AG des Pédés 7-11-2000

 

ASSEMBLEE GENERALE DES PEDES

MARDI 7 NOVEMBRE 2000

 Facilitation : Rachel, Victoire, Donald.

Documents : Dossier de presse 7/11, Epidémiologie, pif n° spécial, Glossaire, Protocoles n°15, Action n°68, Action n°69.

Remerciements : Act Up-Paris tient à remercier toutes les personnes qui ont répondu à son invitation et ont participé de manière active à ce débat ; l’Ecole nationale des Beaux Arts pour nous avoir autorisés à prolonger la réunion au-delà de l’horaire habituel ; les militants d’Act Up-Paris qui ont travaillé à rendre cette AG possible.

Avertissement : la retranscription des échanges se veut la plus fidèle possible, néanmoins certains propos peuvent apparaître ici déformés, contre notre volonté, pour des raisons de re formulation (passage de l’oral à l’écrit), ou encore de mauvaise audition, prise de notes ou même retranscription. Toutes nos excuses à ceux/celles qui se sentiraient ainsi trahis.

Les interventions entre parenthèses correspondent à des interventions hors prise de parole, et leur auteur n’est donc pas toujours identifié.

ORDRE DU JOUR

s Rappels épidémiologiques sida, MST (Christophe, Emmanuelle)………………………………. p. 1

s Point sur les actions d’Act Up (Jérôme, Arlindo)…………………………………………………….. p. 2

s Définitions : relapse, bareback (Philippe M.)…………………………………………………………… p. 3

s Témoignages / réactions des usagers des lieux de consommation sexuelle…………………… p. 3

s Etablissements : qu’êtes-vous prêts à faire face aux problèmes présentés ?……………………….

s Pouvoirs publics : qu’êtes-vous prêts à faire face aux problèmes présentés………………………..

s Associations : plans d’action, moyens nécessaires………………………………………………………….

s Glossaire…………………………………………………………………………………………………………… p. 14

Médias présents : France 2, France 3, Canal+, le Monde, Têtu, E-m@le, Illico, radio Nova, Technikart, Libération.

RAPPELS EPIDEMIOLOGIQUES SIDA, MST

  • Emmanuelle : le sujet a été abordé par les médias avec l’argument qu’il n’existait pas de chiffres sur les nouvelles contaminations ni sur le relapse. Par contre, il y a des données partielles. Ainsi, dans le BEH du 30/9/2000 sont donnés les nouveaux chiffres de l’InVS : 35.000 à 38.000 décès depuis le début de l’épidémie dont environ 25.000 homos, une estimation de 120 à 140.000 séropositifs selon le DMI2 (100.000 personnes traitées), 3 à 5.000 nouvelles contaminations par an selon la DGS, 1.800 à 2.000 par an selon l’InVS. Pour les nouvelles contaminations, il s’agit d’estimations non basées sur des chiffres car la DOS n’est pas en place. Il existe des chiffres par rapport à la surveillance des MST qui permettent de suivre leur évolution : les réseaux Sentinelle, RENAGO et les consultations MST. On observe une augmentation des MST depuis 97/98, au début en Ile-de-France puis dans chaque région. Il s’agit donc d’un phénomène national, malgré quelques disparités régionales : les MST sont au même niveau qu’en 91/92 ce qui constitue une régression. Les traitements fonctionnent moins bien ou les gens se traitent moins bien : il y a des résistances. Le réseau du service des Armées ne fournit pas de chiffres : les personnes vont se faire traiter à l’extérieur (pour des raisons de confidentialité). On a peu d’informations sur le relapse en France. Il n’y a pas d’études françaises sur les pratiques sexuelles. A Durban ont été présentées des études montrant le relâchement en Grande Bretagne, aux Etats Unis, en Hollande, en Australie chez les homos comme chez les hétéros. Considérons les études de San Francisco (cf. documentation) sur une cohorte de jeunes homos : les indicateurs montrent une augmentation de l’incidence du VIH chez les jeunes homos depuis 98, ainsi que chez les homos allant dans les CDAG, une stabilité pour les homos usagers de drogues ainsi que pour ceux qui sont traités pour une autre MST. Le nombre de gonorrhées rectales s’accroît tout comme le nombre d’homos vivant avec le VIH. Il y a une baisse du nombre d’homos utilisant toujours le préservatif (les 100% condom use) et une augmentation des rapports anaux non protégés chez les homos multi-partenaires, que le statut sérologique du partenaire soit connu ou non. Il y a également une étude de la DDASS de Paris (Jean-Yves Le Talec) sur le relapse dans les lieux de drague et sur les sites Internet.

 

  • Christophe M. : A Durban a aussi été présentée une étude hollandaise sur une cohorte de gays suivis à l’hôpital avec des questions tous les 6 mois sur leurs pratiques. A la mise sous traitement, il y a un “ Hourra effect ” : les gens sortent plus, se protègent moins. L’efficacité du traitement fait que la charge virale baisse, ce qui est synonyme pour certains d’un risque de contamination moindre, ce qui n’est pas le cas évidemment. Après 3-4 mois, les pratiques redeviennent safe. Il y a une augmentation de l’incidence du VIH au Canada pour les homos et les hétéros allant dans les CDAG. Le plus gros facteur de risque concerne les couples quand la sérologie du partenaire n’est pas connue. Les gonococcies anales étaient inquiétantes en 98 chez les hommes et en hausse en 99. Il y a eu une baisse des ventes de préservatifs en 98, une stagnation en 99 et en 2000.

 

POINT SUR LES ACTIONS D’ACT UP

 

Act Up ne fait pas de prévention au sens de Aides, mais organise des coups politiques. Il faut remettre les pouvoirs publics et les réseaux face à leurs responsabilités. Du côté des pouvoirs publics, on réclame des campagnes ciblées permanentes dans le grand public (au comité de pilotage et à la DDASS de Paris). On a fait des actions sur les établissements de drague et sur la communauté depuis 2 ans. En décembre 98, nous dénonçons la charte de responsabilité entre les associations et le SNEG, mais qui surveille son application ? Et qui a un pouvoir de sanction ? En mai juin 99, au moment de la Gay Pride, a eu lieu la campagne d’Act Up “ Baiser sans capote, ça vous fait jouir ? ”, en réaction à des prises de parole sur le bareback. Il y a eu un débat houleux à Act Up. Les médias, à cette occasion, se sont focalisés sur les propos d’Erik Rémès et de Guillaume Dustan. Il y a eu des échanges entre ces 2 personnes et Didier Lestrade. En janvier 2000 a eu lieu un “ gueuloir ” au Tango. C’était la première confrontation avec Guillaume Dustan. L’échange s’est avéré stérile. Le SNEG et Aides Ile-de-France n’ont pas pris position. En juin 2000 a eu lieu la campagne d’affichage dans le Marais “ C’est aussi simple que ça ” sur la transmission des virus résistants. On a fait un tractage devant les établissements : “ Vous n’êtes pas au courant ” avec une interpellation sur le relapse. Les patrons ont réagi violemment en arguant d’une entrave à la liberté du commerce. A la Gay Pride 2000, le mot d’ordre était “ Fiers d’en mettre ” avec des pancartes déclinant les effets secondaires. En juillet 2000, le Ministère a fait une campagne de prévention en reprenant la terminologie d’Act Up. Nous l’avons jugée pas très bonne. Fin juillet, quelques jours avant les vacances, Gillot convoque les associations sur la prévention gay. Elle prend 3 engagements : lancer des études sur les pratiques, mettre en place des lieux d’accueil, faire de la prévention auprès des jeunes homos. Le débat sur le relapse revient en octobre 2000. Il s’ouvre au grand public (cf. Libération, article de Blandine Grosjean et Eric Favereau). En novembre ont été publiées des tribunes de Didier Lestrade et Guillaume Dustan.

DEFINITIONS : RELAPSE, BAREBACK

 

Le relapse a été qualifié de mot à connotation religieuse par Daniel Defert dans Libération. Le bareback n’est pas la même chose. Le relapse est une baisse de vigilance en matière de prévention des MST et du sida pour des raisons multiples. Le bareback est l’idéologie de la prise de risque, la promotion du sexe à risque. Sur Internet, il existe au moins 4 réseaux avec une signalétique bareback portant le bandeau no capote. Il y a aussi des discours séduisants : la capote empêcherait de bander, elle serait le symptôme de honte de soi et de haine du sexe. Il peut y avoir un aspect séduisant après 15 ans d’épidémie et en l’absence de campagnes offensives de prévention. Que fait-on par rapport à cette offensive idéologique et comment y répondre ?

 

TEMOIGNAGES / REACTIONS DES USAGERS DE LIEUX DE CONSOMMATION SEXUELLE

 

  • Jérôme Martin (Act Up-Paris) : Vu la faiblesse des données épidémiologiques, on a reproché à Act Up de dramatiser. Mais il existe des chiffres et des témoignages. La fréquentation des bordels et des saunas apporte des anecdotes personnelles. On n’a pas constaté cela au début des années 90 mais aujourd’hui oui. On attend des témoignages hors Act Up.
  • Yannick (Radio nova) : D’accord, on a besoin de chiffres, mais la fréquentation des bordels et du réseau prouve qu’il y a une vraie idéologie du no capote. Plein de mecs cherchent des plans no capote. Ils raccrochent ou refusent si on n’est pas d’accord avec eux. Je l’ai constaté depuis 4 ans. Avant, on n’avait pas besoin d’en parler dans les bordels : la capote était une évidence. Aujourd’hui, il faut le dire sinon, plein de mecs décident qu’elle n’est pas nécessaire. Il y a les témoignages de proches ou il y a des gens qui sans le dire retirent la capote. C’est super angoissant. Il faut aussi parler du traitement post exposition dont on ne parle pas encore assez. Le relapse entraîne la prise de risque et après, il faut trouver un moyen de contrer l’angoisse. Il existe une omerta. Il n’y a pas de campagne, les pédés ne sont pas au courant. J’ai fait l’expérience du traitement post exposition en début d’année. J’avais l’impression d’être seul au monde à avoir eu ce traitement. Après discussion ,j’ai constaté que ce n’était pas le cas. “ Le relapse c’est aussi une question d’angoisse. Elle part quand il y a la parole.(…)L’information, la parole, c’est quelque chose qui compte. Il faudrait cela ” dans les bordels. Or au bordel, on ne parle pas.
  • Jacques (responsable du MZ) : Il ne faut pas déclarer la guerre à la communauté, mais travailler avec les associations.
  • Emmanuel (Act Up-Paris) : Je n’ai plus envie d’aller au bordel. On me crache dans la gueule. J’ai envie de prendre lacrymo et gazer le 1er mec qui le fait. Au One Way, personne ne baise avec capote. Le patron dit “ les gens font ce qu’ils veulent. Ils n’engagent qu’eux ”. Je me suis engueulé avec le patron. Les patrons peuvent faire quelque chose.
  • Laurent (musicien) : Je vais souvent à New York. Je ne vais pas dans les bordels pour ces raisons mais je drague sur les docks ou à Central Park. Les jeunes générations n’utilisent pas la capote. Il y a une ignorance par rapport à la capote. Les gens pensent qu’il n’y a pas de risque pour une fellation sans jouissance ou pour une pénétration sans jouissance. J’ai dragué à Paris aux Sablières : il y a un changement radical de pratiques : il n’y a plus de prise de parole, les gens sont plus violents et ils ne mettent plus de capote. Il y a un an, à New York, j’ai sodomisé un garçon sans capote. Je me suis retrouvé dans une situation où je n’ai pas réfléchi. Seulement après coup. J’ai eu du plaisir sur le moment mais après j’ai ressenti de l’angoisse durant plusieurs mois. Je suis toujours séronégatif (j’ai fait le test) mais je ne veux pas le refaire à cause de l’angoisse. Mais je ne suis pas sûr de ne pas le refaire. Les situations sont de plus en plus difficiles à gérer. Je suis un homme, pas un surhomme, donc ces prises de risque sont possibles.
  • Jean-François Chassagne (président du SNEG) : Je suis content qu’on n’ait pas parlé que des établissements commerciaux. Il y a des vies personnelles. D’accord, on a des tiroirs caisse mais on baise aussi, à Paris, en province, dans les lieux de drague. Il ne se passe rien, on ne parle pas, on ne met pas de capote etc. Les établissements commerciaux sont particulièrement visés par Act Up. D’accord, on n’est pas exemplaires, mais on a fait reculer les contaminations il y a quelques années. Aujourd’hui, c’est à revoir et il faudra tenir quelques années encore.
  • Michel Bujardet (président du CGL) : Je suis patient à Rothschild. J’ai évoqué le problème avec mon médecin qui dit voir plein de cas de syphilis et de gonococcies alors qu’il y en avait peu avant. Je me suis rendu compte que les médecins inspecteurs chargés de vérifier et de collecter les données étaient en grève depuis 2 ans : c’est de l’irresponsabilité. Il faut interpeller les pouvoirs publics là-dessus.
  • Emmanuelle Cosse (Act Up-Paris) : Les médecins inspecteurs ont bloqué les données pendant 2 ans. La grève s’est achevée en avril. Les données ont été déchiffrées il y a quelques mois. C’est lamentable, les pouvoirs publics ne se sont pas inquiétés de cette situation. De toute façon, il n’y a aucun chiffre sur la séropositivité.
  • Arlindo Constantino (Act Up-Paris) : Quand je vais au Bois de Vincennes, je prends avec moi des capotes et du gel. Dans les bois, il n’y a pas de distributeurs. Dans les bars en général, oui (cf. le rappel du SNEG). Mais dans la backroom, il n’y a pas toujours de capote et de gel : il faut remonter au bar pour en trouver. Il faudrait mettre des distributeurs de capote et de gel ainsi que quelque chose pour s’essuyer dans les backrooms.
  • Jacques (MZ): “ Vous êtes un être responsable. Vous prenez ce dont vous avez besoin avant de descendre. ”
  • Laurent : Il ne faut pas opposer la philosophie du bareback et les gens 100 % safe. Il y a des intermédiaires. Beaucoup de gens sont entre les deux, ils commettent des impairs et participent à la remontée.
  • Daniel (sociologue, Toulouse) : depuis plusieurs années, je n’ai pas vu une backroom dans laquelle tous les rapports soient protégés, il y a des hauts, il y a des bas. Par contre, il faut voir qu’une backroom sur trois n’est pas homo et que sur Internet, on voit aussi des couples qui cherchent des rapports non protégés.
  • Pascal : je suis allé dans des saunas à Amsterdam, Londres, et Paris depuis un mois. A Amsterdam, j’ai dû réclamer une capote, à Londres, j’ai dû la négocier, et là-bas, la 2ème est payante, alors qu’à Paris, elle est donnée. Quelle conclusion ? Pourquoi ces différences d’attitudes entre les capitales européennes ?
  • Philippe Mangeot (Act Up-Paris) : On n’a pas d’un côté les méchants barebackers et de l’autre, les gentils tout propres. Quand on a lancé la campagne d’affiches Baiser sans capote, ça vous fait jouir ?, ça me faisait du bien à moi, vieux séropo depuis 16 ans, parce qu’il y a toujours la tentation d’abandonner la capote et la terreur de contaminer son mec séronég. Tout le monde est potentiellement menacé par le discours du bareback : il faut proposer une contre idéologie, et la question posée par l’affiche permet de se situer du côté de celui qui se pose des questions. C’est vrai qu’il y a d’autres lieux que les lieux commerciaux, mais là, la marge de manoeuvre est moins grande. Dans les établissements, il y a un patron qui en a la responsabilité, alors qu’il n’y a pas de patron du Bois de Vincennes : quand il y a marge de manœuvre, il y a responsabilité.
  • Pierre Olivier (Sida info service) : Avant de venir, j’ai regardé les chiffres des numéros Verts où on a 12.000 appels d’homos et bi par an, et j’ai cherché une évolution de la prise de risque entre 98 et 99 : on constate des actes isolés (+2 % de prise de risque chez les homos et bi de 15 à 29 ans), mais moins un comportement suivi. Pourtant, il y a des indicateurs inquiétants : sur les demandes de traitement prophylactique post exposition, on a une progression de 50 % sur le numéro vert ; le nombre de personnes ignorant le statut sérologique du partenaire lors d’une prise de risque est passé à plus de 42 %, ce qui représente une progression de +24 %. On assiste surtout à une phénomène d’indifférence face au sida, dont le relapse est la première face, l’autre étant le nombre de personnes arrivant au stade sida sans connaître leur propre statut sérologique.
  • Didier Lestrade (Act Up-Paris) : Quand allez-vous communiquer ces chiffres ? Sida Info Service a un énorme budget. Pourquoi attendre l’AG des pédés pour croiser les données et donner les chiffres ?
  • Pierre Olivier (Sida Info Service) : Le problème de la restitution des données n’était pas une priorité. Elle a été mise en place depuis moins d’un an. On a commencé à travailler sur les populations homo et bi. Il y a une campagne de prévention et de communication ciblée gays identitaires sur les MST, le bareback, les jeunes homos prévue pour janvier.
  • Jean-François C. (SNEG) : D’accord la responsabilité des établissements existe : depuis 93, il existe des campagnes de prévention ainsi qu’une centrale d’achat de préservatifs sponsorisée par les annonceurs et non financée par un budget de l’Etat (4 millions de préservatifs achetés par les patrons). Il y a une prise de responsabilité : les établissements ont signé une charte de responsabilité qui a bien fonctionné au départ et aujourd’hui, la prévention est intégrée. “ On a besoin de réviser notre copie ”. On ne sait pas comment. En tout cas, la responsabilité n’est pas rejetée. Il y a des reproches des barebackers là-dessus. Soit on distribue systématiquement des capotes à l’entrée soit on les met à disposition au comptoir en France. Dans les autres pays européens, ce n’est pas le cas. Le seul pays qui le fasse aussi est l’Australie.
  • René Paul Leraton (Ligne Azur, Sida Info Service) : “ Qu’est-ce qu’un pédé vit avant d’arriver dans la backroom ? ” La ligne s’adresse à des jeunes qui découvrent leur homosexualité. Les jeunes gays sont une population vulnérable. C’est pourquoi on a créé une ligne spécifique. Mais ils ne parlent pas assez de sida. “ Les pédés ont pris la parole car leur copains étaient en train de crever. ” Aujourd’hui, il y a un problème de silence, la parole est impossible. Pour un jeune mec dans une backroom, il y a une charge émotionnelle la première fois et il est difficile de parler de prévention. “ Aujourd’hui, le jeune pédé découvre son homosexualité dans le silence. ” Beaucoup ignorent la ligne Azur. Il y a aussi d’autres associations mais avec peu de moyens. Il va y avoir une mallette qui va parler d’homosexualité dans les écoles mais pas tout de suite. Les jeunes pédés se démerdent avec la souffrance et la solitude. “ A ce niveau, les jeunes gays et les jeunes lesbiennes, c’est pareil. ” La prise de risque est à lier à la problématique du suicide qui, selon un chercheur canadien, serait de 6 à 16 fois plus fréquent chez les jeunes homos que chez les jeunes hétéros.
  • Alain Royer (e-male) : Je voudrais savoir la motivation de la formule : “ usagers de lieux de consommation sexuelle ”. Pourquoi parler de consommation et pas de plaisir ? Il existe différentes attitudes en Europe face à la capote. En France il y a distribution massive et gratuite de capotes, pas ailleurs. Existe-t-il des analyses et comparaisons sur la modification des données par rapport aux autres pays européens ?
  • Fabrice : Moi, je parle de consommation sexuelle, car c’est comme d’aller au McDo. On choisit un style de mec, si on l’a trouvé, c’est bon, sinon, on va dans la backroom.  “ J’ai déjà pratiqué le barebacking. ”  Je suis séropo depuis 4 ans. Le bareback est aussi une façon de chercher un autre séropo quand on est séropo. C’est une façon d’avouer sa séropositivité. J’ai envie de rencontrer un séropo.`
  • Xavier (Dégel) : Se protéger, ça a une valeur quand on a un minimum d’estime de soi. Sinon, se protéger ne veut rien dire. Nombre d’étudiants et de jeunes qui ont un premier contact avec le milieu pédé ont un déni d’eux-mêmes. En France, une étude portant sur le rapport entre homosexualité et suicide va sortir. Les chiffres des suicides ne sont pas connus pour l’instant. Je suis halluciné par les pratiques volontaires de jouir dans la bouche, d’utiliser de la crème Nivéa avec une capote, tout ça dans les établissements gays. Il y a un problème d’information sur les lubrifiants.
  • Guillaume Dustan : Je voudrais rebondir sur les propos du jeune homme séropo barebacker. C’est bien si je peux le faire sans me faire incendier. Il faudrait monter des cercles de mecs séropos qui n’utiliseraient pas de capotes : on formerait des couples, des troupes.
  • Michel B. (CGL) : Une étude Jeunes et sexualité du CGL va sortir d’ici la fin de l’année dans Illico (questionnaire en décembre). Elle porte sur les pratiques à risque toutes sexualités confondues chez les jeunes. Les 25 et 26 novembre auront lieu des journées Bien être et santé gaie et lesbienne pour étudier ensemble les prises de risque (alcool, etc.).
  • Jérôme (Act Up-Paris) : Pour les jeunes, il faut se rappeler que D. Gillot s’est engagée à faire des actions de prévention et aussi contre l’homophobie par rapport au sida chez les jeunes hors milieu homo. Pour les lieux de consommation, on a parlé du problème de l’accessibilité des capotes dans les cabines. Avant le gel était en dosettes, maintenant, il y a des tirettes, ce qui est plus pratique. D’accord pour informer les gens mais dans les lieux, il y a une séduction, l’envie de baiser sans capote : il faut donc avoir accès aux outils de prévention à tout moment. Il faut distribuer les capotes en cabine et non pas au bar. Il n’est pas vrai que les préservatifs soient gâchés.
  • Thomas Doustaly (Têtu) : Le discours de la complexité est contre productif : il est possible de parler, d’agir simplement. Tout le monde a la possibilité de faire quelque chose par rapport aux jeunes isolées et notamment dire aux pauvres filles saoules de rentrer chez elles, quand le patron ne le font pas. Le seul message pour se protéger du sida, c’est de mettre une capote. Les sociologues ont ruiné les choses en écoutant les gens qui ont des difficultés à mettre des capotes et en tenant le seul discours visible depuis 5 ans. Jean-François Chassagne a dit au Gueuloir qu’entre 4h et 8h les gens baisaient sans capote et qu’il n’allait pas faire le flic. Ce soir, il faut arriver à marteler le discours : quand on est séronég et qu’on ne veut pas se contaminer, il faut mettre la capote. D’accord pour que les séropos s’organisent entre eux mais il ne faut pas attendre que D. Gillot organise quelque chose pour trouver un mari séropo. Pourquoi la crème Nivéa ? Parce que depuis 8 ans, rien n’a été dit sur le sujet. Il faut arrêter de dire que le seul discours possible est celui de la complexité. Il faut marteler en parallèle des messages simples et rappeler des choses que plein de gens ont oubliées.
  • Alain Leobon (chargé de recherche) : Je travaille sur des sites web et sur le réseau. Le bareback n’est pas nouveau. Pendant des années, il était limité au Minitel et au réseau. Au début, on a réagi en termes de réduction des risques sans stigmatiser, en parlant avec les mots habituels. On a rappelé les risques de contamination liés à la réduction des risques. Nous disons “ Tu peux le faire, à condition de… ”. Il n’y a pas d’idéologie du bareback, juste de l’érotisme autour de besoins personnels, de s’éclater dans ce type de rapports. Il n’y a pas de discours qui tienne la route : il y a des photos, il y a de la violence, d’accord. On a créé SMBoy.net et SafeBoy.net en utilisant le mode de communication d’Act Up et en retour on a reçu des menaces violentes. Il n’y a pas de discours, juste des gens regroupés, mais il faut avoir quelque chose à leur répondre.
  • Eric Rémès : Il y a stigmatisation dans l’affiche avec un fusil de la Gay Pride. D’accord, j’aime bien baiser sans capote, mais aussi avec. Il faut apprendre des techniques pour bander avec une capote. Je n’ai pas envie qu’Act Up me pointe avec un fusil, il ne faut pas me dire qu’on est des grenades sexuelles. En cas de gouvernement de droite, on pourrait avoir un délit d’insémination. “ Est-ce que vous voulez qu’on condamne les séropos qui baisent sans capote et contaminent les gens ? ” Que fait-on quand on est séropo, qu’on ne risque rien, que celui qui est en face veut être contaminé ? Y a-t-il un risque de sur-contamination ? “ Baiser sans capote, ça vous fait jouir ? ” oui mais à quel prix ? Il faut faire du second degré.
  • Philippe M. (Act Up-Paris) : Sur le discours de la complexité, on peut y croire quand il avance des propositions effectives en matière de prévention, or ça n’a jamais rien donné. Suzanne Guglielmi qui est ici ce soir a tenu ce discours, mais il n’en jamais rien sorti : il faut l’abandonner. Sur le discours du SNEG qui dit Nous ne sommes pas des flics : sur les drogues, vous l’êtes pourtant beaucoup et vous êtes même très au point dans vos rapports avec les flics. Moi ça me rend dingue qu’il y ait un tel engagement sur les drogues et que vous en soyez à ce point sur la prévention. A Erik Rémès, moi aussi je préfèrerais baiser sans capote ; on a essayé d’érotiser la capote, mais ça ne marche pas parce que baiser sans capote, c’est mieux. Le texte de l’affiche le disait déjà, mais ce qui ne me fait pas jouir, c’est de me retrouver ensuite dans une chambre d’hôpital. Sans doute il n’y a pas d’idéologie développée sur les sites de bareback, mais le texte de Guillaume Dustan, c’est de l’idéologie en barre, lorsqu’il écrit que la prévention est un juteux mensonge ou que la capote ne protège pas du sida, mais protège du sexe. Et son dernier livre, que je semble être le seul ici à avoir lu, tout ce qu’il dit, c’est la libération de la honte d’être homosexuel par la libération de la capote : depuis que l’ai abandonné les capotes, je n’ai plus honte d’être pédé, c’est ça son dernier livre.
  • Alain L. : Il ne faut pas diminuer la notion d’impact des sites, mais quand on propose la même chose que les sites de bareback, sur un site de 1000 adhérents, on n’a que 15 % de barebackers.
  • Emmanuel : A propos des backrooms, pourquoi ne pas décerner un label de qualité pour responsabiliser les propriétaires ?
  • Yannick (Nova) : Dans ce débat, c’est trop Guillaume Dustan contre Didier Lestrade, et ça fausse tout. On oppose le discours no capotes, présenté comme le dernier des romantismes, super vendeur, à quelqu’un qui n’aimerait pas le sexe, militant, et donc ringard et vieux jeu. Il faut que la génération des 30 ans se réveille : on ne peut pas écrire que la capote ne protège pas du sida, on oublie toutes les luttes, les morts, comme si on était au début de l’épidémie. Moi, j’aime le cul et je mets des capotes. Que ceux qui ont une pulsion de mort la gardent pour eux et qu’on ne la mette pas dans la presse. Le bouquin de Didier m’a ouvert les yeux sur une chose que je n’ai pas connue, c’est de rayer le nom des morts sur son agenda, mais je veux quand même dire aux jeunes d’aujourd’hui que la mort va revenir si on n’y fait pas gaffe. Non, la capote n’est pas un truc ringard, et moi, j’ai envie de vivre.
  • Guillaume D. : Quand je dis que la capote ne protège pas du sida, c’est un raccourci : je suis devenu séropo alors que j’étais safe, la capote a glissé. La capote, ça n’est pas sûr à 100 % (“ on n’a pas attendu qu’il nous arrive des choses horribles pour… ”). La capote est un instrument de prévention, mais pour les séronégatifs. Dans les couples séro-concordants on ne met pas de capote parce que c’est plus jouissif. La capote ne marche pas toujours, ça ne peut pas être la règle en matière de sexualité : il faut créer des espaces où on puisse ne pas en mettre, des lieux bareback séronégs… (Hélène H. : “ mais il est interdit d’y parler de traitements, parce que les gens n’assument pas le fait d’être malades ! ”)
  • Médéric (Act Up-Paris) : Je suis nouveau à Act Up, je suis séropo, et je me protège toujours, même avec un séropo. Tu dis que la capote c’est pour les séronégs qui ne veulent pas se contaminer, mais il faut aussi parler de la sur-contamination. Ce n’est pas parce qu’on est séropo qu’on ne doit plus se poser la question de la capote.
  • Christophe Martet (Act Up-Paris) : Il faut revenir à des choses réelles et ne pas rêver sur des groupes séropos et des groupes séronégs : la capote est pour tout le monde. Même si la charge virale est indétectable, si on contracte une MST, elle rebondit. J’ai aussi rêvé en 96 d’une éradication du virus ; aujourd’hui, j’espère ne pas mourir du sida, mais je sais que je vais vivre avec toute ma vie, et il faut rester avec l’ide qu’il faut se protéger. Je ne suis pas d’accord avec la notion de réduction des risques : c’est un concept qui vient des années 80, de la guerre à la drogue et aux drogués ; c’était dire d’arrêter les hépatites et le sida en arrêtant d’échanger les seringues. Ce concept ne peut pas marcher avec la prévention : on ne dit pas qu’il faut arrêter de baiser, mais c’est la capote et rien d’autre. Les établissements dépensent 4 millions de francs de capotes, mais ils vendent de l’alcool ; l’alcool n’est pas propice à la prévention, mais rien n’est fait en matière de prévention contre l’alcool. Il faut calmer les consommateurs, si quelqu’un arrive déjà complètement alcoolisé ou défoncé, ça va augmenter la prise de risques, et il vaudrait mieux lui donner du coca. Oui, il faut être moraliste, c’est une question d’hygiène publique, l’alcool ne se distribue pas comme ça.
  • Hélène Hazéra (Act Up-Paris) : Je repense à Michel Cressole, qui est mort, avec qui j’ai travaillé à Libération et qui a défendu la lutte contre le sida, qui écrivait des chroniques au Journal du sida, mais quelle tête il ferait en entendant Erik parler de baiser sans capotes !? Il y a un mot qu’on n’a pas encore entendu, c’est “ éthique ”. Quand on voit la tribune de Dustan dans Libé, où pourtant tant de gens sont morts du sida, dont un hétéro usager de drogue qui a contaminé ses copines, c’est personne ne fait rien pour personne, c’est ça le nouveau bréviaire. Aujourd’hui, on connaît la sécurité sociale, mais c’est le résultat d’une lutte ouvrière, de combats, et il y a beaucoup de pays qui n’ont pas de sécurité sociale et beaucoup de gens qu n’ont pas accès aux traitements. C’est un luxe de grande bourgeoise de dire : moi, j’ai les médicaments, les autres, qu’ils crèvent. Une amie algérienne m’a dit au Gueuloir, quand Dustan parlait : “ mais c’est Le Pen ! ”. Dire qu’on ne meurt plus du sida quand il y a 20 millions de morts, c’est du Le Pen et du négationnisme, et il faut dire que c’est insupportable. Il faut reparler aussi de la sur-contamination, parce que baiser entre séropos n’est pas anodin. J’ai entendu de la bouche de Guillaume Dustan qu’il n’y avait pas d’amour possible entre un séropo et un séronég : ce garçon est malheureux de vivre dans sa niche sans capote. Mais pourquoi les journalistes lui donnent-ils le micro, quand ils ne le font pas avec Faurisson ?
  • Hugues Charbonneau (Têtu) : Disons d’abord du discours de la complexité qu’il ne mène à rien. Depuis la fin de la grève des médecins inspecteurs, les associations sont sur le terrain de la réflexion : on produit un discours, mais sans passer à l’acte ; ce n’est pas une question de moyens : il y a assez de matière pour agir et il faut retourner sur le terrain. Mais oui, c’est compliqué d’être un jeune gay, un jeune beur ou un vieux séropo. J’ai compris une chose ce soir, c’est que la théorie de Guillaume Dustan, c’est celle du Pr. Lejeune. La vraie difficulté aujourd’hui, c’est de retourner sur le terrain, de mettre des gens dans les backrooms. Je suis d’accord avec Christophe que la réduction des risques ne peut pas s’appliquer même s’il existe des programmes tox intéressants. Ce qu’il faut, c’est salarier des gens pour être agents de médiation, et sans vouloir attaquer le SNEG, il y a de l’argent pour ça, pour remettre des équipes de prévention sur le terrain. Il n’y a pas suffisamment de gens dans les associations pour le faire, alors quand la DDASS de Paris va-t-elle mettre en place un programme et quand Pin’Aides va-t-elle retourner dans les backrooms ?
  • Olivier (Aides) : Nous sommes toujours sur le terrain, mais il n’y a plus de volontaires et nous sommes deux salariés. Sur les lieux de sexe, mais pas les backrooms, dans les bars du Marais, pour diffuser de l’info, distribuer des capotes et du gel. On produit des brochures de prévention et on est sur le terrain, mais peu nombreux.
  • Hugues C. (Têtu) : Vous êtes deux sur le terrain, alors qu’avant il y avait vingt personnes à Pin’Aides ! Il n’y aura plus de bénévoles aujourd’hui, ce qu’on veut, c’est des gens salariés et les moyens pour les salarier.
  • Olivier (Aides) : Nous sommes deux salariés, mais onze bénévoles ( ?).
  • Jean-François C. (SNEG) : Il y a plein de fantasmes sur la prévention réalisée par le SNEG : des subventions pour l’année 2000, on n’a encore rien touché aujourd’hui, en novembre (Emmanuelle C. (Act Up-Paris) : “ comme tout le monde, tous ceux qui sont financés par les pouvoirs publics ”) et on paie des agios à la banque. Il faudrait savoir si on est dans la lutte contre le sida ou si on est un syndicat professionnel : on ne sait plus comment fonctionner.
  • Lorelei : J’ai 33 ans, je suis hétéro et j’ai envie de m’engager comme volontaire. Je suis étonnée d’entendre parler du fantasme de mort, mais pas de la pulsion de mort. Je ne vois pas de médecins, pas de sociologues : il n’y a rien de scientifique ce soir et je suis traumatisée par le discours que j’entends et que je trouve fasciste. Vous êtes des fascistes, vous me faites mal, j’en ai les mains qui tremblent… (Philippe Mangeot : “ la pulsion de mort existe peut-être, mais est-ce que tu as des propositions ? Ça fait sans doute longtemps que tu y réfléchis, moi j’attends depuis 10 ans, et les psychiatres nous ont fait beaucoup de mal… ”)
  • Blanchard (ARDHIS) : Il faut répéter ce message, que la capote est le seul moyen de prévention contre le sida, mais il présente trois écueils : le premier, c’est qu’il s’adresse à un public d’adultes, comme ici ce soir ; le deuxième, c’est qu’il est un peu simpliste et que c’est une manière pour les associations de se donner bonne conscience en faisant quelque chose ; le troisième, c’est que quand on a 16 ans, être pédé c’est un problème de morale et on a envie de se libérer. La fascination de l’interdit peut conduire à commettre à des fautes en termes de prévention. Il faut faire évoluer ce discours, éviter la monotonie de ces discours qui ont fait leur preuve, mais qui ont néanmoins des faiblesses.
  • Médéric (Act Up-Paris) : On dispose de chiffres sur la sur contamination des séropos ; les résistances aux nucléosidiques sont estimées à 40 % des personnes sous traitement, mais il existe une volonté de minimiser ces chiffres en prenant les nucléosidiques dans leur ensemble, ce qui ramène les chiffres à 4 %. Lorsqu’on est contaminé, on a un virus qui a certaines caractéristiques ; si on rencontre un autre virus qui présente déjà des mutations de résistance, il y a alors possibilité d’évoluer vers la maladie : on peut aussi faire mal à d’autres séropos.
  • Patrick (hétéro, séronégatif, journaliste dans la presse branchée) : Je ne comprends pas la focalisation d’Act Up sur Guillaume Dustan : tout individu a le droit de s’exprimer (“ on ne lui a jamais interdit de parler ”). L’an dernier, lorsque j’ai vu l’affiche désignant du doigt Erik Rémès et Guillaume Dustan, ça m’a fait pensé aux affiches de l’entre deux guerres. Vous avez un rôle par rapport à l’extérieur, et de cette façon, vous mettez au pilori des gens qui pourraient se reconnaître dans le discours de Dustan. Vous feriez mieux de laisser tomber tout ça et de travailler sur la prévention.
  • Arlindo C. (Act Up-Paris) : Il faut mettre les choses au clair : ce sont les médias qui se sont focalisés sur le rapport entre Act Up et Dustan / Rémès, il ne faut pas inverser les rôles. On n’a jamais interdit à quiconque de s’exprimer, ce que l’on fait, c’est produire un contre discours à toutes ces conneries.
  • Thomas D. (Têtu) : On n’est pas là pour interdire, mais pour réagir là où on sera entendu : quand on parle de Guillaume Dustan, on est repris parce qu’il est à la mode, donc on parle de lui. Act Up-Paris était à la mode il y a dix ans, on ne l’est plus, c’est tout.
  • Michel B. (CGL) : Je suis séropo, je suis aussi une veuve éplorée et j’ai milité à Los Angeles dans une association de séropos qui s’appelle Being alive. A l’époque, on ne savait rien de la sur contamination, on pensait qu’il n’y avait qu’une sorte de virus, mais aujourd’hui on sait que c’est partager son sida, partager ses résistances, et le discours est donc plus complexe. Je sais que si je contamine quelqu’un, je lui offre un super voyage parce que je porte en moi un truc de mort. Pourtant contre ça, il y a une ombrelle, c’est la capote ; il y aussi le fémidon, même s’il est pas mal controversé. Alors qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui ? Eh bien, moi je fais ce que je sais faire, c’est à dire chaque vendredi, une virée avec des capotes pour expliquer aux vieux séropos que la capote et le gel, ça marche. Pourtant je rencontre dans les bars des gens qui me disent “ non merci, j’en veux pas ”, d’autres qui posent des questions sur l’utilisation du beurre . Le discours basique ne marche pas, mais il faut s’impliquer sur le terrain : alors, dans la pratique, qu’est-ce qu’on fait ?
  • Arlindo C. (Act Up-Paris) : En pratique, il y a les établissements et les pouvoirs publics : qu’est-ce que eux peuvent faire ? Financer des campagnes de prévention plus claires, plus fréquentes, et pas seulement avant les vacances ? Les établissements, qui disposent de subventions, faire plus que distribuer des capotes et du gel ? Il faudrait que tout le monde s’exprime sur ces possibilités.
  • Nicolas Maalouly Act Up-Paris) : J’ai entendu dire que le CGL a manqué de capotes et qu’il a appelé le SNEG : on lui a répondu en demandant s’il était adhérent. Est-ce que c’est vrai ?
  • Michel B. (CGL) : C’est vrai qu’on a manqué de capotes et que le SNEG nous a dit que pour profiter des prix spéciaux, il fallait être adhérent, mais je trouve ça normal et l’adhésion ne coûte que 200 francs.
  • Jean-François C. (SNEG) : C’est statutaire, on ne peut pas vendre à d’autres établissements que les adhérents. Mais à travers ça, on voit votre attitude fascisante, et tout le monde le dit (Philippe M. [AUP] : “ Va voir s’il y a beaucoup de fascistes qui parlent de putes et de drogues. ” Christophe M. [AUP] : “ Si être fasciste, c’est débattre ! Ça fait des années qu’on débat ici, on peut venir, les réunions sont publiques. C’est pas être fascistes que d’être énervés ! ”) Mais concrètement, ce soir, les propositions sont pauvres : des distributeurs de capotes, d’accord, mais est-ce qu’on finance ou pas ? Certains de nos adhérents pensent qu’il faut être plus sévères. (“ Il ne faut pas attendre 10 ans pour mettre une boîte dans chaque cabine ! ”)
  • Antonio Alexandre (salarié au SNEG) : Je suis délégué régional du SNEG, je suis toujours sur la route, je fais 45.000 kms par an, toujours sur le terrain, dans les bordels de Paris depuis 5 ans et demi et je suis choqué par les propos tenus ; je vais d’abord parler du SNEG puis de ma propre expérience de pédé. En 95, on a mis en place la charte de responsabilité avec Act Up et Aides ; on a accroché la charte et veillé à ce qu’il y ait des capotes et du gel partout. C’est Jean-François Chassagne qui est à l’origine des distributeurs de gel, alors que les associations étaient plutôt contre. Pour les distributeurs de capotes, il y a des problèmes techniques parce qu’il faudrait une carte à puce. On fait déjà beaucoup, et je pense que vous êtes aussi bien contents d’avoir des établissements pour aller vous amuser, et où il y a des capotes. Par ailleurs, quand on dit “ j’étais trop chaud ”, un bon ouvrier a toujours sa capote et son gel sur lui. Dans mon expérience de pédé, oui, il m’est arrivé de baiser sans capote, oui, j’ai vu des mecs baiser sans capote, et depuis pas très longtemps, des mecs demandent à être baisés sans capote. Comment j’en suis arrivé à accepter cette prise de risque ? Le discours du bareback ? Le culte du foutre ? La prise de risque dans un état pas très clair ? Pourtant, je suis toujours séronég et j’ai envie de le rester. Etre séropo ou séronég n’empêche pas la relation, même s’il faut toujours se protéger. Par ailleurs, il faut arrêter de tirer les uns sur les autres, j’ai plutôt envie qu’on trouve des solutions pour les bordels de Paris.
  • Erik R. : Une première raison de la non utilisation des capotes du SNEG, c’est qu’elles empêchent l’érection : il n’y a pas de capotes plus pratiques ?
  • Thomas D. (Têtu) : Pour ne pas être fasciste, je ne vais pas dire que le SNEG ment. Il dit qu’on est contents d’avoir ses établissements et il fait la pub sur les choses qu’il a faites en matière de prévention, même si par ailleurs la centrale d’achat n’est pas la chose la plus transparente qui soit.  Mais il ne se pose pas de questions sur les résultats. Nous, ce qu’on demande, c’est d’être efficaces et pas seulement de s’agiter ; s’il faut dire aux pédés qu’ils viennent avec leurs capotes, alors dites-le, mais il y a une obligation de résultats pour les établissements communautaires, ou alors vous êtes des complices objectifs des contaminations, parce qu’en tant que pédés, on est supposés être protégés par d’autres pédés. Il n’y a aucun efforts pour avoir des endroits safe, vous faites juste ce qu’il faut pour ne pas être attaqués (“ On n’a pas autant de stratégie ! ”).
  • Hervé Latapie (Le Tango) : J’hésite un peu à parler parce que je suis plutôt d’accord avec Act Up pour avoir organisé le gueuloir au Tango, mais les réactions ici sont violentes et agressives. Mon établissement n’est pas un bordel, les gens s’y rencontrent, puis vont chez eux. J’y distribue des capotes depuis le gueuloir, que j’achète au SNEG, et d’ailleurs je suis un peu surpris de l’augmentation de 15 %. Chez moi, les capotes sont littéralement pillées, au début j’ai pensé que c’était par les hétéros qui ont du mal à s’en procurer, mais ça n’est pas le cas. Je suis pour que des choses soient faites par les établissements, et je suis aussi d’accord avec la démarche d’aller tracter à leur porte, mais je me demande pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour le faire, alors qu’il y a des rumeurs qui courent, et que l’on sait pertinemment que la presse gay ne peut pas dire les choses parce qu’elle est financée par ces mêmes établissements.
  • Guillaume D. : Act Up est dans un délire hygiéniste et moralisateur. Tu dérailles quand tu dis vouloir que des mecs d’Act Up aillent sur d’autres mecs dans les bordels. Et dire qu’on est une “ bombe humaine ”, c’est un discours que tient la droite : c’est une stratégie hyper dangereuse.
  • Anne Rousseau (CGL) : Il y a un mot qu’on n’a pas beaucoup entendu ce soir, c’est celui de “ communauté ”. La prévention a pris parce qu’il y avait cet esprit, qu’on disait “ dans 10 ans, il n’y aura plus un seul pédé ”, alors qu’aujourd’hui on assiste à une désagrégation de ce lien communautaire, avec un reflux des associations sida sur l’identité gay pour se consacrer aux toxicomanes, aux femmes, etc. Le monde qui est venu à cette AG montre ce besoin d’un lieu où on puisse parler communautaire : on a besoin de faire renaître ce désir de vie collective comme a pu l’exprimer le slogan “ J’ai envie que tu vives ”. Il faut se poser la question de la structuration du milieu gay, dont le dernier rempart est constitué par sa presse.
  • Patrick (journaliste) : Ce qu’oublie de dire Jean-François Chassagne, c’est qu’on paie dans les établissements, et qu’en tant que clients, on est en droit d’avoir des exigences. Il y a 10 ans, j’avais un discours qui n’était pas pro Maris et il y a eu des pressions pour me faire virer. Vus traitez Act Up de fascistes, mais c’est qui les fascistes dans l’histoire ? Parce qu’on peut aussi parler de la position du SNEG sur la drogue et de ses rapports avec la police. Pourtant, il vaut mieux faire des propositions pour avancer.
  • Emmanuelle C. (Act Up-Paris) : Le discours du SNEG me désole, il me fait penser à celui de Dominique Gillot : deux ans à penser à un distributeur de capotes ! Notre violence, elle est liée à notre militantisme et à notre combat. Quand au mois de juin on a distribué des tracts devant quelques établissements, j’ai reçu une lettre du SNEG disant qu’ils allaient appeler la police s’il y avait menace devant les établissements et le Dépôt a déposé plainte (“ c’est normal, c’était un problème de nuisances ”). Oui, et c’est juste un scandale de parler de nuisance pour un tract sur le sida. La charte de prévention, on a mis un an à la faire et 6 mois à la défaire ; elle a marché pendant un an avec 5 établissements qui faisaient déjà de la prévention avant. Mais parlons d’avenir : Jean-François Chassagne, tu parles comme les pouvoirs publics. Ils nous ont convoqués pour le 17, et d’ailleurs pas le SNEG ; mais c’est pas si compliqué que ça : nous, o est 50 à faire les zozos au ministère de la Santé, et pourquoi pas vous ? Le ministère à des financements, il faut aller les chercher ; Aides dit ne pas avoir assez de volontaires, mais il faut hurler ! Venez avec nous ! On a l’impression que vingt ans de militantisme ne servent à rien…
  • Jérôme M. (Act Up-Paris) : On n’a pas assez martelé dans les établissements la réalité du sida. On en meurt encore, comme le rappelait à juste titre la campagne de cet été, mais il faut aussi rappeler la réalité quotidienne pour refuser la contamination : les effets secondaires, les échecs thérapeutiques. La Gay Pride d’Act Up a été faite sur ce thème : “ la peau sur les os, ça vous fait jouir ? ” “ vingt diarrhées par jour, ça vous fait jouir ? ”, et je pense que c’est un des moyens de lutter contre le bareback. C’est du révisionnisme de dire que le sida, ça n’est pas grave, comme le fait Guillaume Dustan : le sida, ça reste l’horreur ! Il n’y a pas de liberté sans responsabilité.
  • Hugues C. (Têtu) : Je suis halluciné par l’histoire de distributeur du SNEG : pour ne pas mettre de capotes dans les cabines, vous avez peur que les gens les prennent, s’en mettent plein les poches pour aller baiser chez eux ? Vous dites qu’il n’y a pas assez de solutions, et on a donné plein ! On paie une entrée, d’ailleurs sans consommation, on a le droit d’avoir des exigences. On peut lire des affichettes qui disent “ si tu as de la drogue, on te dénonce aux flics ”, il faut faire pareil sur les pratiques “ si tu baises sans capote, on te vire ”. Il y a besoin de plus de gens, et il faut les payer : des emplois jeunes, pourquoi pas ? Mais il y a plein de solutions concrètes qui ont été données ce soir.
  • Suzanne Guglielmi (DGS, Division sida) : Mon discours n’est pas celui des pouvoirs publics et je n’apporterai pas les réponses que d’autres doivent apporter. J’ai envie de dire des choses pour déclencher un débat, réfléchir. J’ai entendu des accusations envers le SNEG, envers les pouvoirs publics. Quel est le rôle de chacun, et en particulier celui des pouvoirs publics ? On a une responsabilité par rapport à un discours public : des campagnes nationales médiatiques qui doivent s’adresser à toute la population, et pas seulement aux pédés, ou aux migrants, etc. Il faut aussi parler aux autres de la totalité, pas seulement des groupes identitaires, il faut un discours par rapport à l’ensemble de la population, et qui puisse être entendu. Il y a aussi une responsabilité des pouvoirs publics sur des campagnes cibles ; cette année, on a un groupe de travail pluri associatif pour l’élaboration d’une campagne ; ça prend du temps pour avoir un consensus, mais on a deux outils : une campagne presse et la mise à disposition de nouveaux outils. L’idée qui est derrière, c’est l’importance de l’information, sur laquelle il y a des carences aujourd’hui, et pas seulement sur les pratiques. On doit renouveler le discours avec des repères : la réalité des traitements, les associations gel / capote, etc. C’est le rôle des pouvoirs publics, en partenariat avec les associations. Il y a ensuite la mise à disposition des outils : gel, capotes, digues dentaires, avec aussi des questions de qualité, pour en permettre l’usage, dans les lieux “ chauds ”, mais aussi dans des lieux autres. Il y a là une question de savoir-faire et de compétences qui est discutée avec les associations. Faut-il : former ? mettre plus de personnels ? C’est aussi le rôle des pouvoirs publics, mais il y a des demandes qui n’ont jamais été exprimées. Je suis d’accord avec Philippe Mangeot sur le fait que le discours de prévention est relativement simple, mais il faut avoir une norme préventive de référence. Ce qui est compliqué, c’est de permettre à chacun d’élaborer sa propre norme préventive, ce qui nécessite d’autres types d’actions, et là, c’est du ressort des associations et des professionnels. Quelle collaboration mettre en place ? Des études : il y a beaucoup de demandes, il y en a en cours, mais il en manque aussi sur la représentation globale de la sexualité, des études spécifiquement comportementales, car l’impression, c’est que le bareback n’est pas nouveau et qu’il n’est pas que chez les homos, mais on n’a pas de données.
  • Thomas D. (Têtu) : On trouve tous qu’il est très courageux de votre part d’être venue ce soir, mais il ne faut pas prendre la parole pour nous dire ça. Les campagnes généralistes, vous les faites déjà. Le bareback, vous nous dites “ ça existe ailleurs ”. Ce que nous voulons, c’est avoir d’autres relations avec vous : jusqu’ici, vous nous avez accordé des rendez-vous, mais généralement le vendredi, et à 17 heures, avec des gens qui s’en foutent. Et là, il faut que ce soit les pédés qui vous convoquent…
  • Rodrigue Ducourant (Act Up-Lyon) : Vous n’avez rien formulé, rien proposé !
  • Gérald Sanchez (Act Up-Paris) : Il y a des bruits de couloirs selon lesquels vous auriez fait une intervention dans le cadre d’une réunion sur les appartements thérapeutiques disant que le budget prévention sida de 45 millions de francs aurait été oublié lors du vote du budget.
  • Suzanne Guglielmi (DGS, Division sida) : Dominique Gillot a fait deux interventions publiques ; le dispositif des appartements thérapeutiques est financé par la sécurité sociale et sera élargi aux maladies chroniques. Le dispositif d’hébergement en appartements non médicalisés sera toujours financé. Il n’y a pas de problème sur les 45 millions de francs.
  • Frédéric (PASTT) : J’ai commencé comme pute pédé, les putes pédés n’ont pas accès aux messages de prévention. Vous avez parlé d’appartements, mais il y a des gens séropos et SDF. Je suis toujours pute, je ne peux pas toujours dire que mes clients sont des homos, et je suis obligé d’imposer la capote, sinon, en tant que travailleuse du sexe, je crèverais très vite.
  • Philippe M. (Act Up-Paris) : En réponse à Suzanne, il faut réfléchir à la marge de manoeuvre de chacun. Au SNEG, je suis étonné quand il propose “ réfléchissons ensemble ”, car nous, on y réfléchit chaque semaine. Quand allez-vous faire une campagne sur le bareback, dire combien le bareback est nul et que les barebackers devraient avoir honte tellement c’est nul ? (Jean-François C. [SNEG] : Mais les barebackers, on les a virés ! Ceux qui s’organisaient des rendez-vous à heures précises et à notre insu ont été virés !) Il faut dire aussi que les barebackers, on n’en veut pas ! Cette campagne, est-ce que tu vas la faire ? (Guillaume D. : “ On pourrait dire, les séropos, on n’en veut pas ”) Changer l’intensité de la lumière (JFC : “ on est dessus aussi, on y réfléchit ”) On fixe un rendez-vous dans 15 jours ? Pour le 1er décembre ? C’est aussi aux bars de payer les capotes. (JFC : “ 4 MF de capotes, c’est une valeur ajoutée ! ”) Il faut réfléchir à l’emploi de quelqu’un dans les établissements pour s’occuper de prévention et que ce ne soit pas aux associations de le faire. (JFC : “ On est 8 sur la France, et on n’a plus de moyens. ”)
  • Erik Rémès : Je n’ai pas envie d’être traité de minable, c’est pas ça qui me fera changer d’attitude. Plus ça ira, plus le sida sera loin, plus les médicaments seront puissants.
  • Jean-François C. (SNEG) : On a fait un tour de table avec les associations et la charte a parfaitement fonctionné ; j’ai écrit à la présidente d’Act Up pour reprendre ce travail : il ne faut pas s’entredéchirer quand on est d’accord sur le fond, mais plutôt travailler ensemble. Sur les distributeurs de préservatifs, je suis d’accord, ça n’est pas si difficile à mettre au point, mais le problème, c’est le gaspillage des capotes alors qu’elles ne bénéficient d’aucune subvention, ça fonctionne sur un autofinancement complet par le biais de la centrale d’achat. C’est difficile de construire, car nous sommes avant tout des commerçants, mais notre responsabilité, je ne la rejette pas pour autant. Nous sommes 8 salariés à temps plein pour visiter plus de 1.500 établissements dans toute la France, et aujourd’hui, plus rien n’est adapté : une fois qu’on a payé les salariés, les subventions sont épuisées, et on ne peut plus agir.
  • Mouloud K. (Act Up-Paris) : Mais pour le 1er décembre, vous allez faire quoi avec les barebackers ?
  • Jean-François C. (SNEG) : On va être plus sévère et les sortir. (Guillaume D. : “ Tu vas faire le flic et le jeu d’Act Up : c’est toi le minable. La chasse est ouverte, c’est ça. ”)
  • Philippe M. (Act Up-Paris) : Il faut salarier des gens : est-ce que la DGS est capable de faire un appel d’offres et apporter des financements pour que des gens fassent de la prévention en milieu gay ? A Act Up, on a toujours considéré les campagnes de prévention de la DGS comme catastrophiques, pourtant, la dernière n’est pas si mal, on avance, mais toujours avec du retard. Est-ce que vous pouvez réfléchir à une campagne sur le relapse et le bareback pour dans 6 mois ? La France va-t-elle enfin s’engager à faire des recherches sur des alternatives à la capote, ce qui devrait faire plaisir à Guillaume Dustan, comme les gels virucides, et sans que les conditions de ces recherches soient immorales ? C’est-à-dire pas comme ces essais lancés en Afrique. On a posé la question de la marge de manoeuvre : il est possible aux pouvoirs publics de parler à tout le monde, à toutes les catégories pour peu qu’ils reconnaissent qu’elles existent. Seuls les séropos leur échappent, car ils sont de la responsabilité des associations de séropos : Didier Lestrade est le seul à pouvoir dire “ je suis séropo depuis longtemps et j’ai le droit de dire aux séropos : vous déconnez avec cette histoire de partage des responsabilités ”.
  • Suzanne G. (DGS) : la question êtes-vous prêts à salarier des gens n’a pas de sens, les fonds pour la prévention sont stabilisés et il y a une programmation en place. Sur la prévention en milieu homo, nous assurons la permanence d’une action de fond : prévention, accès au dépistage, vie des personnes atteintes. Nous pouvons soutenir des actions, mettre en place des programmes de formation, faciliter des emplois, mais dans la mesure où les programmes sont cohérents, innovants et un minimum consensuels. Nous sommes prêts à continuer, et même à aller plus loin. (Philippe M. [AUP] : Et la campagne sur le bareback ? ”) (Guillaume D. : La campagne sur le bareback n’est pas consensuelle. ”) Cette campagne sur le bareback ne fait pas consensus (“ Et c’est une raison pour ne pas la faire ? ”).
  • Emmanuelle (Aides Franche-Comté) : On a opposé assez longtemps Aides et Act Up, mais je suis admirative devant les coups de force d’Act Up. Et je suis alarmée, comme vous, car aujourd’hui le gros problème est la lourdeur des traitements : il y a une campagne à mener sur la lourdeur et la difficulté d’être séropo aujourd’hui, sur le nombre de pilules à prendre chaque jour, leurs effets secondaires, parce que peu de gens en sont informés, et cette méconnaissance est parfois à l’origine de prises de risques. On dit que le sida se soigne, mais il fait dire cette lourdeur de vivre avec le VIH aujourd’hui.
  • Agnès Tricoire (LDH) : C’est une lettre d’Agnès Tricoire à Guillaume Dustan, auto proclamé chef des pédés : dans le programme de campagne présidentielle de Christine Boutin, on peut lire “ la capote ne marche pas, je l’ai toujours dit, et aujourd’hui, les homosexuels eux-mêmes le disent ”. Etes-vous prêts à faire un démenti, au moins partiel, à Mme Boutin ?
  • Gérald S. (Act Up-Paris) : Le SNEG dit que la charte de prévention a bien marché ; on a travaillé avec vous sur une brochure Tox en espérant que vous feriez le ménage et que vous n’iriez pas mettre cette brochure au pied de l’affiche “ les dealers dehors ” qui fait appel à la délation : quand ces affiches seront-elles mises à la poubelle ? Serez-vous prêts ensuite à faire une autre brochure indiquant que ce ne sont pas les dealers qui sont le problème ?
  • Julien Devemy (Act Up-Paris) : Suzanne Guglielmi est seule ici de la DGS, il n’y a personne du secrétariat d’Etat à la santé, Abenhaïm n’a pas eu le courage de venir : quand cesserez-vous d’avoir peur du communautarisme ? La dernière campagne télévisée est passée pendant les vacances, quand justement personne ne regarde puisque beaucoup sont en vacances. Quand est-ce que vous allez cesser de laisser les jeunes homos se contaminer, pour cause de puritanisme ? Votre problème, c’est de parler de sexualité et de ce qu’elle est vraiment.
  • Laurent (journaliste) : Pourquoi est-ce que vous n’avez pas le courage de demander la fermeture des backrooms ? Dans les saunas à New York, on peut faire ce qu’on veut dans les cabines, mais j’ai été suffoqué par ce qui se passe au Dépôt. Je suis choqué pourtant que vous traitiez les barebackers de minables, alors que j’ai l’impression qu’il y a des milliers de mecs…
  • Guillaume Dustan : Act Up ne m’aime pas, mais moi j’aime beaucoup Act Up (Hélène H. : dès qu’il y a une caméra, on ne le tient plus ”) ; sur la disparition de la communauté, pourquoi a-t-elle disparue ? Parce qu’une partie a pris le pouvoir sur l’autre, c’est une situation odieuse qui prévaut depuis 10 ans, la prise de pouvoir d’Act Up sur le SNEG, le pouvoir moralisateur du CGL face à des pédés qui… (“ quel résistant tu fais ! ”) (…) le peuple africain qui veut s’enculer sans capote dans la savane (…) Ces histoires sur la capote, c’est clouer le bas peuple gay dans le caniveau ! Il faut arrêter de vous en prendre à nous. (Julien D. [AUP] : Parles avec des pédés africains, tu verras ! ”)
  • Thomas D. (Têtu) : Je suis aussi d’accord avec Anne Rousseau, qui d’ailleurs n’est plus membre d’Act Up-Paris. Le truc important, c’est que le SNEG est dans un grand désarroi et qu’il faut les aider. Il faut aussi que cette AG débouche sur le fait que tous les pédés soient représentés : que les pédés de la savane soient représentés, que l’intelligentsia soit représentée, et qu’Act Up joue le rôle ciment.
  • Didier Lestrade (Act Up-Paris) : A Chassagne : Act Up a apporté plein de solutions, de propositions, et à cette réunion du 1er décembre, il faudra vraiment travailler sur le détail. Moi aussi j’ai voyagé et en 87, à Fire Island, dans le bois, il y avait un seau avec des capotes et du gel. Il ne faut pas utiliser le bordel de cette réunion pour ne pas faire le point : il faut régler les problèmes un par un et faire le compte de ce qui se passe. A Suzanne Guglielmi : je ne peux pas croire que vous ayez le culot de dire que vous avez le courage d’être là ; je ne peux pas accepter que vous disiez parler en tant que personne et que vous ne représentez pas le ministère. Il y avait un danger à cette AG : si c’était un échec, on allait dire “ Act Up est dans la merde ”, et vous, je suis effaré de voir que vous parlez toujours de la même façon alors que les labos eux-mêmes commencent à apporter des solutions. Vous avez toujours ce putain de discours, vous parlez pendant 20 minutes pour ne rien dire : mais vous êtes payée pour nous emmerder ? A Aides et Sida info service : j’en ai marre de ne pas vous entendre : combien de millions on a à Act Up (“ 3 ”), et vous, combien de millions vous avez, et vous ne dîtes rien ! Où est Saout, où sont les responsables ?
  • Christophe M. (Act Up-Paris) : Je suis terrifié par le nombre de gens qui ne font plus le test ; c’est une histoire que Didier raconte dans Têtu, de quelqu’un qui est mort et qui ne connaissait pas son statut quelques semaines avant, et aussi Jean-François Delfraissy : la majorité des gens qui meurent du sida ne savaient pas qu’ils étaient séropos avant d’être malades. Je pense qu’il vaut mieux savoir que ne pas savoir, parce que déjà c’est une démarche de prévention pour soi et ça permet de prendre soin des autres : il faut inciter les gens faire le test. Dans 40 % des sidas déclarés chez les pédés, ce sont des gens qui ignoraient leur statut sérologique. Je suis sidéré que des pédés débarquent à l’hôpital avec une pneumocystose et qu’ils n’aient jamais fait le test, alors que la communauté est décimée depuis 20 ans par l’épidémie.
  • Stéphane Ginouillac (Act Up-Paris) : Erik Rémès dit “ plus ça ira, plus le sida sera loin ” : aujourd’hui le sida n’est pas loin, il est toujours là. Le SNEG déclare faire beaucoup de réunions depuis deux ans, mais ça ne suffit pas. C’est quoi les préservatifs gaspillés, ceux que les gens emportent ? (Jean-François C. [SNEG] : “ ils sont jetés par terre ”) (“ on les ramasse ”).
  • Frédéric : Les mots d’objectifs et d’efficacité ont été prononcés : j’appartiens à une association culturelle qui a monté un spectacle sur la prévention en 96/97 qui a été très bien reçu ; quand on a voulu relancer ce spectacle en 2000, les Affaires culturelles ont répondu d’accord dans les 48 heures : on aurait voulu que la Santé nous réponde, alors qu’on attend depuis un an ! Et que la très grande majorité des spectateurs restaient après le spectacle pour un débat sur le sida.
  • Pascal (Gays musette) : Cette Assemblée Générale était annoncée comme ouverte, je regrette qu’elle tourne à un affrontement entre le SNEG et Act Up. On ne laisse pas assez de place aux associations qui sont hors du champ sida : associations de loisirs, associations sportives, religieuses, etc., et les lieux de prévention gays ne sont pas non plus seulement dans le Marais. Il y a des choses à faire avec eux aussi, car ce sont souvent des gens qui ont du temps et aussi de l’argent : la communauté ne se limite pas aux commerçants et aux activistes.
  • Alex (MOUSSE) : je suis étonné qu’on ait posé les choses comme un débat : quand on a 15 ans, on n’a pas le même degré d’information, et même quand on a un niveau culturel privilégié, comme en fac ou à Sciences Po où on intervient ; des jeunes ne savent rien en termes de pratiques à risques ; on ne peut pas poser les choses en termes de débat, ce n’est pas le choix entre une vie libérée et un hygiénisme.
  • Stéphane G. (Act Up-Paris) : Il manque une vraie politique sida à la Santé, mais aussi à un niveau interministériel ; il n’y a pas seulement l’Education nationale, les collèges et les lycées, il y a aussi les collectivités territoriales, mairies, départements, etc.
  • Fabrice (Amicale du Nid) : Je ne suis pas d’accord que la prévention sida soit une chose simple : chez des jeunes déracinés de province, il n’y a pas de réflexe par rapport au préservatif parce qu’ils sont d’abord contents de pouvoir baiser. Même chez les professionnelles et professionnels du sexe, il y a des questions sur le gel, etc., et plein de choses à reprendre, mais on ne peut pas faire de prévention sous la menace.
  • X. (CRIPS) : On a fait un dessin animé sur la question de l’homophobie pour diffuser dans les lycées ; on va aussi ouvrir une permanence gay rue Sainte Croix de la Bretonnerie pour 6 mois à partir du 1er décembre, pour faire de l’info et donner la parole aux gens.
  • Jérôme (le Dépôt) : Il y a un effort réel de notre part et on participe à la lutte contre le bareback, dans les cabines et hors des cabines. Il faut élargir la charte du SNEG et la durcir. Les pouvoirs publics devraient interdire la commercialisation des vidéos sans capote, ainsi que des gels qui sont incompatibles avec les capotes.
  • X. : Il y a aussi d’autres lieux que les établissements, des cinémas par exemple, où il n’y a aucune prévention, aucune affiche, rien quoi.
  • (CDAG du Figuier) : Il y a beaucoup de pratiques à risques au Dépôt, et par suite, on a pas mal de mise sous traitement post exposition au Figuier. Il y a des lieux avec un noir absolu : c’est contraire à la prévention. je ne suis pas d’accord non plus qu’il soit désagréable de faire l’amour avec un préservatif, car ça dispense de l’angoisse par rapport aux MST et à la contamination. Par ailleurs, les préservatifs sont payés très chers en France, ce qui est aussi un obstacle à leur utilisation, et les africains n’en ont pas.
  • Samuel Somen (Act Up-Paris) : Je suis aussi un usager, et je suis en colère de voir la nullité de Dustan et Rémès : oui, vous êtes des minables. Suzanne Guglielmi, vous dites que le bareback ne fait pas consensus : si, il fait consensus, sauf chez les barebackers. (Erik Rémès : “ Comment voulez-vous faire de la prévention avec des gens que vous ne respectez pas ? ”) Le SNEG parle de gaspillage : mais tu préfères les contaminations ? Où tu vis ? Quant au Ministère, il est en dessous de tout en matière de prévention gay depuis 10 ans.
  • Yves Souteyrand (ANRS) : Pour répondre à Philippe Mangeot, c’est vrai que la recherche a du mal à se mobiliser sur les homosexuels masculins, mais on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de recherches. Il y a une enquête tous les deux ans, avec la DGS, dans les médias gays : 5.000 personnes ont répondu, ce qui représente une augmentation de 33 % par rapport à la précédente, les résultats devraient paraître bientôt. L’ANRS a un programme en cours sur les microbicides.
  • Hugues C. (Têtu) : On lance un ultimatum au SNEG pour le 1er décembre, et aussi à la DGS sur l’appel à des projets de terrain qui permettent de mettre en place des équipes en 2001. Ce qui est marrant ce soir, c’est la totale absence de Aides, sauf une fois, pour dire qu’ils n’ont plus que deux salariés, et une autre fois pour dire son accord avec Act Up : on doit vraiment s’étonner de l’absence de Aides.
  • Emmanuelle C. (Act Up-Paris) : Ce n’est pas vraiment une conclusion, je voulais vous remercier d’être venus, d’avoir accepté de discuter malgré des échanges assez vifs, mais le débat est nécessaire aujourd’hui entre les associations, les patrons des établissements et les pouvoirs publics. Les engagements de chacun sont à revoir, on a un rendez-vous avec le SNEG pour le 1er décembre, et on doit faire pression sur les médias gays pour qu’il y ait plus de choses intelligentes sur le relapse. On n’a pas eu le temps de parler des traitements prophylactiques : il faut rappeler qu’en cas d’exposition au VIH, il faut se rendre aux urgences dans les 48 heures, on s’est battu pour ça il y a 3 ans, il faut y penser.

 

GLOSSAIRE

 

ANRS : Agence nationale de recherche sur le sida

ARDHIS : Association pour la reconnaissance du droit des homosexuels et transsexuels à l’immigration et au séjour

AUP : Act Up-Paris

BEH : Bulletin épidémiologique hebdomadaire

CDAG : Centre de dépistage anonyme et gratuit

CGL : Centre gay et lesbien

CRIPS : Centre régional d’information et de prévention sur le sida

DDASS : Direction départementale de l’action sanitaire et sociale

DGS : Direction générale de la santé

DMI2 : Dossier épidémiologique, médical et économique de l’immunodéficience humaine V. 2

DOS : Déclaration obligatoire de séropositivité

InVS : Institut de veille sanitaire

LDH : Ligue des droits de l’homme

MST : Maladie sexuellement transmissible

PASTT : Prévention action santé travail pour les transgenres

SDF : Sans domicile fixe

SNEG : Syndicat national des entreprises gaies

VIH : Virus de l’immunodéficience humaine

 

 

Fin de l’AG des pédés à 23h10

 

 

Prises de notes Elise Bourgeois, Jean Cazentre, Frédérique Leborgne

Frappe Frédérique Leborgne, Jean Cazentre