Marseille trop puissante
de Margaux Mazelier
Paru en février 2024
Margaux Mazelier choisi d’interroger une vingtaine de femmes représentatives des luttes féminines à Marseille au cours des dernières décennies.
Pour les années 1970, années de libération.
Julia Morandi, 93 ans, et sa petite fille Camille Noble, 34 ans, c’est le temps de la conquête du droit à l’avortement en 1975, du Planning Familial avec Annette Guidi et Monique Blanc, du Codif (centre d’information et d’orientation pour les femmes, créé en 1974) et du MLF, des groupes de parole, des IVG sauvages et dangereuses, de leur organisation par le MLAC, localement ou à l’étranger, puis de leur prise en charge laborieuse par l’hôpital de la Conception
Marie-Claude Tordo, 73 ans, illustre le MLAC créé en 1973, le groupe femmes de la Plaine lancé par la LCR (Ligue communiste révolutionnaire) avec Irène Chalchitis, les quelques médecins qui choisissent de pratiquer des avortements (Régine Sellier, Denis Duprez), le procès de six militantes pour tentative d’avortement et exercice illégal de la médecine en 1977, le travail théorique que permet Psychanalyse et politique (Psychépo) tendance du MLF portée par Antoinette Fouque (autrice de Génération MLF), la maison d’édition Des femmes qui permet la diffusion des écrits de Anaïs Nin, Assia Djebar ou Hélène Cixous, et la Librairie qui s’ouvre rue Pavillon, la Rencontre des femmes du Sud en 1973
Eveline Bellanger, 71 ans, a conquis son émancipation dès l’âge de 18 ans en 1969 (soit 5 ans avant le changement d’âge de la majorité en France), c’est à Paris qu’elle rencontre les militantes féministes aixoises de la Maison des femmes, elle suit le procès du MLAC d’Aix en mars 1977, au Centre femmes de Marseille elle rencontre sa nouvelle compagne la militante féministe de la LCR Christine Maurel, découvre la revue Dévoilées qui nait en mai 1977, l’album de chansons féministes Pour des chansons de femmes sn février 1978 ou encore le collectif La Serpillère ; en 1979 elle ouvre le restaurant Rue Elles, rue des Trois-Rois, toujours plein à craquer, non loin un autre lieu emblématique s’ouvre Le Perlimpinpin, elle apprécie les rencontres organisée par Psychépo, participe à Paris à la marche nationale des femmes du 6 octobre 1979 pour l’avortement libre et gratuit, en 1981 elle ouvre un snack à côté de la gare Saint-Charles, Cannelle, puis – très éprouvée par la mort tragique de sa fille de 23 ans – entre dans le personnel municipal et s’occupe d’un restaurant scolaire
Ursula Blandin, 82 ans, et l’une des 6 inculpées du procès du MLAC à partir du 10 mars 1977 Guilaine Enoc, 75 ans ; Guilaine a débarqué à la permanence du MLAC à Aix en 1974, ils sont trois (Jean-Paul Bastide, Nicolle Grand et Georges Grand) à recevoir les femmes, il fallait envoyer les femmes dont les grossesses étaient trop avancées en 1Angleterre ou en Hollande – ils sont membres du PSU et créent le collectif La Commune -, le rythme des avortements est dense (environ 6 par semaine) avec la méthode Karman qui peut être pratiquée par des non-médecins,
Pour les années 1980-1990, un féminisme lesbien, antiraciste et de lutte contre le sida.
Patricia Guillaume, 67ans, (sa compagne Anne Hourtoule, 45 ans), elle a connu une adolescence particulièrement difficile, dès sa première histoire d’amour avec une femme elle est internée en hôpital psychiatrique sur ordre de ses parents ; en 1977 à 21 ans elle intègre le Groupe femmes de Luminy au cours de ses études à l’Ecole des Beaux-Arts, participe à la marche de nuit aux flambeaux « Viol de nuit, terre des hommes » dans les rues d’Aix-en-Provence en 1977, elle y rencontre Evelyne Bellanger, rejoint le Groupe femmes de La Plaine et en 1978 créée le Groupe femmes lesbiennes de Marseille dont les réunions se tiennent dans les locaux de SOS femmes battues (30 rue Nationale, fondé en 1976 par Nicole Biseau et Hannelore Deschryver), des militantes rejoignent le mouvement féministe, d’autres se rapprochent du GLH (le CORPS dont les réunions se tiennent au Planning familial) avec son pendant le GLF (Groupe des lesbiennes féministes) présent lors de la manifestation du 1er mai 1977, elle fréquente volontiers le restaurant associatif non mixte d’Aix-en-Provence l’Invitée, lieu de débats de rencontres et de fêtes, participe à la première UEH en juillet 1979 ainsi qu’à l’ouverture de la Boulangerie gay par le GLH (48 rue de Bruys) le 23 mai 1981, faute d’avoir une place suffisante dans ce local elle participe à l’ouverture du lieu spécifiquement lesbien La Douce-amère en mars 1983 (95 rue Benoît-Malon) avec ses permanences d’écoute et ses fêtes à thèmes politiques, en 1983 l’UEH a pour thèmes Vivre gai en Méditerranée, elle fait partie de celles qui organisent en parallèle une université non-mixte qui se temine par une soirée d’anthologie à La Douce-amère, en 1984 La Douce-amère et l’Invitée ferment leurs portes ; Patricia crée une entreprise de dessin textile industriel ; en 1990 Mireille G publie une annonce dans Lesbia Magazine créer une association de femmes à Marseille et le CEL (Centre évolutif Lilith) ouvre ses portes (rue Paradis), d’abord association d’astrologie et de numérologie pour les femmes avec soirées dansantes pour les femmes et bientôt des fêtes à 500 personnes, en 1994 le CEL est déclarée association lesbienne, Patricia entre au conseil d’administration, certaines membres participent à la Lesbian and Gay Pride organisée par le Collectif gai et lesbien Marseille-Provence (créé en janvier 1993), il y a 500 personnes sur la Canebière ; Patricia est un peu accusée de « collaborer » avec les gays, elle fonde l’association Les Bigoudie’s avec Agnès Royon-Lemée et d’autres, une serveuse du Balthazar obtient un créneau le dimanche de 17h à minuit, le slogan « Les Bigoudie’s, celles qui aiment la fête et la tête (et la fesse, alouette !), qui ne se reproduisent pas mais sont de plus en plus nombreuses », mais l’association se dissout au bout d’un an ; Patricia fait partie des « Ladies pirates » qui en 1996 ont rebaptisé symboliquement les rues de Marseille dans la nuit de noms de femmes à l’occasion du 8 mars (Clara Zetkin, Rosa Luxembourg, Marie Curie, Louise Michel, etc.), elle sera un temps présidente des 3G (créé en 1996 par Sylvie Gaume, Agnès Royon-Lemée, Dominique Lenfant et Laurence Chanfreau), elle se consacrera à son site Mémoires lesbiennes militantes regroupant plus de 20 portraits de militantes lesbiennes marseillaises, en « hommage à toutes ces femmes dont la présence m’a sauvée »
Agnès Royon-Lemée (67 ans), née aux Antilles dans une famille de musicien-nes, elle arrive à Marseille en 1970, donne des concerts avec son frère Franck, entre à la BNP en 1978 où elle devient une active militante CFDT, se rend aux réunions féministes de Psychépo de la Librairie des femmes (rue Pavillon), milite pour l’ouverture de crèches et la légalisation de l’IVG, fréquente la Boulangerie gay, La Douce-amère qu’elle trouve un peu trop radicale, le Scalino (ouvert en 1989) « vraie plaque tournante des mouvements féministes et lesbiens » où elle rencontre Sylvie Gaume, Laurence Chanfreau et Dominique Lenfant avec lesquelles elle discute de l’ouverture d’un lieu féministe et lesbien ; en 1993 son frère Franck meurt du sida, c’est aussi l’année où elle est licenciée de la BNP, lorsque les 3G ouvrent avec le concept « un lieu féministe, lesbien, antiraciste et antifasciste, ouvert à tout le monde », il y a des soirées, une grande fête chaque trimestre (comme le soirée Sous les 3G la plage), de nombreux débats, des expositions, une soirée contre le Front national, un accueil des personnes sourdes et malentendantes ; depuis elle parcourt la France avec Michèle Coudriou formant le groupe de musique Belladonna 9CH
Yamina Benchenni, 63 ans, militante antiraciste, pour le MLAC, à l’association des femmes maghrébines en action, engagée contre le VIH puis à SOS drogue international
Nicole Ducros, 73 ans, engagée à Psychépo, choquée par le sida, rencontre Hélène André (Tatie N’inja) qui lui parle du Tipi, avec elle participe à la grande marche contre le sida organisée par le Crips en 1993 et le Tipi est créé le 7 avril 1994 destiné aux gens concernés par la drogue et le sida, le Tipi ouvre ses locaux (13 rue Vian) avec ses ateliers de création de bijoux, de musique, de textile, etc., une sardinade est organisée le 1° mai 1997 à la Plaine, des concerts sont organisés avec Massalia Sound System
Cécile Hibernac, 58 ans, lue Miss cagole en 1997, célèbre supportrice de l’OM
Pour les années 2000-2010, en finir avec l’exclusion sociale et l’islamophobie
Souad Boukhechba, 54 ans, à Plan d’Aou au Café des femmes, créé en 2020 en association entre Femmes de Plan d’Aou créée en 1998 et Banlieues santé, qui accueille les femmes qui ont des vies compliquées, à l’image de l’association Schebba créée en 1986 à la Busserine, elle s’est retrouvée avec 900 familles de la Savone, Kallisté, Saint-Louis, La Bricarde, la Castellane, plusieurs associations sont nées entre 2000 et 2010 (Femmes solidaires de la Bricarde, Collectif des femmes de la Castellane, Amicale des femmes de Bassens, Amicale des locataires d’Air-Bel)
Amina Ziouane, 39 ans, Deug en psychologie puis formation en intervention sociale et familiale, elle a fondé Les Minots de Noailles qui réunit une dizaine de mères du quartier Réformés sur les enjeux de la parentalité, elle a rencontré l’association Made (Marseille action développement échange) créée par Scheherazade Ben Messaoud à Bassens, avec laquelle elle a créé en 2013 l’autoécole sociale Made-Ecim, elle a validé sa licence et s’est plongée dans les autrices féminines (Audre Lorde, Fatima Nermissi, Zahra Ali, Liv Strömquist et Virgine Despentes) puis Je suis un monstre qui vous parle de Paul B. Préciado, et allie désormais lutte antiraciste et féministe, participe au festival afro-féministe Umoja en 2022
Le Complot des cagoles, équipe de radio féministe queer marseillaise (émissions diffusées sur radio Galère de 2007 à 2013), inspirées par King Kong Théorie de Virginie Despentes, et la cinéaste-écrivaine Dalila Kadri, elles ont monté la bibliothèque féministe des Héroïnes en 2011 et accompagné Parastoo le collectif féministe antiraciste de solidarité avec des lesbiennes et des personnes trans en exil fondé avec les Radiorageuses, elles ont accompagné la Marche de nuit en non mixité du 7 mars 2015 et soutenu le Garage à la rage, espace autogéré féministe transpédégouine (rue de l’Olivier) jusqu’en 2022
Amina Kalima, 50 ans, rencontre en 1998 l’association Femmes Afrique Méditerranée (FAM) créée par Joana Moreau Fidalgo en 1993, elle a rencontré le Complot des cagoles lors d’un concert organisé dans un squat en contre ville, monitrice-éducatrice à l’Ecole du travail social puis éducatrice spécialisée, elle travaille de 2000 à 2005 avec des jeunes filles sur la protection de l’enfance, devient chef de service dans un institut médico-éducatif (IME) puis à l’Amicale du Nid en direction des prostituées, rencontre la bibliothèque féminine des Héroïnes (7 rue des Héros)
Karine Espineira, 55 ans, elle parle de son Chili natal alors qu’elle était petit garçon et de son père ingénieur du son, homophobe, raciste et transphobe, figure suprême de l’autorité, de la tradition et du patriarcat ; en mars 1974 alors que le président Allende avait été renversé par la junte militaire du général Pinochet elle a fui le Chili avec sa mère et sa sœur, son père les a rejoint par la suite, ils ont vécu à Marseille dans un HLM, au lycée enfin elle peut mettre les habits qu’elle veut, s’inspire de David Bowie, attire les filles avec son nouveau look ; elle a un grave accident de voiture à 20 ans, elle met 4 ans à s’en remettre, les médecins lui prescrivent des stéroïdes, elle perd son capital physique, elle met son projet de transition de côté, elle travaille, bac, fac de Grenoble, double diplôme de lettres et d’info-com ; en 1996 à Paris elle rencontre Maud-Yeuse Thomas et l’ASB (association du syndrome de Benjamin), quitte le suivi psychiatrique qu’elle trouve inacceptable, elle fait sa transition « à sa main », choisit d’aller en Belgique pour se faire opérer de façon correcte, c’est-à-dire en garantissant le plaisir et un clitoris sensitif, elle rencontre le sociologue Sam Bourcier et le Zoo « là j’ai réalisé à quel point la société maltraitait les minorités », elle découvre le travail de la militante et biologiste américaine Julia Serano et la transmisogynie, la double discrimination, en tant que femme et en tant que trans, se rend compte qu’elle partage beaucoup de choses avec les lesbiennes ; au début des années 2000 les associations trans se politisent, avec le STS (support transgenre Strasbourg 67) et le GAT (groupe activiste trans) à Paris, Maud et Karine sont venues s’installer à Marseille en 1998, Karine travaille dans l’insertion professionnelle, elle rencontre aux 3G le Caritig (centre d’aide, de recherche et d’information sur la transsexualité et l’identité de genre), elle fréquente la librairie Les Mots pour le dire qui est un vrai carrefour associatif et rencontrent Eric Fassin autour de son ouvrage L’Inversion de la question homosexuelle, elle découvre l’AAT (association d’aide aux transsexuels), créée en 1992 par Eddy Frelin, très fermée sur elle-même, « sorte de succursale du protocole hospitalier marseillais de l’époque », elles décident de créer l’association Sans Contrefaçon en 2005, organisent des rencontres en partenariat avec Mémoire des sexualités, des cycles de débats aux 3G et des ateliers dans le cadre des Universités d’été homosexuelles (UEEH) une occasion de rencontrer les milieux lesbiens ; en 2009 elles mettent leur association en sommeil et laissent leur fonds documentaire à Genres de luttes, en 2013 nait l’association T-Time à qui elles passent le relais ; en 2010 elles créent le site indépendant ODT (observatoire des transidentités) ; en 2007 Karine a passé sa thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication l’université de Nice Sophia Antipolis sur La construction médiatique des transidentités ; une modélisation sociale et média culturelle sous la direction de Marie-Joseph Bertini
Après #Metoo
Salomé, 28 ans, Juliette, 31 ans, Pauline, 34 ans, et Juliette, 30 ans, elles ont fait partie des animatrices de la manifestation du 8 mars 2023, appelée grève féministe “si on s’arrête le monde s’arrête” en mixité choisie mais sans mecs cisgenres, avec plusieurs dizaines de stands sous l’ombrière du Vieux-Port, cette zone d’occupation féministe (ZOF) est organisée par le collectif Marseille 8 mars (M8M), avec T-time, Genres de luttes, Transat, Coeur de cagoles, Du pain et des roses, Autres regards 13, l’Auberge marseillaise, Parastoo, Les Minots de Noailles, l’Association des femmes kurdes, etc. avec animation radio en live pour Radio Galère, chorégraphie collective en soutien à la révolution féministe iranienne, action impulsée par les Colleur-euses féministes de Marseille et organisée par le Drama Queer Football Club en lien avec le Collectif Iran Aix-Marseille ; la manifestation est issue du collectif #NousToutes créé en 2018 par Pauline Delage, Sylvie Gaume et Pauline Tournier ; mais les féministes universalistes se sont opposées aux féministes intersectionnelles, et le 25 novembre 2019 une scission s’est produite entre le cortège emmené par Osez le féminisme et d’autres collectifs comme le Collectif 13 droits des femmes (qui réunissait Osez le féminisme 13, Forum femmes Méditerranée et Femmes solidaires 13, pour la marche mondiale des femmes à Paris en 2000), c’était un peu les jeunes contre les vieilles et une division qui apparaissait alors que la manifestation parisienne de #NousToutes le même jour avait réuni 100 000 personnes soit la manifestation féministe la plus forte depuis longtemps ; fin 2019 un appel était lancé à tous les collectifs marseillais pour préparer le grève et la manifestation du 8 mars 2020, mais entre Osez le féminisme et les associations qui soutiennent les travailleuses du sexe (TDS), luttent contre la transphobie et l’islamophobie, l’accord ne s’est pas fait et la manifestation qui rassemblait près de 3 500 personnes en 2020 s’est scindée en deux cortèges distincts avec chacun ses slogans ; « Pas de féminisme sans les femmes voilées !Pas de féminisme sans les putes ! Pas de féminisme sans les trans ! » criaient les unes avec aplomb et rage, mais le Covid et les confinements ont vite freiné les élans, le M8M a organisé une occupation du Vieux-Port le 8 mars 2021 limitée par le couvre-feu ; en mai 2022 M8M a organisé une AG en s’appuyant sur le texte du groupe qui abordait principalement la grève féministe Autonomie de classe (A2C), en juillet 2022 des membres du M8M assistent aux rencontres nationales de la coordination féministe à Grenoble et en janvier 2023 le collectif réunit de nouvelles organisations syndicales et autres collectifs, le 8 mars 2023 la grève organisée par la Coordination féministe dont M8M fait partie est une vraie réussite
Matis Esbri, 32 ans, née à une cinquantaine de km de Marseille, élève en lycée à Aix-en-Provence, elle a rencontré un groupe de lesbiennes à Marseille lorsqu’elle est venue faire ses études de médecine, puis s’est rendue aux UEEH à l’été 2010 puis 2011 et 2012 où elle a été impressionnée par les 600 participant-es alors que les UEEH s’affirmées comme des rencontres transféministes, avec l’évocation de la question du racisme en milieu militant ; puis Matis fréquente Mémoire des sexualités, et Le Garage a la rage (rue de l’Olivier) avec ses soirées karaoké et ses permanences du collectif Parastoo, « un des premiers lieux où j’ai réellement pris conscience de mes privilèges », c’est là que nait l’idée du Drama Queen Football Club (DQFC) lors de la Coupe du monde de foot féminine en 2019, les équipes intègrent l’association multisport LGBT Marseille united sport pour tous-tes (MUST) et Les 3F une équipe montée par un centre d’hébergement pour femmes en situation de précarité ; le DQFC joue le dimanche matin près du parc Longchamp, fin mai 2021 il y a déjà 65 personnes au DQFC, il y a un système de coaching autogéré, puis le DQFC obtient un créneau sur le stade Ste-Elisabeth grâce à l’appui de certains élus en octobre 2023 ; le DQFC est à l’image des Dégommeuses de Paris lesquelles ont organisé une manifestation contre les violences sexistes et sexuelles avec Adèle Haenel dans la capitale le 19 novembre 2023 ; elles ont manifesté le 25 novembre 2023 à Marseille avec le slogan « Violences sexistes, riposte transféministe » et le soir de la Coupe du monde elles se retrouvaient au Boum (21 rue André Poggioli (bar ouvert en 2022 par Amal Froidevaux et Théo Challande, entre la Plaine et le cours Julien) face au Mondial de la honte qui se tenait au Qatar à la fin de l’années 2022 ; le DQFC tisse des liens avec d’autres groupes féministes, les Déchainé-e-s (collectif cycloféministe créé en 2020), les Ecrew-vis (atelier vélo associatif er participatif fondé en 2021), Parastooo, les Colleur-euses de Marseille et donne la priorité d’entrée aux personnes racisées, trans, non binaires et précaires
Camille G, E32 ans, hypokhâgne à Nîmes et Sciences-po Aix, elle s’installe à Marseille en 2012, master en Culture et sociétés, travaille dans de nombreuses compagnies d’art, en 2017 un groupe de discussion entre femmes autour de #MEtoo et #Balance TonPorc, elle participe à la création du groupe Les Vulves, une amie lui propose de participer à un cours du club Boxe populaire Marseille au centre social Julien, en 2018 avec d’autres membres de ce club elle participe à la création du Collectif boxe Massilia pour une boxe prolétarienne, un an et demi après elle devient animatrice du collectif La Frappe qui donne des cours de boxe en non-mixité le dimanche à 18h dans le parc du Pharo – La Frappe pour fédération radicale des ami-es du poing poing poing énervé – se faire une place pour les femmes dans le milieu de la boxe est très difficile ; non-binaire, elle assume sa bisexualité, pour elle les questions de transidentité viennent sauver le féminisme ; elle devient salariée de JUST (justice er union pour la transformation sociale) pour l’empouvoirement des usagers de psychiatrie (après avoir été hospitalisée sous contrainte en 2023), elle participe au Collectif de défense de la Maison rose ouvert à la Belle de Mai après le fermeture du centre d’accueil thérapeutique de l’hôpital Edouard Toulouse, et au Cercle des nageur-geuses en eaux troubles (pour discuter de santé mentale et de souffrances psychiques)
Heidi, 35 ans, père haïtien, femmes trans, racisée et malentendante, vit en colocation avec 4 personnes trans dont 3 racisées ; à 16 ans elle a fait son coming out gay à Montréal où elle fréquentait au village LGBTQIA+, les cabarets drag queen, études d’histoire et d’art, à 25 ans découvre le milieu queer, vient aux pays-Bas et commence une thèse, découvre le réseau européen de percussions anarchoféministe Rythm of Resistances qui organise des rencontres transnationales, puis le réseau européen Reclaim the Fields, arrive en France en 2017 ; dans le nord de la France, elle assume sa transidentité, est confrontée aux propos transphobes des femmes en non-mixité, en 2018 elle est près de St-Jean-du-Gard avec le Rhinocérose Plouc Queer Fest, des minorités de genre à la campagne, elle organise des événements de santé communautaire pour les personnes trans ; elle découvre les UEEH en 2017, très mixtes avec beaucoup de personnes racisées, bains des femmes trans de maillot de bain, elle se rend désormais tous les ans aux UEEH avec la création d’un guide antiraciste pour donner des bases de vocabulaire et proposer des outils visant à élargir le public à d’autres catégories que le milieu queer blanc français ; à Marseille elle rencontre la communauté sourde, apprend la langue des signes à travers un stage LSF (langue des signes français) intensif ; avec sa barbe, ses cheveux courts et ses vêtements féminins, elle était traitée de pédé et de travelo dans les rues, mais elle a aussi rencontré des réseaux communautaires de personnes trans, apprécie le collectif Mémoire des sexualités, rencontre Mélanie Joseph et ses archives queer sourdes, on y reçoit des documents du collectif Mains paillettes (queer sourdes & entendantes signant-es) ; Heidi et Mélanie créent le festival Empreintes pour favoriser l’émergence d’une communauté queer sourde, le premier festival du 6-7 mai 2023 a permis des tables-rondes ; avec 2 autres meufs trans et Sally Peach elles ont une émission radio avec sur radio Galère, ainsi nait l’émission mensuelle Trans FM ; le 20 novembre 2022 Heidi coorganise une soirée cinéma au Vidéodrome pour le TDOR (transgender day remenbrance) avec Genres de luttes, puis travaille au Vidéodrome où elle espère pouvoir accueillir des réalisateur-trices sourd-es, racisé-es, transfem, elle est assistante en langue anglaise en collège et lycée où elle se sent bien accueillie, et conclue « Si on accepte que les lesbiennes ne sont pas des femmes, on peut accepter que les pédés ne soient pas des hommes »
Mélanie Joseph, 32 ans, femme handicapée, et Fafa, 40 ans, rencontrées accompagnées de Anaïs Gabu, interprète en LSF, depuis 2006 Fafa organise des cafés-signes féministes non mixtes, Mélanie se définie comme sourde, féministe, queer, elle s’insurge contre le fait que le féminisme c’est toujours l’affaire de femmes valides, peu d’événements féministes incluent la communauté sourde de Marseille ; sur le site de l’association Persiste et signe (collectif de personnes sourdes et entendantes réunies autour de luttes sociales et politiques) il y a beaucoup d’informations de de ressources documentaires féministes traduites en langue des signes ; en 2014 Fafa découvre un groupe féministe installé près du Vieux-Port dont une partie est issue du Complot des cagoles qui organise des manifestations sauvages de nuit contre les violences faites aux femmes et des ateliers d’autodéfense collective, avec des codes secrets pour prévenir les autres des interventions de la police ou de la présence d’agresseurs dans les rues, elle a créé les slogans en signes pour la marche de nuit du 7 mars 2015 ; les cafés-signes féministes se sont poursuivis dans un café ou aux 3G, puis en 2017 Fafa a passé le relais des café-signes à Mélanie avec l’association Les Mains ouvertes, le poing fermé « on a appelé ça Les Signasses, un mot-valise qui mélange signe et connasse » installé au local de Mille bâbords (61 rue Consolat) puis au Garage, peu à peu les entendantes prennent toute la place pour apprendre la LSF aussi en 2018 Mélanie préfère arrêter les ateliers et se concentrer sur ses études, et son doctorat, cette décision après la fermeture en 2016 du Foyer de sourds de Marseille, foyer d’accueil et de rencontre, et le confinement lié au Covid entraine une perte de repères ; en 2021 le combat reprend avec Heidi à Mémoire des sexualités, les archives sourdes, le festival Empreintes qui réuni une centaine de personnes en 2023
Erika Nomeni, 29 ans, originaire du Cameroun arrivée en France à 8 ans, elle est garçon manqué, à 15 ans elle vit dans la pauvreté dans une cité du 93, elle vit dans la rue et fin 2012 elle va dans un foyer de jeune travailleurs de St-Ouen où il n’y a que des noirs et des arabes, elle se mobilise quand elle apprend que le foyer va fermer, rencontre des militants maoïstes et de Lutte ouvrière, une association féministe, fait son coming out lesbien, découvre les manifestations féministes du 8 mars et Existrans mais « il y avait très peu de personnes noires » ; fin 2014 elle décide de rejoindre un collectif afroféministe parisien qu’elle quitte en 2015 « je n’avais pas les codes », lorsqu’un membre de l’AFAPB (action antifasciste Paris-Banlieue) est accusé de viol l’association n’a pas réagi, avec des amies elle finit par obtenir gain de cause ; en 2016 elle s’installe à Marseille où elle était déjà venue pour les UEEH en 2014 « c’était spécial ! il n’y avait que des Blancs… Je ne comprenais pas pourquoi je me sentais aussi mal dans un lieu où j’étais censée me sentir bien », elle travaille à radio Galère, elle estr autrice-compositrice, rappeuse, beatmakeuse et DJ sous le nom de DJ Waka ; en 2015 elle crée avec Paulo Higgins Rap3lles un groupe Facebook réunissant des rappeuses, en 2016 ils organisent à Paris une soirée en non-mixité pour les femmes cis et les personnes trans, c’est une déception ; avec Paulo Higgins elle fonde alors le premier festival afroféministe de Marseille Umoja, queer et décolonial (Umoja est une référence à un village non-mixte au Kenya, créé pour recueillir les femmes victimes de violences sexistes dans le village d’à côté, souvent violées par des soldats britanniques dans les années 1990 et répudiées par leur mari), en 2017, ils organisent des soirée de soutien et une cagnotte participative pour financer la première édition du festival, se rapprochent du Garage à la rage pour créer un réseau et cherchent une salle, le 1er festival se tient les 25 27 novembre au Guêpier, squat et centre social autogéré (25 rue du Camas), avec ateliers, projections, « scène non mixte meuf et transgenre », antiraciste et queer, « on voulait montrer que le hip-hop peut aussi être féministe et queer… la bounce, un genre musical de la Nouvel Orléans traditionnellement joué par des artistes gays et transgenres », la première édition de Umoja est un grand succès avec 200 personnes un soir, et les deux organisateurs décident de créer l’association Baham Arts pour se structurer et demander des subventions, en 2018 la seconde édition Intersection se tient à La Parole errante demain, à Montreuil, la fondation Donations Charity Pot de Lush leur attribue 10 000 € qui leur permet de financier l’édition Intersection 2 en 2019 à l’Embobineuse ; puis après le Covid Erika revient trouver la communauté afroqueer marseillaise avec AfroGest organisé un peu partout dans la ville du 14 au 17 juillet 2021, puis Umoja se déroule en 2022 au Cabaret aléatoire à la Friche Belle de Mai , à Coco Velten et à la Savine, avec Lalla Rami, Scorpio Qvenn du collectif Maraboutage et Moesha 13, devant 800 personnes, elle a besoin d’organiser mais se désole de manquer de soutiens dans la communauté queer face à « l’hétéro-blanco-patriarcat » et les milieux féministes vis-à-vis desquels elle se sent l’angry black woman, un an plus tard elle termine l’écriture de son premier roman L’Amour de nous-mêmes qui évoque a solitude, la précarité et les discriminations, c’est pour elle une thérapie
Lily Lison, 38 ans, fondatrice du Collectif AfroFem Marseille, afro-caraïbéenne, queer, pansexuelle et parent, née à Pointe-à-Pitre, elle a un fort héritage matriarcal grâce à sa mère et sa grand-mère, elle voit le racisme dont elle est victime comme un vrai héritage colonial ; arrivée à Marseille en 2007 elle s’engage dans des études de médecine puis dans un master de recherche en génétique, en 2010 après une année passée en Inde elle devient mère, la difficulté d’être mère queer célibataire la rend plus forte, elle passe 2 ans à Paris, puis 2 ans à Madrid en 2013 et revient à Marseille, dans Marseille féministe elle ne rencontre que des femmes blanches sans enfants, elle participe aux manifestations du 8 mars et du 25 novembre 2019 ainsi qu’à la Pride, elle montre une photo de sa fille Nikita qui le 25 novembre brandit la pancarte Ma parraine est une femme trans, tandis qu’elle a préparé une pancarte sur l’importance d’inclure les travailleur-ses du sexe dans les luttes féministes qui a été mal reçue « je n’étais pas dans le bon cortège », elle rejoint le collectif des Colleur-euses féministes de Marseille, puis elle découvre à Paris les collages afro-fem, en juin 2000 après le meurtre de Georges Floyd aux USA elle décide d’organiser un rassemblement à Marseille et crée un événement Facebook, il y a eu près de 3 000 personnes sous l’ombrière du Vieux-Port le 2 juin 2020, le collectif Marseille contre les violences policières apporte son soutien et assure un service d’ordre, appelée à prendre la parole elle a les larmes aux yeux à la fin, le 6 juin 2020 elle décide d’organiser une seconde manifestation pour donner la parole aux familles des victimes, il y a plus de 4 500 personnes, puis elle monte un collectif de Collages AfroFem qui fait des collages en août, mais l’expérience ne dure pas longtemps ; en 2021 elle participe au festival AfroGest où elle organise une table ronde sur les LGBTQphobies aux Antilles ave KAP Caraïbes, les 8mars et 25 novembre elle continue d’organiser un cortège en non mixité pour les personnes racisées de AfroFem, en février 2023 elle lance le collectif de rencontres mensuel en non-mixité pour personnes noires et queer About Love au Boum en référence au livre de belle hooks (A propos d’amour paru en 2022) dans l’objectif de faire famille ensemble pour pouvoir s’organiser politiquement, puis elle prépare avec Zohra Boukenouche, une Marche unitaire pour la justice contre les violences policières, le racisme systémique et les libertés publiques qui réunit plus de cent organisations des quartiers populaires le 23 septembre 2023 ; elle devient ambassadrice diversité et inclusion LGBTQIA+ au sein d’une grande entreprise de spiritueux
Sihem et Hanen, 16 ans, le 23 septembre 2023 dans la Marche unitaire pour la justice, Sihem, lycéenne, est avec son amie Hanen, elles s’opposent sur leurs conceptions du féminisme, Sihem est née en Algérie, elle a subi des agressions sexuelles enfant et es viols à l’adolescence, elle a grandi à La Viste où son père a divorcé, avec la honte de son corps, Hanen a grandi à Saint-Louis, de père très religieux, elle a souffert des assignations de genre, elle était l’esclave de ses frères, elle réussit à s’apaiser en lisant Les femmes musulmanes ne sont-elles pas des femmes ? de Hanane Karimi, elle se sent enfin légitime en tant que musulmane et féministe