Pourquoi une histoire des femmes ?

Pourquoi une histoire des femmes ? – Michèle PERROT 5 février 1992

Conférence-débat du 5 février 1992 Auditorium du Musée d’Histoire de Marseille Michèle PERROT, Professeur à Paris VII Association Mémoire des Sexualités

Transcription : Anne Guérin – mise en page : Pascal Janvier
Pourquoi une histoire des femmes ? – Michèle PERROT 5 février 1992

La publication du dernier volume de « L’Histoire des femmes » est pour moi une bonne occasion de venir enfin à l’association Mémoire des sexualités.
C’est cette histoire que je vais essayer de vous exposer. Mais d’abord : pourquoi une Histoire des femmes ? C’est une réponse à une demande. Depuis
une vingtaine d’années cette histoire s’est développée, de nombreuses personnes y ont contribué, depuis les années 1970. Pourquoi écrire cette
histoire et comment ? Avec quelles difficultés ? Qu’est-ce que cela change ? Ce sont ces questions que je traiterai ici.
L’initiative revient à un éditeur romain. Il s’est adressé à Georges
Duby, qui m’a demandé de m’en occuper. C’était en 1987. Je
me suis,
à mon tour, adressée à l’équipe de femmes avec laquelle je travaille. Toutes étaient très hésitantes. C’était une grosse
entreprise. Nous avons failli dire non. Finalement la proposition a été adoptée. Nous étions 70 collaboratrices. Nous
concevions cette histoire comme une histoire européenne. En 1990, nous avons commencé à rendre nos copies. Le premier
volume est paru en 1991. L’édition française a son rythme, ses orientations et sa forme propre, grâce à des femmes très
concernées,actives qui travaillent aux éditions Plon.
Quels ont été nos choix et pourquoi ? C’était un travail d’équipe. Nous avons nommé des directrices de volume (une ou
deux par volume) qui ont choisi les personnes qu’elles voulaient voir collaborer sur tel ou tel thème, tel ou tel pays. Nous
avons fait appel à des Françaises, des Italiennes, des Allemandes… Nous avons eu de fréquentes réunions entre les
directrices de volumes, Georges Duby et moi. Chaque directrice se concertait également avec ses propres collaboratrices. Les
hommes n’étaient nullement exclus. Georges et moi nous avons été les co-directeurs du projet. Lorsqu’un homme avait
mieux que d’autres couvert un sujet, nous faisions appel à lui. Beaucoup d’hommes, aux Etats- Unis, ont travaillé, par
exemple, sur le « gender », et se sont mis à réfléchir à eux-mêmes en tant qu’identités sexuées. Mais ce sont surtout des
femmes qui, au départ, on fait des recherches sur « leur histoire ».
Nous avons choisi la longue durée (c’est une tradition française) de l’antiquité gréco-romaine à nos jours. Le volume sur le XXème siècle va sortir
prochainement, sous la responsabilité de Françoise Thébaud, historienne à Lyon, qui a fait un magnifique travail. Nous allons jusqu’aux problèmes les
plus actuels, comme par exemple la nomination d’Edith Cresson, première femme Premier ministre de France, ou la procréation médicale assistée et
ses conséquences sur les rapports entre les sexes et l’identité sexuelle. Et ce, sous la direction de Jacqueline Costa-Lascoux. L’espace que nous avons
choisi est occidental. Embrasser tout l’occident était déjà un pari difficile, et nous ne nous sentions pas de taille à faire les rapports entre les sexes en
Chine, au Japon, en Afrique, au Maghreb….. Les historiens et les historiennes de ces pays n’ont pas encore beaucoup travaillé là-dessus. Notre voeux
est que cela se fasse. Où s’arrête l’Occident, où commence l’Orient ? Il faudra un jour ouvrir un débat à ce sujet.
Nous avons demandé à des iconographes spécialisés comment les femmes étaient représentées aux époques considérées. Comment les images
représentent-elles les rapports entre les sexes ? La plupart des images des femmes ont été faites par des hommes. En quoi leur vision peut-elle modeler
les femmes elles-mêmes, qui sont tributaires de telles images de leur corps, de leur beauté ou de leur laideur, bref de la manière dont elles sont
représentées ? Il y a une immense réflexion à faire sur l’image : appliquer la question de la différence entre les sexes au regard structurant qui a
produit l’image, et à l’autre regard, celui des hommes et femmes qui voient ces images.
« L’Histoire des femmes » n’est ni une encyclopédie ni un dictionnaire.
Un TRAVAIL D’EQUIPE
Une HISTOIRE des FEMMESPourquoi une histoire des femmes ? – Michèle PERROT 5 février 1992
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Nous ne voulions pas tout dire. Historiennes, nous avons introduit dans ce travail une réflexion sur le changement. Quels thèmes
choisir pour telle ou telle époque ? Pour l’histoire antique, par exemple, la mythologie s’imposait. Qu’est-ce qu’une déesse ? Pour
l’époque romaine, le droit était d’une importance fondamentale pour toute la civilisation occidentale. Au Moyen-Âge, pendant la
Réforme, la religion était très importante : quelles furent les conséquences des bouleversements religieux sur les rapports entre
hommes et femmes? Au XIXème siècle, le travail, l’éducation, le féminisme (qui est né à cette époque) ont dominé la scène. Au XXème
siècle, à travers les régimes totalitaires (régimes nazi et fasciste, Vichy…) nous avons choisi comme thème la « nationalisation » des
femmes entre les deux guerres. Notre « Histoire des femmes » est une histoire chrono-thématique : chronologique, certes, mais qui
s’attache à chaque époque à certains thèmes dominants.
Il n’y a ni langue de bois des femmes, ni exclusions dans cette Histoire. Nous voulions qu’il y règne une grande liberté, ce qui nous
obligeait à une très grande ouverture d’esprit. Il fallait admettre qu’il n’y a pas forcément une seule réponse aux problèmes étudiés.
Il fallait laisser certaines questions ouvertes. Il fallait aussi une connivence entre les auteurs.
Notre premier souci a été de prendre l’Histoire des femmes au sérieux. Ce principe a servi de trait d’union entre tous les auteurs. Cela
n’a l’air de rien, mais la légitimité dans ce domaine n’est pas évidente. L’histoire des femmes fait souvent sourire. Cependant G.
Duby a tout de suite compris qu’il y avait là un champ historique très riche et très important. Un deuxième point a presque fait
l’unanimité parmi les 70 rédacteurs et rédactrices : c’est l’idée qu’aussi loin qu’on regarde historiquement, il existe une domination
masculine. Les historien(ne)s de l’antiquité, par exemple, savent que l’amazone fut un mythe. Ils ne croient pas que le matriarcat soit
autre chose qu’une représentation, qu’une théorie développée au XIXème siècle.
Ce qui nous a préoccupé, ce n’était pas de faire une histoire descriptive de la condition des femmes, mais une histoire problématique des rapports
entre les sexes. C’était du moins notre ambition au départ. Nous n’y sommes pas toujours parvenus. Les deux sexes n’existant que l’un par rapport à
l’autre, chacun se définit dans son rapport à l’autre. Comment, donc, ce rapport a-t-il changé, à travers le temps, à tous les niveaux : théories, pratiques,
discours, représentations, images, dans le domaine public (la cité), et dans le domaine privé (famille) etc. ? Si nous avons pu créer cet objet qu’est un
livre sur l’Histoire des femmes, c’est que des recherches dans ce domaine existent depuis une vingtaine d’années. Mais cette question s’était déjà
posée assez tôt, au XIXème siècle, au moment où l’Histoire s’est constituée comme une discipline professionnelle, avec des historiens patentés, comme
Michelet.
Michelet se pose d’ailleurs la question : quel est le rôle des femmes dans l’Histoire ? Sa réponse était très idéologique. Il avait une vision des femmes
« nature » et des hommes « culture ». Pour lui, le rapport hommes / femmes était crucial, c’était même l’un des moteurs de l’équilibre des sociétés. Selon
lui, chaque fois que les femmes sortent de leur rôle « essentiel » de mères et d’épouses, qu’elles veulent faire de la politique, par exemple, l’Histoire se
dérègle et c’est la catastrophe qu’il décrit, par exemple, dans son « Histoire de la révolution française » et dans sa grande « Histoire de France ». Quand
une Catherine de Médicis prend le pouvoir, tout va mal. De même, sous la Révolution française, tout va bien quand les femmes font le 5 et 6 octobre,
c’est-à-dire qu’elles défendent le pain et le prix du pain. Mais si elles veulent intervenir une peu plus dans la politique, en créant des clubs ou en
prenant la parole dans les tribunes des assemblées, ou enfin en conseillant les hommes, alors ça ne va plus du tout !
Donc, d’autres, avant nous, se sont posés ces questions. Ce n’est pas nous qui les avons inventées. A la grande époque positiviste du XXème siècle, avec
des gens comme Seignobos qui organisent vraiment l’Histoire, on ne parle pas de l’histoire des femmes. On fait de l’histoire des guerres, de l’histoire
publique, et l’on considère dès lors que la sphère privée n’a aucune importance. On ne parle plus du tout des femmes. Quand l’Ecole des Annales, qui
a revivifié et complètement renouvelé notre manière d’écrire l’Histoire, se développe à partir des années 1930, c’est une Ecole beaucoup plus ouverte,
mais tout de même à l’époque, elle privilégie l’économique et le social : la production et les classes. La question des sexes, ou des âges, est considérée
comme relativement mineure.
Ni DICTIONNAIRE, ni ENCYCLOPEDIE
Une HISTOIRE des RAPPORTS entre les SEXESPourquoi une histoire des femmes ? – Michèle PERROT 5 février 1992
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Il a fallu arriver à une époque beaucoup plus récente pour qu’entrent en scène d’autres paradigmes : je pense à Philippe Ariès introduisant,
dès les années 1960, l’enfant et la vie de famille comme une autre manière de considérer l’Histoire. Mais il ne s’attache pas particulièrement
aux femmes. Cependant la dimension sexuelle de l’Histoire est très importante. Elle est la conséquence du mouvement des femmes, avant
1970 aux Etats-Unis, et au cours des années 1970 en France. Les Américaines, beaucoup plus organisées et développées, se sont posées plus
de questions. Nous leur devons beaucoup. Nous ne suivons pas exactement les mêmes chemins institutionnels ou problématiques qu’elles,
les unes et les autres ont fait, au fond, comme elles l’entendaient, mais plus il y aura de solutions, mieux cela vaudra.
Pour revenir à la France, le féminisme est de beaucoup antérieur aux années 1970. Il y a eu au XIXème siècle et au début du XXème des
féministes très actives : c’était l’âge d’or du féminisme. Celui-ci est toujours un peu cyclique : il a des périodes d’éruption, et ensuite il faut
emmagasiner tout ce qui a été produit, jusqu’à ce qu’apparaissent de nouveaux problèmes, et ainsi de suite. Les mouvements gauchistes de
1968 étaient très radicaux, mais pas sur la question des sexes. Les femmes de l’époque ont dit : « Alors, quoi ? Et nous ? On fait toujours le café,
on en a marre, on voudrait bien faire autre chose. Bien sûr la classe ouvrière, c’est très important, mais les femmes, çacompte aussi ». Cela s’est
développé de cette façon. Il y a eu des relais. Les femmes engagées dans des mouvements de femme se sont posées des questions dans le
domaine intellectuel : comment était-ce dans le passé ? La famille a-t-elle toujours été comme ça ? L’avortement a-t-il toujours été réprimé ?
Quantités de questions ont fusé, notamment de la part des étudiantes et de jeunes enseignantes de l’université, comme à Aix en Provence.
L’un des premiers groupes créés en France fut le BIEF, à l’Université de Provence. Le BIEF a organisé un colloque extraordinaire sur
« Psychanalyse et Histoire » à la Beaume-les-Aix, chez les Jésuites. Des livres, des thèses, des mémoires de maîtrise, ont foisonné : c’était une
accumulation primitive de recherches très modestes mais tout à fait indispensables pour arriver à faire des synthèses. Nous avons essayé de
cristalliser, de mobiliser des savoirs. Comme toute histoire, c’est provisoire et ce sera dépassé. C’est le propre des ouvrages historiques.
Michel Foucault ne parle pas tellement des femmes mais sa réflexion est
très ouverte à la dimension des sexes, notamment avec son « Histoire de
lasexualité ».
« La volonté de savoir » est publiée en 1976. Avec sa grande stature de philosophe, Foucault introduit cette réflexion sur la sexualité
comme une dimension fondamentale de l’Histoire et du devenir des sociétés. Cette réflexion théorique est extrêmement
importante. Il ouvre un champ de réflexion que notre « Histoire des femmes » rejoint tout à fait. Dans « Histoire des femmes », les
points de vue ont changé. Il s’agissait dans un premier temps de rendre visible (comme le titre d’un livre américain : « Becoming
visible ») ce qui a été caché, occulté pendant longtemps. On avait écrit l’Histoire comme si nous n’étions pas là. Quantités de choses
étaient passées à la trappe, dans tous les domaines, dont celui de la création. D’où les recherches sur l’écriture des femmes, sur
d’éventuelles femmes peintres, sur la vie quotidienne aussi. Bref, nous avions tout de même existé tout ce temps. Il y a eu aussi le
désir de réfléchir aux racines de la domination.
Pourquoi y a-t-il à cet horizon visible de l’Histoire une domination d’un sexe qui incarne l’idéal de la virilité et se pose comme tel, qui demande et
exerce le pouvoir ? Qu’est-ce que cela veut dire en terme de rapports entre les sexes, et dans le quotidien ? Et en terme de pouvoirs ? La réflexion sur ce
dernier point est devenue de plus en plus complexe, car il y a pouvoir et pouvoirs. Il est clair que les femmes ont des pouvoirs, dans les sociétés. Mais
lesquels ? Dans la société grecque, les femmes n’avaient pas de pouvoir, elles étaient bouclées et considérées comme procréatrices exclusivement.
Mais à l’époque romaine c’était déjà très différent. Dans les sociétés démocratiques comme les nôtres, c’est totalement différent.
De la DIMENSION SEXUELLE de l’HISTOIRE
Avec MICHEL FOUCAULT
Du POUVOIR d’un SEXEPourquoi une histoire des femmes ? – Michèle PERROT 5 février 1992
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Au XIXème siècle, on disait aux femmes qu’elles appartenaient à la sphère privée, que la sphère publique, et notamment la politique, était l’affaire des
hommes. Mais on ajoutait que les femmes étaient très importantes malgré tout. « En tant qu’épouses, mères et domestiques, vous êtes essentielles »,
leur disait-on. C’est par les moeurs que les sociétés vivent, et non pas par la loi. L’opposition mœurs / lois est très importante à cette époque. On met
même les femmes sur un piédestal, on les célèbre. On peut donc très bien concevoir que des femmes, exclues d’activités que nous estimons
extrêmement importantes, aient pu vivre, pas du tout dans le malheur, mais au contraire dans une espèce de bonheur, dans une société que nous,
nous jugeons assez répressive pour les femmes parce que nous avons d’autres désirs.
Concernant le point le plus important – le rapport entre les sexes – les Américains ont un mot commode « gender » qui signifie le sexe
culturel. Certes nous naissons tous homme ou femme, mais très rapidement nous sommes pris dans un système de représentation,
d’éducation, qui nous met sur les rails de ce que c’est qu’ être un homme ou une femme, donc immédiatement nous nous situons
dans le système de la culture. Ce qui est essentiel pour les historiens, car à partir du moment où le genre est conçu comme une
réalité historique, culturellement construite, on peut la déconstruire. Le travail des historiens est dès lors de savoir comment, à travers
les époques, on afabriqué ce sexe culturel, ce « gender », puisque nous n’avons pas d’équivalent du terme anglais.
Certes, nous avons cherché à connaître les modes d’expression des femmes (et des hommes), les lieux où ils se trouvent. Mais en
nous posant toujours la question de savoir dans quel contexte global de rapports hommes / femmes cela s’insère-t-il. Par exemple, si
l’on étudie les lavoirs, lieux par excellence des femmes, qui ont à l’époque un pouvoir de parole, de contrôle, qui ont l’œil sur les
familles (les hommes ont très peur de ce que les femmes se disent au lavoir). Mais pour comprendre ce pouvoir des femmes au
lavoir, il faut le resituer dans l’ensemble du village et voir comment s’exercent les pouvoirs réciproques des hommes et des femmes
dans l’ensemble du village.
Travailler sur les « genders », c’est donc réfléchir en termes de partage, de frontières, de déplacement de frontière, de séduction, de
consentement des hommes et des femmes à leur rôle. Il faut connaître les frontières des pouvoirs et des savoirs. Pourquoi est-ce que les
femmes ont à un moment – ou n’ont pas à un autre – accès aux savoirs scientifiques ? On croit, à certains moments, que la rationalité
scientifique n’est pas accessible aux femmes. On se pose alors la question : à quel moment apparaissent les premières physiciennes,
mathématiciennes, ….?
On pourrait aussi prendre l’exemple de la création. On sait quelles difficultés les femmes ont eues à accéder à l’écriture, l’écriture étant en
quelque sorte sacrée. Les métiers du livre et de la typographie ont été très longtemps fermés aux femmes, parce que le livre est sacré dans
notre culture. C’est toujours, symboliquement, un succédané de la Bible, notre Grand Livre. Il a fallu très longtemps avant que les syndicats de
typographes admettent des femmes. Certes les femmes se sont finalement appropriées l’écriture, mais même à notre époque, par exemple, il
y a très peu de femmes créatrices dans le domaine musical. Qu’est-ce que cela veut dire ? En ce qui me concerne, j’exclus que le cerveau ou le
corps de la femme ne soit pas biologiquement prédisposé à écrire de la musique, donc je dois chercher d’autres réponses. Faire l’Histoire
ainsi, c’est procéder avec une certaine méthode. Je pense que, de ce fait, « L’Histoire des femmes » peut avoir des effets importants, car elle est
productrice de questions et de savoirs différents. Les historiennes ont conquis une certaine légitimité, puisque dans l’ensemble l’accueil fait à
notre travail est bon, et qu’on ne le considère pas comme un « ouvrage de dames », mais comme quelque chose de sérieux. J’espère qu’on
comprendra que la méthodologie employée peut servir dans d’autres domaines. Quelles sont les conséquences de cette Histoire des femmes
? Nous espérons un vrai débat, ouvert et important, dans le champ de la recherche, et dans celui du public également.
La NOTION de « GENDER »
FEMMES et ECRITURES Pourquoi une histoire des femmes ? – Michèle PERROT 5 février 1992
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Une intervenante : Quand les femmes n’ont plus besoin d’être contrôlées pour leur fécondité, elles basculent dans deux statuts : ou bien elles
sont les victimes idéales d’accusations de sorcellerie, ou bien au contraire elles deviennent « des hommes » (je pense aux matrones). Les matrones
iroquoises disposaient de très grands pouvoirs, même si elles n’étaient pas représentées au conseil.
Michèle PERROT : On
peut se poser la question de
savoir si
les femmes dans les pays totalitaires étaient simplement victimes, ou si elles ont participé au pouvoir. Sur ce point il y a d’énormes
débats entre historien(ne)s, particulièrement en Allemagne. Pourquoi est-ce qu’ aux Etats-Unis la réflexion des hommes sur leur
« gender » est-elle aussi développée ? Je peux hasarder une réponse. C’est une société plus communautariste que la nôtre. Les
Américains fonctionnent par groupes. La société gay aux Etats-Unis est plus organisée, dès le départ, qu’en France. Les femmes s’y
sont, plus qu’ ailleurs, organisées en communautés de femmes, elles ont davantage le sens du groupe de femmes. Cette sociabilité
féminine est très ancienne (on la trouve dans le protestantisme) et très riche. Cela ne donne pas pour autant des sociétés plus douces.
Il me semble que les rapports hommes / femmes aux Etats-Unis sont plus durs que chez nous. C’est une société violente. Les
hommes se sont peut-être sentisagressés par cette réflexion des femmes sur elles-mêmes, et cela les a peut-être amenés à réfléchir à
leur propre identité.
A chaque fois que les femmes réfléchissent sur elles-mêmes en tant que sexe, ou remportent une victoire, les hommes s’inquiètent.
Les hommes hétérosexuels sont plus qu’ inquiets, car ce sont eux que cela dérange le plus. Ils se disent : « mais si elles prennent ce
pouvoir, si elles font ce que nous faisons, si elles veulent la politique, l’écriture, la création, qu’est-ce qui va nous rester ? ». Les
réactions varient : tantôt une misogynie plus accentuée, tantôt une réflexion sur soi. Cette réflexion s’est produite dans les pays
européens, en Allemagne, en Angleterre, en France, entre 1900 et 1914, il y a eu un féminisme très actif dans les mouvements
féministes, bien sûr, mais aussi dans la réflexion des femmes sur elles-mêmes. On a vu des femmes s’affermir et revendiquer des
professions qu’elles n’avaient jamais exercé, ce qui pour l’époque était quand même hardi.
A l’époque Otto Weininger, un Viennois, a publié son fameux « Sexe et caractère ». Il dit que le sexe masculin est le grand sexe, le sexe supérieur, car
c’est le sexe de la raison, de l’intelligence, de l’ordre. Mais, ajoute-t-il, les femmes qui sont le petit sexe, peuvent être dans le sexe masculin et viceversa.
Autrement dit, le sexe culturel n’est pas « accroché » à la biologie. Pour la première fois, on voit dissocié le sexe biologique et le sexe culturel. M.
Weininger s’est suicidé par la suite. Mais peut-être pas pour cela, tout de même !
Un intervenant : Un tel travail sur les femmes serait-il envisageable sur les hommes en France ?
Michèle PERROT : II y a des gens qui se posent la question. A Jussieu, où je suis professeur, je dirige depuis longtemps un séminaire sur
l’Histoire des femmes, où viennent de plus en plus d’hommes. Je vois des hommes qui ont envie de faire ce travail-là. A l’heure actuelle des travaux de
ce genre existent déjà mais ils ne me semblent pas suffisants.
Des QUESTIONS ……………..
FEMMES, FEMINISME et COMMUNAUTARISMEPourquoi une histoire des femmes ? – Michèle PERROT 5 février 1992
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Un intervenant : Quels types de pouvoirs les femmes ont-elles exercé ?
Michèle PERROT : II faudrait être bien manichéen ou avoir du mépris pour les
femmes pour penser que dans leur histoire d’êtres dominés, il n’y a pas eu des moments
où elles se sont
posées des questions : comment faire pour résister, pour avoir du plaisir, grappiller du pouvoir ? Réflexion empirique, car ces femmes n’avaient pas de
théorie à ce sujet. Mais dès qu’ on étudie les sociétés du passé, on s’ aperçoit que dans les ménages, dans les villages les femmes étaient présentes et
exerçaient du pouvoir. Dans la société médiévale, pourtant très inégalitaire, avec son économie gérée par les hommes (les marchands et les
propriétaires de la terre) on s’aperçoit que les femmes ont tout de même accès au maniement de l’argent : on les représente ainsi sur des tableaux,
avec les hommes. Les femmes ont été assez malignes, heureusement, pour se donner des pouvoirs qui sont de l’ordre du contre-pouvoir, parce que
globalement la société reste surdéterminée (comme auraient dit les marxistes) par le sexe masculin. Au XIXème siècle, il y a eu une formidable
rationalisation du public et du privé. Après les révolutions (américaine, française) les organisateurs de la société ont élaboré leur théorie des deux
sphères distinctes : publique et privée. Dans le privé, les hommes ont du pouvoir, mais certains pouvoirs sont exercés par les femmes. Tout le privé
n’est pas féminin, et tout le public n’est pas masculin. Les hommes ont des pouvoirs privés et certaines femmes réussissent à exercer des pouvoirs
publics. L’Histoire est toujours plus compliquée que la théorie. Les femmes n’ont pas toujours été opprimées, exclues. Ce n’est pas qu’elles n’aient eu
aucun pouvoir. Elles en ont eu certains et il s’agit de savoir lesquels, et comment elles les exerçaient. Cela rend la réflexion sur le pouvoir d’autant plus
complexe.
Une intervenante : Dans les universités américaines ont été instauré des systèmes de quota pour les enseignants, de sorte
que les hommes se sentent exclus de la zone de pouvoir. Un historien américain que je connais a été contraint de s’exiler en Australie
parce qu’ il n’avait plus de poste, l’université où il enseignait étant obligée d’ accorder x pour cent de postes à des femmes, ou à des
études féministes. Au Canada, à l’université de Montréal, un homme est entré dans une salle et a tiré sur la classe, tuant six
personnes, à cause du pouvoir des femmes. Le modèle suédois a lui aussi développé la participation des femmes à l’activité
professionnelle et à la politique, mais dans un contexte social où sont prônées des valeurs de consensus et de dialogue, et non le
conflit d’autorité et de pouvoir. Le prochain numéro du BIEF sera justement consacré à des paroles d’hommes, au sexe masculin.
C’est un effort important de la part d’une revue consacrée en principe aux études féminines.
Michèle PERROT: Ce n’est pas la première fois que le BIEF prend des initiatives pionnières.
Une intervenante : Je suis anthropologue et sociologue. Nicole-Claude Mathieu aussi. Elle a essayé de développer cette « dénaturalisation »,
« débiologisation » du sexe en montrant à quel point sont diffèrents le sexe biologique et le sexe social, qu’on avait tendance à confondre dans les
études anthropologiques. Maurice Godelier montre qu’il ne peut y avoir exercice de pouvoir sans un consentement à la domination. Nicole-Claude
Mathieu répond que le consentement est un faux problème. Que le pouvoir exerce une domination sur la conscience même de l’individu dominé, de
sorte qu’il ne peut pas consentir à la domination comme iladhérerait à un contrat. C’est un consentement de facto à une domination.
Michèle PERROT : En France, il a été question d’établir des quotas. Mais on a choisi un système consensuel plus proche du système suédois. Les
partis politiques sont très machistes, la France est le dernier pays d’Europe sur le plan de la participation des femmes aux sphères du pouvoir. Il y a
néanmoins une immense question qui se pose : les femmes souhaitent-elles exercer le pouvoir politique ? Les femmes se représentent la politique
comme quelque chose d’assez futile, comme le hochet des hommes. Exclues du pouvoir politique, les femmes auraient-elles intériorisé et rationalisé
leur exclusion en dévalorisant elles-mêmes ce à quoi elles ne pouvaient pas accéder ? C’est une attitude humaine très générale.
FEMMES et POUVOIRSPourquoi une histoire des femmes ? – Michèle PERROT 5 février 1992
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Quand on ne veut pas souffrir, on dit : « cela n’a pas d’importance. On ne vit pas plus mal sans ça ». C’est vrai qu’en France les femmes ne sont pas
généralement attirées par la politique. La culture politique française est très virile, et les femmes en ont fait assez facilement leur deuil. Là-dessus
s’ouvre tout un débat. Est-ce que la société civile est quelque chose de très important, et la politique tout à fait secondaire, comme on l’a pensé en mai
1968 ? Ou au contraire est-ce que le politique est une sphère de décision extrêmement importante dans notre société ? En France, très peu de femmes
entrent en politique, et quand elles y arrivent, elles apparaissent comme des espèces de mythes sauveurs. Ce mythe est très nocif, car les femmes n’ont
pas ce pouvoir de changer tout ce qui ne va pas, comme on l’a cru un instant d’Edith Cresson. Elles ne sont pas du côté du sacré, elles ne sont pas des
déesses, ce sont des individus comme tout le monde, donc on ne peut attendre d’elles qu’elles fassent des miracles. Cela dit, le président Mitterrand a
beaucoup féminisé son entourage et favorisé l’accès des femmes au pouvoir.
Une intervenante : Par nature, les femmes sont hostiles à la guerre.
Michèle Perrot : Le rapport des femmes aux armes est une question historique passionnante. Les femmes ont souvent
revendiqué le droit de porter les armes, parce que les armes sont le signe du pouvoir. Historiquement, il n’est pas vrai que les
femmes sont naturellement pacifistes. Il y a des femmes qui ont voulu faire la guerre et porter les armes. Au XIXème siècle, en 1830 et
1848. En 1848 c’étaient les Vésuviennes qui ont fait couler beaucoup d’encre et dont on s’est beaucoup moqué, qui voulaient porter
les armes comme les gardes nationaux, être présentes sur les forteresses (Paris était alors fortifié). Pendant la Commune, beaucoup
de femmes ont endossé des habits d’hommes. Le rôle des femmes a aussi été très important dans le terrorisme russe. Méfions-nous
donc de la thèse trop simple selon laquelle les femmes seraient naturellement ou culturellement, par la maternité, la famille, les
enfants, etc., du côté de la paix. C’est bien plus compliqué.
Une intervenante : Vous dites que les Françaises ont renoncé au pouvoir politique. Mais je crois que quand elles ont fait mine d’y participer, on
les a renvoyées très vite. Des Vésuviennes et des femmes qui ont pris les armes sous la Commune, vous avez dit qu’elles étaient ridicules. C’est aussi
l’étiquette, la casserole qui s’accroche à la réputation de celle qui sort de son rôle, de sa féminité sociale. C’est vrai pour les Françaises, beaucoup plus
que pour les Allemandes ou les Anglaises. Dans notre pays il y a un conformisme de l’apparence qui est inculqué aux filles dès la petite enfance, et qui
pèse sur sa conscience le jour où elle désire sortir de son rôle. La masculinité forcenée de certaines institutions résiste bel et bien, surtout quand y
pénètre une femme très féminine. Pour entrer dans certaines d’entre elles, il faudrait presque se couper les cheveux et adopter une allure masculine. La
révolution française a fixé deux types : l’essence de la masculinité d’une part, l’essence de la féminité de l’autre. Types revivifiés par un Michelet qui a
réactivé ces images terribles de femmes assoiffées de sang, dès qu’elles sortaient de leur rôle. Cela ressort de la « mentalité française ».
Michèle PERROT : La politique est une passion française, la culture française valorise
beaucoup la politique. L’identité française s’est largement constituée à partir de son Histoire, de
la révolution
française, de la conquête de la démocratie et de la politique. Tocqueville disait que les passions politiques étaient les seules qui ne soient pas viles, que
les grandes passions étaient politiques. Nous avons aussi cette idée du service public. Beaucoup d’aristocrates au XIXème siècle se sont reconvertis au
service public. Servir l’Etat, c’est, depuis Louis XIV, quelque chose de très noble. Et si c’est très noble, c’est aussi très viril. II y a une spécificité française
du rapport à la politique, qui tient à la foisà l’Ancien Régime, au lien que nous avons conservé avec l’Etat et le service public,à l’histoire événementielle
de la Révolution française que nous avons gardée en héritage, et à la République (c’est-à-dire, en même temps, Rome :autre image
POUVOIR et VIRILITEPourquoi une histoire des femmes ? – Michèle PERROT 5 février 1992
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très virile). Tout cela connote beaucoup les images de la politique qui ont cours chez nous. Je pense que globalement les femmes ont consenti à leur
rôle, et ont renoncé à la politique ; n’empêche qu’il y a eu constamment des minorités très actives pour protester contre ce renoncement. La Révolution
française est sous-tendue par l’histoire de ces femmes qui veulent exercer un pouvoir politique. Et si le féminisme se développe au XIXème siècle (le
grand siècle du féminisme, où pour la première fois le féminisme devient un mouvement collectif), c’est à cause de cette contradiction de la révolution
qui veut que tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux, et les femmes aussi, cependant que les femmes sont exclues de la politique.
Cette contradiction est le moteur de ces femmes qui réclament leurs droits au XIXème siècle.
On oublie aussi qu’il y a eu un « suffragisme » constant en France, même s’il était minoritaire ; et qu’en 1914 il y avait eu une évolution de l’opinion
telle que les femmes étaient convaincues qu’elles devraient voter. Une loi a été proposée dans ce sens que le Sénat a rejetée. Au lendemain de la
première guerre mondiale, il y a eu au contraire un retour à une conception beaucoup plus traditionnelle des rôles masculins et féminins. Donc cette
histoire est compliquée, elle aussi.
Une intervenante : A propos des quotas, nous n’en avons pas, mais au CNRS, organisme pour lequel je travaille, le pourcentage de femmes
chercheurs ne fait que diminuer par rapport aux années d’après-guerre. C’est dans les catégories inférieures et intermédiaires de la Recherche qu’on a
le plus de femmes. Il n’existe même pas, dans cette institution, ces plans d’égalité professionnelle que prône le gouvernement. Actuellement, dans de
nombreuses disciplines, la légitimité scientifique est très difficilement accessible pour les femmes. Ce n’est apparemment pas le cas en Histoire, et je
m’en félicite.
Un intervenant : Je serais plus pour la concertation entre un homme et une femme, parce que le mot « pouvoir » implique un
écrasement de l’un face à l’autre. Je voudrais vous faire part de mes expériences. La première date de 1982 : j’étais alors, avec mon
patron, le seul homme dans une usine de 27 femmes. Aujourd’hui, je suis le seul homme dans une nouvelle société où il y a 35
femmes. Elles ont reconnu que c’était très dur pour moi, que j’en avais fait mon sacerdoce. Je suis misogyne, je l’avoue, mais dans la
mesure où je peux faire avancer la cause des femmes, je ferai tout ce qu’il faut. En 1982, il a fallu procéder des élections d’entreprise.
Au premier tour, personne ne voulait se présenter avec une étiquette, libre à tout le monde. Au deuxième tour, on avait le droit de se
présenter sans étiquette, cependant personne ne s’est présenté. En 1992, même problème : elles sont assez nombreuses pour créer
un comité d’entreprise. Nouveau refus de toute étiquette au premier tour des élections. Deuxième tour sans étiquette. Et encore une
fois personne ne se présente. Comment pouvez-vous expliquer que les femmes ne veuillent pas défendre leur cause, ni prendre
d’initiative au sein de l’entreprise ?
Michèle PERROT : II faudrait déjà connaître l’histoire de votre entreprise.
L’intervenant : Après, les femmes ont beau jeu de dire : « on ne fait rien pour nous », et patati et patata.
Michèle PERROT: Ces femmes ont peut-être beaucoup de choses à faire à la maison. Elles n’ont peut-être pas le temps. C’est
toujours un problème pour elles de concilier des rôles différents. C’est plus difficile pour une femme de remplir un rôle de
responsabilité syndicale et politique, par exemple, parce que cela dépasserait leurs capacités au point de vue temps. Si elles arrivent
à mener de front le travail à la maison et le travail à l’usine, comment ferait-elle cela en plus ?Pourquoi une histoire des femmes ? – Michèle PERROT 5 février 1992
11/11
L’intervenant : Elle ne fait pas cela en plus de son travail car les deux heures de représentation par mois sont comprises dans le temps de travail et
sont payées. Par contre, une femme qui prend la tête d’une grande entreprise ne peut pas s’occuper de la maison ni des enfants, c’est impossible.
Michèle PERROT : Ce doit être alors un problème du rapport des femmes avec un engagement collectif. C’est vrai qu’on leur a dit longtemps que
ce n’était pas pour elles, pas leur boulot, etc.
L’intervenant : Mais nous sommes en 1992 !
Michèle PERROT : II faut longtemps pour changer dans la tête.
L’intervenant : Historienne, vous vendez du rêve… Mais la réalité est toute autre.
Michèle PERROT: En tout cas vous avez raison de dire que les femmes ne sont pas portées collectivement à l’engagement syndical ou politique.
Beaucoup d’hommes ne le sont pas non plus. Mais l’entrée très massive des femmes dans le travail date de ces vingt dernières années. Petit à petit
ellesacquerront, je l’espère, le sens du collectif.
Une intervenante : La non-participation des femmes aux responsabilités dans l’entreprise de ce monsieur est sûrement liée à
la désyndicalisation. Je suis féministe et engagée, mais je crois que je serais beaucoup plus utile ailleurs que dans un syndicat. Le
syndicalisme, ce n’est pas pour moi. Quand on voit sur le terrain ce que sont les syndicats ! Beaucoup de femmes pensent que les
syndicats et les partis politiques ne sont pas des endroits adaptés pour dire ce qu’elles ont à dire et défendre convenablement leur
cause. Je préfère m’investir ailleurs.
Une intervenante : Nicole Savy (conférencière intervenue récemment dans ce cycle de débats) a insisté sur la notion de mixité.
MM. Baudelot et Establet montrent dans leur livre que la mixité a progressé à l’école. Autrefois, au début de la mixité, les filles ne
voulaient pas être déléguées de classe, maintenant elles apprennent l’exercice de responsabilités et la prise d’initiatives. Mais il y a
encore un décalage entre filles et garçons. Il faut toute une génération pour changer les comportements dans un tel domaine.
Michèle PERROT : Tout à fait d’accord.
Christian Bruschi : II est certain que les interrogations actuelles des femmes sur leur identité et leur rôle dans la société les amènent à regarder
vers le passé. Mais l’Histoire des femmes va bien au delà. Juriste, j’y verrais d’abord un peu de légitimité. Il n’y a pas de mouvement s’ancrant dans
l’Histoire qui ne soit pourvu d’une véritable légitimité. L’Histoire fournit toujours la légitimité. La leçon qu’on peut tirer de l’Histoire, c’est cette lutte,
cette place qu’ont toujours occupé les femmes et que l’on peut comparer à un fil ininterrompu. De sorte que les femmes ont toujours eu pleinement
leur place dans leur société. Le regard qu’a porté l’homme sur cette place, c’estautre chose. Les hommes considéraient les femmes comme inférieures.
Mais les femmes sont en train de récupérer leur Histoire. La place qu’elles occupaient au cours de l’Histoire ne correspond certes pas à l’idée que nous
pouvons nous faire aujourd’hui de la place des femmes dans une société. De fait, les hommes ont toujours eu tendance à amoindrir cette place. C’est
ce qui explique le désir des femmes de récupérer leur Histoire, désir qui fonde leur légitimité. L’historiographie aurait une tâche intéressante à
accomplir : se demander, pour les différentes périodes de l’Histoire, quelle est la part que les historiens (c’est-à-dire des hommes) ont consacrée à la
place occupée par les femmes. Vue par les historiens, cette place ne doit pas être totalement négligeable. Mais le regard des historiens ne peut être un regard de femme

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