Interviews de Christian 2008 – 2015 – 2018

2008

Christian de LEUSSE : l’histoire de la mobilisation homosexuelle à Marseille et la place de l’homosexualité aujourd’hui

Entretien réalisé par Nicolas Lorente, étudiant en sociologie, février 2008

Nicolas Lorente : Comment décririez-vous la place de l’homosexualité dans la société ?

Christian de Leusse : Je dirais qu’aujourd’hui on assiste à deux choses contradictoires mais qui sont presque inévitables. A la fois à une véritable évolution vers une la liberté, de vivre son homosexualité, à tel point qu’on peut s’amuser parfois quand il y a quelqu’un qui a des propos un peu agressifs ou homophobes, à le menacer, et à menacer les gens de porter plainte par exemple. Donc, on est dans une phase où la loi protège d’avantage, que ce soit les insultes, les injures, ou même les agressions. Il y a des lois qui donnent des droits positifs, ce sont des lois de protection. Et il y a aussi les droits positifs avec la mise en place du droit au couple etc. qui existent. Tout ça se sont des éléments très importants, et puis l’Europe joue un rôle supplémentaire, on vient de le voir récemment, Donc il y a une évolution, très réelle. En même temps, il y a encore énormément de problèmes, en France même. De mon côté, j’ai quelques grandes étapes dans mon histoire personnelle, j’ai maintenant 62 ans, j’ai commencé à être militant environ à l’âge de 33 ans, je vais pas raconter pourquoi, comment ça s’est passé, parce que ça a été une phase douloureuse, on était dans les années soixante-dix, et s’affirmer comme homosexuel, ou se vivre, vivre comme homosexuel, c’était difficile pour beaucoup de gens, à tel point qu’il y avait une toute petite minorité qui s’affichait, et à l’époque on s’est affiché dans le cadre de ce que l’on appelait les GHL….

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2015

Entretien réalisé par Renaud Chantraine le 28 mai 2015 

Renaud Chantraine : Commençons dans l’ordre. « Peut-on revenir sur ton parcours ? », sachant que je le connais un peu, ce qui m’intéresse peut-être le plus c’est : qu’est ce qui dans ton parcours a été déterminant par rapport à…

Christian de Leusse : La partie archives, peut-être. Pourquoi j’accumule des choses, comme ça ? Oui…. Effectivement, c’est intéressant. Mon parcours militant, justement, il éclaire la deuxième question. Si tu veux, je ne suis pas un militant politique ou syndical forcené, mais, en faisant Sciences Po à Paris, je m’éveille. Ce n’est pas Sciences Po en tant que tel, mais plutôt les événements de Mai 68. Parce que je suis étudiant à Sciences Po et il y a les événements de Mai 68 à ce moment-là. Et je ne sais pas si, comment dire… j’ai le sentiment de vivre un truc d’important ? Je ne crois pas. Je suis simplement là, et j’ai une manie que j’ai acquise sans doute avant, d’accumuler des choses… Quand j’étais ado, j’avais toute la collection de Tintin, je ne sais pas, enfin, j’accumulais, j’accumulais ! D’ailleurs j’ai été malheureux après quand ma mère a fait disparaitre des trucs que j’avais de l’époque ado. Bon, je ne lui en ai pas trop voulu parce que, bon ! J’ai beaucoup accumulé pendant les événements de 68. Je vais te montrer des cartons que j’ai là. Parce que la chance a voulu que par la suite, les lieux où j’ai pu aller étaient assez grands et vastes pour les cartons qui sont là-haut. C’est les cartons dits « de Mai 68 », tout là-haut, qu’il jour il faudra que j’aille regarder. Donc après, en plus j’ai pris des abonnements à des tas de revues, donc c’est une manie qui vient de loin ! Et là il s’y rajoute des choses de famille que j’ai ramené à la suite du décès de mes parents, bref. Donc ça vient de loin. Ce qui fait que j’entre en militantisme à l’âge de… tu as peut être vu le film Les Invisibles, je raconte que… et là ça rentre dans tout un travail, un texte que j’écris sur mon histoire à moi, j’ai tout un cheminement, de 75, en gros, à 78, donc avant de venir aux GLH, qui est un cheminement de maturation personnelle sur mes désirs, pas mes désirs, j’accepte, ou non, je bloque, je me trouve tellement seul que, etc., où il y a quelques étapes qui sont les étapes de maturation. Mais pendant ces étapes de maturation, je n’accumule pas, parce que pour moi, comment dire, toucher un document qui a trait à l’homosexualité, ça me brûle les doigts, c’est trop dangereux, et puis pourquoi. Je veux dire : le fait de toucher un document, de le garder, lié à l’homosexualité, même pendant des années après, quand je trouverais qu’il y a quand même des documents un peu osés, et bien j’hésitais à les garder. Donc je n’ai pu faire ce pas de garder des documents qui ne sont plus des documents syndicaux, politiques, etc. Exemple : à une époque j’étais au journal La Criée, avant…je suis à Marseille, après Sciences Po, d’abord je ramène des documents d’Afrique où j’étais allé en coopération, et que j’ai toujours d’ailleurs, des documents, des travaux que j’ai fait à l’époque, et puis des journaux, que j’ai ramassé là-bas… A Marseille, quand j’arrive en 73- 74, je participe à la création de ce journal qui s’appelle La Criée, enfin bref, et du coup après j’ai gardé. Non, parce que La Criée, j’ai vite quitté, donc j’ai eu des difficultés à retrouver des articles que j’avais pour certains, au moins pour l’un d’entre eux aperçu dans ce petit journal.

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2018

Entretien réalisé par Mathias Quéré

Mathias Quéré : Alors ma première question serait, pour comprendre un peu ta trajectoire, de comprendre comment tu t’es politisé et comment est-ce que tu es arrivé au GLH.

Christian de Leusse : Je me suis politisé avant, avant de venir au GLH. J’étais déjà un peu militant. Si tu veux, j’arrivais à Science Po à Paris et saut dans l’inconnu par rapport à mes parents et puis petit à petit, rupture par rapport à tout mon milieu social. Pourquoi ? Parce que mes études m’amènent à avoir une réflexion et un recul sur la réalité sociale de ce pays ou au-delà qui font qu’inévitablement je sens une série d’éléments d’objectivation par rapport à cette subjectivité familiale dans laquelle je me trouvais. Donc très vite, enfin au fur et à mesure de mes années à Science Po, je fais mon propre cheminement sur ce qu’est la justice, etc. Je taxais déjà facilement mon père de paternalisme puisqu’il était de droite, mais attentif aux questions sociales mais à sa façon à lui. C’est à dire c’était plutôt du caritatif. Et donc je dirais que cette histoire de justice et de caritatif, peut-être un des trucs qui me travaille quoi. Et puis je découvre, je comprends les différentes tendances politiques, groupes politiques, positionnement possible etc.

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