Du XVè au XVIIIè siècle

XVème-XVIème siècles : au Japon, les soldats et les samouraïs pratiquent une homosexualité libre dans l’armée

XVème-XVIème siècles : le concept de sorcière prend consistance, en particulier avec l’Inquisition, pire criminelle de la terre, elle agit contre Dieu, contre l’autorité, contre l’humanité, elle est au cœur d’un vaste processus de destruction visant en particulier les enfants ; c’est la période où la procréation, la sexualité et l’autonomie des femmes deviennent une préoccupation principale, de même la question de la naissance et de la reproduction du corps social, la procréation va se confondre avec le travail que l’on assigne aux femmes et l’avortement devient condamnable et passible de mort

XVème siècle : Jean de Gerson, chancelier de l’université de Paris, condamne la pratique de la masturbation  dans De la confession à la masturbation, et invite les confesseurs à interroger élèves et séminaristes sur leurs pratiques ; mais selon certains historiens ce texte – auquel se référera Michel Foucault – n’aura aucun retentissement, car l’Eglise considère plutôt la masturbation comme un péché véniel, dans la ligne de l’enseignement de Pierre Damien, moine réformateur du XIème siècle

 

1403 : mort de Bajazet ou Bayezid 1er (1360-1403), premier chef Ottoman a porter le titre de sultan en 1389, il fait face à la grande Croisade des Européens en 1396, il vainc la chevalerie chrétienne à Nicopolis, il sera vaincu à son tour par le prince moghol Timur en 1402 ; il fit venir des Balkans de jeunes garçons pour remplir son harem

 

1405 : parution de La Cité des Dames de Christine de Pizan qui raconte les histoires d’une centaine de femmes, toutes exemplairement fortes et vertueuses, des Amazones à la Vierge Marie ; elle écrit aussi Livre des faits d’armes et de chevalerie (1410)  et Cent balades d’amants et de dames publiés à titre posthume ; Simone de Beauvoir écrira que « pour une fois , on voit une femme prendre la plume pour défendre son sexe » en particulier lorsqu’elle s’élève contre la misogynie du Roman de la rose, le poème écrit entre 1230 et 1280, de Guillaume de Lorris et des Jean de Meung 

 

25 octobre 1415 : mort d’Edouard duc d’York (Edouard de Norwich 1373-1415), plus jeune fils d’Edouard III, tombé amoureux du jeune Michael, comte de Suffolk ; combattant en France aux côtés d’Henry V il a confié un commandement à Michael, 21 ans, et lors de la victoire anglaise d’Azincourt Edouard et Michael sont morts en s’embrassant, dans la tradition des amants du bataillon sacré thébain ; la scène sera immortalisée par Shakespeare dans Henri V

 

1420- 1660 : la chasse aux sorcières se déroule en deux temps, en 1420-1440 dans les marches alpines du duché de Savoie, puis en 1560-1660 la répression deviendra féroce et gagnera tout l’Occident ; la chasse aux sorcières succède à la répression des hérésies, les mouvements religieux contraires à la doctrine catholique (vaudois, juifs, cathares, hussites), les sorcières sont les nouveaux boucs émissaires

 

1432-1440 : en Vendée, au Château de Tiffauges, Gilles de Rais viole, torture et égorge des centaines d’enfants ; il déclarera au tribunal de Nantes qui le condamnera à mort le 26 septembre 1440 : « Il n’est personne au monde qui sache et qui puisse même comprendre ce que j’ai fait dans ma vie : il n’est personne qui, en la planète, puisse ainsi faire », hué par une foule immense, il pleurera alors et s’humiliera, implorant les prières des parents de ses victimes ; Gilles de Rais a eu un rôle de protecteur auprès de Jeanne d’Arc, courageux dans la guerre de Cent Ans, à la prise d’Orléans, il a eu l’honneur de porter les saintes huiles lors du sacre de Charles VII à Reims, baron le plus riche de France il possède 36 châteaux et 40 fiefs dans l’Ouest, de Pornic à Angers

 

1436-1438 : en Autriche, le dominicain, théologien et professeur, Johannes Nider (1380-1438) écrit le Formicarius dans lequel un chapitre est consacré à la sorcellerie, avec la 1ère description d’un sabbat (cérémonie de sorcières) grâce au témoignage d’un juge suisse, Peter von Greyerz, une sorte de messe à l’envers qui singe et profane les rituels chrétiens dans le but de détourner les croyants vers le diable

 

26 octobre 1440 : mort de Gilles de Rais (ou de Retz, 1404-1440), arrière petit-neveu de Du Guesclin, élevé par son grand-père Jean de Craon ; suivant le conseil de son ami La Trémoille il s’engage dans les armes et s’y montre courageux et habile en remportant plusieurs victoires sur les Anglais ; Charles VII lui confie le commandement des troupes aux côtés de Jeanne d’Arc, il la secourt lorsqu’elle est blessée, ils entrent ensemble dans Orléans,  il a trouvé en Jeanne la sublimation de ses penchants homosexuels, il éprouve pour elle une chaste passion ; après la mort sur le bûcher de Jeanne il devient tortionnaire pervers auteur de crimes réels et supposés décrit pas Sade, il avoue avoir enlevé, torturé et violé plusieurs centaines d’enfants, plutôt des garçons choisis pour leur beauté, il sera exécuté avec ses domestiques complices

 

1446 : Jean Rey que sa femme a quitté, a un ami Colrat « Il l’aime, il en est aimé. Echec conjugal, amitié masculine passionnée » notera l’historien Emmanuel Le Roy Ladurie dans son livre Paysans du Languedoc

 

1453 : à Constantinople, Radu, le bel adolescent, fils du roi de Valachie, envoyé à l’empereur en tribut, devient l’amant du sultan Mehmed II ; devenu conseiller politique du sultan, Radu fera rendre la Valachie à son frère Vlad, puis il en deviendra le roi jusqu’à sa mort en 1475

 

20 juillet 1454 : mort du roi Jean II de Castille (1405-1454), enfant il éprouve une réelle passion pour son page Alvaro de Luna, entrainant l’exil de ce favori ; à la mort de sa mère, la reine-mère régente, Jean II rappelle son amant à la cour et lui confie les rênes du gouvernement, il partageront le même lit pendant 35 ans ; pour agrandir le royaume Jean II épouse Isabelle du Portugal, mais la reine avec l’appui de l’aristocratie fait arrêter Alvaro, accusé d’avoir trahi au profit du prince de Grenade, Jean II est alors contraint de signer l’ordre d’exécution de son ami et meurt de chagrin un an plus tard

 

1463 : mort de François Villon (François de Montcorbier 1431-1463), il a fait des études de théologie et de rhétorique (pendant lesquelles il a été amoureux de son camarade Thomas Tricot), puis il a obtenu une licence en Arts et lettres ; à 24 ans il a tué un prêtre en 1455, participé au cambriolage du collège de Navarre en 1456, puis a échoué à faire carrière à la cour du prince-poète Charles d’Orléans à Blois en 1459-60 ; le Lais, long poème d’écolier parodie de roman courtois composé entre 1456 et 1460, et le Testament, son œuvre maîtresse composée en 1461-1462, seront édités après sa mort en 1489 ; en 1455 initié à la prostitution masculine et à son argot par les « coquillards (délinquants) » Colin de Cayeux (pendu en 1460) et Régnier de Montigny (pendu en 1457), il a écrit ses 1ères Ballades homosexuelles en argot ; en 1456 il a eu un amour passionné pour le gigolo bisexuel Noël Jodis (qu’il évoquera sous le nom de Catherine de Vausselles) ; en 1461 il a rédigé sa seconde série de Ballades en argot en hommage à Cayeux et Montigny, incarcéré il a été sévèrement torturé ; en 1462 il  a été incarcéré au Châtelet pour vol, libéré avec contrainte de rembourser le collège cambriolé, mais impliqué dans une nouvelle bagarre il a été arrêté, torturé et condamné être pendu, libéré et banni par le Parlement de Paris, il disparait et meurt des suites des tortures à l’âge de 32 ans ; ses ballades homosexuelles en langage cru sont écrites selon une stricte discipline de versification

 

13 décembre 1466 : mort du sculpteur italien Donatello (Donato di Betto Bardi, 1386-1466), élève de Brunelleschi à Rome, puis installé à Florence, il est attiré par le nu antique mais apprécie davantage que la beauté du corps de l’homme soit considéré par l’Eglise comme d’essence divine ; protégé par les Médicis, il a réalisé une statue de David, bronze représentant un adolescent nu, il a pour amants les modèles et assistants de son atelier

 

1468 : à Venise, les chirurgiens sont obligés de dénoncer les hommes mais aussi les femmes « qui favorisent un tel vice (la sodomie) et qui sont cassées dans leur partie postérieure »

 

1471-1484 : à Rome, pontificat de Sixte IV, né Francesco della Rovere, né en 1414 en Ligurie, il joue un rôle majeur dans la restauration de Rome (voies, musées, chapelles, églises, basiliques, et en particulier la chapelle Sixtine) ; le chroniqueur romain Stefano Infessura soutiendra qu’il « aimait les jeunes garçons et les sodomites », il est vrai qu’il aimait s’entourer de courtisans et qu’il a élevé à la pourpre cardinalice plusieurs jeunes hommes ; l’historien espagnol Juan Antonio Llorente (1756-1823) dira qu’il a même autorisé la sodomie pendant la période estivale

 

26 juillet 1471 : mort du pape Paul II (1468-1549), neveu du pape Eugène IV, il succède à Pie II ; il réusit l’unité des princes d’Italie, fait la guerre aux Turcs et menace d’excommunication le roi de France Louis XI qui refuse la taxe papale, il embellit Rome et introduit l’imprimerie ; d’une extraordinaire vanité il s’habille de robes tissées d’or et garnies de diamants, il prend le nom ce Formosus (le Beau), son homosexualité est stigmatisée par le peuple qui l’appelle Notre-Dame de Paule

 

11 décembre 1474 : mort d’Henri IV de Castille (1475-1474), marié avec Blanche de Navarre, il est incapable d’accomplir son devoir conjugal ; au bout de 13 ans le mariage est annulé et la virginité tenace de la reine est mise sur le compte de maléfices ; Henri préfère la compagnie de jeunes Maures, venus du Maroc et de Grenade ; on le marie une seconde fois avec Jeanne du Portugal, mais il est épris de Beltran de la Cueva et Jeanne est également sensible aux charmes de ce jeune homme grâce à quoi la reine accouche  d’une infante ; Isabelle empoisonne son frère Henri, dénonce l’infante comme bâtarde et monte sur le trône, Isabelle la Catholique fera brûler un grand nombre d’homosexuels en souvenir de son frère

 

9 avril 1476 : Léonard de Vinci et son maître Verrochio (Andrea di Michele di Cione, 1435-1488) sont accusés de « sodomie active » sur la personne de Jacques Saltarelli, âgé de 17 ans, plus vraisemblablement un viol collectif ; ils risquent le bûcher, mais l’homosexualité est si répandue alors à Florence que la peine de mort est en fait inappliquée, Verrochio évite la prison, il a pour amant son apprenti Lorenzo di Credi qui deviendra son héritier, de Vinci est emprisonné mais finit par bénéficier d’un non-lieu, la victime s’étant révélé un prostitué notoire ; pendant ses 2 mois de prison, de Vinci se laisse aller à la méditation sur « ce pénis obstiné qui suivait sa propre volonté » : « La verge a des rapports avec l’intelligence humaine et parfois elle possède une intelligence à elle ; en dépit de la volonté qui désire la stimuler, elle s’obstine et agit à sa guise, se mouvant parfois sans l’autorisation de l’homme et même à son insu, soit qu’il dorme, soit à l’état de veille. Il arrive que l’homme dorme, elle ne suit que son impulsion, elle veille et il arrive que l’homme soit éveillé et qu’elle dorme. Maintes fois, l’homme veut se servir d’elle qui s’y refuse. Maintes fois, elle voudrait et l’homme le lui interdit. Il semble donc que cet être ait souvent une vie et une intelligence distinctes de celle de l’homme »

 

3 mai 1481 : mort du sultan Mehmet II (1432-1481), il est sultan en 1481, prend la ville de Contantinople en 1483, victoire de l’islam sur la chrétienté et nouvelle capitale de l’Empire ottoman ; il promettait à ses troupes des femmes et des jeunes garçons byzantins ; après la victoire il fait rechercher le plus beau garçon, Loukas Notatas, pour son plaisir personnel ; il conquiert le Peloponnèse, l’Albanie, la Bosnie, la Moldavie, la Crimée et signe une paix avec Venise contraignant celle-ci à payer un tribut annuel ; son grand vizir, le poète célèbre Ahmed Pacha, et lui-même sont amoureux du même garçon Dane, jaloux il chasse le vizir en Bithynie afin de garder pour lui les faveurs du garçon

 

1483-1498 : en Espagne, inquisiteur général le moine Thomas de Torquemada profère des paroles terribles (« Pour que l’enfer se ferme et que le ciel se rouvre, il faut le bûcher ») et met en place plusieurs types de supplices (la garrucha, la poulie, le porro, le chevalet, et la toca, l’entonnoir) pour les interrogatoires (en 1233 le pape Grégoire IX avait créé l’inquisition pontificale) ; le pape falot Sixte IV ayant cédé une partie de ses pouvoirs judiciaires aux souverains d’Espagne, Ferdinand et Isabelle, le pays comptera en 3 siècles 45 inquisiteurs généraux, avec Torquemada près de 100 000 procès ont lieu, suivis d’environ 2 000 exécutions (297 condamnés à Tolède de 1483 à 1501, 124 à Saragosse  de 1485 à 1502), et jusqu’en 1530 à Valence 2 334 procès conduisent à 2 000 sentences (suivis de 155 condamnations par contumace et 54 remis pour exécution capitale aux pouvoirs civils), les cibles sont les juifs, déjà décimés par la peste noire et les émeutes antisémites, souvent convertis à la foi chrétienne mais poursuivis pour leurs pratiques clandestines (environ 15 000 châtiés dont 2 000 brûlés au bûcher) jusqu’aux expulsions de 1492, les Maures convertis après la chute de Grenade en 1492, les illuminés (Thérèse d’Avila et Ignace de Loyola sont inquiétés à ce titre) et  les convaincus de fornication, d’inceste, de sodomie, de bigamie, etc., les autodafés (actes de foi en portugais, qui dureront jusqu’au XVIIIème siècle) destinés à purger la société et défendre la citadelle catholique (face à la Réforme progresse en Allemagne, en France et en Angleterre, et à l’islam ottoman)

 

12 août 1484 : au Vatican, mort du papa Sixte IV (François d’Abescola de la Rovere 1414-1484), supérieur de l’ordre des franciscains, fait cardinal par Paul II auquel il succède en 1471, il fait édifier la chapelle sixtine et subventionne de nombreux artistes dont Boticelli, il nomme de nombreux cardinaux, choisis pour leur beauté, parmi eux son neveu et amant Raphaël Riaro, cardinal à 17 ans (le théologien Balaeus ira jusqu’à affirmer que Sixte IV a autorisé la sodomie)

5 décembre 1484 : au Vatican, le pape Innocent VIII promulgue la bulle pontificale Summis desiderantes affectibus qui reconnaît la réalité de pratiques magiques et ordonne la poursuite de ceux et celles qui s’y adonnent ; ainsi se met en place tout au long du siècle un cadre juridique et théologique qui incitent les fidèles à la délation des sorciers et des pratiques démoniaques, les dénonciations sont remises à l’Inquisition puis aux tribunaux ecclésiastiques ; une femme seule devient extrêmement suspecte aux yeux des hommes et de l’Eglise, en particulier si elle est veuve, elle est très vite qualifiée de sorcière ; parmi les ouvrages qui sont consacrés à la lutte contre la sorcellerie figure le Malleus Maleficarum (Maleficum ? Marteau des sorcières), rédigé en latin par les dominicains et imprimé vers 1486, l’ouvrage a une diffusion phénoménale, dans les pays germaniques, puis à partir de 1 600 en édition française

 

8 avril 1492 : à Florence, mort de Laurent 1er de Medicis, dit Laurent le Magnifique (1449-1492), il tire son surnom de son goût pour les artistes ; il protège Michel-Ange, il a pour amis intimes Ange Politien et Pic de la Mirandole et possède une brigade de jeunes garçons dévoués à ses plaisirs ; son fils Jean sera élu pape souis le nom de Léon X

 

30 avril 1494 : à Venise, le Conseil des Dix, chargé de la sécurité de l’Etat, inculpe plusieurs hommes pour « viol sodomite », en réalité pour viol d’une jeune femme, le terme de sodomie est employé pour toutes les pratiques sexuelles non naturelles, en particulier hors mariage ; les pratiques sexuelles déviantes sont vues comme une perturbation de l’ordre social les patriciens, une élite susceptible de comploter, et les artisans, meneurs de révoltes potentielles – en particulier les libraires et imprimeurs diffuseurs d’idées nouvelles – , sont particulièrement visés ; à Florence entre 1432 et 1502 ce sont 15 000 à 16 000 individus qui sont impliqués dans des affaires de sodomie mais seulement 2 400 à 3 000 d’entre eux sont condamnés, la répression se développera particulièrement au XVIème siècle, où les condamnations vont plus fréquemment jusqu’au bûcher ; Savonarole qui participe au renversement des Médicis dénonce les mœurs dissolus des florentins

17 novembre 1494 : à Florence, mort du philosophe Jean Pic de la Mirandole, , « prince » des orateurs et des poètes à 13 ans, il est nommé par Sixte IV protonotaire apostolique, voyage en Italie et à l’étranger, devient célèbre membre de l’académie de Florence, ami de Marsile Ficin et Ange Politien, protégé et amabt de Laurent de Mécicis ; il est aussi amant des femmes, il enlèvve en 1496 Julianna Mariotte de Médicis, épouse d’un cousin de Laurent ; il publie en latin ses 900 thèses de philosophie et théologie, condalmnées par la Curie comme hérétiques, il s’enfuit à Paris, arrêté et enfermé à Vincennes, libéré sur intervention de Charles VIII, il rentre à Florence où son ex-amant Laurent de Médicis le protège ; en 1493 son oeuvre est réhabilitée par le pape Alexandre VI ; il ebtre chez les dominicains ; son ami Girolamo Benivieni sera enterré à ses côtés, dans le cloitre de Saint-Marc, avec une épitaphe explicite

 

Dernières décennies du XVème siècle : les penseurs de l’Eglise, Henri Institoris (1436-1505) alsacien, et Jacques Sprenger (1436-1496) bâlois, estiment que les femmes sont à l’origine de toutes les perversions du genre humain, depuis qu’Eve a cédé à la tentation ; « Beni soit le Très-haut qui jusqu’à présent préserve le sexe mâle d’un fléau pareil » dit le Malleus Maleficarum (Maleficum ?) considérant l’importance du sexe féminin dans l’hérésie sorcière ; ils vont chercher l’étymologie de femina dans « fe »(foi) et « minus »(moins) : elle a et garde moins la foi ; ils démontrent l’existence des sorcières dans les zones envahies par le « mal », entre Cologne et Mayence

 

XVIème-XVIIème siècle : en France et en Europe, une violence inouïe s’exerce sur de nombreuses femmes qualifiées de sorcières (en Angleterre d’abord), vieilles femmes qui soignaient, préparaient des potions, aidaient aux accouchements et transmettaient des recettes abortives ; à la fin du XVème siècle le Malleus Maleficum (Maleficarum ? Marteau des sorcières) est édité (et réédité 34 fois jusqu’en 1669), ces persécutions sont justifiées par des intellectuels comme Jean Bodin et Francis Bacon, les femmes sont « placées » du côté de la nature et de l’impur, du grouillant, du dangereux et du méprisable (par opposition à la culture) ; les recherches historiques permettront de parler de plusieurs centaines de victimes ; lorsque la mortalité infantile est élevée, la sage-femme est un objet d’exécration et incarne la mal absolu, elles font périr ses enfants et en offrent d’autres aux démons (ainsi dans la diocèse de Bâle, dans la ville de Thann, une sorcière a avoué avoir tué plus de 40 enfants leur enfonçant une aiguille dans la tête, selon le Malleus) ;  les guérisseuses sont vues désormais comme des concurrentes directes des prêtres, encore plus si elles utilisent de l’eau bénite, des incantations ou des prières pour soigner les gens, elles ont la connaissance des plantes qui soignent ; alors que les « médecins » interprètent la maladie selon la théorie des humeurs de la médecine antique, de Gallien au IIème siècle, l’eau, l’air, le feu, la terre associées au 4 qualités le chaud, le froid, le sec et l’humide, ou selon Pline l’Ancien au Ier siècle qui croit au pouvoir nocif des règles de la femme ; le judéo-christianisme  s’est toujours battu contre la magie, ainsi le Deutéronome interdit et punit par la peine capitale ceux qui s’adonnent « à la divination, à l’astrologie, à la magie, à la sorcellerie, aux incantations, à la consultation de spectres ou d’esprits, ou l’invocation des morts »

XVIème siècle : Montaigne cite le cas de Mary de Vitry, jeune fille résidant à Chaumont qui vit comme un homme, tisserand elle se rend à Vitry et s’y marie avec une femme, en tant qu’époux elle est condamné à être pendu, sauf à redevenir une femme, elle choisit la pendaison

XVIème siècle : par l’examen de conscience l’Eglise va s’efforcer d’avoir les moyens de son emprise sur la société et les mœurs ; les mauvais comportements sexuels vont se définir par rapport au mariage, avec une dissociation entre les différents péchés de chair : la fornication hors mariage et le viol (qui peuvent se réparer par le mariage), l’inceste qui va à l’encontre de l’hétérogamie et l’adultère qui rompt la filiation, et, plus gravement, les péchés contre nature qui qui gaspillent la précieuse semence de l’homme et n’aboutissent pas à la procréation : masturbation, bestialité et homosexualité

XVIème siècle : en Amérique, les conquistadors espagnols sont consternés en découvrant des mâles habillés en femmes,

XVIème siècle : en Amérique du Nord, les bardaches, hommes ou femmes, invertis sont acceptés dans la société du Canada,  ces androgynes sont estimés supérieurs aux autres personnes, avec leurs caractéristiques féminines et masculines ; en Amérique du sud, les conquistadors espagnols sont choqués de trouver des groupes de travestis ils les nomment bardaje, de l’italien bardaccia qui signifie amant ou petit ami, ils les massacrent, les missionnaires chrétiens poursuivront ces persécutions jusqu’au XXème siècle ; les cultures amérindiennes indigènes n’établissent pas de dualisme stricts masculin/féminin et autorisent des passages symboliques entre des rôles sexuels qui ne sont pas déterminés par le sexe biologique, chez les indiens Mohave ces couples peuvent adopter des enfants

XVIème siècle : au Japon, Saint François Xavier est offusqué par les « abominations de la chair » auxquelles se livre ce peuple dont il vante par ailleurs les mérites ; littérature et iconographie montre alors que les pratiques homosexuelles existent dans les monastères parmi les moines et les nonnes, et qu’elles sont présentes dans la noblesse depuis le XIème siècle

1503 : au Vatican, mort du pape Alexandre VI Borgia (Ricardo Lancol, neveu d’Alfonso Borgia, 1431-1503), pape en 1492, protecteur de Michel-Ange et de Raphaël ; bisexuel, il est le père de Lucrèce et César Borgia, amoureux d’Astore Manfredi, seigneur de Faenza qu’il attire au château Saint-Ange et fait jeter dans le Tibre après en avoir abusé (Savonarole dénonce les turpitudes de ce pape)

 

12 mars 1507 : mort de César Borgia (vers 1475-1507), fils du pape Alexandre VI,  amant de sa sœur Lucrèce et violeur du jeune évêque de Faenza, il a épousé Charlotte d’Albret, fille du roi de Navarre, mais gardé ses mignons toujours à son servie (il inspirera Machiavel dans Le Prince)

 

17 mai 1510 : mort du peintre italien Sandro Boticelli (1445-1510), d’une grande notoriété, célibataire non attiré par les femmes, un procès l’a accusé d’avoir sodomisé un jeune apprenti de son atelier

1511 : le 5ème concile du Latran accuse Jules II (pape de 1503 à 1513)  de « tares honteuses », ces tares « que l’on ne peut nommer pour que l’honneur soit sauf »

 

22 septembre 1520 : mort du sultan Sélim 1er (1466-1520), petit-fils de Mahomet II, il est sultan de 1512 à 1520, la période la plus faste de l’empire ottoman ; il conquiert l’Egypte, la Syrie, la Palestine et la Perse, reçoit l’hommage du shérif de La Mecque et se donne le titre de Calife, protecteur de l’islam ; dans ses poèmes, écris en persan et en turc, il avoue son amour des jolis garçons, bisexuel il engendre un fils unique, le futur Soliman II

 

1er décembre 1521 : à Rome, mort du pape Léon X (Jean de Médicis 1475-1521), dont le pontificat a duré de de 1513 à 1521 ; fait cardinal à l’âge de 13 ans il développe un goût pour les arts et la littérature, et Rome prendra la place de Florence dans ces domaines ; il joue habilement du conflit entre François 1er et Charles Quint en s’alliant avec le premier puis en 1521 avec le second ; il excommunie Luther et condamne le schisme protestant ; il ne fait pas mystère de ses goûts « contre nature », s’entourant de jolis secrétaires et de pages complaisants, Galeotto Malatesta est son amant, ainsi que André Degli Albizzi, issu d’une famille de Florence, et le comte de Rangone, il finance l’éducation de ses favoris

 

Vers 1540 : Nicolas Gombert (env 1595-1556), né en Flandres française, élève de Josquin des Près, compositeur et chef de choeur, auteur de 10 messes, 169 motets et 60 chansons, obèse de « 300 livres de chair flasque », chantre châtré au service de Charles Quint, est condamné pour sodomie, puis galérien sur Viole de Neptune que commande Don Alvaro de Figueroa y Sanz Navalcarnero y Balaguer, il s’échappe en compagnie de Sodimo di Cosimo, peintre et graveur de talent, et du beau turc Gatafaras (qui une fois baptisé s’appelera Gaspard)

 

Juin 1523 : à Constantinople, le 10ème sultan ottoman Soliman le Magnifique renvoie le vieux et expérimenté Piri Pacha pour confier la direction du gouvernement et de l’administration de l’Empire à son favori, le bel Ibrahim, page du palais, il vivait jusque là dans son ombre, il est chrétien, né dans une île au large de Corfou, musicien, compositeur, doué pour les langues, il est fauconnier de Soliman depuis son avènement à la tête du sultanat en 1520 (Soliman a alors 26 ans), il a désormais autorité sur les gouverneurs des territoires européens de l’Empire et Soliman lui offre sa sœur Kadidja pour épouse  ; chef de guerre, Ibrahim rétablit l’ordre dans l’Egypte révoltée en 1524, conduit à 3 reprises les troupes ottomanes en Europe centrale, mais échoue dans une campagne contre le chah de Perse en 1534 ; en butte à de nombreux reproches contre le pouvoir pris par Ibrahim, Soliman ordonne son assassinat qui a lieu le 15 mars 1536

 

21 juin 1527 : mort de l’homme d’Etat florentin et historien Nicolas Machiavel (1469-1527), ses contemporains font état de sa bisexualité

 

1530 : Michel-Ange adolescent déclare sa flamme à Tommaso Cavalieri ; à la fin du siècle, Savonarole tient des discours « homophobes »

 

1532 : dans le Saint-Empire romain germanique, la Constitutio Criminalis Carolina est promulguée par Charles Quint, elle stipule que « quand une personne commet un acte impur avec du bétail, un homme avec un homme, une femme avec une femme, ceux-là ont aussi renoncé à la vie, et l’on doit, selon l’habitude commune, les faire passer de la vie à la mort avec le feu »

 

1536 : mort du moine lettré hollandais Erasme (vers 1469-1536), intime de William Herman, son ami d’école, jusqu’en 1484 ; au collège de Deventer, sous la direction de son maître Alexander Hegius von Heck Erasme s’est pris de passion pour les lettres, devenu orphelin il a été hébergé au monastère de Steyn où il a noué des amitiés particulières, avec Roger Servatius, puis Gérard Corneille,  et d’autres ; en 1592 ordonné prêtre il s’est rendu à Paris, où il a écrit les Conseils pour l’éducation, inspiré des relations entre l’éraste et l’éromène, il est tombé amoureux de son élève Thomas Grey, grand et beau garçon de 21 ans, mais s’est heurté à son tuteur soupçonneux, puis de façon platonique de William Blunt, 4ème lord Montjoy, lequel a organisé le voyage d’Erasme en Angleterre ; il a écrit un Traité du mariage plutôt négatif à l’égard de celui-ci ; en 1515 Erasme voyageait dans toute l’Europe et publiait une  une nouvelle édition du Nouveau Testament, en grec puis en latin, langue des élites européennes ; les rois d’Europe lui ont offert des postes de conseiller auprès d’eux, en 1535 Paul III l’a fait cardinal mais il a refusé

 

1542 : convocation par  Paul III du Concile de Trente qui durera de 1545 à 1563, en réponse aux demandes formulées par Martin Luther dans le cadre de la Réforme protestante ; en application des décisions prises Pie V signera un texte imposant à ses palais et à son clergé un mode de vie ascétique

 

10 septembre 1547 : mort de Pierre-Louis Farnèse (1503-1547), fils légitime du pape Paul III, il possédait une escouade chargée spécialement d’enlever au cours des voyages et des guerres, les plus beaux garçons ; dans les monastères il désignait celui des moines qui devait partager sa couche et il a violé le jeune évêque de Fano, aidé de  de deux membre de son escouade ; sermonné par son père qui déplora sa « légèreté juvénile », il n’a pas moins été nommé souverain héréditaire du duché de Parme et de Plaisance, avant d’être assassiné

 

26 février 1548 : mort de l’homme politique et écrivain Lorenzaccio (Lorenzo de Médicis 1513-1548), efféminé, amant de 1530 à 1537 de son cousin Alexandre de Médicis, premier duc de Florence, il l’attire dans un guet-apens pour le faire assassiner (par jalousie ou pour son comportement de tyran ?) ; il se bat contre Come 1er de Toscane successeur d’Alexandre et meurt assassiné en 1548 ; le personnage de la pièce de Musset sera proche de la réalité historique

 

14 février 1549 : mort du peintre Sodoma (Giovzanni Antonio Brazzi 1477-1549), à Sienne il a une cour de jeunes éphèbes, iul s’est attribué ce surnom ; il achève les fresques de Signorelli qu’il s’efforce d’imiter ; ses principales œuvres sont Les Noces d’Alexandre et de Roxane, L’Adoration des Mages, Saint-François d’Assise et La Vie de Sainte Catherine

10 novembre 1549 : mort du pape Paul III (1468-1549), Alexandre Farnèse est élu pape en 1534, il soutient François 1er contre Charles Quint ; bisexuel, il est le père de Louis Fanèse, il apprécie les garçons ; il a compris et protégé Michel-Ange

23 mars 1555 : à Rome, mort du pape Jules III (Jean-Marie Giocchi 1487-1555), cardinal del Monte, il succède à Paul III, son pontificat est de 1550 à 1555, il rétablit le Concile de Trente, prend les armes contre Octave Farnèse, duc de Parme qui a envahi le duché de Plaisance, Jules III menace Henri II de France qui soutient Farnèse ; Jules III nomme cardinal son mignon, Innocenzo, un garçon de 17 ans, et organise des orgies pédérastiques avec d’autres cardinaux à peine plus âgés, comme le rapporte le cardinal Jean du Bellay, oncle du poète, présent à Rome ; de son côté, l’ambassadeur de Venise dira qu’il a toujours accueilli dans sa chambre son « neveu adoptif » le cardinal Innocenzo Ciocchi del Monte

 

1557 : en Ecosse, Jacques VI, héritier du trône de Marie Stuart, écrit le traité de Daemonologie, il s’implique ainsi personnellement dans plusieurs procès retentissants contre les sorcières qui lui inspirent une passion morbide, suivront 3 siècles d’exécutions des sorcières

2 janvier 1557 : mort du peintre Pontormo (Jacopo Carucci 1494-1557), maître du maniérisme florentin, le portrait de son amant Bronzino, 15 ans, figure dans sa toile Joseph en Egypte ; à la mort de son maître Bronzino achèvera les toiles et fresques commandées par les Médicis

 

18 août 1559 : mort du pape Paul IV (1476-1559), Pietro Carafa élu pape en 1555, il a le goût des jeunes garçons ; il irrite le peuple par sa sévérité qui se traduit par la création de l’Index et le maintien de l’Inquisition, au point que sa statue sera jetée dans le Tibre

 

1560-1630 : l’Europe est secouée par une impitoyable chasse aux sorcières, des dizaines de milliers de femmes périssent après avoir été questionnées de façon très intrusive sur leurs ébats sexuels ; en 1572,  en France, procès de Mme Claude Verny accusée de « sorcellerie »

 

1563 : en Ecosse, le Parlement adopte le Witchcraft Act qui punit de mort la sorcellerie ; en 1563 et 1736 près de 4 000 personnes, à 85% des femmes, seront accusées de sorcellerie, parmi elles 2 500 seront exécutées dans ce pays qui compte moins d’un million d’habitants, 3 fois plus qu’en Angleterre, 4 fois plus que la moyenne européenne

 

18 février 1564 : mort du peintre et sculpteur Michel-Ange (Michelangelo Buonarroti 1475-1564), d’une famille de petite noblesse, son père est magistrat, il perd sa mère en 1481, il a 6 ans, la femme d’un tailleur de pierre l’élève, à 13 ans il poursuit sa passion de la sculpture malgré l’avis de son père, il entre dans l’atelier du peintre Domenico Ghirlandaio, à Florence, chez qui il devient vite supérieur à son maître ; Bertoldo di Giovanni, ancien élève de Donatello, l’accueille dans son atelier ; sa réputation attire Laurent de Médicis, Le Magnifique, qui le traite comme son propre fils, c’est le moment où les pages de la cour sont choisis parmi les plus beaux adolescents des familles nobles ; mais c’est aussi le moment où Savonarole chasse les Médicis de Florence et brûle tout ce qui est « impur », Michel-Ange se réfugie à Bologne, puis en 1496 à Rome où il sculpte pour le pape La Pieta, mais Cupidon et Bacchus attirent les critiques, il revient à Florence où il réalise David, la virilité incarnée, loin du David gracile de Donatello ; en 1594, il a 30 ans, le pape Jules II l’appelle à Rome pour y construire son mausolée surmonté de Moïse, mais il ne sera pas terminé de son vivant, puis le pape lui confie la fresque du chantier de la Chapelle Sixtine, elle comporte  plus de cent personnages et sera achevée en 1512, le Jugement dernier, La Création du Monde, Adam, Le Paradis sont prétextes à la glorification du corps masculin, les beaux garçons se bousculent à la porte de son atelier pour être modèles des Ignudi, ils sont ses aides, ses modèles et ses amants, mais souvent ils se comportent comme des voleurs, comme Febo di Poggio qui monnaye ses charmes ; Gerardio Perini lui confie son fils  du sculpteur ; sa passion est pour Tommaso dei Cavalieri rencontré en 1532 qui restera avec lui jusqu’à sa mort en 1564 ; en 1533 Michel-Ange part pour Florence pour terminer la chapelle Médicis ; en 1623 les poèmes de Michel-Ange à Cavalieri seront publiés, par son petit-neveu, en transformant l’orthographe féminine et orthographe masculine, il faudra attendre 1897 pour que la vérité soit rétablie sur ces manuscrits originaux ; Michel-Ange est discret mais son homosexualité commence à être connue, l’Aretin se scandalise de ses peintures de la Chapelle Sixtine, puis les attaques se font plus venimeuses, Daniel Voltera, disciple de Michel-Ange, sera chargé de mettre des voiles sur les sexes masculins de la Chapelle Sixtine, il y gagnera le surnom d’Il Braghettone ; mais Paul II le protège et le comble de richesses, Léon X et Paul III montreront la même tolérance ; en 1551 Michel-Ange s’attèle à la construction de la basilique de la place Saint-Pierre et du Palais Farnèse, ces travaux l’absorbent 17 ans jusqu’à sa mort ; il craint alors pour son salut éternel, se repentant de son amour pour Cavalieri « La chair est devenue mon Dieu »

 

1565 : mort de l’écrivain florentin Benedetto Varchi (1503-1565), connu pour son Histoire de Florence de 1527 à 1538 et par ses Conférences sur la peinture et la sculpture dans lesquelles il cite les sonnets de Michel-Ange à Cavalieri et prend la défense de l’amour socratique ; pour échapper à la justice suite à des accusations de sodomie, il se fait ordonner prêtre pour avoir la protection de l’Eglise

 

6 septembre 1566 : mort de Soliman 1er le Magnifique (1494-1566), son jeune amant chrétien Ibrahim est né dans un village en face de l’île de Corfou, capturé par des pirates, vendu comme esclave à une veuve qui l’élève comme son propre fils, le jeune garçon sait le grec, d’exceptionnelles qualités intellectuelles il apprend l’italien, le persan et le turc, et a du talent pour la musique, élevé à l’école des pages du Palais  il entre au service du prince Soliman alors gouverneur de Manisa ;  une fois sur le trône Soliman en fait son grand fauconnier, l’Empire ottoman recouvre la Syrie et l’Egypte, le sultan part à la conquête de l’ouest, face à Charles Quint qui est à la tête du Saint empire germanique et veut faire de la Méditerranée un lac espagnol ; le conflit entre Orient et occident débute en 1520, Soliman vole de victoire et victoire, Bagdad en 1521, île de Rhodes en 1552, tandis qu’il envoie Ibrahim reprendre son autorité sur l’Egypte et la Syrie, il le fait Grand Vizir en 1523 ; Ibrahim se fait construire un somptueux palais et se marie avec Hadice Hanim sœur du sultan ; en 1526 Soliman se lance à la conquête de la Hongrie et se porte sur Vienne ; le monde chrétien , catholiques et protestants voilent au secours de Ferdinand d’Autriche, Soliman se résout à une trêve et donne l’ordre de la retraite, le sultan rentre à Istanbul ; le sultan épouse l’une des femmes de son harem, la Russse Roxelane,  qui devient sultane sous le nom d’Hürem et fait tout pour évincer Ibrahim, conteste ses décisions politiques, elle veut partir en guerre contre Venise tandis que la mère de Soliman soutient Ibrahim, mais meurt, probablement empoisonnée par Roxelane ; en 1536 Ibrahim – qui témoigne d’un certain mépris pour l’islam – signe au nom de Soliman un traité d’alliance avec François 1er contre Charles Quint, à la stupéfaction du reste de l’Occident, et meurt peu après, assassiné, sans doute avec l’accord de Soliman ; le sultan a pris d’autres amants parmi les pages, comme le jeune Croate Rustan, mais n’a plus confié le moindre pouvoir à ses favoris

 

1567 : en Grande-Bretagne, Jacques VI, fils de Marie Stuart, est proclamé roi d’Ecosse, à l’âge d’un an, George Buchanan qui avait été professeur de latin de Montaigne, va lui donner une excellente éducation, lors de son adolescence il manifestera une tendre amitié envers Patrick Gray et Alexandre Lindsay, puis tombe amoureux de son cousin Esmé Stuart d’Aubigny qui arrive de France, celui-ci l’initie aux plaisirs pratiqués à la cour de Henri III, favori de Jacques VI il deviendra duc de Lennox

 

1569 : en Espagne, un arrêt royal de Philippe, fils de Charles Quint, définit que la sodomie est un « crime abominable »

 

13 février 1571 : mort du sculpteur et graveur Benvenuto Cellini (1500-1571), accusé d’avoir sodomisé un jeune ouvrier florentin, jeunesse turbulente ; défenseur du pape lors du sac de Rome en 1527, nommé maître des Monnaies par Clément VII, amoureux de ses modèles, apprentis et domestiques, protégé par Paul III, par François 1er, puis par Cosme 1er de Médicis auprès de qui il réalise Persée et la tête de la Méduse ; dans Vita il raconte sa vie homosexuelle ; en 1555 il est jugé pour sodomie, 4 ans de prison et amende de 50 ducas d’or, libéré en 1559 ii est désabusé en voyant que son rival Bandinelli a pris sa place

 

Juillet 1573 : mort du poète Etienne Jodelle (1532-1573), il compose à l’âge de 17 ans des Sonnets et des Odes, en 1552 devant le roi Henri II il interprète avec des amis sa comédie Eugène qui raille le haut clergé et introduit pour la première fois l’alexandrin dans Cléopâtre captive, pièce à l’origine du théâtre classique ;  à la cour il est le rival de Théodore de Bèze et de Ronsard ; sa tragédie Didon se sacrifiant et sa comédie La Rencontre seront publiés après sa mort par son ami Charles de la Mothe ; ses contemporains fustigent « sa vie de débauche et ses orgies renouvelées des Grecs »

 

1575-1589 : en France, règne de Henri III ; il sera assassiné le 2 août 1589 par le dominicain Jacques Clément ; dernier des Valois, 3ème fils de Catherine de Médicis, il a été fait roi à la mort de son frère Charles IX en 1574, intelligent et distingué, vainqueur de Jarnac et de Moncontour alors qu’il n’était encore que duc d’Anjou ; il a ses mignons dont certains termineront tragiquement : Entraguet, Saint-Mégrin (mis à mort par les Guise en 1578),  Livarot, Saint-Sulpice (poignardé en 1576), Maugiron, Caylus, Schomberg et Ribérac (tous les quatre morts en duel en 1578), Souvré, Gramont, Saint-Luc, d’O et Dinteville, il a ses archi-mignons (Joyeuse et Epernon)  ; en 1578 Pierre de l’Estoile recueille les pamphlets dénonçant les vices attribués aux mignons ; devenu Henri III, Henri est marié à Louise de Vaudémont, princesse de Lorraine, mais leur couple est stérile, il aime les colifichets, crée le beaux collier de l’ordre du Saint-Esprit, il est qualifié d’incapable, calamiteux, joueur de bilboquet, collectionneur de petits chiens, doté de pendants d’oreilles, amateur de boutiques parisiennes et de bains au savon, pieux et pénitent, épris de la princesse Marie de Clèves, femme du prince de Condé, protestants et ultra-catholiques de la Ligue ont renchéri dans la calomnie, il a fait tuer le duc de Guise, le Balafré, champion du parti catholique, et s’est allié à son cousin huguenot Henri de Navarre pour faire tomber les armes ; Ronsard ne prend pas de gants pour dénoncer ses mœurs (« Le roi, comme l’on dit, accole, baise et lèche / De ses poupins mignons le teint frais nuit et jour. / Eux, pour avoir argent, lui prêtent tour à tour / Leurs fessiers rebondis et endurent la brèche. ») et l’ambassadeur de Savoie René de Lucinge affirme que le cabinet du roi est « un vrai sérail de toute lubricité et paillardise, une école de Sodomie »

 

1580-1640 : la chasse aux sorcières atteint son sommet en Occident avec 110 000 procès qui ont entrainé la mort de 60 000 à 100 000 individus, dont environ 80% de femmes, avec de grosses disparités (sexe, âge, milieu social, milieu citadin ou rural)  selon les lieux et les époques, principalement des femmes vieilles, pauvres et rurales

1580 : Michel de Montaigne (1533-1592) publie son journal Voyage en Italie, il parle d’un mariage entre deux hommes à Rome, des ambassadeurs présents à Rome, comme celui de Venise, parlent aussi de ces mariages, des fragments d’actes de procès et des testaments recoupent ces informations (retrouvés par l’historien américain Gary Ferguson), huit personnes ont été exécutées en même temps et transportées jusqu’à l’église de la Porte Latine où le « crime » a été commis, ce sont des étrangers qui sont « impliqués » (Espagnols, Portugais, Albanais qui vivent à Rome) ils avaient préparé une célébration communautaire ; au cours du siècle, l’Eglise modifie les règles afin d’empêcher de tels mariages, contraints à la clandestinité ; Montaigne parle aussi d’un couple de femmes mariées dans l’Est de la France, vivant ouvertement, celle qui a adopté la position sociale de l’homme est jugée et condamnée parce qu’elle n’a pas voulu renoncer à son couple, à son travail et à son statut de chef de famille ; les historiens trouveront des cas similaires à Blois et dans d’autres pays (Allemagne, Pays-Bas)

1581 : parution de La Démonomanie des sorciers du théoricien politique Jean Bodin (1530-1596) selon laquelle le complot est devenu diabolique, visant à détruire, à subvertir le pouvoir, à remplacer l’Eglise par le culte de Satan ; les sorciers sont infiltrés partout, dans la magistrature, la Cour, l’Eglise, il suggère même que le roi de France, l’empereur d’Allemagne, et certains papes sont membres du complot « ils sont aussi nombreux que l’armée du grand Xerxès » (soit un nombre incalculable), un Français sur 10 serait sorcier ; cette vision complotiste qui – si elle était suivi par le roi, les parlements et les cours de justice, pourrait engendrer une extermination de masse – nourrira une partie des procédures anti-sorcellerie, et perdurera au XVIIème siècle, les nouvelles cibles seront alors les jésuites, les francs-maçons, etc.

8 mars 1581 : mariage de Vincent Gonzague, fils du duc de Mantoue et de Monferrat, et de Marguerite Farnèse, petite-fille du duc de Parme et de Plaisance ; l’histoire sera comptée par Roger Peyrefitte dans La Nature du Prince, l’échec de ce mariage donne lieu à de nombreuses supputations sur la puissance ou l’impuissance du prince, le pape Grégoire XIII intervient pour autoriser l’annulation du mariage, arbitrer l’éventuelle impuissance du prince et, sa puissance constatée, permettre enfin son re-mariage avec la florentine Eléonore de Médicis le 14 avril 1584 avec laquelle il aura 8 enfants ;  le collège des cardinaux est consulté, de nombreux évêques proches des différentes familles sont impliqués, les arguments théologiques les plus élaborés sont avancés

Août 1582 : en Grande-Bretagne, les comtes protestants parviennent à enlever Jacques VI et à l’emprisonner, lui reprochant son gouvernement « par la luxure », celui-ci craignant pour la vie de Lennox, accepte qu’il soit exilé en France, il y mourra l’année suivante après avoir ordonné que son cœur embaumé soit envoyé au roi d’Ecosse qui a alors 16 ans ; louvoyant entre catholiques et protestants, Jacques VI laissera la reine Elisabeth d’Angleterre emprisonner et décapiter sa mère Marie Stuart, il se mariera en 1590 avec Anne de Danemark, il aura 3 enfants dont Elisabeth (qui fondera la maison de Hanovre) et Charles 1er

15 octobre 1582 : mort de Sainte-Thérèse d’Avila (1515-1582, Thérèse de Cepeda y Ahumada), empreinte, dans certains de ses écrits, d’un mysticisme affolant, elle en vient à vivre une parade amoureuse éloquente de réalisme qui a toujours posé pleins de questions : « Je voyais près de moi un ange dans sa forme corporelle. Il était petit, très beau, le visage empourpré. Je voyais dans ses mains un long dard en or et je cru voir une flamme à l’extrémité du fer. Il semblait l’enfoncer à plusieurs reprises dans mon cœur, jusqu’aux entrailles qu’il m’arrachait, me laissant toute embrasée d’un grand amour de Dieu. La douleur était si vive que je gémissais, et si excessive la suavité de cette douleur qu’on ne peut désirer qu’elle cesse et que l’âme ne se contente plus qu’en Dieu. ça n’est pas une douleur corporelle, mais spirituelle. Pourtant le corps ne manque pas d’y participer. C’est entre l’âme et Dieu un duo de galanteries, si suave que je supplie Dieu d’en donner un avant-goût à ceux qui penseraient que je mens » ; elle vit au temps de l’Inquisition, les bûchers sont avides de brûler les possédés du démon, son rôle de supérieure de couvent la préserve, elle a consacré les quinze dernières années de sa vie à ouvrir des couvents du Carmel réformé à travers la Castille et l’Andalousie

28 mars 1584 : en Russie, mort du « tsar de toutes les Russies » Yvan le Terrible (1530-1584), marié à 16 ans avec Anastasia qui meurt en 1560 ; il institue un régime de terreur, avec une garde de cent jeunes gens qui sont ses amants, son favori est le beau Fédor

1585 : le pape Grégoire XIII publie une bulle dans laquelle les « captifs de l’Ethiopie, de l’Angola et du Brésil » peuvent se marier chrétiennement avec le conjoint de leur choix sans tenir compte de leurs anciens conjoints du temps de l’infidélité (du temps où il n’étaient pas croyant), en imposant le droit sur le mariage – et pas seulement le baptême, afin de le pas laisser les adultes en état de péché mortel lorsqu’ils enfantent – l’Eglise reconnaît la première société esclavagiste de l’histoire moderne, née en Angola et au Brésil, contraint les maîtres à laisser ensemble les couples d’esclaves chrétiens et permet aussi l’émancipation des esclaves (lorsqu’un esclave épouse une femme libre en particulier, ce que l’Eglise brésilienne s’efforce de contrecarrer en faisant signer au conjoint libre un engagement à suivre son conjoint esclave en cas de vente ou de déplacement)

4 juin 1585 : mort du Pr Marc-Antoine Muret (1526-1585), il enseigne à Montaigne au collège de Guyenne, et sa réputation attire Henri II et Catherine de Médicis à ses conférences à Paris, il publie un recueil en vers Juvenilia, accusé de sodomie il est emprisonné au Chatelet, mais sauvé par l’intervention de ses relations ; disgrâcié il se rend à Toulouse où il vit pauvrement en donnant des leçons, il est condamné à mort pour avoir eu des rapports sexuels avec le jeune Memmius Frémiot et s’enfuit en Italie ; grâce à sa réputation de latiniste et d’helleniste il est recueilli par le duc de Ferrare qui met sa bibliothèque à sa disposition, à Rome il donne des cours d’histoire, de philosophie et de droit, il est protégé par le pape Grégoire XIII qui le fait entrer dans les ordres en 1576

18 janvier 1586 : mort de Marguerite de Parme ou d’Autriche (1522-1586), file naturelle de Charles Quint et d’une servante, reconnue par son père et éduquée comme un enfant noble, mariée par son père à Alexandre de Médicis ; Alexandre est en 1537 assassiné par son cousin Lorenzo Lorenzaccio, on la marie alors à Ottavio Farnese, 14 ans, neveu du pape Alexandre Farnese, Paul III, mais Marguerite refuse son devoir conjugal avec l’un comme avec l’autre ; elle est amoureuse de Laudomia Forteguerri ; en 1543 cédant aux instances de la cour, elle fait l’effort de se rapprocher de son mari, ce qui donne naissance à des jumeaux, l’un meurt prématurément en 1549 ; estimant qu’un héritier est suffisant, elle va vivre dans son domaine des Abruzze, avant de mourir Charles Quint la recommande à Philippe II qui la nommera gouvernante des Pays-Bas en 1559 ; elle exerce ses responsabilités politiques jusqu’en 1582, puis se retire avec des amies de cœur à Ortona, dans son domaine des Abruzze, pour exploiter ses vignobles, dont le produit sera apprécié sur les tables des cours d’Europe

1587 : mort de Tommaso Dei Cavalieri (1509-1587), secrétaire et conseiller de Michel-Ange qu’il a rencontré lorsque celui-ci avait 57 ans, il l’a accompagné sur son lit de mort en lui tenant la main

2 août 1589 : assassinat d’Henri III (1551-1589), fils d’Henri II et de Catherine de Médicis, il est monté sur le trône à 23 ans, au décès de son frère Charles IX, amoureux des arts, intelligent, cultivé et bisexuel, il a épousé Louise de Lorraine-Vaudémont ; Louis conserve de l’amitié pour Louise mais a de nombreuses maitresses et des Mignons avec lesquels il préfère jouer un rôle actif, selon Ronsard ; après le massacre de la Saint-Barthélemy, qu’il a désavoué, il rend aux protestants leurs anciennes places fortes pour obtenir la paix civile, ameutant contre lui les catholiques ; profondément croyant le roi avait crée l’Ordre du Saint-Esprit de sorte que ses Mignons lui étaient dévoués corps et âme ; il n’a pas d’enfant, de ce fait le trône doit revenir à son cousin Henri de Navarre, prince protestant, provoquant la fronde de la Ligue, dirigé par Henri le Balafré, duc de Guise, celui-ci se rend maître de Paris lors de la journée des Barricades en 1588, le nommant lieutenant-général du royaume le roi le fait exécuter par ses Mignons ; les amants du roi, élégants, beaux, raffinés, maquillés,  sourcils et moustaches épilés, frisés, poudrés et parfumés, lancent leur mode à travers les cours d’Europe, ils savent mourir et se battent en duel, Maugiron devenu l’amant de Mme de Guise provoqua l’affrontement de rivaux jaloux et la mort des Mignons les plus aimés du roi, Caylus, Schomberg, Ribérac et Maugiron lui-même ; Pierre de l’Estoile et Agrippa d’Aubigné racontent la douleur du roi et dénoncent ses frasques ; après l’assassinat du duc de Guise le roi fuyant Paris est obligé de se réconcilier avec son cousin Henri de Navarre pour faire le siège de la capitale ; à 37 ans Henri III est assassiné par un moine envoyé par les ligueurs pour venger le duc de Guise

 

1592 : naissance de Catalina de Erauso (1592-1650), basque, fille et sœur de soldats, destinée à devenir nonne, elle choisit de vivre en homme, devient très aventureuse, soldat, duelliste acharné dans toute l’Amérique du sud, en Espagne et en Italie

13 septembre 1592 : mort de Michel Eyquem de Montaigne (1533-1592), né au château de Montaigne en Dordogne, il fait des études de droit à Bordeaux, est nommé conseiller à la Cour des Aides de Périgueux à 21 ans, il succède à son père dans la charge de magistrat au Parlement de Bordeaux en 1558, à 25 ans il rencontre Etienne de La Boétie, 28 ans ; dans son Essai sur l’Amitié et son Essai des Trois commerces, il parle de La Boétie en véritable amoureux, jouisseur, il aime partager son plaisir, réaliste et licencieux sans fausse pudeur, le masque tombe lorsqu’il compare son amitié avec La Boétie avec celle qu’il partage avec des femmes « Le feuy qui me porte vers vous est plus actif, plus cuisant et plus âpre » à la mort d’Etienne le 18 août 1563 il se retrouve veuf et porte le deuil

1593-1598 :  en Grande-Bretagne, William Shakespeare a environ 30 ans, il compose 154 sonnets, dont environ 25 sont adressés à une jeune femme, les autres sont manifestement homosexuels, comme de nombreux vers en témoignent : « Mon bon ange est un homme vraiment beau »,  » Je n’ose pas non plus demander, dans ma pensées jalouse, / Où vous vous trouvez, ce que vous êtes en train de faire », « Car ai-je d’autres droits sur toi que ceux que tu m’accordes ? », « Béatitude, avant ; après, une vraie douleur ; / D’abord, une joie offerte ; ensuite, un rêve. », « Si nombreux sont les milles qui t’éloignent de ton ami ! », « N’est-ce pas me flatter que faire ton éloge ? », « Mon ami et moi nous n’en faisons qu’un » ; un sonnet exalte l’androgynie de l’aimé, l’auteur envie aux femmes la volupté physique que leur procure son « ami », il puise son réconfort dans une amitié, malgré son pessimisme et sa misanthropie, malgré la répugnance et la lassitude que lui inspire le monde, il se refuse à en finir avec la vie, car ce serait quitter celui qu’il aime ; dans Henri IV, le dramaturge laisse apparaître son goût des hommes : « Tous aussi pleins de sève que le mois de mai / Et aussi splendides que le soleil de la Saint-Jean, / Tous folâtres comme de jeunes boucs, impétueux comme ds jeunes taureaux », dans la Nuit des Rois, le capitaine du navire s’adresse au jeune et beau Sébastien échappé par miracle à un naufrage : « Je t’adore tellement que le danger me semblera un jeu… Je n’ai pu rester derrière vous ; mon désir plus aigu que l’acier effilé m’a éperonné vers vous ; si je suis ici, ce n’est pas seulement par envie amoureuse de vous voir… Mais par jalousie de ce qui pourrait vous arriver au cours de votre voyage », dans Hamlet le jeune prince de Danemark porte une affection profonde à son camarade d’études et unique confident Horatio, dans Le Roi Jean, il est dit de la fiancée du jeune Dauphin de France « Ce qui lui manque, c’est de n’être pas lui », et dans la Tempête Shakespeare s’efforce de réconcilier les sexes en une entité supérieure, celle de l’homme total

30 mai 1593 : mort du dramaturge Christopher Marlowe (1564-1593), pour lui « ceux qui n’aiment pas le tabac et les garçons sont des imbéciles », il est inculpé de sodomie mais il se débrouille pour etouffer le procès ; dans Massacre à Paris il met en scène Henri III et ses mignons, dans Edouard II il évoque les amours du roi et de Gaveston, dans Didon reine de Garthage il met en scène la passion de Jupiter pour Ganymède, son poème inachevé Héra et Léandre dans lequel Neptune séduit Léandre sera complété par son ami Chapman (1559-1634) ; Marlowe meurt assassiné par un tueur à gages, on lui connait alors deux amants, le poète Thomas Watson, et Thomas Kyd qui est immédiatement arrêté et condamné – par euphémisme – pour « athéisme »

26 mai 1595 : mort de saint Philippe Néri (1515-1595), après ses études à Florence, il se consacre au service des malades et des pélerins à Rome ; ordonné prêtre en 1551 il fonde la congrégation de l’Oratoire qui se charge de l’éducation des enfants ; son homosexualité n’a pas empêché sa canonisation

9 septembre 1598 : mort de Francesco Cenci (1549-1598), patricien romain qui possédait un harem de garçons, plusieurs fois emprisonné pour sodomie, il a été assassiné par ses enfants Giacomo, Béatrice et Lucrèce ; le poète Shelley composera sur lui une tragédie, Stendhal une nouvelle et Antonin Artaud une pièce de théâtre (Les Cenci)

 

XVIIème-XVIIIème siècle : en Grande Bretagne, à Londres en particulier apparition des molly houses, lieux de rencontre où les hommes sont fréquemment travestis et adoptent des manières efféminées, et à Paris le quartier des Tuileries joue un rôle de rencontre pour les folles

XVIIème-XVIIIème siècle : à l’égard du « petit » peuple, pouvoir politique et religieux s’allient contre le libertinage et la débauche condamnant l’infanticide, l’avortement et l’abandon d’enfants, mais les « acteur-e-s » de ces transgressions sont souvent dans un cercle vicieux de récidives, d’attitudes « criminogènes », de déchéances, de prostitution, les plongeant dans une sorte de double peine qui m ènent femmes et enfants à la misère et à la mort

XVIIème siècle : en Italie, à Venise sur 187 affaires de pédérastie déférés devant les tribunaux, 18% impliquent des ecclésiastiques (qui pourtant ne représentent que 3% de la population masculine)

XVIIème siècle : en Italie, dans un couvent de Pescia, en Toscane, une religieuse, Benedetta Carlini, confiée à la mère supérieure à l’âge de 9 ans, est connue pour ses visions extraterrestres et son débondage sexuel ; son histoire fera l’objet d’un livre  en 1987 de l’historienne américaine, spécialiste de la Renaissance italienne et de l’histoire de la sexualité, Judith C. Brown, Santa Benedetta, entre sainte et lesbienne, et d’un film du néerlandais Paul Verhoeven, Benedetta, en 2021

XVIIème siècle : le grammairien Claude Favre de Vaugelas (1585-1650), adepte du langage de la noblesse de cour, contribue activement à fixer le genre des mots qui pouvait être flottant dans les autres classes sociales ou dans les parlers régionaux, après des générations de mobilité entre les genres masculin et féminin issus en particulier du genre neutre des mots latins

XVIIème siècle : aux USA, les leaders puritains veulent construire une cité idéale, ils font preuve d’une grande intolérance envers les autres chrétiens même protestants, pasteurs et magistrats condamnent les déviances de nature sexuelle, adultère, bigamie, homosexualité, masturbation, viol, inceste, sodomie, bestialité, exhibitionnisme et naissances illégitimes, avec pour condamnation amendes, pilori, emprisonnement

XVIIème siècle : aux USA, les Quakers, ou Amis, groupe dissident de l’église Anglicane, auront des opinions très variables sur la question de l’homosexualité, ils ont en revanche une opinion très précise sur la question de la circoncision, ils la recommandent car la perte de sensibilité du pénis aide à lutter contre la masturbation

Début du XVIIème siècle : un chapelain est brûlé vif pour avoir « sodomisé une quantité innombrable des jeunes garçons, en quarante-huit ans de sévices »

 

1600 : en Italie, le Caravage s’illustre dans la brève période, 1595-1606, à Rome comme artiste aimé des pontifes Grégoire XIII et Clément VII, son œuvre est d’une grande charge érotique, apologie de la beauté, déclaration d’amour, figurant de jeunes musiciens et des mauvais garçons rencontrés pour avoir fait de la prison pour bagarres et injures

1601 : mort du pamphlétaire et poète britannique Thomas Nash (1567-1601), auteur de Volonté dernière, Un testament d’été et L’Île des chiens, il fait la satire de la société élisabethaine

1603 : en Grande-Bretagne, Jacques VI d’Ecosse recueille l’héritage d’Elisabeth 1ère, lesbienne sans enfant, et devient roi d’Angleterre sous le nom de Jacques 1er, « Nous avions le roi Elisabeth, maintenant nous avons la reine Jacques » se plaisent à dire certains londoniens, le roi s’affiche avec des éphèbes qui jouent des travestis dans les pièces de Shakespeare et de Marlowe, et cherche un compagnon en titre : John Ramsay, James Hay (promu vicomte de Doncaster puis comte de Carlisle), George Herbert (promu comte de Montgomery), Robert Carr (fait gentleman de la Chambre et conseiller privé, puis comte de Sommerset en 1613, mais sa bisexualité le perdra, il sera enfermé avec son épouse dans la Tour de Londres et y mourra en 1622) ; l’archevêque de Cantorbery pousse George Villiers vers le roi qu’il rencontrera en 1615, il a 22 ans, le roi âgé de 48 ans tombe amoureux de lui, il sera fait vicomte en 1616 et duc de Buckingham en 1623, le duc place les siens (sa mère deviendra duchesse en 1623) et garde toute l’attention nécessaire pour le fils du roi, héritier du trône, Charles 1er

 

1608 : Saint-François de Salles (1567-1622) dans l’Introduction  la vie dévote, trouve chez Pline l’Ancien l’image des amours des éléphants qui ne s’unissent qu’un fois tous les deux ans, il considère que c’est un modèle du couple chrétien

 

1609-1663 : des procès retentissants concernant des affaires de possession défrayent la chronique, Aix-en-Provence 1609-1611, Loudun 1632-1634, Louviers 1643-1647, Auxonne 1658-1663, elle sont au coeur des villes, dans des couvents féminins où se nouent normes religieuses plus strictes, intrigues politiques locales et troubles psychologiques, chaque fois ce sont des hommes qui finissent au bûcher, comme Urbain Grandier à Loudun ; les réctions sont différenbtes à travers la France, à Paris on interdit l’épreuve de l’eau dès 1601, mais les parlements de Rouen , Aix et Grenoble sont plus traditionnalistes ; la poussée du rationnalisme chez les intellectuels contribue à faire disparaître le mythe des sorcières ; de la même manière le Portugal, la Pologne et les futurs Etats d’Amérique se démarquent-ils des pays d’Europe occidentale ; on parlera davantage de faux-sorciers (hommes ou femmes) et de blasphémateurs s’ils invoquent Satan (avec sortilèges, escroquerie, mauvais soins, poudre ensoceleuse, etc.) ce qui envoie directement à la Bastille, car la police survelle cela de près

 

14 mai 1610 : Henri IV, roi aux nombreuses maîtresses, meurt assassiné ; Louis XIII n’a que 9 ans, il trouve en Charles d’Albert, son fauconnier qui deviendra duc de Luynes, 32 ans, le père qui lui manquait, l’affection entre les deux se transforme en amour, son médecin personnel Héroard note, en décembre 1911, que le jeune roi a l’habitude d’aller dans le lit de M. de Luynes « où ils s’amusaient, sans dormir jusqu’à 4h du matin » ; le roi tardant à consommer son mariage avec l’infante Anne d’Autriche, Luynes poursuit son éducation sexuelle, sans succès ; un page François de Barrabas fait partie des intimes du roi, celui-ci le fait 1er écuyer et 1er gentilhomme de la chambre en 1625, puis Claude de Rouvroy, comte de Saint-Simon (père du mémorialiste), devient l’ami du roi, il le fait, à son tour, 1er écuyer et duc en 1635, puis le jeune Henri de Ruzé d’Effiat, marquis de Cinq-Mars, entre dans l’entourage royal avec l’assentiment de Richelieu et devient grand écuyer mais il est exécuté en 1642 pour avoir comploté contre Richelieu ; l’historien Robert Merle qui aime l’histoire romancée fera dire à la duchesse de Guise, dans La volte des vertugadins, à propos du prince de Condé, demi frère du roi: « on brûle les roturiers et quelques petits nobliaux de province assez sots pour se faire prendre ! Mais on ne touche pas aux grandes familles de la cour. Il y aurait trop de bûchers pour trop de gens !… On les tolère donc, mais le roi les a en horreur, pour la raison que j’ai dite. Et aussi parce que pour le roi, un gentilhomme doit d’abord penser à son sang et à la perpétuer. Et comment le peut-il s’il déteste les femmes ? Dois-je vous le rappeler que la race dss Valois s’est éteinte du fait de la bougrerie d’Henri III ? … Voici ce que le roi lui dit : Condé, vous allez épouser Charlotte, et comme vous n’aimez pas les femmes, vous ne la toucherez pas… c’est moi qui aurait Charlotte quand le mariage l’auura émanipée, et vous serz mon paravant. »

18 juillet 1610 : en Italie, mort de Michelangelo Merisi, Caravage (1571-1610) à la suite d’une rixe, jaloux que son rival Giovanni Baglione ait remporté une commande prestigieuse, il écumait les tavernes avec sa bande d’amis peintres, dont son ami le plus proche Mario Minnitti (qu’il a retrouvé à Syracuse et a aidé à obtenir des commandes) ; il a débarqué à Milan à l’âge de 21 ans en 1591, puis à Rome sous la protection des cardinaux Federico Borromeo et du notairement homosexuel Francesco Maria del Monte chez qui il logeait à partir de 1595 et pour lequel il a peint de nombreuses toiles ;  passant sans le sou d’atelier en atelier, on lui prêtera des amours homosexuels (avec le Joueur de Luth ou le Garçon mordu par un lézard), condamné à mort après avoir blessé mortellement le proxénète Ranuccio Tomassoni il a du quitter Rome en 1606, poursuivant 4 ans de cavale ; en 1608 il a été emprisonné dans une forteresse à Malte, évadé il a séjourné – et vécu plusieurs rixes – à Palerme, à Naples, à Rome où il a retrouvé son amant préféré Mario Minniti et où il est mort à l’hôpital, victime du paludisme et de ses blessures

 

7 avril 1611 : mort de l’écrivain et homme d’état espagnol Antonio Perez (1540-1611), pendant 11 ans secrétaire du roi Philippe II, il est dénoncé comme hérétique et condamné à mort pour « sodomie » par l’Inquisition ; il échappe à la prison et se réfugie en Aragon où le peuple se soulève pour le défendre, il réussit à s’enfuir en Navarre où il est accueilli par le roi Henri IV ; ses écrits auront une grande influence sur la pensée anticléricale

 

20 janvier 1612 : mort de Rodolphe II de Habsbourg (1552-1612), roi de Hongrie en 1572, roi de Bohème, 1575, empereur d’Allemagne en 1576, il protège les artistes et embellit Prague, il refuse de se marier et ne cache pas ses amours pour ses domestiques ; en 1606 il entre dans la démence, et son frèrel’archiduc Mathias s’empare du pouvoir ; dans un contexte de fortes oppositions entre catholiques et prorestants, avec sa bigoterie et son désir fanatique d’écraser la Réforme, Rodolphe a préparé le terrain pour la guerre de Trente ans

 

1614 : en Hongrie, mort de la comtesse Elisabeth Bathory (1560-1614), nièce du prince de Transylvanie, Etienne Bathory, devenu roi de Pologne, épouse du commandant des troupes hongroises, Ferenc Nadasdy, propriétaire du grand domaine de Cachtice dans les Carpathes ; la légende dit qu’elle fut cruelle à l’égard des jeunes filles, domestiques et paysannes enlevées et que ors de son procès plusieurs centaines de victimes saphiques ont été citées (le personnage inspirera satanistes, romanciers, peintres et cinéastes)

1616 : Agrippa d’Aubigné, dans les Tragiques compare Paris aux « Sodome et Gomorrhe bruslantes »

22 avril 1616 : mort de Miguel de Cervantès (1547-1616), son professeur Juan Lopez de Hoyos éprouvait une véritable passion pour son disciple bien-aimé, ils ont eu une liaison jusqu’à la mort du maître en 1583 ; Cervantès a acquis la notoriété avec son poème épithalame lors de la mort de la reine Elisabeth de Valois, fille d’Henri II de France, épouse de Philippe d’Espagne, fils de Charles Quint, en 1558, mais condamné pour sodomie il est banni, et 5 ans plus tard il est devenu camérier du cardinal Acquaviva, légat du pape, dont il partage le lit, à 22 ans, puis engagé dans l’armée en Italie il a participé aux combats contre les Ottomans, enrôlé dans la Sainte Ligne il a connu la bataille de Lépante où il a perdu la main gauche ; il a écrit Don Quichotte (qui sera édité en 1605 et la seconde partie en 1616), s’embarquait pour l’Espagne il a été capturé par les Barbaresques, devenu l’esclave du bey, bisexuel et propriétaire d’un harem des deux sexes, il s’est lié avec des musulmans homosexuels notoires, a tenté de s’échapper mais été repris à chaque fois, Hassan pacha demandait une rançon exorbitante (de 500 écus d’or), la somme exigée a été rassemblée (par les pères trinitaires et sa famille) en 1580 ; à son retour en Espagne, pour faire taire les rumeurs d' »obscénité » il s’est marié avec Catalina des Palacios y Vozmediano, qu’il a abandonné rapidement pour retrouver ses amis écrivains célèbres (Gongora, Calderon et Tirso de Molina), Lope de Vega lui restant hostile ; en 1589 il a été accusé à Séville de « crimes abominables », emprisonné durant l’automne 1597, puis de 1602 à 1603 ; l’année de sa mort paraît la 2ème partie de Don Quichotte et les Nouvelles exemplaires

23 avril 1616 : mort du dramaturge britannique William Shakespeare (1564-1616), 3ème fils d’une famille de 8 enfants, son père est propriétaire terrien et commercçant aisé, maire de la ville de Stratford-sur-Avon, sa mère est issue de la petite noblesse, d’excellente éducation il est adsmis à fréquenter l’université ; ses études à Oxford sont interrompues par la ruine de son père ; à 18 ans il est contraint d’épouser Anne Hathaway de 8 ans son aînée, enceinte de 3 mois, en 1585 naissent des jumeaux, Mamnet et Judith, alors qu’il a déjà quitté le foyer conjugal, ce qui a fait scandale ; en 1592 à Londres, il est auteur dramatique mais une loi de 1572 édicte que tout acteur  qui n’appartient pas à un noble du royaume est considéré comme un vagabond et emprisonné, il doit se mettre sous la protection d’un grand seigneur, sans doute celle de lord Strange, où d’abord figurant il découvre sa vocation d’auteur dramatique ; avec les comédiens il donne de nombreuses pièces de théâtre (de George Peele, Thomas Kyd et Christopher Marlowe), Sheakespeare plagiera Marlowe dans Titus Andronicus et Richard II, la mort de Marlowe fait de lui le principal dramaturge de Londres, il devient secrétaire de Henry de Wriothesly, comte de Southampton  ; l’éminent linguiste italien Giovanni Florio lui apprend l’italien dans sa bibliothèque il puise l’inspiration de le Marchand de Venise, Volpone, Roméo et Juliette, Trois gentils hommes de Vérone ; une épidémie de peste ferme les théâtres, il se tourne vers la poésie et dédicace à Southampton Vénus et Adonis poème qui raconte la passion que suscite le jeune homme et Le Viol de Lucrèce, puis il écrit les Sonnets dédicacés à H.W. (Southampton) son protecteur ; les Sonnets sont publiés la première fois en 1609, depuis 6 ans Jacques 1°, dont l’homosexualité est notoire, est monté sur le trône et Henry de Wriothesly est l’un de ses favoris ; en 1640 John Benson, censeur puritain, les édite en remplaçant les pronoms masculins par une orthographe féminine, il faudra attendre 1780 pour que l’orthographe originale soit rétablie, elle provoquera un scandale (Samuel Coleridge soutiendra que l’amour du poète est pur) ; il faudra attendre la traduction de François-Victor Hugo, fils de Victor Hugo, en 1857, pour avoir une traduction complète de ses Sonnets, 154 pièces qui font le chronique d’un trouble, d’une passion amoureuse, et d’un partage impossible entre une femme (le mauvais ange) et un homme (le bon ange), la lutte entre la puissance charnelle et l’innocence se retrouve dans ses œuvres Vénus et Adonis et Le Viol de Lucrèce, en 1593 et 1594

1617 : Louis XIII, à 16 ans, charge Luynes, devenu duc, d’organiser l’assassinat de Concini, le tout puissant favori de la reine mère, Marie de Médicis, Luynes meurt en 1621, créant un grand vide dans le cœur du roi ; le cardinal de Richelieu pousse de beaux jeunes gens dans les bras du roi (d’Esplan, François de Bradat), le roi les apprécie mais se plaint de leur hétérosexualité, puis le marquis de Saint-Mars que « le roi aimait éperdument » selon Tallemant des Réaux, et qu’il fait grand écuyer de France

9 février 1619 : mort du philosophe napolitain Lucilio Vanini (1585-1619), prêtre il fréquente le club des libertins, champion de l’anticonformisme, il tente de lutter contre les préjugés et les tabous, il attire les foudres du pouvoir et s’enfuit à Londres, où il est emprisonné puis gracié, il se fixe à Gênes où il ouvtre une école ; la population se soulève contre son impiété notoire, il fuit en France dans un monastère de Gascogne, d’où il est chassé pour ses « mauvaises mœurs » ; à Paris il s’introduit auprès du nonce apotolique qui le protège, ce qui lui permet de séduire de nombreux jeunes gens, il devient l’aumonier de François de Bassompierre à qui il dédie ses Dialogue de la nature, mais les jésuites ont raison de la protection du nonce, le père Garasse dénonce Vanini « empunaisé du vilain péché de Sodome » ; Vanini est surpris par deux fois d’être en compagnie d’écoliers, il est arrêté pour « impiété » en novembre 1618, il se défend avec éloquence, il est condamné à avoir la langue coupzée, à être pendu puis brûlé, la sentence est exécutée sur la place Saint-Etienne de Toulouse

 

1620-1621 : en Norvège et Danemark, dans l’extrême nord, le Finmark, une nouvelle loi sur la sorcellerie en Danemark-Norvège est adoptée, alors qu’une terrible tempête vient de provoquer la mort de 40 hommes en mer, la fête de Noël de Satan a été célébrée, Mari Jorgensdatter qui a participé à cette fête affirme que les femmes sont responsables de la tempête, le procès des sorcières conduit à la mort de 10 femmes, puis de 1621 à 1663 d’autres procès conduisent à la mort de 150 femmes, sous la torture ou brûlées vives

13 juin 1625 : en Grande-Bretagne, Charles 1er d’Angleterre épouse Henriette de France ; amant de son père, le roi Jacques 1er, le duc George de Buckingham avait dans un premier temps convaincu son fils Charles d’épouser l’infante d’Espagne, lorsqu’ils sont partis à Madrid dans cet objectif, Jacques avait écrit à Buckingham : « Je me repends d’avoir consenti à ton départ. Je me moque de ce mariage. Tout ce qui compte c’est de t’avoir dans mes bras au plus vite » et Buchingham lui avait répondu : « Nul n’a plus envie que moi d’être en les bras de sa maîtresse » ; à la mort du roi Jacques 1er, Charles 1er exige que Buckingham vienne dans sa chambre, et pour assurer une descendance, il le pousse dans les bras d’Henriette, sœur de Louis XIII, Charles abandonne toute responsabilité politique à Buckingham ; Buckingham a 3 palais et la passion des œuvres d’art, il épuise la nation dans des emprunts forcés et des taxes nouvelles, il part à la conquête de la Rochelle, Charles 1er lui dit combien sa présence lui manque : « Mon pire chagrin est de n’avoir pas pu me trouver à ton côté pendant cette période de souffrance » ; en 1628, le Parlement demandera au roi le renvoi de Buckingham, le roi dissoudra le Parlement, Cromwell commencera à compter ses partisans, le 23 août Buckingham sera assassiné à Portsmouth, Charles sera inconsolable, Charles II naîtra en 1630, mais la guerre civile portera la révolution puritaine au triomphe et Chartles 1er sera condamné pour tyrannie et décapité en son palais de Whitehall en 1649 ; Buckingham est vêtu de fraise (de modèle espagnol), de cordons (fils d’or glissés dans la garde de l’épée), de culotte bouffante (imposée par les protestants pour des raisons de pudeur, elle sera remplacée à la fin du XVIème siècle par le haut-de-chausse moulant), de jarretière (ordre créé lors de la guerre de Cent ans avec pour devise Honni soit qui mal y pense, la jarretière est attachée au dessous du genou) et de pompons sur les chaussures (les grands seigneurs sont autorisés à transgresser cette interdiction ecclésiastique)

27 mars 1625 : mort de Jacques 1er d’Angleterre (1566-1625), il a été proclamé roi d’Ecosse sous le nom de Jacques VI, à l’âge de un an par des nobles révoltés contre sa mère, il vit sous la coupe de plusieurs régents et bénédficie d’une éducation humaniste grâce à Georges Buckingham – qui avait été professeur de latin de Montaigne -, c’est vers des garçons que se portent ses désirs, Patrick Gray, Alexandre Lindsay, puis le Français Esmé Stuart d’Aubigny qui – bon connaisseur des plaisirs pratiqués à la cour d’Henri III en France – devient pour longtemps son favori et le jeune roi Jacques l’éleve à la dignité de duc de Lennox ; mais les comtes protestants reproche à Buckinghalm de gouverner le roi par la luxure et en 1582 le roi est enlevé et emprisonné au château de Rutwen et le roi est contraint de céder aux exigences des révoltés, il accepte que Lennox soit exilé en France où il mourra l’année suivante, après avoir ordonné que son cœur soit envoyé au roi d’Ecosse qui n’a que 16 ans ; Jacques VI d’Ecosse qui a longtemps louvoyé en catholicisme et calvinisme, laisse la reine Elisabeth 1ère d’Angleterre emprisonner et décapiter sa mère Marie Stuart, chef des catholiques ; pour avoir une succession, il se marie en 1590 avec la princesse Anne de Danemark, ils auront plusieurs enfants dont Elisabeth qui épousera le prince de Hanovre et le futur Charles 1er d’Angleterre qui épousera en 1625 Henriette, sœur de Louis XIII ; en 1603 récompensé par les protestants, il recueille l’héritage d’Elisabeth 1ère sous le nom de Jacques 1er sa bisexualité est connue autant que le lesbianisme d’Elisabeth, ce couronnement réunit l’Ecosse et l’Angleterre, mais aussi les calvinistes et les anglicans contre le Pape ; les papistes – les catholiques représentent 1/20ème de la population – , tentent un coup d’Etat (la Conjuration des poudres) en 1605, avec la complicité de l’Espagne, une gigantesque explosion vise à tuer le roi, ainsi que les lords et les députés des Communes, une trahison met à jour le complot et la religion catholique est interdite et les prêtres expulsés ; le roi ne craint plus de s’afficher avec ses éphèbes qui jouent, travestis, dans les pièces de Shakespeare et Marlowe, les favoris se succèdent, John Ramsay, James Hay devenu vicomte de Doncaster puis de Carlisle, Georges Hebert fait comte de Montgomery, puis Robert  Carr qui devient Gentleman de la Chambre, conseiller privé en 1612 et comte de Sommerset en 1613, mais son comportement insolent et dépensier mine la popularité du roi, et Jacques 1er lassé l’emprisonne à la Tour de Londres avec son épouse (ils y meurent en 1622) ; l’archevêque de Cantorbéry présente au roi le beau Georges Villiers en 1615, 22 ans, mince et très grand, respirant la santé et la joie de vivre – lors d’un divertissement donné par les étudiants de Cambridge -, le roi de 48 ans en tombe amoureux, et son ascension est fulgurante, vicomte en 1616, comte puis duc de Buckingham en 1623, celui-ci ne songe qu’à s’enrichir, à placer les membres de sa famille (sa mère est duchesse en 1623) et à obtenir les faveurs du prince de Galles, Charles, séduisant le fils comme il a séduit le père, qu’il convainc d’épouser l’infante d’Espagne, ce qui ne plait pas à l’opinion publique, Jacques le fait revenir, il n’est plus question de mariage ; Buckingham agit en chef de faction dans une Angleterre divisée, le roi est souvent en désaccord avec lui mais la passion est plus forte, et il meurt à 59 ans, pleuré par le peuple qui lui est reconnaissant de n’avoir pas connu la guerre sur le sol anglais

1626 : en Suisse, une femme est exécutée pour crime de sorcellerie

23 août 1628 : assassinat du duc de Buckingham (George Villiers 1592-1628), amant de Jacques 1er puis de son fils Charles 1er

 

1632 : à Loudun dans la Vienne, des milliers de personnes se pressent dans les églises pour y assister aux séances d’exorcisme concernant les possédées de Loudun, de jeunes religieuses du couvent des Ursulines sont prises de spectaculaires crises convulsives ; en septembre 1632 la prieure du couvent Jeanne des Anges, jeune femme instable et perverse, se met à souffrir de convulsions, d’hallucinations et de catalepsie, puis en 15 jours plus d’une vingtaine d’Ursulines sont contaminées ; sœur Claire dévoile ses parties intimes, puis se masturbe en prophérant des blasphèmes, elle sera même vue glissant un crucifix sous sa jupe pour assouvir ses désirs ; le père Urbain Grandier, que les sœurs n’ont jamais vu, est accusé par les possédées d’être à l’origine de leurs obsessions érotiques, il est jeté en prison le 30 novembre 1633 et brûlé en place publique le 18 août 1634, mais sans que ce soit d’aucun effet sur les religieuses ; Jeanne des Anges fait une grossesse nerveuse, ses démons sont expulsés par exorcisme jusqu’à sa guérison en 1638 qui entraîne celle des autres nonnes, la possédée devient miraculée ; mais la folie gagne 3 exorcistes, 2 officiels impliqués dans l’exécution d’Urbain Grandier, puis plusieurs filles séculières ; d’autres possessions diaboliques surviendront à Aix en Provence, Louviers ou Auxonne, toutes ont lieu dans des couvents d’Ursulines cloîtrées ; on expliquera ces situations par des contextes de détresse psychologique, à Loudun la peste vient de décimer la ville et les tensions sont fortes entre catholiques et protestants, le milieu modeste des jeunes religieuses venues au couvent pas toujours de bon gré, enfin l’époque est intermédiaire entre les périodes de chasse au sorcières (XVème–XVIème siècle) et l’émergence de la médecine et de la psychiatrie qui voit en ces femmes des victimes plutôt que des malades

 

1634 : en Ecosse, à Haddington, Anna Tait, alias Hononni, est surprise en train d’essayer de se pendre, un crime contre Dieu, la marque du diable sur une sorcière

 

1640 : naissance de Philippe de France (1640-1701), frère de Louis XIV, son jeu préféré est de porter des robes et de se poudrer, il portera régulièrement des robes même à l’âge adulte

14 mai 1643 : mort de Louis XIII (1601-1643), en 1610 à la mort d’Henry IV, il avait 9 ans, il a trouvé en Charles de Luynes, 32 ans, le père qui lui manquait, il prit l’habitude d’aller dormir dans le lit de de Luynes, hétérosexuel, et lui était reconnaissant pour les plaisirs sexuels que celui-ci lui a, malgré tout, procurés ; le roi a  été marié à l’infante d’Autriche en 1615, l’amour du roi pour de Luynes est allé grandissant, ils chassent, dînent et soupent ensemble dans la chambre de de Luynes, la mort de de Luynes en 1621 crée un désarroi chez Louis XIII ; Richelieu qui désespère de le voir consommer son mariage, pousse dans ses bras de beaux jeunes gens pour être informé de ses pensées et infléchir sa politique, Baradat, Claude de Saint-Simon, puis Henri Coiffier de Ruzé d’Effiat, marquis de Saint-Mars, grand séducteur de femmes, et le roi « aime éperdument Cinq-Mars » note Tallemant des Réaux  ; ce sont les conditions météorologiques qui ont contraint le roi à demeurer au Louvre dans le lit de la reine le 5 décembre 1637, ce qui a abouti  à la naissance de l’héritier Louis XIV que le le 5 septembre 1638 ;  Louis XIII souhaite désormais uniquement la compagnie de Saint-Mars, mais celui-ci prend ses distances, c’est Richelieu qui tente de les réconcilier ; le bel homme couvert de maîtresses est autorisé par le roi à assister au Conseil, mais Saint-Mars lassé des reproches du roi et des admonestations du cardinal projette alors d’assassiner le cardinal avec la complicité de la reine mère ; le complot est éventé, le roi signe, la mort dans l’âme, l’arrestation de Saint-Mars, jugé et condamné pour haute trahison, décapité à la hache, de peur qu’il ne parle trop sous la torture ; le cardinal meurt en 1642, le roi Louis XIII meurt l’année suivante

1644 : en Chine, début de la dynastie Quing qui renforce la réglementation sur la prostitution masculine

1644 : François-Timoléon, abbé de Choisy (1644-1724), fils du conseiller d’Etat intendant du Languedoc, chancelier du frère de Louis XIII et ami intime de Marie de Gonzague, reine de Pologne ; sa mère Olympe, qui a ses entrée auprès du jeune Louis XIV, éduque de façon extravagante son fils, elle l’habille en fille jusqu’à l’âge de 18 ans pour satisfaire les caprices de Philippe d’Orléans, jeune frère du roi, François-Timoléon fait de la danse et de la musique, adulte il adopte le costume féminin et réside, avec les encouragements de son curé et l’approbation de son évêque, il reçoit les bénéfices d’une abbaye en Bourgogne passe une licence de théologie à la Sorbonne, et à 20 ans fugue à Bordeaux pour rejoindre une troupe de théâtre ; à la mort de sa mère en 1669, il choisit dans l’héritage sa garde-robe et ses bijoux ; à Paris sous le nom de « Mme de Sancy », arbore ses atours à la paroisse Saint-Médard en faisant la quête, et participe à toutes les fêtes du roi, Mme de Lafayette l’encourage et l’aide à trouver des amantes, il organise des parodies de mariage (« Mme de Sancy et M. de Maulny ») ; il se fait un jour apostrophé par le gouverneur , duc de Montausier ; pour se faire oublier, il part à Bourges où il se fait passer pour une riche veuve sous le nom de « comtesse des Barres », il profite de son costume pour séduire les jeunes filles, il en fera le récit dans ses Mémoires de l’abbé de Choisy habillé en femme ; en 1676, il accompagne à Rome le cardinal de Bouillon au conclave de Rome, il écrit une missive au roi le convaincant d’assureer l’élection d’Innocent XI ; en 1683 il tombe gravement malade et s’effraie du châtiment éternel pour sa vie dissolue, il se retire à l’abbaye de la Trappe dans le Perche, puis au séminaire des missions étrangères à Paris ; il sollicite une ambassade au Siam auprès de Louis XIV ; en 1687 le roi favorise son entrée à l’Académie française ; il rédige une Histoire de l’Eglise sur 5 000 pages et 11 volumes, consacrées en particulier à la vie des saints et des ecclésiastiques ; il est d’abord dans l’exhibition, Jacques Lacan perlera de « pervers moral, tout à fait à l’aise dans sa perversion », il eut vraisemblablement des aventures homosexuelles comme en témoigne son Journal ; en 1724, mort de l’abbé de Choisy habillé en femme ; d’autres se sont habillés en femmes : l’abbé d’Entragues (1664-1720) qui a du s’exiler pour échapper à l’arrestation, et après eux le chevalier d’Eon Charles de Beaumont (1728-1810) qui a été censeur royal, officier et espion de Louis XV, ou encore en 1726 Jean Petit de Montempuis, chanoine de Notre-Dame, qui sera envoyé dans un couvent et mourra en 1763

10 janvier 1645 : mort de l’archevêque de Cantorbery William Laud (1573-1645), chapelain du roi Jacques 1er, amoureux de son protecteur le duc de Buckingham, il devient archevêque en 1633 ; il est accusé à tort de vouloir, en rétablissant certains rites, de vouloir rapprocher l’Eglise anglicane de l’Eglise catholique, il est arrêté, jugé et décapité ; le lendemain de son exécution la liturgie est abandonnée, au grand bonheur des puritains

2 décembre 1646 : mort d’Henri II de Bourbon Condé (1588-1646), était qualifié par Tallemant des Réaux de « grand masturbateur qui met la main dans les chausses de tout homme qui lui plait… Le prince se fait prendre son engin et enseigne au novice à la branler de la main gauche en lui mettant les doigts de ma main droite dans le cul », si bien qu’Henri IV pensant qu’il serait un époux complaisant l’a marié avec Charlotte de Montmorency qu’il convoitait

30 janvier 1649 : mort par décapitation de Charles 1er d’Angleterre (1600-1649), lors de son avènement au trône il a exigé que le duc de Buckingham (George Villiers 1592-1628), ministre et favori de son père, conserve les mêmes fonctions auprès de lui, et couche dans sa propre chambre ; George, venu en France demander la main de la sœur de Louis XIII, Henriette, pour Charles 1er, est tombé amoureux de la reine, Anne d’Autriche (ce que Tallemant des Réaux résumera par « L’amour de deux rois d’Angleterre ne suffit par à Buckingham. Il voulut conquérir la reine de France. ») ; en 1625 Charles 1er a épousé Henriette de France et a confié à Buckingham la gestion du royaume, celui-ci a possédé dès lors 3 palais, il a conduit l’offensive contre la France à Cadix, puis à La Rochelle, quoique défait face à Richelieu, le roi Charles continue à lui dire son amour et lorsque Buckingham a été assassiné en 1628 il est devenu inconsolable ; Henriette lui a donné un fils en 1630 le futur Charles II ; la guerre civile opposant les partisans du roi (les Cavaliers) et ceux de Cromwell (les Têtes rondes) a conduit à la décapitation de Charles 1er à Whitehall

 

1650 : mort de l’espagnole Catalina de Erauso (1592-1650), enfuie en habit d’homme du couvent de San Sebastien, combattante contre les Indiens elle a été promue lieutenante, se battant en duel contre soldats et officiers ; elle est entrée au couvent de Lima en 1620, revenue en Espagne, elle a demandé à Rome au pape Urbain VIII le droit de porter un habit masculin, embarquée pour la nouvelle Espagne elle y a tenu un commerce de mules et d’esclaves ; elle n’a jamais éprouvé de désir pour un homme et raconté ses aventures féminines

1652 : en Italie, création de l’opéra-bouffe Eritrea par Franceso Cavalli dans lequel Eritrea se travestit en homme afin de demander la main de Laodicea, reine de Phénicie, afin d’écarter Laodicea d’Eurimedonte, prince d’Egypte dont Laodicea est entichée, mais Eritrea séduit sans le vouloir un homosexuel, le prince de Teramene, puis Misena voulant aider Eritrea à s’évader du palais de Leodicea, lui suggère de se travestir en femme ; lorsqu’il avait 16 ans Cavalli a été courtisé par le gouverneur de Podesta, et Cavalli succombera aux charmes d’un jeune contre-ténor qu’il entrainera à Paris, à la cour de Louis XIV

6 avril 1652 : en Suisse, à Genève, exécution par pendaison d’une femme d’une cinquantaine d’années, Michée Chauderon, pour crime de sorcellerie, sur la place de Plainpalais, près de la porte Neuve, l’une des 3 entrées de la ville, son cadavre sera ensuite brûlé ; son nom est symboliquement effacé de l’état-civil, ses maigres biens confisqués, ses cendres sont dispersées aux 4 vents ; en début d’année elle a été dénoncée par 7 ou 8 femmes qui l’accusaient d’avoir baillé le mal à deux jeunes filles après leur avoir proposé un plat de pois et un verre de vin empoisonnés par une poudre toxique ; il y a eu accusation, procès, geste médico-légal pour rechercher sur son corps dénudé la marque du diable, signe de son allégeance satanique, puis torture pour obtenir l’aveu  – Michée Chauderon suspendue au bout d’une corde est soumise à 296 questions – et exécution ; le précédant date de 1626, il y a 26 ans ; c’est la toute dernière personne ainsi condamnée à mort par les autorités genevoises, c’est aussi le prélude de la fin de la grande chasse aux sorcières européenne qui en France s’arrêtera définitivement qu’en 1682 avec un édit de Louis XIV qui substituera le crime d’empoisonnement à celui de sorcellerie, cloturant un siècle et demi de répression ; en 2010 le livre L’Ombre du diable de Michel Porret retracera cette histoire

 

28 septembre 1654 : exécution du sculpteur et architecte flamand Jérôme Duquesnoy (1602-1654), architecte et sculpteur de la cour depuis 1651 il a sculpté la statue de sainte Ursule pour l’église ND du Sablon à Bruxelles et en 1653 l’Education de la Vierge par Sainte Anne pour la collégiale Sainte Gudule, il a édifié la chapelle Notre-Dame de 1651 à sa mort et travaillé à la construction du mausolée de l’évêque Antoine Triest à la cathédrale Saint-Bavon de Gand ; il alors été accusé d’avoir sodomisé 2 garçons dans l’église de Gand, après un long procès il a été condamné à mort, en dépit de l’intervention de riches protecteurs, il a été dressé sur l’échafaud, étranglé et brûlé

 

28 juillet 1655 : mort de l’écrivain Savinien de Cyrano de Bergerac (1619-1655), poète libre penseur, ami de Claude-Emmanuel, dit Chapelle, beau et intelligent (fils bâtard du financier Luillier), et de Charles d’Assoucy, ce dernier poète, musicien, chanteur et danseur, à la vie extravagante et aux mœurs impies de bougre avoué qui faillit par 3 fois le mener sur le bucher des sodomites, il faisait partie du Cercle des Libertins qui osent proclamer leur athéisme mais dissimulent par prudence qu’ils sont également hérétiques en amour  ; « J’aime bien mieux un beau garçon / Dans mon lit qu’une belle femme / La raison si vous l’ignorez ? Foutez au cul vous l’apprendrez » ; engagé dans les Cadets de Garcogne, il a participé à la prise d’Arras en 1640 ; son livre L’Autre Monde est un extraordinaire ouvrage d’anticipation ; ses écrits les plus osés ne seront divulgués qu’après sa mort

 

26 décembre 1661 : mort de Marc Antoine Girard de Saint-Amant (1594-1661), militaire, poète fécond dans la veine de Rabelais et de Marot, la grossièreté de ses vers lui attire les critiques de Boileau ; il fréquente le salon de Mme de Rambouillet et devient un des premiers membres de l’Académie française ; il écrit Moïse sauvé, des poèmes gatronomiques truculents Les Goinfres et Le Melon, il est l’ami intime de Théophile de Viau et de Boisrobert, homosexuels notoires ; il a écrit La Rome ridicule, un violent pamphlet contre les bougres, peut-être pour se blanchir

 

1er septembre 1662 : mort de l’écrivain Claude Le Petit (1639-1662), il est brûlé vif en place de Grève à l’âge de 24 ans « pour l’impiété et l’impureté de ses compositions en vers et en prose », et surtout pour avoir raillé les mœurs des jésuites dans Le Paris ridicule ; il est le dernier poète brûlé pour sodomie ; proxénètes de garçons Chausson et Fabry seront été brûlé en 1661 et deux meurtriers d’enfants finiront sur le bûcher Deschauffours en 1746 et Paschal en 1783

 

22 octobre 1665 : mort du duc de Vendôme (César de Bourbon 1594-1665), fils légitimé d’HenriIV et de Gabrielle d’Estrées, demi frère de Louis XIII ; emprisonné de 1626 à 1630, suite à sa rébellion contre Richelieu, il se retrouve au côté de Mazarin contre la Fronde (1649-1653), en récompense il obtient le commandement de la flotte française et bat les Espagnols en 1655 ; son homosexualité inspire les chansons

 

8 avril 1670 : mort de Denis Sanguin de Saint-Pavin (1595-1670), condisciple au collège de jésuites de La Flèche de Descartes et de Vallée des Barreaux dont il devient l’amant ; il choisit la carrière ecclésiastique, il est pourvu de l’abbaye de Livry qu’il transforme en retraite voluptueuse, il s’entoure de jeunes amants avec si peu de discrétion que Boileau l’attaque dans ses vers, le traitant de « prince de Sodome » ; il publie en 1655 Sonnets, Epitres, Epigrammes, Rondeaux, et ses vers décrivant des amours circulent sous le manteau

 

1673 : mort de Molière (1622-1673, Jean-Baptiste Poquelin) ; en 2015 le metteur en scène Jean-Marie Besset parlera d’un faisceau de présomption concernant son homosexualité, évoquant son coup de cœur pour son congénère auteur de pièces de théâtre Baron et sur son entourage bisexuel (dont Chapelle et d’Assoucy), il s’appuie sur les propos d’Alceste sur Clitandre dans Le Misanthrope

1673 : Primi Visconti, ex-chanoine piemontais (qui s’est donné le titre de comte de Saint-Mayol), arrive à Paris à l’âge de 25 ans, esprit fin, « bien fait de sa personne » dit Mme de Sévigné, poussé par le désir de « voir des empires et des royaumes », il rencontre le meilleur monde ; le frère de la favorite, le marquis de La Vallière le pousse dans une chambre en lui assurant « Monsieur, en Espagne les moines,  en France les grands, en Italie tout le monde… », Visconti, qui n’éprouve de goût que pour la comtesse de Saint-Géran, dira « Je n’eus pas peu à faire pour lui échapper ! »

 

1675 : mort de Marie-Madeleine de Vignerot, duchesse d’Aiguillon (1604-1675), nièce de Richelieu, épouse du Connétable de Luynes, Antoine de Beauvoir de Roure, qui est mort en 1621, un an après leur mariage, veuve elle a eu pour intendante, secrétaire et garde malade jusqu’à sa mort Mme de Vigean ; Tallemant des Réaux  a glosé sur leur tendresse et leur amitié passionnée

1675 : aux Pays-Bas, Guillaume III a 15 ans – son père Guillaume II d’Orange-Nassau est mort à sa naissance, sa mère est Marie-Henriette Stuart (fille aînée de Charles 1er d’Angleterre et de Henriette de France, sœur de Louis XIII) – a contracté la variole, les médecins préconisent qu’un jeune homme en bonne santé couche dans son lit afin que « les humeurs malsaines sortent de son corps », Bentinck s’exécute et attrape à son tour la variole et ils guérissent tous les deux, Guillaume va combler de faveur son amant ; Bentinck sera envoyé en Angleterre pour préparer le mariage de Guillaume avec la princesse Marie, fille du roi Jacques II, Guillaume traverse la Manche avec 15 000 hommes pour mater la révoltes des protestants qui refuseront la conversion de Jacques II au catholicisme, Jacques II affolé s’enfuira en France, le Parlement anglais constatant la vacance du pouvoir offrira à Guillaume la couronne d’Angleterre ; à la mort de son épouse la reine Marie en 1694, Guillaume III continuera à promouvoir son amant qui sera fait duc de Portland, il deviendra l’homme le plus riche d’Angleterre et s’attirera la haine du Parlement ; Guillaume III couvrira d’honneurs d’autres amants, comme Arnold Van Keppel fait duc d’Abermale ; sans héritier, c’est sa belle sœur Anne, 2ème fille de Jacques qui lui succèdera

1675 : mort de la duchesse d’Aiguillon, Marie-Madeleine de Vignerot ((1604-1675), nièce du cardinal Richelieu, veuf après 2 ans de mariage du connétable de Luynes, Antoine de Beauvoir de Roure, ne s’est pas remariée, son intendante et secrétaire Mme de Vigean l’a veillée jusqu’à sa mort

 

1676 : le père Bouhours, grammairien, exprime la nécessité que le masculin l’emporte sur le féminin dans le langage : « Lorsque deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte »

14 janvier 1676 : mort du compositeur et organiste italien Francesco Cavalli (Pier Francesco Caletti-Bruni, 1602-1676), inventeur de l’opéra-bouffe, compositeur de Eritrea, dans cette œuvre Eritrea se transforme en prince Pierandro et séduit sans le vouloir le prince Teramene, homosexuel, l’affaire se complique lorsque Misena voulant aider Eritrea à s’évader du palais Laodicea, lui suggère de se travestir en femme ; le gouverneur de Podesta, Federico Cavalli, originaire de Venise, est peut-être tombé amoureux du jeune Francesco lorsque celui-ci avait 16 ans après l’avoir entendu chanter dans la cathédrale de Crema et a dès lors tout fait pour l’arracher à ses parents, après avoir pris le nom de son mécène et protecteur Francesco est devenu un véritable Rastignac (entre dettes de jeu et mariage avec une riche héritière) ; organiste puis maître de chapelle de la basilique Saint-Marc, Cavalli succombe aux charmes d’un jeune contre-ténor, qu’il entraine à Paris, où Louis XIV le réclame ; il vivra jusqu’à 73 ans une vie pleine de rebondissements (l’écrivain Olivier Lexa rédigera sa biographie en 2014)

 

1678 : aux Pays-Bas, Antonie van Leeuwenheok découvre dans un échantillon de sperme qu’il étudie au microscope des milliers de spermatozoïdes, il précise pour s’excuser que ce sperme provient « de l’excès dont la nature l’avait doté lors de l’exercice de son devoir conjugal et non d’un quelconque péché solitaire »

 

1681 : dans les villes portuaires, un privilège royal donne à l’Hôtel-Dieu et à la Charité – comme c’est le cas à Marseille – de placer les enfants à 12 ans comme apprentis calfats ou comme mousses sur les bateaux, jusque là les enfants naturels étaient recueillis à l’Hôtel-Dieu, les autres placés à 3 ans à l’Hôpital des Pauvres Enfants Abaandonnés et Orphelins, puis à 9 ans enfermés à la Charité ; les capitaines et maîtres calfats ne pouvaient embaucher eux-mêmes un apprenti que si ces institutions ne pouvaient pas leur en fournir ; l’ordonnance du 15 avril 1689 imposera un mousse pour 10 hommes d’équipage, et au-dessus autant de mousses qu’il y a de dizaines d’hommes d’équipage, l’âge du mousse est entre 9 et 16 ans ; le capitaine doit verser 2 mois d’avance de salaire tandis que l’hôpital fournit un trousseau et une somme de 4 sols comme argent de poche, un quart des gains du mousse sera conservé jusqu’à ce qu’il ait 18 ans (mais en fait l’hôpital garde cette somme en dédommagement des frais engagés pour sa nourriture et son éducation), un garde-mousse l’accompagne pour prévenir les évasions ; à partir de 1726 l’hôpital sera contraint de remettre au mousse lors de ses 18 ans le quart du salaire retenu, à condition qu’il ait été « obéissant » et qu’il se soit rendu digne de cette « grâce » par sa « sagesse » ; en 1736 l’hôpital constatera que la plupart des mousses désertent les navires, préférant le vagabondage, ils seront menacés d’être privés pendant 15 jours de pain et d’eau ainsi que des salaires déjà perçus ; au XIXème siècle sera créée l’Ecole des Mousses et Novices, sous la patronage du duc d’Orléans pour « former les marins de la marine royale et de la flotte marchande

 

1682 : un édit de Louis XIV substitue le crime d’empoisonnement au crime de sorcellerie, cloturant un siècle et demi de répression ; la chasse aux sorcières avait succédé à la répression des hérésies, les mouvements religieux contraires à la doctrine catholique (juifs, cathares, vaudois, hussites), les sorcières étaient devenus les nouveaux boucs émissaires

 

18 novembre 1683 : mort de Vermandois, Louis de Bourbon (1667-1683), fils de Louis XIV et de la princesse Louise de La Vallières, il entre en 1685 dans La Confrérie fondée par quelques grands seigneurs en 1681 ; le roi qui déteste « les bougres » veut faire un exemple, Vermandois est fouetté en sa présence et engagé de force dans l’armée, il meurt au combat

 

11 décembre 1686 : mort de Louis II de Bourbon dit le Grand Condé (1621-1686), fils d’Henri II de Bourbon Condé, il avait les mêmes goûts que son père marié en 1641 à Clémence de Maillé Brézé, âgée de 13 ans, duc d’Enghien à ce moment-là, il préférait déjà mettre dans son lit des jeunes pages, plutôt laid, il a eu dans son lit de nombreux amants, Gaspard de Coligny ou le marquis de la Moussaye, en 1671 il a pu se débarrrasser de son épouse en lza faisant enfermer pour adultère ; il mettait dans son lits les officiers lors des dures batailles qu’il a mené, Louvois rassurait le roi (il ne rechignait pas comme d’autres maréchaux à quitter leurs maîtresses) ; il est devenu l’un des plus grands géréraux français, vainqueur des Espagnols et des impériaux à Rocroi en 1643, puis au cours de plusieurs batailles de 1644 à 1648, mettant ainsi fin à la Guerre de 30 ans, mais il est devenu aussi le chef de file des adversaires de la cour durant la Fronde des princes, et Mazarin a fini par le faire emprisonner, puis il sera condamné par contumace, et allié de Turenne après s’être battu contre lui il est parvenu à conquérir la Franche-Comté et à sauver l’Alsace, en 1674-1675 ; à sa mort Bossuet fait son oraison funèbre, ne disant rien de ses penchants ; le Grand Condé, libertin au sens classique du terme  (c’est à dire libéré de la morale divine)

 

1687 : au Japon, parution du Grand miroir de l’amour mâle de Saikaku, son traducteur en anglais, Paul Gordon Schalow, notera « La littérature ne dépeint pas l’amour des garçons comme anormal mais l’intègre dans les figures de la sexualité »

22 mars 1687 : mort du compositeur Jean-Baptiste Lully (1632-1687), à Paris le 23 février 1653 il il compose la musique du ballet pour le fête de la victoire de Louis XIV sur Le Fronde et sera nommé 15 jours plus tard compositeur de la Musique du Roi, Lully est constamment brocardé pour son homosexualité, en 1662 le bruit court qu’un certain Chausson offre à Lully et ses amis des orgies, Chausson est surpris au lit avec un jeune noble, page du prince de Conti, le page est emprisonné et fouetté et Chausson, 20 ans, est brûlé en place de Grève ; Lully décide d’épouser Madaleine Lambert, fille unique du maître de Musique de Chambre qui lui apporte 20 000 livres de dot et se déclare fils de Laurent de Lulli, gentilhomme florentin, les signatures de la famille royale authentifient ce faux document ; très amoureuse, la femme de Lully  aura 3 garçons et 3 filles, puis se résignera aux amours masculines de son mari ; Lully s’affiche avec une fausse maîtrese Mlle Certain dont la mère exige sans cesse de nouvelles sommes d’argent en échange de son silence sur son homosexualité, puis dénonce Lully au roi en 1685 affirmant l’avoir vu au lit avec un jeune page du nom de Brunet qui loge chez lui, le roi envoie la police chez Lully, Brunet est arrêté, eet celui-ci raconte les orgies qu’il a connues et désigne les grands seigneurs qu’il y a rencontré, dont le fils du lieutenant de police M. de Seignelay, le scandale est trop grand ce qui sauve Lully ; jusqu’en 1671 celui-ci écrit les musiques des ballets de Molière et peu à peu deviendra le « dictateur » de l’Opéra en France ; son cantique Dieu sauve le roi deviendra la musique du God Save the King ; quelques année avant sa mort il est atteint de surdité et blessé il meurt de la gangrène

 

1688 : Marc-Antoine Charpentier crée l’opéra David et Jonathas, inspiré par l’Ancien Testament et destiné aux élèves masculins d’un collège de jésuites, les deux héros s’aiment d’une passion interdite

1688 : au Japon, parution de Du devoir des guerriers de Chikamatsu, il avait fait paraître le Grand miroir de la pédérastie dont la moitié était consacré au récit de ses aventures amoureuses si répandues entre compagnons d’armes, et l’autre moitié aux intrigues sentimentales du monde des acteurs de kabuki, il écrira quelques mois plus tard une Chronique de la transmission des arts guerriers ; il a aussi écrit les tomes III et IV des Tragédies bourgeoises ; l’un des devoirs auquel est soumis le guerrier est le respect de la parole donnée, après son mariage avec une jeune fille défigurée par la variole il est tenu à la fidélité et le jeune page qui a promis son attention à un ami mourant reste son amant même lorsqu’il devient un vieillard repoussant

19 avril 1689 : mort de la reine Christine de Suède (1626-1689), elle avait 6 ans à la mort de son père, elle a été couronnée à 24 ans en 1650 ; elle a éconduit tous ses prétendants (amante de la comtesse Ebba Sparre, dira la Princesse Palatine)  et refusé le mariage, se passionnant pour lressciences et les arts, attiré par le catholicisme, elle a abdiqué en 1654 en faveur de son cousin Carl-Gustav de Pfalz-Zweibrücken et tenu une cour brillante à Rome, entretenant avec le cardinal Decio Azzolino une relation platonique et avec Magnus de la Gardie une relation non définie ; arrivée à Paris elle a rencontré de nombreuses femmes, fait libéré Ninon de Lenclos (qu’elle a couvert de baisers, dira Mme de Motteville), la marquise de Ganges et la comtesse de Bregy

 

29 juillet 1691 : le comte de Pontchartrain dénonce auprès de M. de Besons, Antoine Fenelle, dit Saint-Martin, natif de Bordeaux, est enfermé à l’hôpital général, suite à une accusation de sodomie

 

1692 : aux USA, dans le Massachussets, des adolescentes accusent de sorcellerie des femmes du village, c’est l’affaire des sorcières de Salem qui se conclue par des explications rationnelles liée à l’érgotisme des pains de seigle ; le procès qui porte sur les années 1692-1693 est dominé par la peur, la pzaranoïa et les superstitions ; la première pendaison pour sorcellerie était celle d’Alice Young, des centaines de personnes, en majorité des femmes, sont accusées de sorcelleries en Nouvelle Angleterre en quelques siècles ; en mai 2023 le congrès du Connecticut amnistiera doyueze sorcièr-es (9 femmes et 2 hommes) condamnées au milieu du XVIIème siècle

 

9 septembre 1693 : mort de l’écrivain japonais Ihara Saïkaku  (1641-1693)  auteur des Contes d’amour, Histoires glorieuses de la pédérastie, reflet de l’esprit samouraï, proche de l’esprit des chevaliers du Moyen Âge, pour lui l’amour d’une femme rend l’homme lâche et efféminé, l’amour pour un jeune garçon conserve au guerrier son honneur et sa virilité

 

1694 : en Russie, Pierre 1er découvre la liberté, il délaisse sa femme Eudoxie, et multiplie les orgies avec son favori, Franz Lefort, celui-ci lui prête sa maîtresse Anna Mons, et lui présente son amant Alexandre Menchikov, pâtissier de 16 ans ; après la mort de Franz en 1699, le tsar prodiguera en public, des « témoignages d’une tendresse presque passionnée » et l’élèvera au rang de prince ; le roi tombera amoureux de la maîtresse d’Alexandre, la future Catherine II et se mariera avec elle en 1703 ; en 1706 lorsque ses conseillers lui proposeront un code militaire inspiré du modèle suédois réservant le bûcher aux soldats convaincus de sodomie, Pierre 1er en assouplira la contenu, le code de 1716 condamnera les sodomites à des châtiments corporels, ce qui est déjà la sanction la plus courante

1697 : en Italie, le fils du grand duc de Florence Cosimo III de Médicis, Gian Gastone de Médicis, épouse la princesse Anna Maria von Sachsen-Lauenburg, qui réside au château de Reichstadt en Bohème, non attiré par les femmes, Gian Gastone découvre une femme autoritaire, laide et dont la seule passion est les chevaux, il supportra 8 ans la solitude et la tristesse de la réclusion, et rentrera seul à Florence, sans que le mariage ne soit consommé, il succèdera à son père à Florence en 1723 jusqu’à sa mort en 1737, recherchant les voyoux et partageant leurs débauches, plutôt que de soutenir les peintres et les sculpteurs comme il était de tradition dans sa famille

 

XVIIIème : Montesquieu, écrit dans De L’esprit des Lois (Livre XII, chap. 6), à propos du penchant homosexuel : « Il faudrait le proscrire quand il ne ferait que donner à un sexe la faiblesse de l’autre, et préparer à une vieillesse infâme par une jeunesse honteuse »

XVIIIème : 7 personnes sont exécutées à Paris pour sodomie, dans la grande majorité des cas (6 cas sur 7) la sodomie est liée à une affaire de viol ou de meurtre

XVIIIème : en Ecosse, le chirurgien John Hunter invente la pratique de l’insémination d’une femme avec le sperme d’un autre homme que son mari

XVIIIème : à Naples se déploie la scène baroque, avec les castrats qui font la gloire du chant napolitain, les 400 églises dont chacune possède ses propres musiciens, les 70 couvents et les 5 prestigieux conservatoires de musique ; Charles III inaugure en 1737 le 1er théâtre d’Etat, le San Carlo, où est donné La Serva padrona de Pergolèse ; le président de Brosses, dans ses Lettres familières écrites d’Italie en 1739 et 1740 écrit : « A mon sens Naples est la seule ville d’Italie  qui sente véritablement sa capitale… le mouvement, l’affluence du peuple, l’abondance et le fracas perpétuel des équipages… »; en 1728  Catone in Utica de Vinci réunit les castrats Carestini, Il Farfallino, Giovanni Battista Minelli et Giovanni Ossi ; des milliers de castrats peupleront les églises et les cours d’Europe de 1600 (Girolamo Rosini 1581-1644) à 1910 Alessandro Moreschi 1858-1922), dont les plus célèbres sont Carlo Broschi, Farinelli, et Gaetano Majorano, Cafarelli (1710-1783) qui fait édifier le palais Majorano en 1754

 XVIIIème : plusieurs cas de répression de travestissement de femmes seront relevés par les historiens :   Marie-Marguerite Villers arrêtée pour s’être habillée en homme et promenée au Palais-Royal, Julianne Adam arrêtée pour s’être enfuie de son domicile déguisée en homme condamnée « à être fustigée et bannie à perpétuité », Marie le Marcis hermaphrodite ayant épousé une femme, condamnée « pour sodomie et luxure abominable »

Début XVIIIème : Michel Foucault notera que c’est le siècle de « la grande campagne contre la masturbation des enfants », fondée sur le mythe que « l’espèce humaine risque de dépérir si se répand cette maladie toute nouvelle qu’est la masturbation », « vécue comme une épidémie récente que les générations antérieures n’avaient jamais connue » ; antérieurement, au XVIème et au XVIIème les catholiques et les protestants avaient commencé à soulever combien le problème va être « essentiel » ; le XVIIIème est le siècle de la « véritable fabrication de la masturbation » (propos tenus en 1978, rapportés par Jean le Bitoux dans Entretiens sur la question gay)

 

21 avril 1701 : à Paris, Antoine Touzard, « apostat, séditieux, impie, sodomite, athée, monstre d’abomination », est placé à Bicêtre par lettre de cachet, il sera détenu 14 ans

9 juin 1701 : mort de Philippe d’Orléans, dit Monsieur (1640-1701), répondant au souçi de Mazarin de crainte de voir Philippe se dresser contre son frère, sa mère la régente Anne d’Autriche l’habille en petite fille, très coquet il porte de nombreux bijoux ; « le goût de Monsieur n’était pas celui des femmes, écrira le duc de Saint-Simon, mais le goût d’Henrti III, il ne s’en cachait même pas, ce même goût lui avait donné le chavalier de Lorraine pour maître et il le demeura toute sa vie » ; remarquablre combattant il se couvre de gloire sur les champs de bataille, ses victoires irrite le roi, jaloux de sa gloire montante, au point qu’il refusera de lui confier le commandemant après la victoire de Cassel sur le prince d’Orange ; Madame, Henriette d’Angleterre, épousée en 1661, aurait obtenu l’exil du chevalier de Lorraine, quelques mois plus tard Henriette meurt subitement, elle aurait été empoisonnée par le marquis d’Effiat, nouvel amant de Monsieur ; Monsieur se jette aux pieds du roi et le supplie de rappeler le chevalier de Lorraine, le roi accepte mais en échange lui ordonne d’épouser Elisabeth Charlotte, volumineuse princesse palatine dont les écrits seront une source d’information précieuse sur les mœurs de son mari, Monsieur remplit ses devoirs conjugaux comme il s’en était montré capable avec Henriette, mais pour endurcir sa virilité défaillante il utilise un chapelet de reliques, à la surprise de son épouse, il fera 3 enfants à la princesse palatine, le premier meurt rapidement, le deuxième est une fille, le troisième, Philippe, deviendra régent à la mort de Louis XIV, ses obligations dynastiques accomplies, Monsieur délaisse sa femme, qui s’accomode de la situation « Monsieur est aux mignons et moi toute seule » ; en 1701 Monsieur meurt 3 ans avant la mort de son père Louis XIII, Madame fait brûler les lettres de ses mignons

30 août 1701 : le rapport du marquis René-Louis d’Argenson – lieutenant de police, fils d’un ancien lieutenant général de police- au comte de Ponchartrain – secrétaire du Roi-, qualifie Néel – ancien officier d’origine irlandaise – de libertin, et le sieur de la Guillaumie de débauché, les accusant d’avoir séduit des jeunes gens de 17 à 18 ans, il dénonce aussi le sieur du Mas des Venois frère du conseiller au Parlement ; la Guillaumie a été emprisonné l’année précédente pour avoir chanté des chansons licencieuses sus les fenêtres du collège des pères Jésuites ; le rapport préconise : l’embastillement de Néel, l’exil à Tulle de du Mas de Venois, et l’enfermement de la Guillaumie dans la maison des frères de la Charité de Charenton, avec l’accord de son beau-frère 1er président de Rouen et de son frère conseiller au Parlement ; le 2 novembre 1701, le comte de Pontchartrain informe M. Seguin des actes de prostitution et de débauche qui se manifestent dans les cours du Louvre, avec la bénédiction du portier qui laisse ouvert le passage ; le 29 mai 1705, le marquis René-Louis d’Argenson dénonce au comte de Ponchartrain le comportement sodomite de l’abbé de Rochefort charmé par un jeune charron de Vaugirard et par un laquais, des prêtres de Saint-Sulpice le regardent comme « un monstre d’impiété », et juge qu’il suffirait de le reléguer dans le diocèse du Mans dont il vient et d’en donner avis à on évêque ; le 24 février 1706, le comte de Ponchartrain rend compte au marquis René-Louis d’Argenson que Sa Majesté est favorable à l’embastillement temporaire de MM. Langlois, la Boie et Alexandre afin de les interroger sur « leurs intrigues abominables » afin de prendre une mesure plus sévère encore ; le 9 août 1706, le comte de Ponchartrain rend compte au marquis René-Louis d’Argenson d’un mémoire sur « des séducteurs de jeunes gens qui se trouvent à Paris » afin de mettre la main sur eux ; le 1er septembre 1706, le comte de Ponchartrain saisit l’archevêque de Sens sur une « bande d’infâmes » qui corrompent la jeunesse, parmi lesquels un chanoine de Bray, nommé Dumontier, afin de le contrôler davantage, sans quoi « il sera enfermé pour le reste de ses jours » ; le 10 septembre 1706, le comte de Ponchartrain sollicite du marquis René-Louis d’Argenson un rapport détaillé sur les corrupteurs de la jeunesse, avec son avis sur les sanctions à prendre ; il lui indique que – suite à la réponse de l’archevêque de Sens – Sa Majesté demande l’enfermement à l’hôpital pour un an de l’abbé Dumontier et lui demande d’interroger le nommé Dumonceau ; le 20 octobre 1706, le comte de Ponchartrain rassure l’archevêque de Sens qui craignait que le Roi ne le tienne en partie responsable du comportement de l’abbé Dumontier

 

8 mars 1702 : mort du hollandais Guillaume III d’Orange (1650-1702), il nait 8 jours après la mort de son père Guillaume II d’Orange Nassau, sa mère est  Marie-Henriette Struart fille aînée de Charles 1er d’Angleterre et d’Henriette de France, sœur de Louis XIII ; Louis XIV refusant la concurrence de la marine marchande hollandaise, envahit son pays, et Guillaume d’Orange riposte en inondant la Hollande et s’allie à l’empereur d’Autriche, au roi d’Espagne et à plusieurs princes d’Allemagne, obligeant l’armée française à battre en retraite ; mais Philippe d’Orléans, frère de Louis XIV, le battra à Cassel en avril 1677 conduisant à la paix de Nimègue ; encore adolescent Bentick a donné à Guillaume III la plus belle preuve d’amour en acceptant de coucher dans son lit alors qu’il est malade de la variole permettant « aux humeurs malsaines » de sortir du corps de Guillaume, ainsi il guérit le prince mais attrape lui-même la maladie, dont il guerira, et Guillaume  – dont les parents sont morts de la variole – comblera son amant de faveurs ; en 1677 Bentick se rend en Angleterre pour arranger le mariage de Guillaume avec la princesse Marie, nièce de Charles II et fille du futur Jacques II ; en se convertissant au catholiscisme Jacques II mécontente la majotrité protestante de son pays, en 1688 l’armée hollandaise débarque avec 15 000 hommes en Angleterre sans rencontrer de résistance, Jacques II se réfugie en France et les Anglais offrent le trône à Guillaume III ; Bentick est fait Maître de la Garde-Robe, baron Ashford, vicomte Bury et duc de Portland, et est envoyé en France comme ambassadeur où il est mort en 1702 ; Guillaume a un nouvel amant Arnold Van Keppel qui est fait duc d’Albermale et croule sous les faveurs

8 décembre 1702 : mort du chevalier Philippe de Lorraine (1643-1702), fils du duc de Lorraine, favori et mignon de Monsieur, frère de Louis XIV ;  » sa supériorité d’esprit et de naissance l’avaient établi le maître de Monsieur » écrit Saint-Simon

 

1703 : à Paris, Léonard Mathieu, 50 ans, évadé de Bicêtre où il était enfermé par lettre de cachet depuis un an, est arrêté pour avoir tenu une école de sodomie, sous prétexte d’enseigner de jeunes écoliers ; le sort des sodomites s’est adouci, atteint de scorbut il mourra en 1709

 

8 mai 1707 : mort du duc de Nevers (Philippe Julien Mancini, 1641-1707), introduit à la cour de France par son oncle le cardinal Mazarin, il y rencontre du succès grâce à ses talents de poète, il aurait tenté de violer Louis XIV enfant, sans succès, ce qui serait la cause de la haine que Louis XIV portera aux homosexuels ; il est le premier amant de Monsieur, frère du roi

 

1708-1715 : des rapports indiquent que Mme Drouet s’était introduite à Pau chez Mme de Casaus et avait emmené sa fille « sans qu’on ait pu savoir où » ni ce qu’elle était devenue pendant 3 ou 4 ans, les parents de la fille ayant fini par la découvrir à Paris l’ont engagé à se retirer dans un couvent, celle-ci s’y est résolue de crainte que ses parents n’obtiennent une lettre de cachet pour la faire enfermer, mais Mme Drouet est venue la chercher pour aller vivre ensemble à nouveau à Paris

 

1709 : Pays-Bas et Grande Bretagne, mort de William Bentinck (1649-1709), jeune page de Guillaume prince d’Orange et de Nassau, celui-ci devenu Stathouder de Hollande, a comblé d’honneurs son favori ; Bentinck a été chargé d’arranger le mariage de Guillaume et de la princesse Mary, nièce de Charles II et fille du futur Jacques II Stuart ; Bentinck a organisé l’expédition qui a débarqué en Angleterre pour renverser Jacques II et faire de Guillaume III le nouveau roi d’Angleterre ; il est fait premier gentilhomme de la Chambre, conseiller privé et duc de Portland, mais Guillaume le délaisse au profit d’Arnold Van Keppel qu’il fait comte d’Albermarle ; nommé ambassadeur auprès du roi Louis XIV, Bentinck a donné en France libre cours à son goût des jeunes garçons (au point que le scandale sera rapporté par la princesse Palatine, femme de Philippe d’Orléans)

9 février 1709 : mort du prince de Conti, François-Louis de Bourbon (1664-1709), passionné de gloire militaire mais victime de la vindicte de Louis XIV pour avoir fondé la Confrérie des homosexuels de la cour, et d’y avoir introduit le comte de Vermandois et Louis le grand Dauphin, les membres de la Confrérie prévoyaient l’abstinence complète à l’égard des femmes et le port d’un insigne représentant un homme foulant au pied une femme, chaque nouveau membre devait être « visité » par un membre de la Confrérie ; « Galant avec les femmes, il était coquet avec tous les hommes » disait Saint-Simon

 

1710 : en Grande Bretagne, parution de Onania ou Le péché infâme de la souillure de soi et toutes les conséquences affreuses pour les deux sexes, attribué à John Marten, le moraliste substitue le mot « onanisme » à « masturbation » pour l’ancrer dans la Bible ; le livre qui dénonce la masturbation comme impure et insidieuse, connaitra un grand succès (à Francfort, Leipzig, Paris, Lausanne et Amsterdam) répandant l’idée que la masturbation est mauvaise et toxique

 

14 avril 1711 : mort de Louis, le Grand Dauphin (1661-1711), il fait partie dans sa jeunesse de La Confrérie, son père Louis XIV sévit, tous les seigneurs du club sont éxilés, il est désormais discret avec ses mignons et n’affiche plus que ses maîtresses ; il est le père du duc d’Anjou qui deviendra Philippe V d’Espagne

 

1712 : mort du duc de Vendôme (Louis-Joseph de Bourbon 1654-1712), petit-fils de Gaspard de Vendôme,  il se couvre de gloire dans de nombreuses victoires durant la guerre de succession d’Espagne, il est nommé maréchal de France ; il prend Barcelone par derrière, ce qui lui vaut le sonnet : « Le héros que tu vois ici… / Prit la vérole et Barcelone/ Toutes deux du même côté »

 

1° août 1714 : en Grande-Bretagne, mort d’Anne Stuart (1665-1714), fille de Jacques II, mariée à Georges de Danemark, ivrogne qui lui a fait 17 enfants (qui sont tous morts très jeunes), reine d’Angleterre elle est l’amante de son amie d’enfance Sarah Jennings ; celle-ci est mariée à Churchill duc de Marlborough, cruelle et perverse, elle domine la reine qui l’adore ; la reine ne s’en est libérée que lorsqu’elle a rencontré Abigail Hill, cousine de Sarah, mais Sarah s’est vengée en montrant les lettres passionnées de la reine et en salissant leur liaison, la reine a écrit au duc de Marlborough pour qu’il ramène Sarah à la raison, puis elle s’est résolue à s’exiler en 1711

 

1715-1723 : Philippe d’Orléans (1674-1723), Monsieur frère du roi Louis XIV est Régent du royaume de France, de la mort de Louis XIV au 14ème anniversaire de Louis XV ; en 1700 le duc de Saint-Simon dressait de lui dressait de lui un portrait éloquent (souliers hauts, paré comme une femme, bagues, bracelets et pierreries, longue perruque noire et poudrée, rubans et parfums) ; il est volontiers travesti et entouré d’amants, dont le principal est pendant 30 ans le chevalier de Lorraine, membre de la famille princière des Guise qui est « comblé d’argent et de bénéfices » ; il s’est aussi amouraché d’Armand de Grammont comte de Guiche  (qui a détecté son goût du masochisme), les marquis de Villequier, de Manicamp, de La Vallière et d’Effiat, le duc de Créquy, le comte de Bourg, le chavalier de Châtillon ou La othe Beuvron sont ses favoris les plus connus ; de nombreux princes sont alors concernés par la « bougrerie » : Henri de Bourbon prince de Condé, son fils le Grand Condé, le neveu du Grand Condé le prince de Conti, Eugène de Savoie fils du comte de Soissons, le comte de Vermandois fils de Louis XIV et de Louise de La Vallière, mais aussi le cardinal de Bouillon grand aumônier de France, le cardinal Bonzi grand aumônier de la reine Marie-Thérèse, et de nombreux maréchaux Turenne, d’Huxelles, Condé, Luxembourg ou Villars, et quelques jeunes nobles ont fondé une confrérie secrète sur le modèle des ordres de chevalerie en 1678 (le comte de Guiche, le chevalier Tilladet neveu de Louvois, le marquis de Biran) qui a provoqué de nombreuses réactions négatives

2 mars 1715 : mort du cardinal de Bouillon (Emmanuel Théodose de la Tour 1643-1715), neveu de Turenne, cardinal à 27 ans, ambassadeur à Rome qui s’est affiché ouvertement avec ses mignons Louis XIV lui a confisqué ses charges, il s’est exilé aux Pays-Bas, puis est revenu vivre ses plaisirs à Rome

 

1716 : en Russie, le code pénal de Pierre le Grand introduit dans le code pénal militaire, la pénalisation de l’homosexualité

 

Années 1720 : la surveillance policière devient systématique à l’égard  des « gens de la manchette » soit peu de temps après l’établissement d’une police à Paris ; pour prévenir les actions contraires aux bonnes mœurs on réprime l’intention de les commettre en public, 2 officiers de police Pierre Symonnet (ou Simmonet) et Haimier (Haymier ou Emié) sont chargés d’arrêter les individus suspectes aux portes des jardins royaux, préalablement repérés par les « mouches », et de les conduire devant le commissaire pour admonestation ; en 1725 les rapports accumulés permettent de constituer un fichier (le grand mémoire) ; aux pièges tendus sur les lieux de rencontre par les agents provocateurs, s’ajouteront les convocations par Louis Alexandre Framboisier, inspecteur de police chargé de l’exécution de « l’ordre du Roi contre les sodomites », de ces personnes, puis de celles déclarées comme « en étant » lors des interrogatoires ; Gabriel Nicolas de La Reynie (1625-1709) est en fonction depuis la création par Colbert de la Lieutenance générale de police le 15 mars 1667, lui succèdera Marc-René d’Argenson (1652-1721) est lieutenant-général de police de 1697 à 1718

1720 : naissance de Marguerite-Julienne le Paistour, elle s’enfuira à 20 ans du domicile paternel revêtue des effets de son frère et prend le nom d’Henry, aventures militaires, elle apprend le métier de bourreau à Strasboug et Montpellier, puis exécuteur des hautes œuvres à Lyon, elle est crainte malgré son caractère chétif, pendant 27 mois Henry accomplit son œuvre avant d’être démasqué et incarceré pour enfin de compte épouser un homme, ce qui lui vaudra la pendaison

25 octobre 1720 : mort d’Antoine-Charles IV de Gramont (1641-1720), fils du maréchal de France sous Richelieu qui avait déjà la réputation d’être homosexuel ; Antoine-Charles, a fondé avec son frère Guiche, et les seigneurs Tilladet Manicamp, Biran et Tallard, la Confrérie, première société secrète réunissant les homosexuels de la cour ; il commet l’imprudence d’y admettre le comte de Vermandois, âgé de 18 ans, fils naturel légitimé de Louis XIV et de Louise de la Vallière, celui-ci sera sur ordre du roi fouetté et engagé de force dans l’armée, il mourra au combat

 

8 novembre 1721 : mort par exécution par pendaison de la prussienne CatharinaMarghareta Linck (1687-1721), habillée en homme elle s’engage dans l’armée, déserte en 1708, révèle qu’elle est une femme, reprenant son habit d’homme elle devient tailleur et épouse Mühlhahn, elle prétend lors du procès qu’elle avait toujours cru que son partenaire un homme, il la battait lorsqu’il était ivre ; l’enquête révèle qu’elle usait d’un pénis en cuir ou en corne pour ses ébats et qu’elle pénétreait aussi bien le vagin que l’anus de Mühlhahn ;  les juges hésitent à parler de sodomie qui selon la Bible concerne des relations entre hommes, le roi Frédéric-Guillaume 1er confirme le jugement de pendaison ; ainsi l’exécution de Linck est la dernière en Europe pour un rapport sexuel lesbien (le Code prussien de 1851 opunira uniquement les rapports entre hommes)

26 avril 1721 : mort de la corsaire britannique Mary Read (1690-1721), élevée comme un garçon sous le nom de John par sa mère veuve très tôt, elle s’engage comme valet de pied, puis matelot, le navire qui l’a embarquée est attaquée par le pirate Jack Rackham et sa compagne Ann Bonny, elle est capturée, avec les pirates elle navigue jusqu’en octobre 1720, ils sont capturés après un combats près de la Jamaïque, Rackam est tué, les deux femmes réussissent à éviter la pendaison en prétendant qu’elles sont enceintes et meurent en prison

 

Août 1722 : une nuit le maréchal de Richelieu surprend 17 courtisans se livrant à une orgie homosexuelle sous les fenêtres de la chambre du jeune Louis XV, agé de 15 ans,  le lendemain Paris est dans la plus grande émotion, Fontenille sera embastillé quelques jours, le marquis de la Meuse (Choiseul) devra rejoindre son régiment, le duc de Boufflers affrontera la colère de son père et le marquis d’Alincourt esera exilé dans ses terres

 

11 juillet 1723 : à Paris, au jardin des Tuileries, deux prêtres, les abbés de Vieuville et de Choiseul, supplient une mouche de se laisser aimer entre eux

10 août 1723 : mort du cardinal Guillaume Dubois (1656-1723), âme damnée du régent Philippe d’Orléans, passé de l’état de laïc à l’état de cardinal sans jamais avoir été prêtre ; premier ministre en 1722, il a eu des succès politiques et diplomatiques, grâce à son intelligence, son habilté et son ambition démesurée, il eut de nombreuses maîtresses parmi lesquelles la duchesse d’Orléans ; dans sa correspondance il parle de relations avec ses laquais

 

9 septembre 1724 : Jean-baptiste François Joseph, comte de Sade, 22 ans (futur père du célèbre marquis), de la province de Languedoc, demeurant à Paris, rue de Seine à l’hôtel de Bretagne, vers 20h-20h30, après avoir fait le tour aux environs des bosquets des Tuileries, s’assoie et voit asser un jeune homme devant lui à qui il fait des avances, le jeune homme lui a proposé de le suivre, c’est  une mouche, M. de Saint Aynier comprend qu’il est un « infâme » et l’arrête, il le relâche après avoir pris son nom et son adresse, lui annonçant son défèrement devant un magistrat

 

1725 : une mouche rapporte qu’elle a été suivie par un abbé au Luxembourg, celui-ci a fait semblant de pisser et s’est « branlé le vit », « m’étant approché de lui pour lui dire que l’endroit n’était pas commode », il a voulu « mettre la main à ma culotte, me demandant si je bandais bien », il lui a proposé d’aller « dans un endroit où j’ai coutume d’aller », la mouche n’a pas voulu y aller, il est allé prévenir l’inspecteur Pierre Symonnet et lorsque l’abbé est sorti par la porte de la rue de l’Enfer, il a été arrêté et conduit au petit Châtelet ; l’abbé Emery explique à M. Symonnet que de telles rencontres lui sont arrivées dans le carrosse, dans la prison et par 2 fois dans l’escalier du Luxembourg depuis 1 an, et qu’il y est tombé encore une fois aujourd’hui ; le 14 mai 1725 le cardinal de Noailles demandera au lieutenant de police la clémence pour l’abbé Emery « pour épargner à ses parents la douleur de le voir dans un lieu honteux » ; l’abbé sera remis en liberté le 14 juin 1725, avec l’interdiction temporaire de dire la messe

8 février 1725 : en Russie, mort de Pierre le Grand, Pierre 1er Alexeïvitch (1672-1725), tsar à l’âge de 10 ans, à la mort de son frère Fédor en 1682, au préjudice de son demi-frère Ivan, simple d’esprit, sa mlère assure la régence, en 1689 sa demi-sœur Sophia qui prend le parti d’Ivan tente de la faire assassiner puis est envoyée au couvent ; en 1689 Pierre épouse Eudoxie Lopoukhina et le 19 février 1690 naît le tsarévitch Alexis ; la même année Pierre rencontre dans les faubourgs allemands de Moscou, l’aventurier suisse François Lefort, soldat de l’armée du général écossais mercenaire Gordon, qui devient son amant, au point que Lefort lui cède sa maîtresse Anna Mons, très belle Allemande, ils partagent son lit ensemble ou alternativement ; Lefort est nommé gouverneur général de Novgorod et constitue le premier régiment, noyau de l’armée qui attaquera la Suède et y rattacheront les pays Baltes ; le jeune Alexandre Menchikov, né en 1673, gardien d’écurie puis pâtissier à Moscou, devient domestique de Lefort, puis ordonnance au service de Pierre, couchant jour et nuit à côté de son lit, le tsar qui déteste dormir seul dort avec lui lorsque sa femme n’est pas là, Alexandre supplante Lefort et devient son favori ; à la mort de la régente en 1694, Pierre, Lefort et Alexandre partent sur le chantier naval d’Arkhangelsk, de retour à Moscou le tsar découvre le complot des streltsy (unité d’élite de l’armée), la répression est sanglante, 40 000 exécutions ; puis veut découvrir l’Europe occidentale à la recherche d’alliés et de techniques modernes, avec Lefort, interprète et ambassadeur, et Alexandre, pendant 17 mois il parcourt la Suède, la Courlande en Lettonie, la Hollande, l’Angleterre où le roi Guillaume III, qui a pour amant son page Bentinck (nommé duc de Portland), comprend la présence d’Alexandre Menchikov auprès du tsar ; de retour à Moscou, le tsar mate une nouvelle révolte des streltsy, puis se rend incognito à Vienne, avec Lefort dont ce sera le dernier voyage, il meurt en mars 1699, à 43 ans, d’un excès de boisson, rentré à Moscou, le tsar fait rouvrir le cercueil et lui baise le front, il ordonne des funérailles somptueuses, il se console avec Alexandre, compagnon d’orgies et confident, qui devient commandabnt de cavalerie  et ministre, souvent en dispute ils se réconcilient toujours ; en 1699 le tsar se débarasse de son épouse Eudoxie en l’enfermant dans un couvent, il épouse Catherine Alexéievna, la future impératrice Catherine, il continue de gouverner comme un autocrate, obligeant les hommes à s’habiller à l’occidentale, fait édifier la nouvelle capitale à Saint-Petersbourg, construite sur piloti par plus de 100 000 ouvriers, avec une artitecture qui défie aux coupoles byzantines ; il débarque en France en 1717, à Calais avec 180 personnes, il soulève le jeune Louis V, 7 ans, dans ses bras, il veut voir tous les monuments de Paris, chasse à courre en forêt de Fontainebleau, quitte Paris le 20 juin pour Reims, Charleville, Liège, puis Spa pour 3 semaines de cure d’eau, puis le traité d’Amsterdam allie la France, la Russie et la Prusse ; à Saint-Petersbourg le 9 octobre 1717 il découvre la conspiration de son fils Alexis qui s’était réfugié chez son beau-frère l’empereur d’Autriche Charles VI, il lui promet le pardon et aussitôit arrivé il l’emprisonne, obligé de dénoncer ses complices qui sont torturés et exécutés, Alexis est mis au cachot (probablement étranglé par son père), il a droit à des obsèqyues officielles, l’opposition décapitée, Pierre poursuit ses réformes ; à sa mort Pierre laisse une Russie transformée, Menchikov conduit le deuil, Catherine 1ère lui succède mais incapable de gouverner seule elle confie le pouvoir à Menchikov, mais il s’est attiré trop de haine, avec le soutien de Pierre II, il est arrêté est déporté et meurt en 1729

23 avril 1725 : le cardinal de Noailles écrit à M. d’Ombreval qu’il se trouve parmi les prêtres « des gens capables d’infamies » du même genre que celui qu’a commise celui que vous venez de faire arrêter qui mérite « d’aller expier à Bicêtre son abomination et de se retirer ensuite pour faire pénitence le reste de ses jours »

1er mai 1725 : le sieur Monnet, conseiller au Châtelet, a accosté un jeune homme aperçu dans un bosquet depuis les allées, lui a demandé s’il connaissait M. Haymier qui passait avec ses hommes, le jeune homme a fait semblant de ne pas le connaître ; M. Monnet a voulu mettre sa main dans sa culotte et lui a proposé d’aller vers l’Orangerie « où il se le mettraient réciproquement », devant son refus il lui a proposé de l’emmené dans un endroit « où il avait coutume de se réjouir », parvenus à la porte du manège par où le jeune homme lui avait dit qu’il valait mieux passer ; M. Haymier qui les avait fait observer a arrêté M. Monnet, mais compte tenu de l’heure tardive et d’une autre arrestation en cours, il a relâché M. Monnet après avoir pris son nom

31 mai 1725 : à la Demi Lune, Alexandre de Sainte Colombe (50 ans) assis non loin de lui « se branlait le vit dans son chapeau » pendant un quart d’heure, rapporte la mouche, il lui a pris la main pour le faire « manier son vit », lui proposant de se divertir davantage ; tandis qu’ils se promenaient, il lui a fait « des attouchements par derrière », lui a raconté qu’il « s’était diverti » avec « un religieux  Prépuce » qui s’appelle le père Jean-Marie, la mouche lui a répondu qu’il avais connu ce religieux, Alexandre lui a répondu qu’il connaissait aussi le père Denise dont on disait qu’il était « un des plus fameux bougres de Paris », ainsi que l’abbé François dont il dit que « c’est le plus grand des bougres de Paris » ; Sainte Colombe écrira au lieutenant de police Ravot d’Ombreval, pour se plaindre d’avoir été arrêté par erreur, celui-ci signera sa mise en liberté, Symonnet lui écrira  furieux que si cela se savait « cela causerait une révolte qui retomberait sur le magistrat »

Juillet-septembre 1725 : Pierre-Louis de la Motte, mercier, passe 2 mois à la Bastille, sa femme a supplié le lieuteant de police d’Argenson de le libérer, puis une 2è fois, soutenue par les voisins, finalmement le ministre Pontchartrin accèdera à sa demande de libération

Juillet 1725 : Benjamin Deschauffours (ou Duchauffour) est arrêté à la suite de plaintes de plusieurs familles qui l’accusent d’avoir enlevé leurs enfants, tous des garçons, pour les prostituer auprès de riches particuliers, l’un des garçons enlevé serait mort d’un coup de bâton destiné à le faire taire ce qui déclenche une vague d’homophobie (amalgamant homosexualité et pédophilie) ; Deschauffours sera condamné à mort et brûlé vif en mai 1726

18 novembre 1725 : l’abbé Gillot déclare au lieutenant général de la police que M. Milly, supérieur des clercs de la paroisse Saint-Eustache l’a séduit dès l’âge de 14 ans en lui faisant des attouchements

 

1726 : les rapports accumulés permettent de constituer un fichier rudimentaire ; la surveillance policière systématique a commencé au début du règne de Louis XV, l’administration de la lieutenance de police se partage onze bureaux, le 2ème est celui de la « discipline des mœurs », 2 inspecteurs (les exempts Haimier, Haymier ou Emié, et Pierre Symonnet, ou Simonnet) sont chargés d’arrêter les individus repérés par les « mouches » pour actions contraires aux bonnes mœurs, et de les conduire devant le commissaire ; un « Grand Mémoire » contient 113 noms, dont : le duc de Lorges (Magny son valet de chambre, Adelon laquais de Mme de Farges, la Pierre et Brunet), Monnet (ou Moisnet, et Gobesche Saint Ange), le marquis de Chambonna (« quoique dévot », Spec et Verdun dit Richard) , Dubois (grand maître des Eaux et forêts, son laquais La Jeunesse, Magny dit Socrate, laquais de M. Le Juge), l’abbé Guillot (dit l’abbé Sacredieu, Picard son ancien laquais, Saint Jean dit Agnès de Chaillot), Le Gras et Masson (toujours en liaison depuis plus de 15 ans, l’Eveillé et Cadet), le marquis de Villars (fils du maréchal, Fortunet son laquais et Lanois son ancien laquais), le duc de Villars Brancas, le marquis d’Antragues, Maréchal (suisse du comte d’Estaing et le petit Danel), le soldat Henry, l’abbé Damfreuille (Noilièvre son laquais), le marquis de la Vaire (et le grand Delisle), l’abbé de Breteuil, le beau Dufresne, M. de Mafoue (le gouverneur de Melun et Fleury), le sieur Lenormant (et Dupré)

23 mai 1726 : mort du peintre Jean-Baptiste Nattier (1678-1726), élu à l’Académie royale de peinture en 1712 ; pédophile, il ava eu un rapport sexuel avec un écolier que lui a présenté Deschauffours, emprisonné à la Bastille il s’est tranché la gorge le jour où l’Académie l’exclut pour mœurs corrompues

24 mai 1726 : mort de l’abbé Etienne Deschauffours (1690-1726), violeur et assassins de jeunes garçons, il finira brûlé vif ; Voltaire s’est élevé contre la cruauté de ces châtiments : « Lorsque Deschauffours on brûla / Pour le péché philosophique / Une étincelle sympathique / S’étendit jusqu’à Loyola » ; après cette date les sodomites seront emprisonnés à vie, c’est leur éffigie qui sera brûlée en place publique

6 janvier 1726 : Antoine Augustin Devers, marié 36 ans, ayant quitté la Demi Lune est venu sous les arcades de la Place Royale où il m’a parlé, raconte la mouche, ayant vu les hommes de Symonnet, il m’a dit de faire attention, il ne voulait pas qu’il lui arrive ce qui lui était arrivé aux Tuileries « pour le fait de la Manchette », « pendant ce temps il se branlait le vit dans sa culotte », me quittant brusquement Devers a été arrêté et conduit au petit Chatelet sur les six heures du soir

8 janvier 1726 : l’abbé Gillot, grand vicaire de Poitiers, a rencontré une mouche rue Fromenteau, lui a proposé de boire du vin chez Franc Pinot, ils ont déjeuné avec Adelon, rencontré au cours du déjeuner ; il leur a donné rendez-vous le soir à 5h au même cabaret, entre-temps Adelon « avait mis 2 coups » à l’abbé, mais « sans décharger » a confirmé l’abbé, les 2 compères, rapporte la mouche, se sont « branlé le vit » et les ont mis à tremper dans leurs verres pleins de vin, avant de boire ; un jeune homme blond, grand, assez beau, vêtu de rouge a fait l’aumône à l’abbé près de l’Opéra, il loge dans la ville neuve, il est allé coucher avec Adelon et s’est « branlé le vit » avec l’abbé ; Adelon a confirmé ces fait à M Jallan, homme de Symonnet

7 avril 1726 : une mouche rapporte qu’il a été « raccroché » par Jean Gibéor, marié 35 ans, qui lui a montré son cul, ayant remis sa culotte, il a montré son vit « et se l’est branlé devant moi », et lui a proposé de « revenir ce soir » pour être moins gêné par le monde qui passe là, « nous sommes partis ensemble, et comme il me disait adieu, le sieur Symonnet , qui l’avait suivi, est survenu, l’a arrêté sur ordre du Roi, et conduit au petit Chatelet » ; M. Gibéor avait déjà été vu, un peu auparavant, montrant son cul à « un particulier »

3 mai 1726 : Fermeluis, fils d’un médecin, rôdait vers les 10h du soir « dans les bosquets, le long des palissades et dans les endroits suspects, il regardait ceux qui passaient avec affectation et semblait vouloir les accoster », Haymier l’a vu accoster une mouche et aller avec lui derrière les palissades, allant vers eux, Haymier les a fait fuir mais il les a arrêtés avant qu’ils ne sortent des Tuileries, la mouche l’a accusé d’avoir, mis la main dans sa culotte et proposé la sodomie ; Fermeluis a tout nié devant le magistrat, celui-ci qui l’a libéré

Juin 1726 : Alexandre des Barres, de Rouen marié 39 ans, est accusé par une mouche de l’avoir accosté à 8h du soir à la Demie Lune, en ayant une main dans la culotte, « se maniant le vit et il s’est mis à pisser à côté de moi », il trouvait que le monde restait bien tard en cet endroit, alors « qu’autrefois on se divertissait ici » mais « cela n’empêche pas qu’on se divertisse encore, mais non pas en cet endroit », « en même temps il m’a demandé si je le mettais ou si on me le mettait », « il m’a demandé si je voulais qu’il vienne coucher avec moi », il lui a raconté ses aventures passées, avec un laquais de 17 ans et avec un garçon rencontré dans un cabaret, avec lequel ils s’étaient « branlé le vit » ; « arrivés place de Grève, il m’a dit mon vit pleure », en fait « il s’était branlé dans sa culotte », « comme il venait pour coucher avec moi, passant sous le petit Châtelet, ce des Barres a été arrêté par le sieur Symonnet », il sera emprisonné pendant 2 mois

 

24 janvier 1727 : mort de Philippe duc de Vendôme (1655-1727), frère de Louis-Joseph de Bourbon, duc de Vendôme, qu’il suit dans ses campagnes ; il devient grand prieur et lieutenant général en 1693 ; Saint Simon dit qu’il est à poil et à plume, si bien que l’hôtel de Vendôme est surnommé au XVIIè siècle l’hôtel de Sodome

30 avril 1727 : Jean-Baptiste Fautray, marié, soldat, « travesti en bourgeois, ayant canne à la main » a été trouvé par une mouche sur le quai de Conti à 9h du soir « aussitôt qu’il m’a donné le signal ordinaire des infâmes… il a fait semblant de pisser et m’a montré son vit », « dans la rue Mazarine… il s’est branlé devant moi et il est venu à moi pour me mettre sa main dans ma culotte…brusquement il voulut mettre sa main dans ma culotte, et le sieur Symonnet étant survenu l’a arrêté et conduit chez M. le commissaire Parent »… « Il y a 24 mois qu’il n’est pas avec sa femme »

2 juillet 1727 : Jean Durand, domestique 45 ans, venant de dessous l’arche du Pont Neuf, a suivi une mouche quai des Orfèvres « ayant sa chemise hors de sa culotte par sa braguette. M’étant appuyé sur le parapet, il est venu à côté de moi, ayant son vit à la main »… et comme il a voulu mettre sa main dans ma culotte, la sentinelle du guet… l’a empêché de faire son dessein », mais Durand s’est méfié lorsque la mouche lui a dit qu’il avait été pendant 3 ans portier aux Jacobins, parce qu’on lui a dit « qu’il y avait quelqu’un qui avait été portier aux Jacobins qui faisait arrêter ceux qui étaient de la manchette » ; Durand a quitté la mouche et redescendu au bord de la rivière, Symonnet l’a arrêté et conduit au petit Châtelet « l’ayant trouvé couché sur le sable de la pointe du Pont Neuf »

23 octobre 1727 : Jean Duvu, marié domestique 34 ans, a accosté une mouche entre 5h et 6h du soir à la Demie Lune, lui a montré son vit, et lui a proposé de marcher ensemble vers le faubourg Saint-Germain où ils habitaient tout les deux, « en chemin il m’a demandé si je ne connaissais pas quelque endroit où nous pourrions nous divertir », la mouche lui a plutôt proposé un rendez-vous pour le lendemain à 8h porte Dauphine, puis ils ont marché vers le quai Conti et le rue Mazarine « et à l’entrée de la rue, il m’a montré son vit et voulu mettre la main dans ma culotte », il raconté des rencontres passées (rue des Saints-Pères avec un nommé Picard, à Orléans avec Chenille et avec M. Dufour, marchand de draps, à Beaugency avec un religieux de Sainte-Geneviève dans son couvent, et actuellement avec un garçon menuisier), arrivant devant la porte du commissaire Parent, Duvu a été arrêté par M. Symonnet et conduit au petit Châtelet

1728 : naissance du chevalier de Beaumont d’Eon (1728-1810), espion de Louis XV il sera célèbre pour son habillement qui le faisait passer pour femme, affilié au Secret du Roi, officine au service de Louis XV en parallèle des conseils officiels (le prince Conti, le maréchal de Noailles et Beaumarchais), il est dépéché à la cour de Russie comme secrétaire d’ambassade, puis à Saint-Petersbourg et à Londres, où il se présente toujours en femme ; il devra remettre à Louis XVI des documents secrets rédigés sous le règne de Louis XV et s’engager à ne plus quitter ses vêtements féminin, en échange une rente viagère lui est accordée ; d’Eon quitte Londres le 13 août 1777 et se présente à la cour en capitaine de dragons, une ordonnance prise par le roi le 27 août lui donne l’ordre « de quitter l’uniforme de dragons qu’elle continue à porter et de reprendre les habits de son sexe avec défense de paraître dans le royaume sous d’autres habillements que ceux convenables aux femmes », il est exilé à Tonnerre, puis regagne la Grande Bretagne où il mourra dans la misère

 

6 novembre 1730 : mort de Hans Herman von Katte (1704-1730), favori du Kronprinz Frédéric – futur Frédéric II – , il a tenté de fuir avec lui en Angleterre, ils sont arrêtés par le roi Frédéric Guillaume 1er de Prusse et le Kronprinz est obligé à assister à la décapitation de son amant

1731 : à Lyon, Jean-Jacques Rousseau se fait accoster à 19 ans par deux fois sur la place Bellecour, la 2ème fois c’est un abbé qui le sollicite et Jean-Jacques Rousseau se laisse convaincre

21 avril 1736 : mort d’Eugène de Savoie-Carignan (1663-1736), grand militaire, au service de Louis XIV puis de l’empereur d’Autriche ; amant du prince de Conti dans sa jeunesse ; « Mars sans Vénus » tel était son surnom, « Il se prostituait déguisé en simple soldat » notera la princesse Palatine

9 juillet 1737 : à Florence, mort de Jean Gaston de Medicis (1671-1737), adolescent il s’encanaille avec les jeunes Florentins, à 16 ans son père l’oblige à partir en Bohème pour épouser Anne Maria Francesca ; l’épouse délaissée ne tarde pas à renvoyer son époux indigne en Toscane, il s’y entoure alors de jeunes chenapans recrutés pour leur complaisance ; en 1723 il succède à son père sous le nom de Côme III, mais sans attrait pour le trône, il transforme le palais Pitti en lupanar homosexuel, ne craignant pas les orgies avec des garçons corrompus et venaux ; quelques mois avant sa mort il est contraint par le trône d’Autriche de reconnaître comme héritier du trône François II, duc de Lorraine

1739 : une comédie est créée à partir de l’affaire Deschauffours, condamné en juillet 1725 et brûlé vif en mai 1726 « L’ombre de Deschauffours », celle-ci dénonce l’hypocrisie et la corruption des grands personnages de l’Etat, et plaide en faveur de la liberté sexuelle ; il est possible que cette comédie soit l’œuvre de Vilaines

 

29 mai 1740 : le marquis René-Louis d’Argenson écrit dans son journal que Vilaines était « célèbre dans l’ordre de la Manchette » et jouait « un grand rôle dans le parti de la Manchette »

1741 : parution du livre Dom Bougre, portier des chartreux roman libertin anticlérical d’une rare violence dont l’auteur serait Jean-Charles Gervaise de Latouche, jeune avocat de 22 ans, sur les tribulations du fils illégitime d’un abbé et d’une nonne, bisexuel assumé ; le livre est édité à 1 500 exemplaires, il sera réédité 19 fois jusqu’à la Révolution

17 mars 1741 : mort de l’auteur dramatique Jean-Baptiste Rousseau  (1671-1741), il compose des odes, des épitres et des épigrammes, refusé par l’Académie française en 1707 après avoir dénoncé l’homosexualité de certains contemporains qui partageaient ses goûts ; il est condamné en 1712 au bannissement à perpétuité « pour avoir composé et distribué des vers impurs, satiriques et diffamatoires » ; il vit misérablemenyt à l’étranger et revient à Paris en 1738 pour tenter de se faire réhabiliter et meurt pauvrement à Bruxelles

18 octobre 1744 : mort de Sarah Churchill (Sarah Jennings, duchesse de Marlborough 1660-1744), amante de la reine d’Angleterre Anne Stuart, intrigante, cruelle, perverse, elle domine la reine qui l’adore en tremblant, celle-ci ne se libèrera de sa tutelle qu’avec l’aide de sa nouvelle amie Abigail Hill Masham ; supplantée Sarah se déchaine, montre des lettres de la reine qui dévoilent leur intimité, ce qui amène la reine a exiler les Marlborough ; après le décès de la reine, George, électeur de Hanovre qui lui succède, rappellera à la cour les Marlborough, il leur rendra leurs titres et leur fortune

28 mai 1747 : mort du marquis de Vauvenargues (Luc de Clapiers 1715-1747), militaire il se distingue en Italie, puis se morfond en garnison jusqu’en 1740 ; lors de la campagne de Bohème, il recontre en 1741 un officier de 9 ans son cadet, Hippolyte Emmanuel de Seytres, qui devient son intime et meurt au combat en 1742 ; Vauvenargues compose son éloge funèbre « Je t’aimais même avant de pouvoir te connaître. Je n’ai jamais aimé que toi » ; en 1742, devenu capitaine, les jambes gelées au cours de la retraite de Prague, il quitte l’armée ; il est frappé de la petite vérole qui le défigure entièrement et se réfugie dans l’écriture

2 juillet 1747 : mort du duc Joseph-Marie de Boufflers (1706-1747), surpris à l’âge de 15 ans  en compagnie de 16 autres courtisans  dans une orgie homosexuelle sous les fenêtres du jeune Louis XV, le régent les a exilé les accusant auprès du jeune roi d’être des « briseurs de palissade »

15 janvier 1748 : André Salmon Picard, « faiseur de bas » habitant rue Saint-Antoine, racontera à l’inspecteur Framboisier qu’il a été « débauché dans le goût de l’infamie à Reims », puis il y a 12 ans il a rencontré à Versailles 2 hommes qui avaient les mêmes « goûts », marié, il demeure près de la Demi Lune de la porte Saint-Antoine, il y va fréquemment le soir ; « Depuis environ 1 an, il a fait des infamies avec le sacristain des Anglaises » rue de Charenton, le sacristain a « des cheveux crépus, le visage un peu long, il est loueur de chaises dans ce couvent. André Salmon Picard a fait des infamies avec M. Charpentier, officier sur les grains, lors des danses de la place Royale, l’été dernier », puis sur le boulevard avec un inconnu, puis avec un ébéniste d’environ 35 ans ; « Il est bien repentant d’être tombé tant de fois dans un vice aussi odieux, et il fera tout ce qui dépendra de lui pour s’en corriger » rapport l’inspecteur Framboisier

16 janvier 1748 : François Bruxelles, sculpteur, demeurant Grande rue du Faubourg Saint-Antoine, a déclaré au sieur Framboisier « qu’il y a très longtemps qu’il a le malheur d’être adonné au crime de l’infamie… que son goût est seulement de se manuéliser avec les hommes et de leur baiser le derrière »… « il a eu affaire dans le même goût avec le sieur Charpy une fois seulement il y a très longtemps, il ont tous deux été trois ou quatre fois cet été au Lion d’argent à la Courtille, où il y avait beaucoup de monde de la manchette » où « toute la conversation ne roulait que sur cela, la plupart des hommes qui s’y trouvaient se traitant de madame et prenant toutes les manières des femmes en faisant comme elles des révérences » ; Framboisier termine en disant qu’il a « promis de se corriger »

23 janvier 1748 : Caron, domestique des bureaux de la Cie des Indes, s’est trouvé dans une assemblée d’une vingtaine de gens de la manchette qui s’est tenue dans un établissement de vin, le Fer à Cheval, à la Courtille, où « tous ont eu affaire les uns avec les autres soit dans ce cabaret, soit après en être sortis »

18 mai 1748 : M. Martin, marchand de vin, rue Saint-Germain l’Auxerrois, a été dénoncé par l’horloger, M. Patro, « pour avoir fait ensemble des infamies, il y a 18 mois dans un cabaret du Faubourg Saint-Marceau où ils se sont » retrouvés à « environ une douzaine de personnes ; M. Martin a de son côté « été déclaré pour être de ce goût-là par Guillaume Martin, garçon pâtissier » ; M. Valois, domestique de Mlle Duquesnoy, a déclaré l’avoir vu « aux assemblées de gens de la manchette » « dans différents cabarets l’été dernier »

25 juin 1748 : M. Veglay, garçon bourrelier, est dénoncé par une mouche, pour être passé « sur le quai vis-à-vis du Collège des quatre nations sur les 11h du soir », il portait une veste blanche, il était « avec un autre infâme » qui « comme lui portait l’épée », il déclare qu’ils l’ont « suivi et se sont arrêtés dans un renfoncement » ; « Veglay est tous les soirs sur le quai Conti avec une douzaine d’infâmes come lui qui raccrochent tout ce qu’ils peuvent attraper jusqu’à 2h du matin » ; la mouche précise que Veglay lui avait « dit qu’il avait été convoqué par la police », M. Chaban avait voulu l’intimider pour le forcer dénoncer d’autres personnes, mais que Veglay avait « répondu sur un autre ton » et s’en était sorti, il avait alors expliqué à la mouche que « le vrai moyen de bien se tirer de là était de ne jamais déclarer ses amis »

1749 : il y a eu 234 arrestations pour « raccrochage » ; la police réprime la menace à l’ordre public et le terme de « pédéraste » commence à supplanter celui de « sodomite »

Eté 1749 : dans la campagne de Roanne, Sébastien Faure, 15 ans, paysan « maigriot et le cheveu comme du foin gelé » s’éprend de Balthazar de Créon qu’il a soigné après sa chute de cheval ; mais la belle utopie se terminera par la sentence du bûcher

Milieu du XVIIIème siècle : de nombreux romans obscènes mêlés de philosophie circulent (Margot la ravaudeuse, Thérèse philosophe paru en 1648, la Religieuse en chemise, les Bijoux indiscrets, Mémoires de Suzon, l’Histoire de Dom Bougre portier des Chartreux, etc.), les plus lus sont ceux dont la prétention philosophique est la plus marquée, hétérosexualité et homosexualité s’y mêlent ; Diderot est l’auteur de quelques uns, la femme philosophe apparaît dans ces fictions, les carcans religieux sautent et la jouissance y est déculpabilisée

Milieu du XVIIIème siècle : la police se livre à une véritable chasse aux ecclésisatiques libertins, plus de 1 000 arrestations seront recensées de 1751 à 1764

1750 : 970 rapports de police relatifs à des ecclésiastiques concernent le XVIIIème siècle (cf. « Ecclésiastiques en débauche 1700-1790 », Myriam Denel-Ternant, 2017), mais ce n’est qu’après 1750 que le clergé fait l’objet d’une surveillance particulière, il est jusque là plus ou moins admis que face à un vœu de chasteté trop exigeant des moments de défoulement soient nécessaires mais sous l’influence du jansénisme très critique à l’égard de l’évolution trop mondaine de l’Eglise, l’archevêque de Paris demande à la police de mettre en place une surveillance des clercs qui fréquentent les lieux de débauches ; l’attirance homosexuelle trouve sa place dans ce contexte, les lieux de rencontre sont repérés (jardins publics, quais de Seine, lieux de passage, parfois cabarets), les « chevaliers de la manchette » appartenant au clergé peuvent croiser d’autres amateurs d’hommes et des prostitués occasionnels, en particulier les « domestiques sans état », nombreux à parcourir les rues

1750 : en Russie, à la cour d’Elisabeth 1ère (qui règne de 1741 à 1762), fille de Pierre le Grand, le bal des métamorphoses se tient tous les mardis, les hommes paraissent à la cour habillés en femmes et les femmes en hommes, ce rituel brisant les rôles liés aux genres se poursuivra après le règne d’Elisabeth

6 juillet 1750 : deux hommes Jean Diot, domestique, 40  ans, et Bruno Lenoir, cordonnier, 20 ans, sont brûlés en place de Grève (future place de l’Hôtel de Ville), pour avoir été surpris rue Montorgueil dans une situation impudique et arrêtés par le « guet royal » ; depuis les années 1720 les homosexuels sont ferrés par des « mouches » (faux homosexuels à la solde de la police) sur les lieux de rencontre, arrêtés, fichés et reconvoqués afin d’obtenir des dénonciations de leurs pairs, certains d’entre eux sont enfermés à la prison de Bicêtre ; cette exécution restera célèbre sur le nom de L’affaire Lenoir-Diot (en 2017 une plaque sera apposée à ‘angle des rues Bachaumont et Montorgueil pour commémorer l’événement) ; du XIVème au XVIIIème siècle, l’historien Claude Courouve dénombrera 71 procès ayant pour chef d’inculpation l’homosexualité et ayant mené à des inculpations (dont les Templiers ou Gilles de Rais)

Novembre 1751 : nomination de Mgr Christophe de Beaumont par le roi Louis XV afin de contrôler le trafic des enfants perdus de l’Hôpital général, à la suite de plaintes concernant des abus sexuels, des violences et des malversations  dans la gestion de l’Hôpital, les administrateurs jansénistes (congrégation condamnée par la bulle du pape Unigenitus) de l’hôpital démissionnent

1753 : Voltaire se brouille avec Frédéric II de Prusse, jusque là si entiché des Lumières venues de France, il décrira le contexte qui l’exaspérait « accoutumé à des démonstrations de tendresse singulières, avec des favoris plus jeunes… il faisait venir deux ou trois favoris, soit lieutenants de son régiment, soit pages ou jeunes cadets… Celui à qui l’on jetait le mouchoir restait demi-quart d’heure en tête à tête. Les choses n’allaient pas jusqu’aux dernières extrémités, attendu que le prince, du vivant de son père, avait été fort maltraité dans ses amours de passade. »; il est vrai qu’en 1728, son père Frédéric Guillaume avait été très dur pour son fils, ce « coquin de Fritz », cet « efféminé », alors que depuis 1725, en Prusse la sodomie est passible du bûcher, associée à la zoophilie et la bestialité, et que le prince s’est lié avec un page écossais avec lequel il a selon sa sœur, la princesse Wilhelmine, des familiarités déplacées ; or, une fois le page exilé, le prince s’est lié avec le lieutenant Hans Hermann von Katte, de 8 ans son aîné, après avoir fait décapiter von Katte, le roi a fait enfermer son fils dans une forteresse jusqu’à ce qu’il accepte d’épouser la Bevern (une princesse qui s’éloignera au bout d’un an), en détention dans sa forteresse le prince était tombé amoureux du jeune soldat Fredersdorf « beau, bien fait, qui jouait de la flûte et servit en plus d’une manière à amuser le prisonnier » dira Voltaire, que le roi une fois sur le trône en 1740 a propulsé à de hautes fonctions (nommé chancelier et gratifié d’un domaine) ; à Potsdam dans son château de Sans-Souci, interdit aux femmes, Frédéric II s’est entouré de poètes, d’historiens, de musiciens et de philosophes, et fait une obsession littéraire avec un poème érotique La Jouissance, et une ode, Le Palladion, destinés à quelques rares favoris dont Voltaire, son compagnon des « occupations les plus frivoles »

1753 : naissance de Claude/Claudine Fauret, hermaphrodite, ausculté-e par de nombreux médecins

 

1754 : à Rome, le Traité de sodomie de Louis-Marie Sinistrati d’Ameno indique que tous les actes homosexuels ne sont pas constitutifs du crime de sodomie, il faut qu’il y ait eu introduction du pénis dans l’anus

 

1758 : à Lausanne, parution de Testamen de morbis ex manustrupatione ou Essai sur les maladies produites par la masturbation du célèbre docteur Samuel Tissot ; l’essai de ce spécialiste de la petite vérole, très pieux, va modifier la morale sexuelle de l’Europe entière jusqu’au début du XXème siècle ; il dénonce la masturbation comme étant un vice secret, une pathologie du corps, provoquant troubles et maladies, il recommande d’empêcher de lire au lit ceux qui se masturbent ; Rousseau et Voltaire chanteront ses louanges, dans l’Emile Rousseau y voit l’ « Habitude la plus funeste à laquelle un jeune homme puisse être assujetti. Il en aura le corps et le cœur énervés. », et pour Voltaire l’auto-érostisme s’accorde mal à la vie sociale

1760-1763 : en Autriche, Isabelle de Bourbon-Parme, belle-fille de Marie Thérèse d’Autriche, mariée par raison d’Etat afin de donner un descendant à Joseph II, qui mourra à 22 ans de la variole en 1798, écrit des lettres d’amour incandécentes à l’archiduchesse Marie-Christine, fille de la reine Marie-Thérèse d’Autriche ; les 194 lettres seront protégées par le prince Albert, malgré la volonté de Marie-Thérèse (en 2008 Elisabeth Badinter collectera ces lettres)

1762 : mort du sculpteur Edme Bouchardon (1698-1762) de la même génération que Chardin, Boucher ou Quentin la Tour, il se distingue d’eux par ses sujets révélant sans détour son homosexualité, comme Faune endormi

1767 : le grammairien Nicolas Beauzée poursuit dans la veine de Bouhours, en 1676 : « Le masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du male sur la femelle »

1769 : en Suisse, parution à Genève du livre L’Onanisme, dissertation sur les maladies produites par la masturbation du Dr Tissot, qui aura une influence tout au long du XIXème siècle, et encore largement au XXèmesiècle

 

1770 :  en Allemagne, l’onanisme entre dans la 1ère grande encyclopédie allemande

21 Janvier 1774 : mort du sultan de l’Empire ottoman Mustafa III (1717-1774), amoureux de son page Silidar Mohammed, lorsqu’il monte sur le trône il marie son amant à sa soeur et le nomme Grand Vizir ; mais le débordement pédérastique menace l’ordre et le Vizir ordonne à ses soldats de se séparer de leurs mignons mais devant le refus des officiers il est obligé de capituler

1778 : interdiction des mariages interraciaux en France métropolitaine

14 février 1779 : mort du navigateur britannique James Cook (1728-1779), capitaine après une guerre contre la France, il est parti pour un tour du monde en 1768, passe aux iles Hawai en 1769, découvre la Nouvelle Zelande, puis la Nouvelle Calédonie, nommé membre de la Société Royale en 1776 ; il est reparti pour le nord-ouest de l’Amérique,  puis vers les iles Sandwich où il est tué par les insulaires ; c’est aux iles Hawaï qu’il a emprunté le mot taboo au vocabulaire polynésiens, marié et père de famille, il pratiquait l’homosexualité lors de ses expéditions

 

12 avril 1782 : mort du librettiste Métastase (Pietro Trapassi, 1698-1782), enfant il chantait dans la rue, il est remarqué par Gian Vicenzo Gravina qui l’adopte et lui donne une éducation raffinée, à la mort de celui-ci il est recueilli par la prima donna Romanina qui lui fait connaître les grands musiciens (Pergolèse, Scarlatti, Marcello) dont il devient librettiste ; il a une liaison avec le castrat Farinelli (1705-1782), il compose les livret de Didon abandonné, La Clémence de Titus, Olympiade et beaucoup de chansons et de cantates pour Farinelli ; sa notoriété décline à partir de la disparition des castrats et de la célébrité de Mozart

 

1783 : la dernière fois, la peine de mort est requise et exécutée contre un moine (défroqué) qui avait poignardé un jeune garçon qui avait refusé ses avances

1° octobre 1783 : le capucin défroqué Pascal monte sur le bûcher, sous les huées d’une foule nombreuse, c’est le dernier pédéraste brûlé en France, il a violé un jeune savoyard de 17 ans et l’a lardé de 17 coups de couteau, eselon ce que rapporte les Mémoirses secrets de Mouffle d’Angerville

29 octobre 1783 : mort du philosophe Jean Le Rond d’Alembert (1717-1783) qui reprenant les réflexions de l’abbé Raynal, de Diderot, d’Olympe de Gouges et du marquis de Condorcet, réfute que la femme puisse être la propriété de son mari et qu’un nègre puisse être celle de son colon

 

1784 : dans ses Mémoires secrets Mouffle d’Angerville racontera que le commissaire Pierre-Louis Foucault montrait à ses amis, vers 1780, un gros livre où étaient inscrits tous les noms des pédérastes notés par la police, il prétendait que Paris en comptait « presque autant que de filles, c’est-à-dire environ 40 000 »

 

17 août 1786 : mort de Frédéric II de Prusse, Frédéric le Grand (1712-1786), Frédéric est sous la férule d’un père profondément homophobe, à 16 ans il a pour ami Peter von Keith, un page de son père, il fomente avec lui un projet d’évasion vers l’Angleterre, Keith sera pendu pour désertion ; puis il a plusieurs amis proches dont le lieutenent Borcke ; à 18 ans, Frédéric est arrêté par son père ainsi que son amant Hans von Katte, un peu plus âgé que lui, fils de général, alors qu’ils s’apprêtent – à nouveau – à fuir vers l’Angleterre, il était persuadé que son fils complotait contre lui, son amant de 24 ans est torturé au fort de  Küstrin, condamné à la prison à perpétuité puis décapité devant les yeux de Frédéric le 6 novembre 1730 ; il disait à propos de sa relation avec von Katte « Nous jouerons tous deux de la liberté pure. dans l’ivresse de l’amitié. L’ambition et l’intimité  seront les seuls péchés taxés de contre-nature » ; en 1732 pour donner des gages, Frédéric se marie avec la nièce de Charles VI, Elisabeth-Christine de Brunswick-Wolfenbüttel-Bevern, mais le jour du mariage, en pleurs, il a écrit à sa soeur « Entre ma femme et moi, il ne peut y avoir ni amour ni amitié » ; à la mort du roi, son père, Frédéric est monté sur le trône à 28 ans, il n’a plus vu sa femme que 2 fois par an à Berlin pour les cérémonies officielles ; il s’est installé à Postdam, au château de Sans-Souci, où il n’a regroupé qu’une cour masculine de philosophes, poètes, historiens et musiciens, complètement francisé, il ne s’adressait en allemand qu’à ses domestiques ; fou de Voltaire il l’a invité auprès de lui, ce que Voltaire n’a fait qu’en 1750, déveloippant une relation intellectuelle, entecoupée de brouilles, de lunes de miel et de réconciliations, dont Voltaire s’est lassé, lui écrivant « Vous n’êtes qu’une coquette, qui subjuguez les coeurs et ne vous donnez pas » à quoi Frédéric répondit :  » Mon cœur sent le prix de vos divins appas… moi je ne vous quitterai pas » ; en juin 1753 Voltaire a quitté Sans-Souci sans prévenir, mais, prextant le vol de l’un de ses écrits intimes, le roi l’a fait arrêter à Francfort et emprisonner pendant 3 semaines ; Voltaire a renvoyé ses décorations et ses ordres « Je les ai reçu avec tendresse, je vous les rend avec douleur », et a décrit les brèves rencontres en tête à tête de Frédéric avec « 2 ou 3 favoris , soit lieutenants de son régiment, soit pages ou jeunes cadets » et cité le nom de son jeune et bel amant, le soldat Fredersdorf, finalement nommé directeur du théâtre royal, puis Chancelier du royaume ; Frédéric fit de son armée l’une des plus puissantes d’Europe, resistant aux assauts des Français, des Russes et des Autrichiens, avec pour seule alliée l’Angleterre, lors de la guerre de Sept ans, prenant part au partage de la Pologne il a doublé la taille de son royaume en conquérant la moitié de l’Allemagne, mais aussi, « roi-philosophe », développé l’agriculture, introduit l’industrie, amélioré les conditions de travail, abolit la censure de la presse et la torture des tribunaux

6 octobre 1786 : mort du compositeur italien Antonio Gaspare Sacchini (1730-1786), napolitain, élève de Durante, il compose plus de 40 opéras dont Sémiramis, Allessandro, Chimène, Renaud, Dardanus, et son chef d’oeuvre Oedipe à Colonne ; sa gloire s’étend à l’Europe, à Stuttgart, Munich, Paris, Londres ses œuvres sont admirées, alors que s’opposent les partisans et adversaires de Glück et de Piccini, il affiche sa liaison avec le soprano Rauzzini, cela sert ses rivaux et ruine sa popularité, indigné par ces attaques, malade, il meurt prématurément à 56 ans

 

8 décembre 1788 : mort de Pierre André Suffren de Saint Tropez (1729-1788), fils du marquis de Saint-Tropez, il navigue dès l’âge de 14 ans, il se distingue lors de la guerre de 7 ans ; en 1778 lorsque le gouvernement décide d’aider Washington, il fait parie de l’scadre du comte d’Estaing ; en 1781 et 1782 amiral de la flotte française il inflige une série de défaites à l’escadre anglaise des Indes, il reçoit le titre de bailli des chevaliers de Malte et est fêté à Versailles par Louis XVI ; il ne cachait pas son goût pour les jeunes marins, sa gloire lui a épargné les démélés avec la hustice

 

26 août 1789 : 1er Code Civil adopté sous la Révolution

5-6 octobre 1789 : marche des femmes sur Versailles contraignant le roi et sa famille à revenir à Paris, sous la surveillance du peuple parisien

 

1790 : en pleine tourmente révolutionnaire paraît le libelle Les Enfants de Sodome à l’Assemblée nationale, ou députation de l’Ordre de la manchette aux représentants de tous les ordres pris dans les Soixantes districts de Paris et de Versailles, le pamphlet révèle les rassemblements nocturnes des sodomites tous les soirs au Palais-Royal, dans l’allée des Soupirs (av. Montaigne) et aux Tuileries

 

Mi-septembre 1791 : Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne par Olympe de Gouges

6 octobre1791 : l’Assemblée constituante adopte un nouveau Code pénal (Code criminel) qui supprime le crime de sodomie ; cette suppression s’inscrit dans un contexte de suppression des délits perçus comme des reliquats des persécutions religieuses (blasphèmes, hérésies, sacrilèges) ; à l’automne le rapporteur Lepeletier de Saint-Fargeau  a précisé à la tribune que le texte a pour but de châtier les « crimes véritables » et non ces « délits factices créées par la religion, la féodalité, la fiscalité et le despotisme » parmi lesquels le sacrilège, le blasphème, la bestialité, certains cas d’inceste et la sodomie, lesquels disparissent de la liste des choses interdites, le principe retenu est qu’il ne peut y avoir de crime sans victime ; le juriste des Lumières, Beccaria avait plaidé pour qu’on ne s’obstine pas à pourchasser une infraction trop difficile à prouver et Condorcet considérait en 1786 qu’il fallait simplement punir la sodomie par le mépris ; ; la loi des 19-22 juillet 1791 sur la police correctionnelle ne vise pas les relations homosexuelles dans les inculpations relatives aux mœurs ; sur la question du viol, le code pénal bouleverse les repères et les références, la gravité du viol ne découle plus du pêché (du statut et du rang du violeur, ni de l’indignité sociale) mais de la menace sociale, la reconnaissance du principe de l’autonomie de l’individu confère à la victime le statut de sujet ; en 1810 Napoléon et Cambacérès ne feront qu’acter cette évolution des mœurs et du droit dans le nouveau code criminel

 

1792 : institution du mariage civil, il s’inspire très largement des principes généraux du mariage religieux ; séparation du mariage civil et du mariage religieux ; établissement de la présomption de paternité ; la paternité n’existe que dans le mariage ; le mariage est pour la première fois fondé sur le libre consentement entre époux et autorise le divorce ou la séparation de corps en cas d’ « excès, de sévices et d’injures graves », les femmes victimes de violences peuvent désormais s’éloigner de leurs époux maltraitants ; mais le code Napoléon en 1804 effectuera un revirement en consacrant la toute puissance  du mari à qui son épouse devra « obéissance »

29 mars 1792 : mort de Gustave III de Suède (1746-1792), écrivain de talent, il fonde l’Académie suédoise, entreprend des réformes libérales mais se heurte à la noblesse qui complote, il est assassiné par un jeune aristocrate Ankarstrom ; il s’entourait de nombreux favoris dont Axel Fersen, Adolf Muell, Johan Aminoff ou Gustave Amfelt, son assassinat est probablement le résultat d’intrigues homosexuelles

Août 1792 : Théroigne de Méricourt (1762-1817) qui était partie de chez elle à 14 ans et avait participé à la prise de la Bastille, participe à la prise des Tuileries

 

22 août 1793 : la Convention adopte le projet de Code civil pour lequel le mariage est « une convention par laquelle l’homme et la feme s’engagent, sous l’autorité de la loi, à vivre ensemble, à nourrir et élever les enfants qui pevent naître de leur union »

3 novembre 1793 : Olympe de Gouges est guillotinée sur ordre de Robespierre, pour accointance avec les Girondins et 3 jours après eux, soutien de la monarchie constitutionnelle et de  Mirabeau, elle a protesté contre les massacres et les excès de la Terreur, critiqué avec force Marat et Robespierre, défendu ses idées d’émancipation, celle des esclaves, celle des femmes, avec la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, écrit des pièces de théâtre, conçu de nombreux projets de réforme (fiscalité, agriculture, éducation) ; elle était classée en 1774 par l’Almanach de Paris au 5ème rang des parisiennes les plus en vue

 

1794 : en Prusse, vote de la 1ère loi condamnant l’homosexualité masculine ; les autres Etats allemands adopteront la législation tolérante apportée par le Code Napoléon

5 avril 1794 : mort de Marie-Jean Hérault de Séchelles (1759-1794), petit-fils du maréchal de Contades, cousin des Polignac, opportuniste il supprime sa particule et devient un révolutionnaire acharné ; auteur de la Constitution de 1793, il devient président de la Convention ; il est beau, riche, élégant et raffiné, il a autant de succès avec les deux sexes appréciant les orgies bisexuelles ; il tente des négociations secrètes avec les Alliés, mais trahi par ses agents et haï de Robespierre, il finit sur l’échafaud avec les dantonistes

16 décembre 1794 : mort de Jean-Baptiste Carrier (1756-1794), conventionnel, chargé de la répression des royalistes vendéens, il a fini guillotiné ; bisexuel il vivait à Nantes avec deux femmes et deux jeunes garçons, amants et assistants

 

1795-1799 : au cours du Directoire, les bals et la prostitution des deux sexes se donnent libre cours, le Code Napoléon entérinera cette liberté

 

11 novembre 1795 : mort de l’écrivaine britannique Sarah Scott (Sarah Robinson 1723-1795), auteur de l’Histoire de Cornelia en 1750 et d'(une série de contes ; en 1750 ses parents convaiquent George Lewis Scott de l’épouser, l’ami de la famuille, sans profession a 12 ans de plus qu’elle ; elle rend visite à sa soeur Elizabeth mariée au riche Edward Montagu, petit fils du comte de Sandwich, à Bath, elle rencontre lady Barbara Montagu avec qui elle va vivre, elles s’entendent au point de vouloir vivre ensemble, Sarah qui montre une aversion pour la vie conjugale a refusé de consommer son mariage et quitté son époux, elle se consacre aux enfants pauvres ; son roman Descrption de Millenium Hall et du Pays Adjacent en 1762 met en scène une communauté de femmes qui se consacrent à la vie artistique, ce roman utopique qu sera réédité 7 fois jusqu’en 1778 va fournir de modèle à la Blue Stockings Society dont sa soeur Elizabeth est l’une des fondatrices ; après la mort de lady Barbara, Sarah commence à écrire une suite à Millenium Hall, L’Histoire de Sir George Ellison  publié en 1766 ; elle sera une référence pour les mouvements féministes à la fin du XXè siècle

 

12 février 1798 : mort à Saint-Petersbourg de Stanislas II Auguste Poniatowski (1731-1798) , le dernier roi de Pologne de 1764 à 1795 et grand-duc de Lituanie, à l’époque de la République des Deux Nations ; cultivé et de grande beauté, il a rencontré le chevalier Williams ambassadeur d’Angleterre à Saint-Petersbourg qui l’a initié aux amours masculines et l’a présenté à la future tsarine Catherine II, devenu roi de Pologne il refuse de se marier ; après avoir longtemps lutté contre ses puissants voisins, il est vaincu, la Prusse s’accorde avec l’Autriche et la Russie pour se partager le royaume de Pologne

7 juin 1798 : mort du vénitien Giovanni Giacomo Casanova de Seingalt (1725-1798), conquérant de toujours nouvelles aventures féminines et parfois masculines, comme par exemple à Saint-Petersbourg, le jeune Lunin « beau et joli comme une fille » ou en Italie le castrat Bellino (en réalité une fille)