Qui connait Arcadie ?

Qui connait Arcadie ?

Stephan Hymalet   (décembre 2010)

Arcadie était un groupe fondé en janvier 1954 par, André Baudry. Ancien séminariste, outré par le comportement d’un des supérieurs, qui lui avait fait des avances, André Baudry quitta le séminaire et décida de s’intéresser à la vie des homosexuels. En 1948 il lit le fameux rapport Kinsey, rencontra Simone de Beauvoir après la sortit de son roman «  Le deuxième sexe » et en 1952 « Vie Chrétienne et problèmes de la sexualité de l’abbé Oraison. Il qui osa, ouvertement, prendre la défense de ceux qui n’était pas encore les … Gays … A cette l’époque, une aussi courageuse position était une petite révolution.   Les hommes ne se montraient que dans des boites spécialisés se retrouvaient dans des jardins ou des lieux louches, comme ces vespasiennes surnommés «  les tasses ». Quand aux femmes, en tant que lesbiennes elles n’existaient même pas … Soutenu par Roger Peyrefitte et Jean Cocteau André Baudry fonda, en premier, la revue Arcadie, qui n’était diffusée que par abonnement. Malgré cela il fut poursuivi en 1955 pour outrage aux bonnes mœurs et condamné à une amende. Il ne faut pas oublier qu’en 1960 le rock et Elvis Presley étaient perçu comme des atteintes à la morale. Après l’amendement Paul Mirguet comptant l’homosexualité parmi les « fléaux sociaux », A. Baudry, craignant que sa revue soit interdite, retira de ses tirages, petites annonces et photos, celles-ci, éphèbes ou garçons à la plage … étaient pourtant bien innocentes. En 1975, invité dans « Les dossiers de l’écran » au coté de Yves Navarre et Jean-Louis Bory, André Baudry renomme sont association qui compte, suivant les années, entre 1 500 et 10 000 membres, « Mouvement homophile de France ».   En 1979, il invite à un grand congrès de nombreux intellectuels sympathisants comme Michel Foucault, Robert Merle, ou Paul Veyne. Rassemblant ainsi sous sa houlette un premier groupe soudée que l’on peut considérer comme l’ancêtre du GLH.      Quel était cette association : Très ouvertes, sur l’art, la littérature, la peinture, le cinéma, la psychologie les adhérents de l’association Arcadie vivaient dans un esprit de ghetto. Malgré ce coté communautaire fermé, certains, n’osèrent jamais faire partie d’Arcadie, de peur d’être listés. Il faut dire que jusqu’en 1981 les homosexuels(les) étaient fichés par la police … Je le fus … Pourtant A .Baudry était loin d’être un pornographe s’il nomma son association Arcadie ce n’est pas pour rien. L ‘Arcadie était pays faisant partie de la Grèce, associé dans l’antiquité aux Dieux : Pan et Hermès. Dans « Le banquet » de Platon, Socrate, à la fin, expose une thèse qu’il dit détenir de Diotime, prêtresse arcadienne. Elle aurait étés une prophétesse qui connaissait « les choses de l’amour ». Si l’existence de Diotime n’ a jamais étés prouvée remercions quand même Platon d’avoir fait intervenir une femme même si, comme on le suppose, ce n’ était que pour contre balancer la « paiderastia » Athénienne classique qu’il dénonçait. Pour en revenir à nos acadiens et acadiennes Français, car le groupe n’était pas fermé aux femmes, ils menaient, pour la majorité, une vie ordinaire de couple marié avec enfants. Ceux-ci ne se faisaient remarquer en rien suivant l’esprit d’André Baudry qui prônait, bien avant nos revendications de Gay Pride, la différence dans l’indifférence. Son combat était de montrer les homos comme des personnes avec un cœur et une âme. Platonicien il préférait, à l’appellation « homosexuel », qui marque trop une appartenance au sexe, celle d' »homophile » dans lequel il voyait plus de références aux sentiments et à l’amour. Dans le lieu d’ échange et de réflexion qu’il avait créer à Paris, d’abord rue Jeanne d’ arc, puis rue Béranger, et plus tard dans des locaux beaucoup plus grand rue du Château-d’Eau où, j’ai eu l’ honneur de le rencontrer, on était loin des back-room . Il y avait un bar, une salle de lecture, un salon faisant office à l’ occasion de salle de cinéma. On pouvait y voir des films, lire des revues ou des livres allant de Marguerite Yourcenar à J. Genet. L’ambiance de ces lieux était, sans vouloir faire de mauvais jeux de mots, pas gaie du tout, plutôt lourde et feutrée, dans un décors vieillot de couleurs bordeaux, ni plume, ni de paillettes.   Le bon ton était de rigueur A. Baudry détestait les attitudes efféminées et outrancières. Les « folles » n’étaient pas les bienvenues dans ses murs considérant qu’elles renvoyaient à la société l’image négative de « homosexuel » que celle-ci voulait voir… En 1978, « Masques » une autre revue, fondée par Jean-Pierre Joecker, qui ne publia que jusqu’en 1984 lui consacra son premier numéro. Dans les années 80 une certaine liberté apparue surtout à partir du 12 juin 1981avec, la radiation de dispositions discriminatoires en particulier avec la loi du 27 juillet 1982. Amenant un évènement important, l’homosexualité n’était plus considérée comme une maladie mentale. Une grande avancé venait d’être faite. En 1982, avec l’arrivée de Gay Pied, la revue Arcadie disparue et l’association dissoute. Son idéal était de faire valoir une certaine culture bourgeoise. Son habituel discours sur la dignité et la discrétion fut, dés les années 1970, dépassé. Lorsque je l’ai rencontré A. Baudry en 1981 il me parut être un homme fatigué et surtout désabusé. Il avait fait beaucoup pour la cause homosexuelle et je ne pense pas qu’il en tirer une quelconque satisfaction. Actuellement il vit en Italie et ne voit presque plus personne. Ce que lui nous devons ? Presque tout, notre presse, nos associations, découlent plus ou moins de son courage. Faire face à un tabou aussi important, dans une France encore divisée et ruinée par la guerre et les purges de 1945, fut un tour de force. André Baudry avec Arcadie fut, un précurseur, un capitaine qui malgré le vent su tenir le cap pendant 28 ans…

Pour en savoir plus sur ce sujet : Lisez le livre de Julian Jackson : « Arcadie », La vie homosexuelle en France, de l’après-guerre à la dépénalisation, Éditions Autrement, Paris, 2009.