Années 50 : 1950 – 1954

2ème moitié du siècle : le temps du travesti contraint (damoisaux chinois, effeminés grecs, castrats italiens, sexuellement exploités) laissera la place peu à peu au travesti émancipateur, porté par la contre-culture, puis les gender studies

Années 1950-1960 : le music-hall est marqué les chanteurs et chanteuses homosexuels, lesbiennes et trans Louis Amade (1915-1992), Dany Dauberson (1925-1979), Hélène Martin (1928), Nicole Louvier (1933-2003)

– Louis Amade haut fonctionnaire de police dont les romans, poèmes et textes de chansons seront écrits après la guerre, parolier d’Edith Piaf (Les Croix, 1953), pygmalion de Gilbert Bécaud, parolier de L’important c’est la rose ou du poème L’enfant à l’étoile dont Bécaud fait une cantate

– Dany Dauberson, garçonne en tailleur strict de sirène, chanteuse et actrice, elle se produit en 1956, lors du 1er concours Eurovision de la chanson

– Hélène Martin fait ses débuts à la Colombe, auteur interprète-compositrice, elle ne sera vraiment connue qu’à partir de la fin des années 1950, amie d’Aragon et de Giono, interprète de l’Elégie à Pablo Néruda d’Aragon et compositrice de la musique du Condamné à mort de Jean Genet qu’elle adaptera à la scène en 1984, elle se produira au Festival d’Avignon en 1956, sa compagne est Solange Lambergeon

– Nicole Louvier, sa famille d’origine juive polonaise est traquée pendant la guerre, surnommée par Maurice Chevalier de « petit Radiguet de la chanson », se produit à La Rose Rouge, La Colombe ou Chez Agnès Capri, elle parle de ses émois amoureux lesbiens dans son roman Qui qu’en gragne, productrice à Radio France, puis peu à peu marginalisée par ses propos dérangeants (elle est un exemple pour Anne Sylvestre et Barbara)

Années 1950-1960 : à Paris, entre 1 000 et 3 000 jeunes hommes se livrant à la prostitution masculine sont comptabilisés chaque année, fils d’ouvriers et employés, de 16 ans en moyenne, ils sont placés  au centre d’observation de Juvisy-sur-Orge car les autorités craignent leur basculement dans l’homosexualité (selon Régis Revenin leurs clients sont en particulier de jeunes majeurs – soit à partir de 22 ans -, souvent jeunes ouvriers, sans famille, maghrébins, ne se définissant pas comme « homosexuels »)

Années 1950-1960 : à Marseille, le couple Paul-Maxime Donnadieu et Pierre-André Saint-Hilaire (le plus jeune, né en 1931) témoigne d’une ville très vivante où les opportunités de rencontres sont nombreuses ; il y a eu pendant la guerre les vespasiennes (les chapelles) du Prado et du bd Perier (fréquentées par les allemands de la Kriegsmarine) ou les toilettes souterraines de Noailles et du cours Belsunce ; il y a les soirées « extra » du Cancan à l’époque d’Alice Guérini, le bar de la rue Saint-Saëns tenu par la Jeanne (le Colibri ?), avec ses one man shows très courus à l’époque de l’arrivée des rapatriés (en 1962), le Gaulois à côté de l’Opéra où Pierre a rencontré Jean Marais, le parc Borély où ça draguait beaucoup, Pierre y a souvent rencontré Roland Petit (qui a 7 ans de plus que lui), le cinéma l’Etoile, bd Dugommier, marche très fort, le cinéma de la rue des Dominicaines, le Cinéac du cours Belsunce, la Mare au Diable tenue par Jean-Louis et son frère, la Taverne du Puisatier à Aubagne ; dans une boîte de Cannes, rue d’Antibes, près du Palais des Festival, se produit la grande Zoa

Années 1950 : le climat de répression sexuelle qui règne en France est largement présent à l’étranger, les bouleversements de la guerre et de l’Occupation provoquent la hantise des désordres sociaux et de la délinquance, le catholicisme voit son influence politique progresser en Allemagne de l’Ouest, en Italie, aux Pays-Bas et en France davantage encore qu’à aucun autre moment au cours du XXème siècle, c’est le temps hégémonique de la démocratie chrétienne en Europe ; en Allemagne de l’Ouest, la population protestante étant plutôt en RDA, l’exorcisme de l’héritage nazi va avec celui du désordre moral (homosexualité et nazisme étant peu ou prou assimilés) et la législation nazie contre l’homosexualité est maintenue ; en 1951, un procès à Francfort aboutira à 100 arrestations, 75 condamnations et 5 suicides, des lois nouvelles pour protéger la jeunesse et contrôler les publications qui lui sont destinée, seront adoptées en 1953 et 1954 en Allemagne ; dans le même temps, la question de l’identité sexuelle s’impose davantage dans la morale sociale ; historien membre d’Arcadie, Duchein parlera de la coalition perverse, à la Libération, du « puritanisme marxiste et de la morale de sacristie du MRP »

Années 1950 : dans 3 pays se pratiquent de (rares) opérations de réassignation sexuelle avec des expérimentations de pénoplasties et de vaginoplasties , en Grande Bretagne avec Harold Gillies, connu pour l’opération de Roberta Cowell en 1951, au Danemark Christian Hamburger connu pour avoir pris en charge l’américaine Christine Jorgensen (dans ce pays la loi l’autorise depuis 1951 sous la condition d’être de nationalité danoise), et au Maroc français le Dr Georges Burou (malgré l’interdiction faite par le code pénal)

Années 1950 : le Tout-Paris participe à des bals fastueux à l’Hôtel Lambert, tout au bout de l’île Saint-Louis, le baron Alexis de Rédé, grand collectionneur d’art, les organise avec son compagnon Arturo, marié à la chilienne Patricia Lopez-Willshaw dont il est cousin, héritié d’une uimmense fortune faite dans le commerce du guano, les bals sont fréquentés par Mari-Laure de Noailles, le coiffeur Alexandre (Louis Alexandre Raimon dit Alexande De Paris), la peintre Leonor Fini ou l’écrivaine Louise de Vilmorin

Années 1950 : à Casablanca, le Pr Georges Burou construit sa clinique sur un terrain attenant à son cabinet, dans un quartier chic ; né en 1910, il a fait ses études à Alger, devenu gynécologue obstétricien, puis chef de clinique, parti à la guerre il a été sur le front en Italie et en Alsace dans la 4ème Division marocaine de montagne ; dans sa clinique du Parc, il fabrique des dispositifs contraceptifs intra-utérins, traite des stérilités, débouche les trompes, pratique des inséminations, et en mai 1952 déclenchera un accouchement (ce qui ne se fera en Europe qu’à partir de 1975) et pratiquera des avortements ; il deviendra le premier à pratiquer des opérations de l’appareil génital, malgré la loi française (art 309 et 318 du code pénal sur les coups et violences volontaires et sur la castration, relayés en 1963 par l’article 412 du code pénal marocain) qui prohibe de telles opérations, il opère des centaines de femmes transsexuelles dès 1956 – l’année de la fin du Protectorat français et l’année de la 1ère thèse de médecine sur le sujet Contribution à l’étude du transsexualisme de Jean-Marc Alby –  et peu à peu connu dabns le monde entier il fera au total un millier d’opérations ; il a mis au point la technique la plus avancée pour l’époque ; le 22 juin 1957 paraît un article dans le journal Point de Vue qui mentionne le cas de Jeannette Jousselot, ancien fusiller-marin, menuisier-charpentier sur l’Ile de Ré, connu sous le prénom de Jean ;  puis il opèrera Coccinelle, artiste-phare du cabaret parisien Le Carrousel du Louvre qui vantera ses talents (un peu trop, ce qui lui fera du tort) et qui pourra ainsi se marier le 16 mars 1962, après avoir obtenu son changement d’état-civil en 1959, Mme Arthur et d’autres membres du Carrousel, comme Capucine et Bambi, se feront opérer par lui, ainsi que des transsexuelles dedifférents pays (April Ashley, Deborah Hartin, Gunde, Corinne von Tongerloo, etc.)  ; beaucoup de prostituées  de Pigalle (comme Gina, Cobra et Nana, photographiées par Christer Stömholm dans Amies de la Place Blanche), puis des prostituées de Hambourg auront recours à ses services ; le 19 novembre 1966 le Spiegel et en avril 1967 la revue américaine Esquire feront des articles sur le Dr Burou, ainsi qu’en juillet 1970 les tabloïd américains National Police Gazette et Mirror et en 1971 la revue érotique italienne Playmen, le Dr Burou donnera une interwiev avec le journaliste Michael Goldsmith en 1974 et se rendra en février 1973 au colloque de l’université de Standford (Interdisciplinary Symposium on Gender Duysphotia Syndrome) mais refusera de se rendre au Congrès international de sexologie médicale de Paris en juillet 1974 à un moment où il est de plus en plus contesté en France (pour des raisons juridiques : ce n’est qu’en 1991 que la Cour européenne des DDH contraindra la France à reconnaitre officiellement un changement d’état-civil après opération par le Dr Burou), en avril 1974 Paris Match titrera son article L’homme qui change le sexe  ; l’histoire du Dr Burou sera citée dans plusieurs livres, en particulier par le spécialiste britannique Harry Benjamin dans The Transsexual Phenomenon qui fait son éloge en 1966, dans Au-delà de Casablanca par Corinne von Tongerloo opérée en 1971, dans L’empire contre attaque : un manifeste post transsexuel de Sandy Stone de 1991, dans un Colloque sur la transsexualité Auf nach Casablanca à Berlin en 2017, Colette Piat dans son livre Elles… les travestis. La vérité sur les transsexuels paru en 1978 et Guy des Cars a écrit en 1971 Une certaine dame y fant référence

Années 1950 : la Ligue de l’Enseignement s’appuyant sur la loi de juillet 1949 diffuse le court-métrage On tue à chaque page ! diffusé dans les 17 offices de la Ligue dénonçant les « aventures de tous les Superman, Tarzan, Amok et autres Fantomas…le marché noir des journaux… un trafic illicite » ; la Commission de surveillance a rédigé une brochure diffusée en 1950 par l’Education surveillée du ministère de la Justice dans laquelle Tarzan est particulièrement ciblé : « L’anatomie des personnages est en rapport avec leur psychisme : ce sont des hercules microcéphales » parlant de « bestialité…cris de victoire inarticulé… instinct purement animal » ; en 1953 Raoul Dubois qui représente les Francs et franches camarades d’obédience communiste à la Commission de surveillance dénoncera la décoration de la Légion d’honneur attribuée à Cino Del Duca, italien antifasciste, éditeur de Tarzan, il réclame avec René Finkelstein des Cœurs vaillants des poursuites judiciaires contre Tarzan qualifié en décembre 1950 de « prototype des mauvaises publications », en 1952 l’hebdomadaire Tarzan cesse de paraître à la suite du retrait de son agrément par la Commission paritaire des papiers de presse qui siège au ministère des finances, surtaxée la publication est désormais invivable… Del Duca menace de saisir le Conseil d’Etat et finira par avoir gain de cause, mais trop tard

Années 1950 : la Sté d’Etudes et d’éditions pour l’Education d’Angers diffuse le manuel Ce que Tout maître devrait savoir à destination des Maîtres de l »Enseignement libre, il répartit ses chapitres en Formation morale, Autorité, Surveillance, Cour, Réfectoire, Dortoir, Punitions, etc., il y a les bons conseils d’autorité et de fermeté, d’encouragement par les récompenses et les félicitations, il y a aussi la formation morale et religieuse, la volonté et les bonnes habitudes, l’amour du beau et du bien, l’imagination qu’il faut apprendre à diriger, le jugement  à former, mais aussi les indésirables à renvoyer sur le champ, et la nécessité de maîtres profondément religieux (qui ne recevront jamais un enfant dans leur chambre y compris pour les leçons particulières, mais sur la cour ou en classe)

Années 1950 : Françoise Sagan publie 4 romans, elle écrit aussi de nombreuses chansons qui l’amènent à fréquenter Michel Magne, Renée Caron (fiancée de Fernand Raynaud), Annabel (future épouse de Bernard Buffet) et Marcel Mouloudji qui lui présente Juliette Gréco, les deux femmes deviennent aussitôt amantes

Années 1950 : aux USA, à Fire Island, une île de l’Etat de New York, un tronçon ce terre entre les pins et Cherry Grove est connu par les initiés sous le nom de Meat Rack, les gays y trouvent refuge et se libèrent dans les sentiers boisés qui relie les bourgs Pines et Grove, la population homosexuelle de Cherry Grove attire de nombreux homosexuels placardisés, aved ses nombreuses promenades, avant le temps les lieux de drague de Grove se sont déplacés vers l’est des bois, avec les règles non écrites de l’anonymat, pas d »éclairage ni de conversation ; mais peu à peu la police de Suffolk est intervenue après de nombreuses dénonciations et en 1968 après des dizaines d’acquittements, la police mettra fin à ses incursions

 Années 1950 : apparition des revues culturistes, seules représentations autorisées de la nudité ou semi-nudité masculine, subculture internationale crypto-gaie, importée des USA (où le plus célèbre est Physique Pictorial avec les croquis de Quittance et Tom of Finland), les équivalents français sont Sciences culturistes, La Culture physique, Apollon et Vénus (avec les photographies du Studio Arax à Paris ou Jean Ferrero à Nice), et aussi de revue naturiste comme Vivre d’abord ; Baudry lui-même se fournit en photos de nus auprès du photographe d’origine thèque Karl Egermeier ; mais la répression tombe : Arax victime d’une saisie en 1950 a connu 2 années de persécution judiciaires et Engermeier a été arrêté en 1953 pour détournement de mineurs

Années 1950 : Maurice Chevaly racontera ses années de collaboration à la revue à Der Kreis (Le Cercle) dirigée à Zurich par Charles Velti, il écrivait sous le nom des J.P. Maurice, André Baudry sous celui de André Romane, la revue était envoyée sous pli cacheté avec des suppléments payants (photo de boy habillé ou pas, calendrier, albums photos, et surtout petites annonces de rencontre mais aussi d’emploi ou de logement) ; il se souvient du local spacieux dont disposait la revue à Zurich avec son bar-restaurant et ses festivités (bals et soirées câlines, mardi-gras drag-queen à dimension internationale ouverts aux gays et travestis des pays voisins) ; il explique comment cette revue a aidé Baudry à construire un projet, en 1953 Baudry qui avait reçu de nombreux abonnés de Der Kreis à Paris a l’idée d’organiser pendant les 3 mois d’été un séjour dans une maison de Sainte-Maxime, grâce au soutien financier de Der Kreis, mais si ce fut un succès en ce qui concerne la participation des vacanciers homophiles ce fut un désastre financier dont Baudry a tiré la leçon ; dès lors Baudry organise à Paris réunions et banquets dans des salles privées de restaurant amis, jusqu’à la création d’Arcadie en janvier 1954, sous l’impulsion de Jacques de Ricaumont et avec le soutien de Jean Cocteau et de Roger Peyrefitte, le succès de la revue sera inespéré avec 2 000 abonnés et bientôt 4 000

Années 1950 : à Paris, Suzanne Baulé (1914-1976), alias Frede, a ouvert le Caroll’s, rue de Ponthieu, près des Champs-Elysées, elle réussit à y attirer le Tout-Paris, mais aussi le Tout-Hollywood, Errol Flynn, Maurice Chevalier, Marlon Brando, Sacha Distel, Gary Cooper, Jean Marais, Rita Hayworth, Brigitte Bardot ou encore Annabel et Bernard Buffet ; elle a rencontré la romancière Anaïs Nin, puis Marlène Dietrich avec laquelle elle a vécu pendant 4 ans dans les années 1930 ; elle aura les honneurs du livre de Patrick Modiano (Remise de peine, 1988) : « une brune aux cheveux courts, au corps gracile, au teint pâle. Elle portait des vestes d’homme, serrées à la taille, que je croyais être des vestes de cavalières » ; elle a été chargée des décors aux Folies Bergères dès l’âge de 18 ans, puis elle a travaillé au Monocle, le cabaret lesbien, tenu par Lulu de Montparnasse, à qui elle a succédé, en smoking et nœud papillon ; après guerre elle a rencontré Lana Marconi, la maîtresse de Sacha Guitry, l’actrice mexicaine Maria Felix ; elle se retirera à la fin de sa vie avec l’Américaine Marilyn Leff, dite Miki, dans une maison des Yvelines

Années 1950 : l’église des Pays-Bas se rend coupable de faits d’abus sexuels en direction de plusieurs dizaines de milliers de mineurs (ce qui se serait prolongé au-delà des années 1950) et de faits de castration de mineurs à la demande de prêtres catholiques parce qu’ils étaient homosexuels

Années 1950 : aux USA, des psychiatres sont confrontés à des nouveaux-nés hermaphrodites, ils décident de leur attribuer une catégorie sexuelle en tablant sur l’éducation pour leur apprendre à être un garçon ou une fille, c’est le début de la distinction entre sexe et genre

Années 1950 : aux USA, le terme camp utilisé pour les homosexuels efféminés en Angleterre à la fin du XIXème est réutilisé par les homosexuels pour se désigner eux-mêmes, le mot vient fonder une sorte de subculture gay, oscillant entre esthétisme et snobisme

Années 1950 : aux USA, Lou Reed (Lewis Allan Reed 1942-2013) forme ses 1ers groupes de musique au lycée à Long Island en même temps qu’il prend conscience de sa bisexualité, ses parents inquiets de son excentricité l’envoient chez un psychiatre qui préconise des cures d’électrochocs, il relatera la cruauté de ce traitement dans sa chanson Kill Your Sons en 1974

Années 1950 : aux USA, à Los Angeles, après les journées de tournage Rock Hudson (Roy Harold Scherer, originaire de l’Illinois, 1925-1985) effectue le réseau nocturne ds gays prenant le risque des chantages et des rafles policières à un moment où la discrétion est obligatoire, comme doivent s’il plier George Cukor, Montgomery Clift, Farley Granger, James Whale, Anthony Perkins ou Tyrone Power alors que le FBI de J Edgar Hoover constitue des dossiers sur tous les « pervers » ; en 1937, à 12 ans, Rock Hudson est tombé amoureux de l’acteur Jon Hall, autour de 20 ans il rencontre l’agent intéressé par les acteurs gays, Henry Wilson, qui lui apprend les codes de la virilité, en 1954 il devient une vedette dans le Secret magnifique, et « célibataire le plus désiré », il se marie en 1955 avec une lesbienne Phyllis Gates et tourne de nombreux films

Années 1950 : en Nouvelle Zelande, John Money (1921-2006), psychologue et sexologue, met en évidence la prévalence de l’empreinte psychologique due à l’éducation sur la nature biologique du sexe en ce qui concerne l’acquisition du comportement masculin ou féminin chez les transsexuels, il introduit une distinction entre genre, relevant du psycho-social, et sexe, relevant du biologique ; aux USA, Robert Lesse Stoller (1925-1992), psychiatre et psychanalyste, approfondit cette théorie, pour lui la notion de genre désigne le vécu identitaire, les 2 concepts de féminin et masculin sont pour lui culturels et fluctuants selon les sociétés et leurs évolutions, l’être humain est plus complexe que la subdivision mâle/femelle sans que le sexe biologique soit déterminant, il y a alors dysphorie de genre dont le transsexualisme représente la forme extrême

Début des années 1950 : Juan Goytisolo dira aussi à propos de Jean Genet au début des années 1950, vivant dans le Barrio Chino à Barcelone : « Il y avait vécu dans des conditions qui dépassaient les limites de la pauvreté. Il tenait des malamatis, ces soufis qui n’hésitaient pas à commettre des actes réprouvés par la société pour atteindre à la perfection secrète. Quand Genet pratiquait la sodomie, c’était ça. Etre méprisé par tous mais garder son orgueil, sa fierté la plus intime. »

Début des années 1950 : Jacques-Charles Dufresnoy est engagé par Mme Arthur, cabaret parisien antichambre du Carrousel, Coccinnelle est née, véritable star, elle fait rayonner la culture du cabaret trangenre ; elle sera opérée en 1958 par le Dr Burou à Casablanca, elle devient Jacqueline Charlotte Dufresnoy et se mariera à l’église en 1962, son opération créera un appel d’air

Début des années 1950 : Régine Desforges, née en 1935 à Montmorillon dans le Poitou, expose dans son journal intime qui lui est volé ses relations avec une camarade de classe, dès lors se colporte dans tout le canton que la jeune fille est dépravée (« la drôlesse a le diable dans la culotte »), le curé et les gendarmes s’en mêlent, le collège décide son exclusion, ordre lui est donné de brulé tous ses carnets secrets lors d’un autodafé ; elle deviendra un écrivain prolifique, la saga de 10 livres de La Bicyclette bleue pendant l’occupation allemande commencée en 1981 sera vendue à plus de 10 millions d’exemplaires, elle créera une maison d’édition et se mariera avec Jean-Jacques Pauvert

1950-1954 : aux USA, le maccarthysme engage une chasse aux sorcières des supposés communistes, la chute de McCarthy sera liée à l’histoire des luttes des homosexuels, son directeur de cabinet Roy Cohn est homosexuel et l’homophobie ambiante se retournera contre lui

1950-1952 : aux USA, Christine Jorgensen part au Danemark pour obtenir un changement de sexe, elle devient alors victime d’un déchainement médiatique lié au contexte maccarthyste

1950 : le jeune gai, Jean-Jacques Rinieri, écrit dans son livre Amour et homosexualité « les années 1945 et 1946 auront été l’âge d’or de l’homosexualité à Paris : la détente qui suit les périodes troublées, la présence des troupes alliées… autant de raisons qui expliquent l’extension ou plutôt l’apparition au grand jour du monde homosexuel »; mais les souvenirs seront plus souvent négatifs, en 1948 Jacques Debu-Bridel, résistant, conseiller municipal de Paris, a proposé de fermer toutes les boites homosexuelles de la capitale, Paris-Dimanche titrait en décembre 1948 « Le 3ème sexe comme si vous en étiez : L’inversion ne s’est jamais traduite avec tant de révoltante impudeur que de nos jours » et au même moment l’Aurore comparait Paris au Berlin des années 1920, en 1949 une ordonnance préfectorale a interdit aux hommes de danser ensemble en public (seul un bar de Seine-et-Oise, La Chevrière, sera connu pour le permettre encore, et le train en partance de St Lazare le dimanche après-midi sera connu sous le nom de « train des folles »)

1950 : sortie du film Olivia de Jacqueline Audry, premier film ouvertement lesbien, dans une éciole de jeunes filles, dirigé par un couple de femmes, qui vivent ensemble ; le film sera un film-culte mais après ce film tout deviendra plus difficile pour la cinéaste losrsqu’elle voudra réunir des budgets et continuer à tourner

1950 : la sociabilité homosexuelle s’est déplacée vers St Germain des Près, le Café de Flore et la Reine Blanche sont très fréquentés, puis de façon plus nette encore le Fiacre, rue du Cherche-Midi au début des années 1950, devient le bar gai mythique de Paris pendant 10 ans, avec son restaurant au 1er étage fréquenté par les acteurs et chanteurs à la mode, le bar du rez-de-chaussée est très fréquenté, parlant de 1956 Christopher Isherwood écrira « la foule est tellement dense qu’on ne pouvait que suivre le mouvement comme des algues dans l’eau ». Les jeunes gigolos se pressent autour des cafés et sur les trottoirs. A l’inverse, Arcadie verra dans les prostitués « efféminés » du St Germain des Près de cette époque « l’exemple le plus répugnant » de cette « caricature de l’homosexualité ».

Pigalle autrefois royaume des homosexuels vit ses dernières heures de gloire, interlope, sur le bd de Clichy, entre Clichy et place Blanche, nord-africains, bourgeois et ouvriers, prostitués et clients, truands et garçons efféminés, à la brasserie Graff, dans les tasses du boulevard, dans les petits hôtels où l’on ne pose pas de question, la célèbre maison de passe de Madame Madeleine, impasse Guelma (censée avoir été créée par un souteneur qui aurait travaillé avec Albert le Cruizat, le Jupien de Proust).

Il y a aussi le Festival, rue du Colisée, ou le minuscule bistro Narcisse près de la gare de Lyon (cheminots en semaine, gais en week-end). La rue de la Lappe garde encore une aura pour certains, avec ses « apaches de pacotille ». Hors de ces lieux, de nombreux lieux de rencontres clandestins existent, bains publics, cinémas, parcs et jardins, vespasiennes : une dizaine de cinémas (en particulier à Pigalle et sur les boulevards, dont le Trianon sur le bd Rochechouart, réputé pour ses loges), les music-halls l’Alhambra et Bobino, les très nombreux bains (les Bains de Penthièvre fonctionnaient déjà avant la guerre de 1914-1918) qui risquaient les descentes de police, les vespasiennes depuis le XIXème siècle restent les sites les plus propices, René Soral, membre d’Arcadie, parlera de « la civilisation des pissotières » importante pour son éducation sexuelle pendant la guerre et après, et Daniel Guérin écrira des pages lyriques à leur propos dans Gay Révolution.

1950 : Daniel Defert, futur compagnon de Michel Foucault et fondateur d’Aides, a 13 ans, né à Vézelay, il a des petites copines puis commence à avoir des relations avec des garçons, un jour passant devant la terrasse d’un café il regarde les mecs, il entend crier « pédé ! », sa mère le serre très fort contre elle, il a compris qu’elle le soutiendrait, elle avait souffert toute sa vie le stigmate d’être juive sans savoir ce que ça voulait dire : « ça a été l’élément fondateur.Elle m’a soutenu parce qu’héréditairement on était stigmatisés » dira-t-il

1950 : parution de Moïra de Julien Green, le jeune Joseph Day est venu prendre pension au collège d’une petite ville universitaire d’Amérique, c’est garçon de la campagne, ignorant du monde, ne sachant que la Bible, nourri et bardé de ses interdits, obsédé par l’omportance capitale du péché et par la nécessité du salut

1950 : sortie du film de Jean Genet Un chant d’amour, qui sera censuré jusqu’en 1975, depuis leurs cellules, deux prisonniers arrivent à communiquer grâce à un trou percé dans le mur qui les sépare, avec la complicité silencieuse du gardien qui les observe par le judas, ils vont établir un contact amoureux et érotique en utilisant divers objets tels qu’une cigarette, une paille

1950 : Paul Veyne est à 20 ans élève de l’Ecole Normale Supérieure, plus âgé que lui Michel Foucault est son caïman de philo (ainsi que Louis Althusser), lorsqu’ils se retrouveront 25 ans plus tard, en 1975, collègues au Collège de France, ils deviendront bon amis, Foucault décernera à l’hétérosexuel Paul Veyne le titre d’homosexuel d’honneur ; Paul Veyne écrira un livre sur Michel Foucault Foucault, sa pensée sa personne en 2008

1950 : André Gide (1869-1951) entretient depuis 1899 une correspondance avec Maria van Rysselberghe, la mère de leur fille commune Catherine (future Catherine Allégret) qu’il a eu en 1923 lorsqu’il avait 53 ans (cette correspondance paraîtra en 2016) ; Maria, mariée au peintre Théo, était aussi amoureuse tourmentée d’Aline Mayrisch (1874-1947) qui vivait au Luxembourg ; les lettres témoignaient de leurs préoccupations littéraires et sentimentales, en 1918 Gide était alors amoureux du jeune Marc Allégret, 17 ans, il aimait beaucoup voyager avec lui, et l’épouse de Gide, Madeleine, n’a pas supporté la liaison d’André avec Marc Allégret et a déchiré toutes les lettres qu’André lui avait adressées jusque là

1950 : Roger Peyrefitte obtient le prix Renaudot pour Les Amitiés particulières ; son livre La Mort d’une mère paraît cette année-là, il ne se risque pas à parler de sa dimension homosexuelle d’une rencontre qu’il a faite, mais tous les tourments que causent cette rencontre à cette âme chrétienne apparaissent avec force : « Nous nous croisons. Mon attention a l’air de fixer la sienne. Je lui emboite le pas ; j’ai l’impression que sa marche s’est ralentie ; enfin elle tourne la tête… Le corps s’y est livré tout entier, mais l’âme en était absente, et n’est-ce pas l’âme seule qui fait le péché ? Oui, je l’avais souvent constaté et m’étais absous, sans le secours du prêtre… Il avait fallu la mort de ma mère, pour me monter clairement les deux êtres qui habitaient en moi. ils n’étaient pas de même race, ils ne parlaient pas la même langue, ils n’étaient ni désireux ni honteux des mêmes choses… J’avais aujourd’hui la preuve qu’ils s’ignoraient complètement. Leurs rapports n’étaient pas davantage de maître à esclave : il n’y avait, là où commandait le corps, aucune trace de l’âme. »

1950 : le jeune Pierre Bergé (1930-2017), 20 ans, passionné de littérature (il a déjà noué des contacts avec Cocteau, Gide et Giono, et vient de fonder La Patrie mondiale dont il est rédacteur en chef, il y donne la parole à Albert Camus, Jean Cocteau, André Breton ou encore Maurice Rostand) et passionné d’arts, il fait la connaissance du peintre Bernard Buffet – qu’il a croisé dans la galerie d’Art de Maurice Garnier – avec lequel il va vivre jusqu’en 1958, ils s’installent en Provence à Séguret

1950 : la RDA (République démocratique allemande) modifie la loi nazie contre les homosexuels en réduisant les sanctions encourues, elle en revient à la version de 1871 du Paragraphe 175, celui-ci restera en vigueur jusqu’en 1968 ; tandis que la RFA conserve le § 175 dans sa version de 1935, il restera en vigueur jusqu’en 1994

1° avril 1950 : mort du critique littéraire américain Francis Otto Matthiessen (1902-1950), il traverse l’Atlantique après ses études universitaires, et sur le bateau il rencontre le peintre américain Russel Cheney (1881-1945) et deviennent amants ; Matthiessen acquiert la notoriété comme professeur de littérature à Harvard et par de nombreuses biographies d’auteurs américains ; en 1941 il écrit American Renaissance qui ne cache pas l’homosexualité de Melville et de Whitman ; la correspondance amoureuse de Matthiessen et Cheney paraîtra en 1978

8 avril 1950 : mort du danseur russe Vaslav Nijinski (1889-1950), réputé pour sa capacité de sauter très haut, il est entretenu par le prince Pavel Lvov, grand amateur de garçons, dont son amant Diaghilev deviendra le Pygmalion, il est renvoyé de l’Opéra pour avoir dansé avec un collant trop tranparent et s’attache aux Ballets russes de Diaghilev dont il devient danseur étoile ; en 1911 il conquiert Paris avec Shéhérazade de Rimsky-Korsakov ; en 1912 sa création de  L’après-midi d’un faune fait scandale, le directeur du Figaro parle de faune incontinent, de bestialité érotique et de lourde impudeur mais en revanche Rodin est séduit et commence sa statue, Diaghilev arrivant à l’improviste lors de la sieste les dévouvre enlacé sur un divan, accuse Rodin s’éavoir abusé de son amant et lui interdit toute nouvelle séance de pose, privant Rodin de terminer  sa statue ; lors d’une tournée en Amérique du Sud, Nijinski épouse Romola de Pulsky, danseuse hongroise de la troupe, fou de rage Diaghilev le licencie par télégramme laissant désormais Nijinski sans ressources, il s’installe en Suisse avec sa femme et sa fille, il laissera en 1919 un Journal et sombre dans la folie, enfermé en clinique psychiatrique il meurt 30 ans plus tard

29 septembre 1950 : mort de l’écrivain, homme de presse proche du régime de Vichy, Abel Hermant (1862-1950), influencé par le style naturaliste des frères Goncourt qu’il a fréquenté quand il était jeune, membre de l’Académie française , Maurice Sachs avouera avoir été son gigolo ; il est l’auteur d’une centaine d’ouvrages, dont certains font apparaître l’homosexualité (Le Cavalier Miserey, Le Cycle de lord Chelsea inspiré par Oscar Wilde, Le Disciple aimé qui évoque des rapports sado-masochistes entre un ecclésiastique et son élève) ; en 1945 il est exclu de l’Académie française (Jacques de Lacretelle, son ancien giton, vote lui aussi pour son exclusion), il est condamné à la prison à vie puis libéré en 1948 en raison de son grand âge

19 octobre 1950 : mort de la poétesse américaine Edna St. Vincent Millay (Nancy Boyd 1892-1950), connue pour sa vie de bohème et ses liaisons féminines, elle fait paraître en 1912 Renascence et Euclide Alone Has Looked on Beauty Bare, et The Ballad of the Harp Weaver qui lui vaut le prix Pullitzer de la poésie en 1923

Novembre 1950 : aux USA, dans le contexte de persécution créé par J. Edgar Hoover, homosexuel honteux, directeur du FBI, les gays et les lesbiennes commencent à s’organiser ; Harry Hay, membre du parti communiste américain, fonde à Los Angeles la 1ère organisation homosexuelle, la Society of Foolscercle de célibataires réclamant une union des homosexuels – en convergence de luttes avec les autres opprimés (noirs, mexicains, juifs, etc.), rebaptisé Mattachine Society, tirant son nom et son insigne d’un groupe médiéval français, les Sociétés joyeuses, ils agissent confidentiellement (tracts, communiqués) pour appeler à la liberté sexuelle ; le groupe se disloquera dans les années 1970 ; c’est en 1955 que Del Martin et Phyllis Lyon créeront la  1ère association spécifiquement lesbienne les Daughters of Bilitis

26 décembre 1950 : mort de Liane de Pougy (Anne-Marie Chassaigne 1869-1950), élevée au couvent de Sainte-Anne-d’Auray, traumatisée par la violence de l’homme épousé à l’âge de 17 ans, dont elle a un garçon, elle n’a pas l’instinct maternel, elle prend une amante et divorce ; à Paris elle s’impose parmu les courtisanes et vit avec de riches protecteurs, jouissant de sa beauté, de son physique mince et androgyne, elle rencontre Charles de Mac Mahon, Roman Potocki, Maurice de Rothschild, sa renommée attire les princes et les aristocrates à travers l’Europe ; en 1889 elle a un coup de foudre avec Natalie Barney, puis rencontre Yvonne de Buffon, Blanche d’Arvilly, Ninette des Meslays, Jean Lorrain qui sera son ami le plus fidèle, devient l’amante de l’auteur dramatique Henri Meilhac (1830-1897) qui le fait débuter aux Folies Bergères en avril 1894, avec Emilienne d’Alençon et Caroline Otero ; elle fréquente des écrivains et compose son premier roman L’insaisissable en 1898, incroyable succès d’édition, puis l’histoire de sa liaison avec Natalie Barney Idylle saphique en 1901, les descriptions de sabbats et d’orgies Les Sensations de Mademoiselle de La Brigue (1904) – où apparaît Joséphin Péladan  (le Sar 1858-1918) – , Yves Lester (1906), Yves Jourdan (1908) dont tous les personnages sont ses amants et ses amantes ; propriétaire d’un hôtel particulier symbole de sa réussite, elle est parfois déprimée et tente 3 fois de se suicider au laudanum, puis se retire à Roscoff avec Yvonne de Buffon, après la mort de Jean Lorrain elle épouse le prince moldave Georges Ghika à qui elle promet de ne pas le tromper avec un homme, ce qui ne l’empêche pas de rencontrer Eva Palmer et de retrouver Natalie Barney ; dans son journal intime Mes cahiers bleus, paru après sa mort, défilent ses amantes Nathalie Barney, Romaine Brooks et Elisabeth de Gramont ; le prince accepte un ménage à trois avec Manon Thiébaut mais emmène celle-ci dans sa famille en Roumanie, laisant Liane Pougy desespérée, Natalie Barney vient la chercher avec son amante Mimy Franchetti, une baronne italienne petite fille de Louise de Rothschild ; pendant la grande guerre, Liane transforme son pavillon de St Germain en Laye en hôpital militaire, elle le rouvre en 1919 pour recevoir Reynaldo Hahn, Max Jacob, Jean Cocteau et Raymond Radiguet ; en 1943 elle prononce ses voeux et devient sœur Anne-Marie Sophie de la Pénitence et à la mort du prince en 1945 elle transforme une chambre de l’hôtel Carlton de Lausanne pour y finir sa vie

1951-1958 : aux Pays-Bas, l’ISCE (comité international pour l’égalité des sexes), fondé peu après la guerre, organise plusieurs congrès auxquels viennent participer de nombreux groupes européens et américains

1951 : Théodore Adorno écrit « homosexualité et totalitarisme vont ensemble » ; ces interprétations psychosexuelles du fascisme (Erich Fromm, Théodore Adorno) rejoignent peu ou prou les interprétations psychanalytiques de l’homosexualité : le modèle freudien d’une mère hyper-dominatrice s’accompagne d’un autre modèle, celui d’un père hyper-dominateur offrant une image déformée du masculin

1951 : parution de La Ville dont le Prince est un enfant d’Henry de Montherlant ; cette ville est le collège religieux que Montherlant chantait dans sa première œuvre, La Relève du matin, et qui lui inspirera encore, en 1969 Les Garçons, c’est en ce lieu que se situe le drame de deux enfants et d’un prêtre attirés les uns vers les autres par des sentiments puissants où il entre de l’amitié, de la tendresse, de la charité, du désir, drame intérieur et sobre que domine la figure inquiétante de l’abbé de Pradts, prêtre incroyant que sa passion des enfants égare jusqu’à le conduire au seuil de la révolte

1951 : parution de la revue culturiste Venus Apollon qui existe depuis 1949 ; le photographe hétorosexuel niçois Jean Ferrero passionné de boxe et d’haltérophilie racontera le succès qu’il a eu auprès du public homosexuel, avec la contrainte pour la diffusion postale aux USA de gouacher les sexes sur les photos (un peu d’eau permettant d’enlever la gouache)

1951 : au Danemark, les transsexuels peuvent être opérés à des conditions strictes, en particulier d’être de la nationalité du pays, ainsi seulement quelques dizaines de MtF (homme devenant femme) seront opérées jusqu’au début des années 1980

1951 : au Vatican, Pie XII envisage qu’il puisse y avoir un rapport charnel lorsque la femme est hors période de procréation, mais il ajoute qu’il est immoral  d’« empêcher la procréation d’une nouvelle existence »

1951 : aux USA, dans le film L’Inconnu du Nord-Express d’Alfred Hitchcock, un champion de tennis rencontre dans un train un inconnu qui lui propose un marché bien spécial, il supprime sa femme envahissante si celui-ci se charge d’éliminer son propre père afin d’obtenir son héritage

1951 : aux USA, dans son livre The Homosexuel America Donald Webster Cory souligne que les mouvements gays comparent la situation des homosexuels à celle des minorités ethniques ; en 1952, DW Cory fera une intervention au 2ème congrès de l’ISCE à Francfort

1951 : aux USA, succès considérable du livre de Tereska Torrès Jeunes femmes en uniforme, qualifié d’obscène car il manifeste un relâchement des mœurs, décrivant la vie amoureuse, hétéro et homosexuelle de femmes soldates françaises qui ont rejoint la France Libre à Londres, dans un climat de guerre où tout bonheur est à prendre sans souci du lendemain, femme exceptionnelle, Tereska a épousé Georges Torrès, beau-fils de Léon Blum, tué en Lorraine dans la 2è DB ; il faudra attendre 2011 pour que ce livre soit diffusé en français

1951 : aux USA, parution du film Un tramway nommé désir d’Elia Kazan avec Marlon Brando et Vivian Leigh, le symbole sexuel et la blonde éthérée, d’après la pièce de théâtre de Tennessee Williams

19 février 1951 : mort d’André Gide (1869-1951) ; en 1893 lors d’un voyage en Tunisie pour raison de santé il découvre ses penchants « Jusque-là, j’étais complètement vierge écrira-t-il dans son Journal, à Sousse un jeune tunisien l’a entrainé dans les dunes ; en 1894 il est allé à Alger avec Oscar Wilde qui l’a poussé dans les bras d’un petit arabe « parfait petit corps, lascif, ardent et ténébreux. Je me branlais cinq fois sur le corps du petit Mohamed » ; en 1895 il a contracté un mariage avec sa cousine, mais découvrira vite qu’il est incapable d’avoir la moindre érection face  à une femme, pour Madeleine c’est une déception, le voyage de noces de 7 mois en Suisse, Italie et Algérie, a été un mariage blanc, mais sous la surveillance constante de son épouse, et lorsque le 9 avril 1899 il a caressé 3 écoliers dans le train d’El Kantara à Alger, sa femme l’ai traité de « criminel » et de « fou » ; de retour à Paris il a quitté le foyer conjugal tous les soirs, connaissant peu à peu tous les protitués par leur nom ; en janvier 1902 aux Bains du Cirque il retrouvait Emile, apprenti-tailleur « Praxitèle vivant » ; en 1907 son ami le député Eugène Rouart l’invitait dans sa priopriété de Haute-Garonne et lui arrangeait des rendez-vous avec des fils de fermiers (comme Fernand Pouzac 17 ans) ; en 1911 Gide est le premier, dans l’histoire de la littérature française, à faire l’apologie de l’homosexualité dans Corydon publié à compte d’auteur, sans nom d’auteur, réédité en 1924 sous sa signature ; à Florence en 1912 il apprécie beaucoup le David de Donatello et drague les petits pêcheurs sur l’Arno ; en 1916 il a rencontré Marc Allégret, 16 ans, chez les époux Van Rysselberghe, il l’appelait la petite dame en raison de sa petite taille, c’était le coup de foudre, il le guettait à la sortie du lycée Janson de Sailly sans oser l’aborder, sa femme Madeleine l’a supplier de ne pas succomber à cet amour, pourtant en mai 1917 ils sont devenus amants « le grand amour de ma vie », une longue liaison qui sera très enrichissante pour Allégret, en 1925 ne supportant plus sa femme Gide est parti au Congo avec Allégret et son épouse pour se venger a brûlé toutes les lettres écrites par Marc Allégret à André Gide ; Elisabeth von Rysselberghe a donné naissance à Catherine en 1923, dont Allégret a reconnu la partenité à la mort de Madeleine ; Der Kreis qui lui consacre un n° entier écrit « Il est et reste « notre reine », notre chef de file, celui dont l’homosexualité fut relevée dans tous les articles nécrologiques… Personne plus que lui n’a relevé notre mouvement aux yeux du commun des mortels, ne lui a donné son droit à la vie, son sens philosophique et sa portée morale » ; du Dognon félicite Gide d’avoir eu le courage de dire « oui » mais regrette un peu qu’il ait pris soin de « mettre entre ses lecteurs et lui plus de 2 millénaires » ; Maria von Rysselberghe qui a rencontré André Gide en 1898 a rédigé 3 000 pages de Cahiers tout au long de la vie d’André Gide de 1918 1951 ; 10 personnes son présentes lors de ses derniers jours : sa fille Catherine, la mère de Catherine, Elisabeth, Maria von Rysselberghe, le mari de Catherine, Jean Lambert, le mari d’Elisabeth, Pierre Herbart, Marc Allégret, l’amant d’autrefois, le protégé, Dominique Drouin, le neveu et propriétaire du château de Cuverville où Gide sera enterré, Roger Martin du Gard, le confident et ami indéfectible, Jean Schlumberger, le moraliste grand bourgeois cofondateur de la NRF, et Jean Denoël qui a accueilli l’écrivain au Maroc en 1944 ; à l’initiative de Drouin, sans doute, mais avec le désaccord complet des autres, un pasteur prend la parole sur sa tombe ; Paul Claudel dans sa correspondance avec André Gide, révélée en 1949, lui écrivit : « Si vous n’êtes pas pédéraste, pourquoi cette étrange prédilection pour ce genre de sujets ? Et si vous en êtes un, malheureux, guérissez-vous et n’étalez pas ces abominations.« ; Jean-Louis Curtis, de l’Académie française, écrit en 1969 : « Jean-Paul Sartre su parler de Gide dans le ton qui convenait : encore son hommage d’adressait-il à l’homme engagé, qui avait pris parti sur les questions du colonialisme, et dont le courage moral était pour tous, un exemple de liberté »

Mai 1951 : la conférence fondatrice de l’ICSE se tient à Amsterdam et attire des représentants d’Allemagne, des Pays-Bas, d’Italie, du Danemark, de Norvège, de Suède et de Suisse, son but est de lutter pour « l’amélioration de l’opinion publique et des lois concernant l’homosexualité » ; le délégué français Marc Dufour, anglais bilingue travaillant pour une agence de voyage parisienne, est plus intéressé par des rencontres et la création d’un centre de vacances pour les homosexuels, là où Bob Angelo – Nico Engelschman, créateur du magazine Levensrecht, organisateur via l’ICSE– veut « colloque …travail de recherche scientifique ou sociale (et) savoir nouveau »

Décembre 1951 : François Mauriac est ulcéré par la pièce de Jean Cocteau Bacchus, créée par la Cie Renaud-Barrault, tournant en ridicule le Pater noster, Jean-Luc Barré biographe de François Mauriac, évoquant « leur idylle manquée » quarante ans plus tôt, décryptera cela en 2010 : « la liberté de mœurs (de Cocteau), ses virevoltes esthétiques et sentimentales, son refus de sujétion morale er religieuses représentent, pour Mauriac, tout ce que lui-même s’est interdit d’être et de vivre, et qu’il s’est efforcé tant bien que mal de dominer ou refouler ? Ce qu’il a toujours combattu ou stigmatisé chez Cocteau, c’est aussi ce qu’il a, chez lui, le plus envié et jalousé, à commencer par sa sexualité débridée, étrangère aux scrupules et aux contraintes héritées d’une éducation chrétienne comme la sienne », Cocteau écrira une réplique cinglante « J’accuse » dans France-Soir à son article du Figaro, 3 ans plus tard Mauriac lui adressera son dernier roman l’Agneau avec cette dédicace « de la part d’un ennemi qui t’aime » ; en 1952, François Mauriac évoquera, à propos d’Andromaque, les 2 sortes d’amour qui peuvent marquer une vie sentimentale, à l’amour-passion qui dévore, il oppose l’amour-tendresse « cet amour-tendresse est toujours menacé parce que, autour de lui, tourne indéfiniment, rôde indéfiniment un fauve, l’amour-passion », il se rappellera l’un de ses amours inavoués de jeunesse, le jeune sillonniste au regard « admirable » Philippe Borrell tué en 1915 sur le front de l’Aisne, et il saluera « les 2 beaux livres de l’année » Léon Morin, prêtre de Béatrix Beck et Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar, puis en juin 1954 le « charmant monstre de 18 ans » Françoise Sagan dont il contribuera à lancer la carrière

 

1952 : l’Eglise catholique met l’œuvre dAndré Gide à l’index ; l’abbé Marc Oraison (1914-1979), entré dans les ordres en 1942 après avoir abandonné une carrière de médecin, publie sa thèse de doctorat en théologie Vie chrétienne et problèmes de la sexualité dans laquelle il tente de réconcilier psychanalyse et catholicisme, pour lui les « déviations sexuelles ne sont pas radicalement incompatibles avec la vocation religieuse », il consacre un chapitre à l’homosexualité qu’il interprète comme Freud comme « un blocage, une régression de l’instinct sexuel », il note aussi qu’il a rencontré « des ménages homosexuels qui vivent une vie authentique de l’amour le plus altruiste, à la qualité duquel n’atteignent pas bien des ménages normaux »; son livre est mis à l’index en 1953, ce qui met fin à sa carrière ecclésiastique, ce qui n’empêchera pas la hiérarchie de lui confier de conseiller des séminaristes ayant des problèmes d’ordre sexuel. Désormais la psychanalyse, acquiert une influence croissante pour donner une caution « scientifique » aux préjugés traditionnels envers les « déviances sexuelles », c’est le temps des périodes d’analyse pour « guérir » l’homosexualité ; le Traité du caractère d’Emmanuel Mounier, philosophe catholique – passé d’une approbation nuancée du régime de Vichy à une franche opposition – rédacteur en chef de la revue Esprit, présente le rôle complémentaire de la psychanalyse et de la religion dans ce domaine, il exerce une immense influence sur de nombreux homes politiques par sa philosophie du personnalisme, il pousse un cri d’alarme sur la « dévirilisation » de la société, et son Traité du caractère en 1947 dessine les structures sociales et psychologiques nécessaires au développement d’une personnalité « normale », il souligne la phase « dangereuse » des tendances homosexuelles de l’enfance : « La fixation maternelle entraîne le garçon vers l’impuissance… plus tôt le garçon aura les cheveux coupés et sera habillé en garçon, plus tôt la fille sera en robe et mieux cela vaudra. Les mères ont à ce sujet des aveuglements coupables… et pour de puériles fantaisies, il leur arrive de compromettre définitivement l’équilibre affectif de leur enfant… Il faut éviter un père passif, soumis à une mère virile et autoritaire » tout autant qu' »un père sévère écrasant de sa supériorité une épouse effacée et pleurnicheuse ».

1952 : aux USA, l’homosexualité est inscrite dans la liste des maladies mentales, elle le restera jusqu’en 1973 ; les répercussions de cette classification sont terribles, elle entraine castrations chimiques et physiques, lobotomie et électrochocs

1952 : aux USA, création de l’association ONE (One national Gay and Lesbian archives) qui sera la plus ancienne et importante organisation consacrée  au rassemblement de matériaux historiques se rapportant aux cultures LGBT (ses fonds et collections seront hébergées à la bibliothèque de l’University of Southern California)

1952 : parution du livre Vie chrétienne et problèmes de la sexualité de l’abbé Marc Oraison (le livre retient l’attention d’Arcadie)

1952 : parution du livre de Jean-Paul Sartre Saint Genet, comédien et martyr ; le livre de Sartre aura une répercussion majeur sur Jean Genet qui arrêtera d’écrire pendant de très nombreuses années ; Jean-Paul Sartre y reproche à Marcel Proust de son « habilité un peu lâche de parler des homosexuels comme si c’était une espèce naturelle », en particulier lorsqu’il décrivait la race des homosexuels dans A la recherche du temps perdu, et plus particulièrement dans Sodome et Gomorrhe

1952 : André Labarrère, futur maire de Pau de 1971 à 2006, député, sénateur et ministre de 1981 à 1986 racontera en 2007 avoir été attiré par Jean-Marie Le Pen : « Je l’ai bien connu en 1952 à l’Unef, alors que j’étais président des étudiants en lettres et lui président de la corpo de droit. Nos relations étaient amicales… Un très beau type, fin, grand. Il avait une ascendance physique. Il ne me laissait pas de marbre ! », de son côté Jean-Marie Le Pen reconnaîtra que Labarrère a sans doute « fantasmé » sur lui

1952 : représentation de la pièce de théâtre La Feuille de vigne de Jean Bernard-Luc, fronde moralisante contre les conclusions du Rapport Kinsey

1952 : fondation du Cartel d’Ordre moral par Daniel Parker, qui dénonce et attaque régulièrement le journal Futur

1952 : en Grande Bretagne,  le savant Alan Turing – découvreur du chiffrement du code Enigma utilisé par les Allemand en 1941-1942 – signale un cambriolage à son domicile, l’enquête révèle qu’il cohabite avec M. Murray, de 20 ans son cadet, les deux hommes sont arrêtés pour « indécence et perversion » ; pour échapper à la prison, Turing accepte de se soumettre à un traitement chimique qui le rend impuissant, il se voit aussi retirer son accréditation secret défense et écarter de plusieurs projets scientifiques

1952 : au Danemark, intervention chirurgicale de réassignation sexuelle de Christine Jorgensen, cette première est effectuée par le Dr Fogh Anderson ; le médecin danois Christian Hamburger qui a dirigé l’intervention en fera un compte-rendu dans la littérature médicale en 1953

1952 : à Los Angeles, création de One Incorporated, collection d’archives et bibliothèque qui seront accessibles aux chercheurs à la fin des années 1950, puis accessible au public sous le nom de One Institutes and Archives en 1994

1952 : les fesses nues de Tarzan dans une bande dessinée contraignent à les couvrir d’un 2ème pagne, puis provoquent son interdiction de publication

7 février 1952 : mort de l’agent des services diplomatiques britanniques Norman Douglas (1868-1952), il a abandonné sa carrière et sa femmes pour un petit paysan illettré d’Italie, Amitrano, et fait les récits de ses voyages ; son roman South Wind en 1917 évoquait les scandales homosexuels de Capri ;  dans les années 30 il est allé vivre à Florence avec le libraire Orioli, puis est revenu en Angleterre pendant la guerre ; il est retourné vivre à Florence tenant un petit cénacle homosexuel ; parmi ses derniers livres Limericks a eu un certain succès

9 mars 1952 : mort de la femme politique russe Alexandra Kollontaï (1972-1952), théoricienne de la liberté amoureuse (L’Amour libre) et de la libération de la femme (Conférences sur le libération des femmes), commissaire du peuple à l’Assitance publique (ministre de la santé) lors de la Révolution bolchevique en 1917, avec Inès Armand, elle a créé le Jenotdel, l’organe du parti chargé des questions féminines, ainsi que le journal la Communiste, pour elle « la femme doit se débarrasser des chaînes que fait peser sur elle la forme actuelle périmée et contraignante de la famille »; elle a été vite mal vue par Lénine qui considèrait que « pour  un communiste, l’acte sexuel doit être aussi simple que boire un verre d’eau » et partageauit sa vie entre son épouse régulière et sa maîtresse Inès Armand, mariée elle aussi

2 mai 1952 : mort de la militante féministe britannique Lilian Faithful (1865-1952), première femme magistrate d’Angleterre en 1920, fondatrice de l’association féminine de hockey, elle a créé des maisons de retraite pour personnes âgées (les Faithfull’s houses) ; célibataire, discrète sur ses amours lesbiennes

4 juin 1952 : mort de l’américaine d’origine grecque Eva Palmer (Evelina « Eva » Palmer-Sikelianos 1874-1952), amante à Paris de Natalie Barney, passionnée comme elle de littérature, de poésie et d’équitation, elle rencontre grâce à elle Colette et Sarah Bernhardt, perfectionne sa connaissance de la langue française en participant à la représentation de Dialogue au Soleil Couchant de Pierre Louÿs ; elle s’éloigne de Natalie et épouse le poète et dramaturge grec Angelos Sikelianos dont elle aura un fils, Glafkos, elle accueille dans son appartement sa belle-sœur Pénélope Sikelianos, épouse de Raymond Duncan, le frère d’Isadora Duncan ; avec son époux et le couple Duncan, ils s’installent à l’est d’Athènes où ils organisent la renaissance du Festival de Delphes, le représentation de la tragédie Prométhée enchainé d’Eschile a lieu le 9 mai 1927, suivie d’une compétition sportive dans le stade antique, le festival laisse un dette importante, le gouvernement la prend à sa charge et subventionne le festival de 1930 pour la représentation des Suppliantes d’Euripide ; puis Eva vit à Paris et tente sans succès de monter des tragédies grecques au Federal Theater de New York ; en janvier 1939 sa production  de Dance of Ages pour les danseurs de Ted Shawn est un échec  ; elle revient en Grèce en 1952 et succombe 2 semaines plus tard à une attaque cérébrale, elle est enterrée à Delphes

1er-5 septembre 1952 : l’écrivain Gérard Guéguan romancera, en 2015, ce qui pourrait être la rencontre entre Louis Aragon, 55 ans, et Hervé Mahé, 28 ans, qu’il appellera Gérard et Tristan de leurs prénoms de Résistants ; Aragon membre du comité central, écrivain des Communistes, confronté au procès en déloyauté engagé contre Charles Tillon et André Marty, et à leur exclusion programmée, se reniant lorsqu’il lui-même est accusé d’opportunisme, tombe amoureux du jeune apparatchik du Kominform, venu contrôler le respect de la ligne fixée par Moscou, alors qu’Elsa Triolet est loin de Paris ; l’appartement prêté par Cocteau rue Montpensier serait le lieu de leurs ébats, Aragon lui donnerait du « mon grand chéri » et écrirait « Ta queue turgescente, braiseuse s’avance avec la ténacité d’une fourmi rouge vers ma bouche impatiente » ; au retour d’Elsa le 5 septembre, Aragon aurait supplier Mahé de lui donner le plaisir dont il la prive

Automne 1952 : André Baudry, devenu correspondant français de la revue homosexuelle suisse Der Kreis (Le Cercle), bilingue depuis 1942, sous le nom d’André Romane, organise des réunions des abonnés français de la revue ; par l’intermédiaire de Jacques de Ricaumont, Baudry est entré en relation avec l’ISCE (International Committee for Sexual Equality), Comité international pour l’égalité sexuelle, fondé à Amsterdam en 1951

Octobre-décembre 1952 : Daniel Guérin est au Maghreb, il est en charge des relations internationales pour la SFIO, il entre en contact avec des militants anticolonialistes (tels Salah Ben Youssef et Ferhat Abbas), des intellectuels, des journalistes et des personnalités publiques, il fait alors volontiers de photos de garçons, qu’il aime collectionner

 Octobre 1952 : parution du 1er numéro du journal Futur pour la dénonciation du puritanisme régnant et contre la persécution des homosexuels, « organe de combat et d’information pour l’égalité et la liberté sexuelles et pour le respect absolu de la personne humaine » avec son éditorial « Tartuffe, comme le Phénix, se relève de ses cendres », son fondateur Jacques Thibault, est âgé de 22 ans ; il combat l’obsession française de croissance démographique, et ne s’intéresse qu’à l’homosexualité masculine, n’ayant guère de sympathie pour les hommes efféminés, ces « homosexuels d’étalage » pour lesquels « le sac à main est une incorrigible compagne », il se réfère souvent à Gide, célèbre la jeunesse et le culte du corps, avec des photos suggestives d’adolescents, la plupart des articles dénoncent la vague la répression sexuelle qui s’abat sur la France, le MRP est qualifié de Mouvement des refoulés pratiquants, Pierre-Henri Teitgen de « Teitgen le Termite ou Benito Teitgen », et de Menthon « de Menthon-la-prison qui a ramassé dans les poubelles de Vichy son oukase », le décret de février 1945 ; il est contraint de fermer par la justice ; « C’était une vraie révolution… quelque chose d’extraordinaire pour la France » dira un lecteur ; il est interdit aux mineurs dès le 1er numéro et interdit à l’affichage selon les termes de la loi sur la protection de la jeunesse de 1949 ; dans le 3ème n° André Baudry fait paraître un article critique du livre de Marc Oraison La vie chrétienne et les problèmes de sexualité ; en 1953, Thibault et un de ses amis sont condamnés pour avoir eu des relations sexuelles avec des mineurs ; le journal disparaît et reparaîtra de juin à novembre 1955 ; 19 numéros auront été publiés de façon sporadique

 

1953 : Pierre Bergé, 23 ans, fait la connaissance de Jean Cocteau, il sent une grande « proximité » avec le poète ; il dira : « Les adolescents de mon époque avaient quelques phares en littérature. Il y avait Gide, ô combien ! Et il y avait Cocteau, dont je savais par cœur les poèmes Plain-Chant. C’était le poète du soufre, d’Opium, des séances de désintoxication. Et de l’homosexualité, qui a pris dans mon cas une importance considérable. » ; il y avait Le Livre Blanc, paru en 1930 : « On parlait. Enfin, il parlait, et j’écoutais. J’étais là pour ça, non ? »

1953 : parution de Jean-Paul de Marcel Guersant (pseudonyme d’un enseignant de collège catholique) sur le conflit entre religion et homosexualité, histoire d’un gaçon « initié » à 12 ans par un petit camarade, puis engagé dans une vie de drague et de débauche, décrite avec un luxe de précision jusque là inconnu dans la littérature française (Pigalle, Clichy, hôtels de passe, etc.), puis repris en main par un médecin et un prêtre qui essayaient de le « convertir » mais ne réussissaient pas à le « sauver » d’une rechute dans les abimes du « vice » jusqu’àune rixe fatale et une mort « libératrice » à 23 ans, le héros acquitté faute de preuve suite à une accusation d’attentat à la pudeur se convertit, et après une histoire d’amour passionné, il meurt à 23 ans réconcilié avec Dieu ; Arcadie est divisée, André Baudry en fait une critique favorable dans Der Kreis mais Duchein et un autre collaborateur sont très réservés, Futurs parle d’une œuvre pernicieuse, Gabriel Marcel parle de « l’itinéraire d’une âme pécheresse vers Dieu », en 1982 Renaud Camus jugera que ce livre donne « une image sinistre de l’homosexualité, enserrée dans une culpabilité étouffante », Dominique Fernandez en 1989 verra en lui le 1er roman français véritablement homosexuel mais le trouvera en 2004 « lourd et pleurnichard (couvrant) de son tintamarre dramatique l’agile et solaire Âge d’or de Pierre Hérbart » ; en 2010 Julian Jackson retiendra ce message du livre « la tentative de Jean-Paul pour anéantir son homosexualité l’anéantit aussi ») ; le thème de la religion est repris par Carlo Ciccioli (Fabrizio Lupo) ou le britannique Walter Baxter (Look Down in Mercy)

1953 : parution de L’Âge d’or de Pierre Herbart, il raconte les aventure garçonnières d’un héros qui ne s’embarrasse d’aucun surmoi moral, d’aucune mauvaise conscience, et vit ses amours avec autant de naturel que le faisaient les disciples de Platon et les bergers de Virgile, livre « élégant, lumineux, pur, il introduit pour la première fois dans la littérature française, qui hésitait entre le sulfureux masochiste à la Proust et le douceâtre du Corydon gidien, la franchise de l’émotion partagée, la gaietée des corps, toutes choses qui n’ont besoin ni de plaidoyer ni d’explication, mais palpitent de leur seule évidence… Aussi impeccable par le style que roboratif par la pensée » écrira Dominique Fernandez en 2004 ; Herbart est connu pour être un ami de Gide dont il a préparé le voyage en URSS en 1936

1953 : Nicolas Bouvier, jeune homme de bonne famille suisse, voyage en voiture d’Europe vees l’Asie, au Balouchistan, au seuil de l’Inde, il décrit Terence, le patron britannique du Saki Bar, « avec ses pantalons de flanelle distendus, ses yeux patients, ses lorgnons de fer et ce hâle cuivré des invertis qui ménage à l’endroit des pommettes deux zonnes de couperose bien irriguées ou affleurent les émotions… homme distrait biernveillant, avec dans l’allure quelque chose de lumineux et de brisé… il paraissait souffrir d’un penchant auquel, dans cette ville, ils étaient pourtant nombreux à céder – une petite chanson pathane que Saadik le cuisinier fredonnait en tisonnant son feu l’attestait avec fraîcheur : « Un jeune homme traverse la rivière / son visage est comme une fleur / son derrière est comme une pêche / Ah ! que ne sais-je nager… »… Saki c’est le Ganymède de la poésie persane, l’échanson du Paradis, l’introducteur à des délices qu’une enseigne de bois suspendue au-dessus de l’entrée exprimait fort bien »

1953 : parution du livre Esnesto du grand poète de Trieste Umberto Saba (1883-1957), un roman gay, avec un dialogue cru entre un garçon de 16 ans et un manœuvre qui décharge des sacs de farine, trop scandaleux pour son époque, le livre – qui se termine par le début d’une amitié entre Ernesto et un beau violoniste – ne sera publié qu’en 1975, soit 18 ans après la mort du poète ; il sera traduit à nouveau par René de Ceccaty en 2010

1953 : aux USA, la sortie du film Tant qu’il y aura des hommes de Fred Zinnemann, distribué par Columbia, contourne le code Hays en filmant une scène d’amour balnéaire où Burt Lancaster et Deborah Kerr, Anglaise un peu prude qui se donne à l’adultère, s’embrassent sur la plage

1953 : aux USA, fondation de la Mattachine Society sur un principe : les homosexuels sont une minorité devant en tant que tels affirmer son identité ; John D’Emilio, historien du mouvement homophile américain écrira qu’en 1955 ceux qui prendront la tête du mouvement seront davantage conservateurs et « intégrationnistes » ; le 1er n° de la revue américaine ONE reproduit un article paru dans la revue allemande Insel pour illustrer « la similarité de leurs buts avec les nôtres ainsi que leur caractère international » ; la Newsletter de la Mattachine Society rendra compte en juillet 1954 de 9 publications intéressant les homophiles : Vennen (Danemark), Sesso e Liberta (Italie), Der Kreis (Suisse), Arcadie (France), Vriendshap (Pays-Bas), Weg (Francfort), Hellas (Hambourg), la Newsletter de l’ISCE, Die Gefahrten (Francfort)

1953 : aux USA, le Dr Harry Benjamin, 1er médecin qui avait analysé que ni la psychanalyse ni la psychiatrie ne sont susceptible de « guérir » la transsexualité, et à utiliser dès 1949 des traitements hormonaux, définit ce qu’on appellera le syndrome de Benjamin qui en déculpabilisant le fait transsexuel ne l’extrait pas complètement de la case « maladie »

1953 : en Suisse, la revue Der Kreis écrit « Abandonnons l’espoir utopique que le public nous comprenne un jour et nous tolère. Ça ne se produira sans doute pas avant un siècle ! »

1953 : à Londres, le compositeur Benjamin Britten (1913-1976), est inquiété dans le cadre de la croisade anti-homosexuels menée par le secrétaire d’Etat David Maxwell Fyfe, des policiers l’interrogent de façon humiliante ; il vit 40 ans durant avec le ténor Peter Pears une vie très active de création (Friday Afternoon 1935, les opéras Peter Grimes et le Viol de Lucrèce, Billy Budd, Sinfonia di requiem 1941, War Requiem, The Prodigal son 1968, Suite pour violoncelle, Canticles, Curley River, Death in Venice en 1973) et de voyages à travers le monde ; pendant la guerre il s’est exilé à New-York où il a rencontré Carson McCullers, Paul et Janes Bowles, Kurt Weill et Lotte Lenya, Golo Mann et Salvador Dali ; peu avant sa mort en 1976 la Chambre des Lords lui confèrera le titre de baron Britten d’Aldenburgh

1953 : parution à Londres du livre de Rodney Garland (pseudonyme d’Adam de Hegedüs) le Cœur en exil (Heart in Exile) qui paraîtra en France en 1959, bien que dégoûté par le Londres homosexuel de ces « invertis minables et vieillissants » et les aspects « répugnants » de ce monde, avec ses « tapettes pathétiques », le narrateur psychiatre fait tout pour comprendre la mort d’un de ses anciens amants, et finit par admettre l’amour viril de son domestique, le livre est très apprécié par Duchein qui en fait la critique dans le n° 2 d’Arcadie

1953 : en Italie, le poète triestin Umberto Saba (1883-1957) écrit Ernesto, livre scandaleux où la sodomie est décrite comme naturelle qui ne paraîtra qu’en 1975, «Fraîcheur et vérité imprègnent ce roman d’apprentissage… La Vienne nocturne de Zweig palpite dans ces pages cristalline où la crudité des scènes est ennoblie par la pureté des consciences » écrira Dominique Fernandez

1953 : à Amsterdam, au 3ème congrès de l’ICSE (Congrès international pour l’Egalité sexuelle) le mot homophilie est prononcé et définit pour la 1ère fois ; André Baudry – qui a connu l’ICSE par l’intermédiaire de Jacques de Ricaumont – y fait une communication et deviendra membre de son bureau

1953 : André Baudry écrit un article dans le 3ème n° de la revue Futurmais n’appréciant pas le ton de la revue il concevra son propre projet -, il participe activement aux activités de l’ICSE, ; l’intention de créer à son tour une revue germe dans son esprit, il organise un camp de vacances homosexuel dans une vaste villa à Sainte-Maxime, dans le Var, où il a la surpris de voir les participants non seulement parler de ses projets mais aussi de se lancer dans des « travaux pratiques »…, au cours du dernier trimestre il réunira quelques amis, suscitant collaborations et parrainages et élaborera sa revue

1953 : mort de François-Paul Alibert (1873-1953), en 1931 il a fait paraître avec l’aide d’André Gide, cent exemplaires de Le Supplice d’une queue (qui sera réédité en 1991 par Jean-Jacques Pauvert), il a écrit aussi Le Fils de Loth – inceste entre un père et son fils – et voyagé en Italie avec Gide, Eugène Rouart et Henri Ghéon dont il publiera le Journal

1953 : aux USA, sur une plage de Los Angeles, Don Bachardy, 18 ans, rencontre Christopher Isherwood, de 30 ans son aîné,  qui est un auteur connu en Europe ; Isherwood devient son Pygmalion et lui fait connaître le Tout-Hollywood (producteurs, cinéastes et acteurs), il deviendra le portraitiste de très nombreuses célébrités ; ils se heurtent à l’homophobie ambiante, Don dira : « Un soir, dans l’une des soirées de Selznick (le producteur), l’acteur Joseph Cotten s’est moqué des « demi-hommes ». C’est moi qu’il visait. Chris et moi étions alors le seul couple ouvertement gay. En 1953-1954, c’était du jamais-vu. Mais Chris avait confiance en lui. Il ne se sentait pas moins viril que les autres? il n’avait aucune honte et il m’a appris à ne pas en avoir. »

Février 1953 : parution du n°2 – de sa 21ème année – de Der Kreis – Le Cercle, revue mensuelle bilingue, édité à Zurich par le groupe du même nom, André Baudry y collabore avant de créer Arcadie en 1954, il y rencontre Maurice Chevaly, enseignant, futur collaborateur de la revue ; ce n° annonce le bal masqué du 14 février

Mars 1953 : le bulletin de l’ISCE exprime une éthique de la vie homophile, un modèle d’homosexualité se rapprochant des idéaux hétérosexuels de fidélité et de vie commune

4 avril 1953 : mort de Rachilde (Marguerite Eymery, madame Alfred Vallette 1860-1953), égérie de la maison d’édition Mercure, rendez-vous des symbolistes dans les années 1890-1910, admirée par Maurice Barrès, Barbey d’Aurevilly, les frères Goncourt, Huysmans, Mendès, Oscar Wilde, Verlaine, Jean Lorrain ou encore Louis II de Bavière, elle a une cour de jeunes adorateurs dans ses bars favoris, avec ses spectacles et ses soirées privées, en particulier Nicolaï Nicolesco, Nel Haroun de son nom d’artiste, dont il est le gigolot, ne craignant pas d’être le micheton ; la femme nue est l’une des figures fondamentales de ses revues, de plus en plus audacieuses et opulentes au cours des années vingt, dans le music-hall à des Apollons se mêlaient à ces femmes ; elle fréquente le salon de Natalie Barney avec son amante Maryse Choisy, s’habille et se coiffe à la garçonne, publie Monsieur Venus en 1884, liaison d’un aristocrate avec un ouvrier fleuriste, Madame Adonis en 1888, Le Prisonnier 1928, La Fille inconnue 1938, elle connaît un succès rapide, l’homosexualité masculine est le sujet de La Tour d’amour 1899, La Souris japonaise 1921, Notre-Dame des Rats 1931, le lesbianisme est le sujet de La Haine amoureuse 1924 ; elle accepte un mariage blanc avec Alfred Vallette, directeur de la revue Mercure de France et reçoit dans le salon de la revue symboliste tout ce que Paris compte d’écrivains celèbres ; ayant atteint la respectabilité, elle est autorisée par la Préfecture de police à porter l’habit d’homme

11 juin 1953 : mort de l’acteur Marcel Herrand (1897-1953), codirecteur du théâtre des Mathurins en 1938 avec son amant Jean Marchat ; il s’est illustré au théâtre dans Noces de sang première création en France de cette pièce de Garcia Lorca, Deindre des douleurs, Le Baladin du Monde occidental, L’Ecole de la médisance, Le voyage de Thésée, et au cinéma dans Le Pavillon brûle de J. de Baroncelli en 1941, dans plusieurs chef-d’œuvre de Marcel Carné (Les Visiteurs du soir, Les Enfants du Paradis), et enfin dans Fanfan la Tulipe de Christian-Jaque (Christian Albert François Maudet)

Octobre 1953-avril 1954 : le compositeur Francis Poulenc (1899-1963) est interviewé par le musicologue Claude Rostand (1912-1970) sur la Radiodiffusion Française, il évoque la belle période du Groupe des Six qu’il composait entre 1916 et 1923 avec Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Darius Milhaud et Germaine Tailleferre, les intellectusls et les artistes qu’il a fréquenté à cette période autour de la célèbre librairie de l’Odéon tenue par Adrienne Monnier, Fargue, Joyce, Gide, Valéry Larbaud, le « véritable ferment intellectuel de mon adolescence », ses belles amitiés musicales avec des chanteurs et des compositeurs ; il a fréquenté bien d’autres personnalités le vicomte et la vicontesse de Noailles à Hyères, Bunuel, Giacommetti, Marckevitch, Bérard, Nabokoff, Sauguet, Satie, et Max Jacob et Paul Eluard ont été ses grands inspirateurs ; ses entretiens sont une plongée dans la vie musicale de son siècle en France, en Allemagne et en Russie, avec l’évocation de tous ceux qui l’ont inspiré pour composer ses œuvres, les plus grandes (Biches, Les Mamelles de Tirésias, Figure humaine, Stabat et le Dialogues des Carmélites inspiré de Geoges Bernanos), comme les plus légères

 

1954 : les inculpations pour « délit d’homosexualité (art.331 al.3) sont passées de 22 en 1945 à 219 en 1954 (245 en 1949 et 222 en 1951), mais ces inculpations mélangent les relations avec les mineurs de moins de 15 ans (« OPP » art.330) et de moins de 21 ans, et ne distinguent pas les relations homo et hétérosexuelles

1954 : parution de Tirésias de Marcel Jouhandeau, livre torride qu’il fait paraître anonymement

1954 : parution de Histoire d’O de Pauline Réage, Anne Desclos de son vrai nom, Dominique Aury de son autre surnom à partir de 1943, dans le danger et le mépris de la mort elle rencontre Jean Paulhan à la NRF et distribue les Lettres françaises sous le boisseau, en 1950 elle devient secrétaire générale de la NRF, vivant une relation passionnée avec Jean Paulhan qui l’incite à écrire sur son érotisme débridé (avec masque, collier à chien, chainettes, coups de fouet et caprices des hommes) ; Jean-Jacques Pauvert, 27 ans, accepte de l’éditer, elle prend alors le nom ce Pauline Réage, il ne s’en vend que 2 000 exemplaires en un an, il est interdit à l’affichage, à la vente aux mineurs et à la publicité, la commission consultative rend contre le livre un rapport accablant (immoral, débauche, outrage aux bonnes mœurs) ; en janvier 1955 grâce au prix des Deux Magots (Michel Leiris figure dans le jury), le livre devient objet de scandale et commence une longue vie de best-seller (850 000 exemplaires vendus), dans un contexte où Pierre Poujade décrète la grève dss impôts et le Saint-Office condamne la Quinzaine, le périodique des catholiques progressistes, les éditeurs de Sade et de Miller sont poursuivis, la NRF est accusée d’être le repaire parisien de l’Antéchrist, François Mauriac fustige le livre qu’il n’a pas voulu lire « Les muses de notre temps bourdonnent au-dessus des latrines des maisons de correction » et « les mœurs littéraires qui le font vomir », Paulhan lui répond vertement, Pierre de Boisdeffre parle de « musée des horreurs » tandis que Georges Bataille et André Pieyre de Mandiargues prennent la défense du livre ; le 5 août 1955 Jean Paulhan est convoqué à la Brigade mondaine, il refuse de donner le nom de Dominique Aury infligeant aux inspecteurs un cours de littérature ; par chance le médecin de Dominique Aury s’appelle Odette Poulain, bonne amie du Garde des Sceaux Edouard Corniglion-Molinier, ami d’André Malraux, sa médiation conduit à déclarer nulle la procédure ; en 1959 Pauline Réage fera l’éloge de Lolita de Nabokov dans la NRF ; ce n’est que bien après la mort de Jean Paulhan en 1968, que Dominique Aury révèlera qu’elle est l’auteur du livre ; en 1975 avec l’adaptation cinématographique de Histoire d’O par Just Jaeckin les militantes du MLF prendront d’assaut l’Express qui consacre sa une au film aux cris de « Pas d’argent sur notre corps ! » en taggant ses murs, Mgr Marty, archevêque de Paris, condamne « le spectacle de la personne humaine dégradée », le journaliste Michel Droit signe l’article « La coupe est pleine », François Chalais écrit une « Lettre ouverte aux pornographes » parlant de « gestapo du boudoir », Georges Séguy (CGT) et Georges Marchais (PCF) parlent du capitalisme corrupteur et pourrissant, ce sera l’origine du classement sous X des films pornographiques, avec taxe exceptionnelle de 33%

1954 : à Paris, le préfet André Bussière, amateur de garçons, tire de situations délicates certains homosexuels, comme Jean Genet

1954 : mort de Colette (1873-1954) dans son appartement du Palais-Royal ; Jean Cocteau son voisin et admirateur écrit : « Vie de Colette ? Scandale sur scandale. Puis tout bascule et elle passe au rang d’idole. Elle achève son existence de pantomime, d’instituts de beauté, de vielle lesbienne, dans une apothéose de respectabilité » ; en 1920 elle a écrit Chéri qui a subjugué Gide (il écrit « admirable sujet »), en 1923 Le Blé en herbe (écho de sa relation avec Bertrand de Jouvenel 17 ans, elle a alors 49 ans) a fait scandale, la même année que le Diable au corps de Radiguet, elle a repéré très vite Balzac et Proust pour les quels elle avait une passion

1954 : en Espagne, la loi sur « les fainéants et les malfaiteurs » est modifiée pour inclure les homosexuels ; plusieurs milliers d’homosexuels seront condamnés

1954 : en Italie, parution de la Nouvelle Jeunesse de Pier-Paolo Pasolini, celui-ci est depuis la parution de Poesie a Casarsa en 1942 unanimement salué comme l’homme de lettres qui a relancé la poésie dialectale ; son jeune frère a été assassiné par des résistants, lui-même a été pris dans l’immédiat après-guerre dans une sale affaire de corruption de mineurs et d’actes obscènes en public, il est exclu du Parti communiste et suspendu de sa charge d’enseignement, cette blessure ne se refermera pas ; il publiera en 1957 les Cendres de Gramsci, en 1958 les Ragazzi, en 1961 Une vie violente et en 1964 Poésie en forme de rose

1954 : en Egypte, sortie du film Mademoiselle Hanafi  de Fatin Abdel Wahab, un danseur traditionnel, Hanafi, est forcé de se marier avec sa belle-sœur, pris de maux de ventre, il est conduit à l’hôpital, mais à la suite d’une erreur, il subit une opération de changement de sexe, il finira par épouser un garçon boucher et mettra même au monde des quadruplés

1954 : les jeunes Yves Saint Laurent et Karl Lagerfeld se rencontrent à Paris sur une estrade de vainqueurs de concours de stylisme sous les yeux d’Hubert de Givenchy et de Pierre Balmain, Yves a 18 ans, Karl en a 23, les deux couturiers sont des amis éphémères, il deviendront rapidement de farouches et pugnaces rivaux

1954 : aux USA, Edmund White (né le 13 janvier 1940 à Cincinnati, dans l’Ohio, aux USA) se fait piéger à 14 ans dans les toilettes d’un cinéma par un flic en civil qui le menace de l’arrêter

1954 : aux USA, création de la Mattachine Society, association homophile masculine, par Ken Burns et Hal Call

1954 : le Maroc, sous Mohammed V, s’illustre par la 1ère clinique destinée au changement de sexe pour les transsexuels, à Marrakech

Janvier 1954 : parution du premier n° d’Arcadie, Revue littéraire et scientifique, elle est interdite à l’affichage en avril, André Baudry marque et marquera la revue ; même si c’est Roger Peyrefitte qui a proposé le nom, évocateur de la Grèce ancienne, parlant des « jeunes bergers grecs aux tendres appas, jouant de la flute dans les champs d’asphodèles » ; André Baudry qui a perdu sa mère très jeune, a été placé dans un pensionnat religieux où il a fait toute son éducation, atteint de tuberculose, il a commencé puis arrêté ses études au séminaire, pour être envoyé en sanatorium, puis il est devenu professeur de philosophie dans une école privée ; annonçant sa fondation Baudry écrit « La France est en Europe, l’un des seuls pays à n’avoir pas encore un tel moyen d’expression », il fait référence à la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, comme le fait le mouvement homophile danois et l’ISCE ; « La personnalité d’André Baudry a dominé tout à fait, absolument… Arcadie a été créée par Baudry, dirigée par Baudry et dissoute par Baudry » dira l’un de ses fondateurs, bras droit de Baudry dès les 1ers jours ; né le 31 août 1922 à Rethondes dans une famille bourgeoise, son père est avocat, il n’a plus eu de famille à l’âge de 8 ans, à la mort de sa mère en 1930 son père – plutôt indifférent – l’a mis au collège Saint François-Xavier de Laval ; sa sœur est décédée en 1934, le collège a été sa famille de substitution, pendant la guerre malade de la tuberculose il s’est retrouvé en sanatorium dans une ambiance qui lui rappelait le collège et lui plaisait, même si les consignes sont draconiennes (mises en garde contre la masturbation, la tuberculose étant susceptible de produire une toxine causant l’homosexualité), en 1943 il entrait au séminaire, mais l’a quitté en 1945 après une tentative malhabile de séduction de la part de son « directeur de conscience » (sous prétexte de bousculer sa timidité, il l’invite à poser sa tête sur sa poitrine après l’avoir fait s’allonger sur son lit), Baudry refuse de « finir comme ça » dans « le mensonge organisé » ; quand il fondera Arcadie il ne sera retenu par aucune pudeur vis-à-vis de sa famille ; il enseigne la philosophie au collège des jésuites Saint Louis de Gonzague, à Paris, et encadre une colonie de vacances des ouvriers des aciéries de Longwy ; né en 1922, il vit sa 1ère expérience homosexuelle en 1948, il a 24 ans, il arpente Paris avec son ami Jean Garnier, ancien séminariste aussi, ils repèrent les visages qui les troublent ; il écrit quelques pièces de théâtre et un texte Exercices spirituels (un jeune séminariste, à peine ordonné subit les avances d’un cardinal à Rome) qu’il fait lire par Roger Peyrefitte (celui-ci en utilisera quelques éléments dans son roman les Clés de St Pierre) et à André du Dognon de Pomerait (1910-1986) qui, originaire de la bourgeoisie du sud-ouest, a vécu la vie homosexuelle effervescente de l’entre-deux guerres à Paris et a publié les Amours buissonnières en 1948, roman autobiographique qui décrit la vie gaie des années 1930 à Montparnasse, avec un riche aristocrate le comte de Pomerait qui lui a donné son nom dans un hôtel, ils tiennent un hôtel où du Dognon regarde les ébats des clients puis ils ouvrent un salon homosexuel (où se côtoient aristocrates et apprentis écrivains) ; Baudry a rencontré dans ce salon le comte Jacques de Ricaumont, et grâce à lui il a entendu parler de la revue du mouvement homophile suisse Der Kreis (le Cercle), bilingue, fondée en 1932, publiée à Zurich, il est séduit, il offre ses services à Georges Welti et lui envoie de nombreux textes (sur la jeunesse, la philosophie, la théologie, etc.) sous le nom de André Romane, fait en 1953 un compte-rendu enthousiaste du livre de Marc Oraison Vie chrétienne et problème de sexualité (il le qualifie de « dernier mot de l’église dans les problèmes de la sexualité et la religion » et d’ « étonnant et remarquable après 20 siècles de silence ou de muette réprobation »), Baudry aide à diffuser Le Cercle (Der Kreis) en France, en 1952 il proposait d’ouvrir une « petite succursale de Zurich à Paris » et organisait une 1ère réunion dans son appartement en octobre, une quarantaine de personnes (amis et abonnés du Kreis), d’autres réunions ont suivi ; Baudry note qu’il est « scandalisé de ces attitudes d’homosexuels qui n’ont plus rien d’humain, de virils, de propre… nous sommes très éloignés dans notre ensemble de Socrate… j’arrive à croire qu’il y a de faux homosexuels, des homosexuels-machines à jouir » ou encore « nous sommes des indifférents pour la plupart. Personnellement je lutte beaucoup contre cet état d’esprit, et chaque fois que je le puis j’affirme la valeur de notre état. Il y a un mot que je déteste par-dessus tout, c’est celui d’anormal… je clame haut (la) tolérance, je réclame le respect… dans la dignité de la personne et dans la certitude de sa vérité come de sa pureté, être sûr de soi et le dire » ; fin 1952, il contacte le Comité international pour l’égalité sexuelle (ISCE) dont il devient le délégué pour la France, il donne ses avis : négatifs à l’égard d’un certain Guy Fourqueux (dirigeant de l’agence de rencontres Paris-Club), de Maurice Rostand (« trop maniéré »), de Jean Thibault (rédacteur à Futur « assez réduit intellectuellement »), ou positif, à l’égard de Jean-Paul Sartre pour le prochain congrès de l’ICSE en 1953 ; Georges Welti (de Der Kreis) écrit à Baudry qu’il est plutôt défavorable à « un congrès de personnes de notre bord… il faut que nous travaillions plutôt « en douce », alors que Baudry pense que « les manifestations publiques… sont parfois nécessaires » ; après avoir dirigé un camp d’été pour jeunes homosexuels dans une villa de Sainte-Maxime qui lui laissera un mauvais souvenir (car sympathique et sage au début puis complètement débridé à la fin), Baudry participe au 3èmecongrès de l’ICSE en septembre 1953, il y fait un exposé sur « la formation psychologique et sexuelle de l’adolescent homophile » ; fin 1953, il y a 200 personnes à ses réunions parisiennes, il envisage dès lors la création d’une organisation française indépendante, puis une vraie revue mensuelle ; c’est Roger Peyrefitte suggère le nom d’Arcadie ; le 1er n° comporte 50 pages, sobres, sans illustration, 4 dessins de garçons chastes dont un de Cocteau, avec des textes de Baudry, Cocteau, Roger Peyrefitte, du Dognon, des poèmes de Catulle, Michel-Ange et de Whitmann, et une bibliographie de livres parus depuis 1940 ; Cocteau écrit : « J’estime qu’il m’est indispensable de vous prouver par quelques lignes l’admiration profonde que j’éprouve en voyant des hommes remonter de force une pente de paresse et de répondre à la destruction par la construction, aux ruines par l’ébauche de codes nouveaux »; Georges Welti se fâche et accuse Baudry de déloyauté ; parmi les 8 signataires de la circulaire annonçant la création d’Arcadie fin 1953, seul le nom du « comte de Ricaumont » est remarqué, et les seuls contributeurs connus du public sont Cocteau, Peyrefitte et du Dognon, tous les autres apparaissent sous pseudonyme, le pédopsychiatre Georges Heuyer répond négativement (« J’ai reçu de nombreux homosexuels, ils venaient me demander un traitement, une aide, un secours pour remédier à la situation anormale dont ils souffraient, ils étaient malheureux et pitoyables »), Marc Oraison refuse (« vous m’embarrassez terriblement !… il y a des imbéciles partout, même dans le clergé… ma situation exige que je sois extrêmement prudent »… « l’homosexualité (terme plus précis et plus exact que l’homophilie) est une anomalie de l’instinct dont les victimes sont les premières à souffrir »), Henri de Montherlant refuse, Carlo Coccioli auteur du roman Fabrizio Lupo (1952) répond à côté (« j’ai horreur de tout prosélytisme fait à travers la littérature… vous êtes, si on vous regarde sous un certain angle, une sorte d’apôtre ; moi non »), Julien Green est d’une réticence extrême – il publie Le Malfaiteur en 1955 roman autocensuré dans lequel le héros devait se suicider sans avoir répondu à l’affection de sa femme (ce n’est qu’en 1973 que l’édition intégrale révèlera la raison du suicide, l’homosexualité) – , un article assez explicite (source de soucis judiciaires pour Baudry) d’Eric Jourdan fils adoptif de Green paraîtra, mais Green n’écrira jamais rien pour Arcadie, Marguerite Yourcenar louvoie (« je me demande si, en dépit du courage et de la volonté de sincérité très louable… Arcadie ne risque pas de desservir plutôt que de servir vos vues… pour lutter contre (la) confusion, trop naturelle après des siècles de « politique de silence » auxquels cette question a été soumise, je préfèrerais quant à moi un bulletin plus scientifique que littéraire, de ton plus contrôlé », Marcel Jouhandeau (1888-1979) répond brutalement (« Je suis on ne peut plus hostile à votre projet, mon père dès mon plus jeune âge m’a fait promettre de n’appartenir à aucune société, à aucun parti, à aucun groupement… c’est en compagnie de ceux qui me ressemblent que je me déplais, que je m’ennuie… la vue des pédérastes en particulier, groupés surtout, me soulève le cœur… aujourd’hui les goûts qui sont devenus es miens, mais que je domine, sont tombés dans une telle promiscuité, une si odieuse vulgarité les entoure… je ne suis pas du tout fier d’en être. J’en ai presque honte… Vous préparez une terrible persécution qui ne tardera pas à sévir contre les non-conformistes en matière d’amour… quand ce qui doit demeurer secret s’étale au grand jour avec insolence, car il y a loin du manque d’hypocrisie dont j’ai toujours donné l’exemple à la boutique ridicule que vous êtes en passe d’ouvrir » ; Arcadie a rapidement 1 500 abonnés, il parviendra à 10 000 abonnés, un journal critique « Bientôt ils adopteront pour devise : « Homophile de tous les pays unissez-vous ». Ici commence l’abus… Rie an fait ne leur interdit d’être homophiles si tel est leur bon plaisir… Les voilà qui font de l’exhibitionnisme, du prosélytisme…ils veulent être « considérés » et qu’on en fasse une vertu d’Etat » ; Baudry participe à un débat organisé par le club du Faubourg face à Frédéric Hoffet qui allègue que « l’homme parisien s’est féminisé au point qu’il est atteint dans sa virilité même » et que la franc-maçonnerie de la pédérastie rappelle « l’Empire romain dans les derniers siècles de son existence », Baudry est hué et contraint de se déclarer homophile ; la revue du COC salue, en septembre 1954, le courage de Baudry et la jeune organisation française ; en mai 1954, la revue Arcadie est interdite de vente aux mineurs et d’affichage (cf. loi de 1949) et dès lors interdite de bénéficier des tarifs postaux réservés aux périodiques (décret du 26 mars 1954) semant un vent de panique parmi les abonnés, la revue s’en sort en faisant appel au soutien financier et en lançant en octobre une page de petites annonces (750 f les 10 mots) provoquant l’ire de Guy Fourqueux, directeur du club de correspondance Paris-Club, qui le voit comme un concurrent ; l’ISCE souhaite organiser son congrès à Paris (Cor Huisman représente l’ISCE à Paris), Baudry insiste pour rester le seul maître de l’organisation et refuse d’autoriser Futur – qui vient de reparaître – à y participer officiellement, le comité de l’ISCE est d’accord avec le fait que Futur pose un problème avec son attitude équivoque vis-à-vis de la sexualité des jeunes et refusera l’affiliation des rédacteurs de Futur en 1955 ; Baudry refuse d’associer un autre groupe, le Verseau, à l’organisation du congrès et l’ISCE est contrainte de s’incliner compte tenu de ce que représente Arcadie ; le philosophe catholique Gabriel Marcel et l’historien Philippe Ariès ont accepté de participer au congrès, mais Gabriel Marcel est épouvanté par un article de presse qui révèle sa présence à un événement émanant d’une organisation homosexuelle, l’ISCE fait tout pour le faire changer d’avis – décrédibilisant quelque peu Baudry – sans succès, et 10 jours avant le congrès Baudry annule la participation d’Arcadie sous prétexte que l’ISCE a repris les contacts avec le Verseau malgré leur accord, et Ariès ne participe pas non plus ; Gabriel Marcel avait été sollicité par l’ISCE malgré son opinion peu favorable :  » les homosexuels ne sont nullement inquiétés, ils constituent une véritable franc-maçonnerie, qui dans certaines branches semble même tenir les leviers de commande » ; Hillairet consacre 3 articles à Freud, il regrette sa position finalement très « décevante » en matière d’homosexualité, et « timide par rapport à celle de Hirschfeld », mais admire « le fondateur génial de la psychologie scientifiques, l’homme courageux qui a osé affronter le tabou qui enveloppait le domaine de la sexualité… le non-conformiste qui a dénoncé la profonde hypocrisie de la vie sociale » ;  les n° de la revue fourniront une bibliographie : romans parus depuis 1940 (Peyrefitte, Genet, Pierre Herbart, du Dognon, Roger Stéphane), biographies et autobiographies (Gide, Verlaine, Sartre sur Genet), ouvrages scientifiques (Havelock Ellis, Krafft-Ebing, Steckel, Hirschfeld), études diverses (Oraison, Gide, Hirschfeld), livres étrangers traduits en français (Wilde, Mann, Walter Baxter, Coccioli, James Barr, Gore Vidal), romans publiés avant 1940 (Gide, Proust, Yourcenar, Binet-Valmer, Achille Essebac, Rachilde) et romans traitant incidemment de l’homosexualité (Moravia, Roger Martin du Gard)

Février 1954 : au Maroc, William S. Burroughs débarque à Tanger, il n’a pas le coup de foudre, il y écrit les 1ères pages du Festin nu, et consomme de la morphine, il se sent très seul, Paul Bowles, exilé lui aussi Tanger, ne manifeste à son égard aucune cordialité, il note : « Il invite les pédés les plus ennuyeaux de Tanger à prendre le thé, mais moi non, ce qui , étant donné la taille réduite de la ville, revient à un affront délibéré »

Mai 1954 : dans la revue Arcadie, Baudry invoque deux autorités, le sociolgue américain Kinsey (qui a mis à jour la réalité de l’homosexualité dans la jeunesse universitaire américaine) et le prêtre Marc Oraison (qui manifeste une ouverture d’esprit sur les questions de sexualité), la science et la religion sont constamment au centre des préoccupations d’Arcadie

16 mai 1954 : Violette Leduc (1907-1972) voit son ouvrage Thérèse et Isabelle refusé par l’éditeur « tel quel, mon manuscrit (Ravages) est refusé.Lemarchand me l’a rendu. Il a été très net et très ferme. Voici ce qu’il m’a dit : il faut enlever Thérèse et Isabelle… J’ai dit oui à tout ce qu’il m’a demandé. j’étais brisée », son ouvrage il dépeint les amours homosexuelles de 2 adolescentes ; en 1955 les Editions Gallimard publieront une édition censurée  qui paraîtra en version expurgée entre coupée de pointillés, un drame personnel et littéraire qu’elle décrira vingt ans après comme un « assassinat », puis l’oeuvre sera publiée en morceaux épars ;  elle écrira La Bâtarde qui frôlera le prix Goncourt en 1964

28 mai 1954 : la revue Arcadie est interdite d’affichage et sa vente interdite aux mineurs, perdant ainsi son droit à prix réduit pour les envois postaux

Juin 1954 : Ginette et Claude Bac, mariés depuis  6 ans, parents de 4 enfants, sont reconnus coupables avec les circonstances atténuantes du décès par manque de soins de leur dernier né, en avril 1953 ; la petite Danièle  a été l’enfant de trop, la mère de 25 ans s’est enfoncée dans une profonde dépression post partum ; ce « fait divers » sera à l’origine de la naissance deux plus tard de la Maternité heureuse, le futur Planning familial ; la gynécologue Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé avait dénoncé en mars 1953 dans la presse médicale les effets négatifs de la loi de 1920 (qui à la suite des méfaits de la Grande Guerre interdisait « la provocation à l’avortement et la propagande anticonceptionnelle » et voulait repeupler la France) ; avec la sociologue Evelyne Sullerot et le journaliste Jacques Derogy, ils se heurteront à un front d’opposition lorsqu’ils réclameront l’abolition de la loi, ainsi Maurice Thorez, secrétaire général du Parti communiste parle de « malthusianisme réactionnaire »

7 juin 1954 : au Royaume Uni, suicide d’Alan Turing à 41 ans, en croquant une pomme imprégnée de cyanure ; mathématicien et informaticien britannique, fondateur de l’informatique, il a joué un rôle majeur pendant la guerre pour décoder le langage crypté des nazis (généré par la machine Enigma) ; il a découvert en 1927 son homosexualité en tombant amoureux de son camarade d’école, passionné d’astronomie, Christopher Morcom, qui meurt de tuberculose ; grand marathonien, honoré en 1948, solitaire et farfelu ; en 1950 il publie Can a machine Talk et prévoit la possibilité d’une conversation entre l’homme et la machine ; en 1952, objet d’un vol commis par un amant occasionnel, il a porté plainte et a été condamné pour « indécence manifeste » et « perversion sexuelle », plutôt que la prison, il a choisi la castration chimique par prise d’œstrogènes (qui empâtent son corps et lui font piusser des seins) ; en 2009 le ministre de la justice refusera une grâce posthume pour un coupable puni selon la loi de l’époque, mais en 2013 il sera gracié par la reine

13 juillet 1954 : mort de l’artiste peintre mexicaine Frida Kahlo (1907-1954), elle a rencontré le peintre Diego Rivera en 1932, mais elle le trompe avec des amants et des amantes, en novembre 1930 ils emménagent à San Francisco et reviennent au pays en décembre 1933 ; le couple accueille Léon Trotski en 1937, André Breton en 1938, la même année la presquye totalité des œuvres de Frida Kalho  sont exposéss et vendues à New York ; en 1939 à Paris Frida Kahlo se rend à Paris pour une grande exposition sur le Mexique, elle y rencontree Breton, Tanguy, Picasso et Kaninsky ; en 1953 elle est amputée de la jambe droite et décèdera d’une embolie pulmonaire

3 août 1954 : mort de Sidonie Gabrielle Collette (1873-1954), un des rares écrivains à avoir sans détour évoqué sa bisexualité ; mariée à Henry Gauthier-Villars en 1893, le prolofique Willy, qui l’a utilisée comme nègre pour dses premiers Claudine ; en 1905 elle a écrit Dialogues de bêtes sous le nom de Collette Willy, puis découvre que son mari l’a dépossédée en vendant tous ses droits à un autre éditeur ; sa rencontre avec Missy, la marquise de Belbeuf, mère et amante, a été inespérée pour elle, lui ouvrant une longue période saphique, elle s’est produite dans des spectacles de mime et de danse nue dans les soirées de Natalie Barney, puis dans un spectacle en couple avec Missy au Moulin Rouge, dénudées dans Rêve d’Egypte avec baisers et embrassements, qui provoqua le scandale et sa notoriété ; elle a connu amants et amants, puis s’est mariée en 1913 avec Henry de Jouvenel, rédacteur au Matin, dont elle a eu à 40 ans, une fille surnommée Bel-Gazou ; en 1921 elle a séduit son beau-fils de 17 ans Bertrand de Jouvenel, une relation qui a duré 5 ans et a nourrit ses livres (Le Blé en herbe et Chéri) ; divorcée en 1925, après une liaison avec Marguerite Moreno, elle a épousé Maurice Goudeket en 1935 ; elle a été arrêtée par la Gestapo en 1941, son mari a été libéré grâce à ses relations avec Cocteau, sous l’Occupation Collette a été clouée dans un fauteuil par une arthrose, elle a écrit Ces Plaisirs sous le titre Le Pur et l’Impur tableau du monde des invertis, sévère pour les lesbiennes arrivées, et adapté ses romans au théâtre ; présidente du Goncourt en 1949, grand officier de la Légion d’honneur en 1953, à sa mort l’Eglise lui refuge des obsèques religieuses mais elle est la première femme à bénéficier d’obsèques nationales

11 novembre 1954 : premier banquet d’Arcadie, Baudry prononce son premier « sermon » en public

13 novembre 1954 : mort du couturier Jacques Fath (1912-1954), il a créé ses premières robes en 1936 et épousé le mannequin Geneviève Boucher ; démobilisé en 1941 il a ouvert sa première maison de couture, innovant malgré la pénurie de matières premières, et il a créé la femme-vamp à la Libération, comptant bientôt une clientèle parmi les actrices américaines, rivalisant avec Dior et Balmain, avec ses fêtes somptueuses – Tout Paris et Tout Hollywood – dans son château de Corbeville ; il assumait son homosexualité avec discrétion, témoignant à son fils Philippe l’affection d’un père attentionné ; il est mort d’une leucémie, enterré dans le parc du château

6 décembre 1954 : mort d’Elisabeth de Clermont-Tonnerre (Antonia-Corisande-Elisabeth de Gramont 1875-1954), épouse du duc de Clermont-Tonnerre en 1896, très liée à Roberrt de Montesquiou, à Rémy de Gourmont et à Marcel Proust ; elle est devenue amante de Natalie Clifford Barney en 1910, mais elles étaient l’une et l’autre peu fidèles, liées par un contrat de mariage symbolique, elle sont restées toutefois dévouées l’une à l’autre jusqu’à la fin ; divorcée du comte en 1920, elle a abandonné sans regret richesse et fortune, soutenant le Front Populaire et se liant avec les hommes politques de gauche

8 décembre 1954 : mort de Lucy Schwob, Claude Cahun depuis 1917, née le 25 octobre 1894, peintre surréaliste ; elle a été persécutée par ses camarades antisémites au lycée de Nantes en 1907,  en 1909 elle a retrouvé Suzanne Malherbe (1892-1972, fille de la 2ème épouse de son père, au nom d’artiste Marcel Moore) qu’elle avait connue au début des années 1900, elle en est tombée amoureuse ; elles ont eu une relation clandestine jusqu’en 1918 puis elles ont habité ensemble dans un appartement de Nantes, et se sont installées à Paris en 1920 ; comédienne, décoratrice, photographe, poétesse, artiste éclectique, de renommée internationale, Claude Cahen a fréquenté le groupe surréaliste en 1933, amie avec André Breton, elle se veut exotique, éclectique, anarchiste, raillant toutes les définitions, arrachant puis accumulant les masques, elle joue tous les rôles, de la jeune fille orientale et de la protituée, de l’exhibitionniste et de la sadique, de l’ange et du monstre, crane rasé et cils peints en rose, grande beauté et fascinante laideur ; tandis que Marcel Moore pratiquait la peinture et la gravure ; en 1938 elles ont acheté une ferme à Jersey où, la guerre venue, elles ont cherché toutes les occasions pour harceler les Allemands, distribuant clandestinement des tracts et des photomontages, arrêtées par la Gestapo et incarcérées elles ont été condamnées et libérées in extremis lors du débarquement allié en mai 1945 ; Claude Cahun mettait en joue en permanence l’autorité, la norme, la satisfaction ou l’idée de réussite sociale, jouant sur l’ambivalence sexuelle, l’androgynie et le travestissement, traversée par le surréalisme, elle a adhéré à l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires, elle a écrit « Je veux scandaliser les purs, les petits enfants, les vieillards par ma nudité, ma voix rauque, le reflexe évident du désir » ; elle a écrit Aveux non avenus, et publié Vues et Visions en 1914, avec des illustrations de son amie Marcel Moore ; François Leperlier écrira en 1993 Claude Cahun, l’écart et la métamorphose ; les 2 femmes ont vécu 45 ans ensemble ; Suzanne se suicidera le 12 février 1972, elle reposeront dans le même tombre à Nantes ; il y avait deux écrivains dans sa famille, Marcel Schwob (auteur de Vies imaginaires) et l’oncle de Marcel, Léon Cahun (auteur de La Bannière bleue), Lucy est une nièce de Marcel, elle prend le nom de Cahun se souvenant de ce que lui disait son oncle « Notre malédiction est d’être des fils de Cahun, mais c’est pour cela que nous ne sommes pas des imbéciles »