, Jean Cavailhès publie avec le sociologue lyonnais Pierre Dutey et le juriste Gérard Bach-Ignasse, le Rapport Gai, édité par Persona, maison d’édition créée par les fondateurs de la revue Masques.

VIE PROFESSIONNELLE : A l’INRA de Dijon, il travaille sur les questions foncières agricoles et le prix des terres, sur les groupes sociaux et le système agricole charolais, en 1982 il devient directeur de la station d’économie, élabore un programme de recherche sur les espaces ruraux, il est qualifié de « grand chercheur, très créatif, osant des hypothèses audacieuses » ; en 1989 il a pris la responsabilité de la dominante économie agricole et rurale du DEA Politique et analyse économique de l’université de Bourgogne ; de 1994 à 1998 il est en charge d’un département de recherche de près de 500 personnes, auquel « il a su faire prendre le virage du professionnalisme scientifique, ce qui a permis à la fois la reconnaissance externe par les pairs et interne au sein de l’INRA » ; il a fait valoir ses droits à la retraite en 2011, mais il aimait tellement la recherche qu’il a travaillé jusqu’en 2021 ; il s’investissait dans deux comités de rédaction de revues associatives spécialisées dans les questions de foncier et de logement ; évoquant sa curiosité, son enthousiasme et sa ténacité son proche collaborateur Mohamed Hilal  dira « tu es devenu au fil du temps un allié et un ami inestimable » ; il voyait dans son plaisir de découvrir et de forger une connaissance un moteur, « le moteur des chercheurs »

En savoir plus