Années 70 : 78-79

1978 : Cinéma : « La Cage aux folles » d’Edouard Molinaro, « L’Année des treize lunes » et « L’Allemagne en automne » de R.W. Fassbinder, « Pourquoi pas ?  » de Coline Serreau. Variétés : Patrick Juvet (Où sont les femmes ?), Fabienne Thibeault (Les Uns contre les autres), Queen (We are the Champions), Elton John (Big Dipper), Village People (Macho Man, I am what I am, et YMCA)

1978 : parution des livres de Dominique Fernandez L’Etoile rose, d’Evelyne Sullerot Le Fait féminin, de Jean-Paul Aron et Roger Kempf Le Pénis ou la démoralisation de l’Occident (sur les procès de mœurs du XIXème siècle)

1978 : à Paris, le marseillais de 24 ans Mic Guillaumes s’est enfui de l’appartement familial, ses parents voulaient l’envoyer voir un psy et l’ont inscrit dans une école militaire, il traîne au Sept et au Pimm’s rue Sainte-Anne et découvre les Tuileries, il remarque la présence des cars grillagés de la police et la fuite éperdue des hommes lorsque les policiers braquent leurs torches, il préfère les pelouses escarpées su Sacré-Cœur mais il s’y fait prendre par la police au commissariat de police ils lui font la morale et le relâchent ; il sera embarqué par la police 8 ou 9 fois, en 1980 il sera condamné à une amende, sans être traduit en justice, il sera marqué à vie par cette période de traque (il témoignera à 71 ans dans Le Monde du 19 janvier 2022)

1978 : parution de Noli de Béatrix Beck (1914-2008) , elle a connu le succès avec Léon Morin prêtre en 1952, elle donne désormais des cours à la faculté de Lettres de Laval au Québec, elle y tombe amoureuse de Jeanne Lapointe, psychanalyste et féministe, elle raconte cette passion avec celle qui apparait sous le nom de Camille Laumière, surnommée Noli, mais Noli demeure distante et Béatrix souffre et entre en dépression ; le livre sera réédité en 2017

1978 : parution de Les Amantes de Jocelyne François, une histoire d’amour dans le sud de la France avec une femme qui vit avec un écrivain et poète, la rencontre homosexuelle se fait au prix d’un difficile détachement d’avec l’homme aimé antérieurement, le texte est un long poème (en sous-jacent se joue la liaison entre la chanteuse Marie-Claire Pichaud et l’auteur)  ; elle sera lauréate du prix Fémina en 1980 avec Joue-nous Espana

1978 : aux Pays-Bas, un groupe d’étudiants et de professeurs de l’université d’Amsterdam fonde Homodok, centre d’archives et de documentation gai et lesbien, qui deviendra l’IHLIA (International Homo/Lesbian Information center and Archive)

1978 : aux USA, parution du livre From Mobilization in Revolution de Charles Tilly qui montre l’importance de la mobilisation collective des personnes concernées afin qu’elle soient prises en compte, ce qui s’illustrera dans les mobilisations LGBT et celles des personnes trans à travers le monde en particulier

 1978 : aux USA, Gloria Gaynor triomphe avec sa chanson I will survive (écrite par Freddie Perren et Dino Fekaris) qui deviendra l’hymne des homosexuels confrontés à l’épidémie du sida proclamant leur volonté de survivre ; Bette Midler tourne le film The Rose qui évoque de façon bouleversante la vie de Janis Joplin, morte à l’âge de 27 ans le 4 octobre 1970, Bette Midler est alors une star pour la communauté homosexuelle new-yorkaise, à un moment où dans les cabarets les homosexuels se travestissent en Diana Ross, Barbara Streisand et Mary Rose Foster

 1978 : création du comité de soutien à Robert Fourniols par des associations homosexuelles dont le GLH-PQ, Fourniols a été arrêté pour « excitation de mineurs à la débauche » après avoir été vu sur un lieu de drague avec deux jeunes hommes ; un appel à la constitution d’une lutte pour Marc Croissant, renvoyé de la municipalité d’Ivry

1978 : Michel Foucault analyse ce qui se passe aux USA dans le milieu gay « une sorte de mouvement de reflux, comme si on se rabattait sur le machisme monosexuel, où les hommes affichent tous les signes de la masculinité pour rester entre eux, les homosexuels à moustache, tout pileux, devenus le type morphologiquement érotisé de l’homosexuel d’aujourd’hui, il faut qu’il ait au moins 35 ans, qu’il soit baraqué comme un joueur de baseball, qu’il ait une énorme moustache et du poil partout, à cela s’ajoute les casquettes de motard, les pantalons de cuir, les blousons, les chaînes, etc. » (propos tenus en 1978, rapportés par Jean le Bitoux dans Entretiens sur la question gay)

1978 : à Lyon, Michel Branchu qui dirige une branche d’Arcadie inaugure un local, mais André Baudry, président national, ne se déplace pas pour cette inauguration ; l’association organise des moments de sociabilité pour ses membres (mais ce n’est que 3 ans plus tard que se créera une association dissidente d’Arcadie, l’ARIS) ; elle propose une démarche différente de celle du GLH, courant pédé radical, créé en 1976 qui existera jusqu’en 1979

1978 : Didier Lestrade a 20 ans, il racontera que fraichement arrivé à Paris en 1977, il a intégré le milieu militant rapidement, dans le sillage de son frère Lala, il se retrouve ainsi avec « le noyau originel » du journal Gai Pied dans un squat gay de la rue Dutot, dans le XVème arr. : « la vie y était précaire mais excitante, marquée par un dialogue constant entre les jeunes, dont je faisais partie, et les « anciens’ qui n’avaient que quelques années de plus que moi »; il voit alors chaque bar gay qui s’ouvre dans le Marais « comme une victoire militante… étendard de la visibilité.. je considérais chaque patron homosexuel comme un leader courageux au même titre qu’un artiste homosexuel s’assumant ouvertement »

1978 : à Aix en Provence, le groupe de libération homosexuelle se scinde entre le GLH (avec Donald Suzzoni et quelques amis qui refusent les « follasses ») et la Mouvance folle lesbienne, Patrick Cardon (Paulette Meurodon, comtesse de Flandres) figure de proue de la tendance anti-GLH – avec son ami Jean-Marie Bado – il se présente aux élections législatives, Grégoire Herpin « devient » la boite postale de la Mouvance, Jeanne de France (Jean Rivas) sera rédactrice de la revue Fin de Siècle, avec l’Impératrice d’Annam (Christian Legal) ; Patrick Cardon racontera cette période dans ses livres Tous les garçons s’appellent Ali ou Comment je suis devenue comtesse de Flandres ; pour une politisation du désir libéré qui doit produire une nouvelle société où l’aliénation du corps ne doit plus exister, la Mouvance Folle Lesbienne (elle succède au GLH, qui lui-même succédait à Sexpol, qui lui-même succédait au FHAR), l’acronyme MFL est mal ressenti par les femmes du MLF qui craignent la confusion, Patrick Cardon explique nous sommes « (ef)féministes, folles entre nous donc folles lesbiennes »

1978 : à Aix en Provence, c’est la période faste, créative et émouvante, de la troupe de théâtre des Mirabelles, avec Jean-Marie (qui, atteint du Sida quelques années plus tard, se suicidera depuis sa chambre d’hôpital), Pascal Martinet (qui continuera une carrière d’acteur), la Limande Germaine ou Gilles Marais (Gina Plumeti), parmi leurs spectacles qui ont beaucoup de succès : Passage Agar, Blanchisserie Blanche, Berceuses d’orages 

1978 : à Marseille,  le groupe de musique Verte Fontaine animé par Gérard Goyet, membre du GLH, rassemble plusieurs musiciens (Michel Zénino, Bruno Licciardi, Eric Fouquet + Michel Rossi), il effectue une tournée Marseillaise (Toursky, Merlan, Carli, Moulin, Bompard, Mazenod…) et française ; Gérard Goyet organisera les nombreuses festivités du GLH et des UEH (de 1981, 1983, 1985 et 1987), créera Chocolat Théâtre de 1980 à 1989, premier café-théâtre marseillais (subventionné par la Ville de Marseille) et accueillera de nombreux artistes, dans des lieux successifs (rue du Chantier, Place Thiars, rue d’Italie, cours Julien)

1978 : à Marseille, les militantes lesbiennes se retrouvent dans certains restaurants qu’elles apprécient, Rue Elles, Perlimpinpin et Chez Clémentine

1978 : création de la librairie Les Mots à la Bouche, rue Simart, 18ème Paris, fondée par Yves Clerget et Jean-Pierre Meyer Genton

1978 : Jean Ristat, ancien membre du FHAR, proche de Guy Hocquenghem, alors membre du parti communiste, écrit l’Ode pour hâter la venue du printemps, avec le soutien d’Aragon, l’impact du vers « Camarade, ne met pas l’amour en prison » est important à l’heure où l’homosexualité est vue commune une perversion bourgeoise, mais Ristat reçoit une grande quantité de lettres d’ouvriers et d’employés membres de cellules du PCF; il avait rencontré Aragon du vivant d’Elsa Triolet en 1965

1978 : parution du livre Le pénis et la démoralisation de l’Occident de Jean-Paul Aron et Roger Kempf attaque en règle de l’officialité médicale anti-homosexuelle, anti-onaniste, anti-sexuelle du XIXème siècle, ils prennent pour cible la bêtise, les énormités et les rouages idéologiques qui les fondent

1978 : sortie du film Nous étions un seul homme de Philippe Valois (pendant la guerre un jeune fermier marié tombe sous l’emprise d’un jeune soldat allemand blessé)

1978 : parution du livre introduit par Michel Foucault Herculine Barbin dite Alexina B., souvenirs d’une petite provinciale française au sexe incertain, éduquée dans un pensionnat religieux, qui s’est suicidée en 1868, elle est pour Foucault un sujet authentique continuellement en quête de don vrai sexe

1978 : au niveau national, outre le GLH PQ à Paris, plusieurs GLH connaissent une crise de croissance et un sentiment de tourner en rond, le GLH de Rouen constate que l’enthousiasme des débuts est retombé, le GLH de Bordeaux est amoindri et confronté au perpétuel renouvellement de ses membres, le GLH de Mulhouse note la réticence à toute analyse politique sur la situation des homosexuels, le GLH de Strasbourg note que  les expériences vécues par chacun conditionnent toute prise de conscience collective ; dans l’Agence Tasse Alain Huet note que ces groupes sont essentiellement des lieux de passage, avec des attentes très disparates entre ghetto aménagé et lieu de militance politique et sociale

 1978 : en Angleterre, création de l’IGA (International gay association) à Coventry (l’IGA deviendra l’ILGA en 1986)

1978 : en Belgique, Philippe-Georges Louette, dit la Babylonne, artiste de spectacles de cabaret, crée son club le Babylon où il restera jusqu’en 1983, puis une troupe de 7 artistes qui se produiront à Gassin (Domaine de Belieu), Saint-Tropez, Aix en Provence, Nice, Narbonne, Six-Fours (1990), Lyon, Marseille, Avignon (1993), à Bali, en Côte d’Ivoire (1997)

1978 : aux USA, à San Francisco l’une des 1ères mesures pour lesquelles se bat Harvey Milk est d’interdire les discriminations commerciales à l’égard des gays et des lesbiennnes, le maire Moscone signe rapidement cette nouvelle ordonnance ; alors qu’un mouvement antihomosexuel important se développe à travers de nombreuses villes des USA, Harvey Milk utilise toutes les occasions (marches de protestations, etc.) pour condamner la haine et la bigoterie

1978 : aux USA, parution du livre de K.J. Dover, professeur de grec à Saint-Andrews, hétérosexuel, sur l’amour chez les grecs, une étude minutieuse des pratiques sexuelles et des conventions amoureuses entre hommes ; Edmund White écrit Nocturne pour le roi de Naples et coécrit The Joy of sex ; d’autres livres paraissent la même année : Le danseur de Manhattan d’Andrew Holleran, Faggots de Larry Kramer, Chroniques de San Francisco de Armistead Maupin ; White séjourne à Venise où il rencontre Peggy Guggenheim (amie de Samuel Beckett, Max Ernst, Fernand Leger ou Jackson Pollock) , il fait aussi la connaissance de William Burroughs

1978 : aux USA, création du groupe mythique disco Village People, par 2 producteurs français, Jacques Morali et Henti Belolo, ils ont rassemblé des jeunes hommes qu’ils ont trouvé dans les rues de Greenwich Village ; avec In the Navy, le groupe disco devient le plus populaire de l’histoire, avec plus de 80 millions de disques vendus dans le monde ; à San Diego, ils seront faits en 1979 membre d’honneur de la marine américaine

1978 : aux USA, l’étude de Green est l’une des premières à se pencher sur l’homoparentalité, les auteurs étudient l’orientation et l’identité sexuelle chez 37 enfants de 3 à 20 ans, dont 21 ont été élevés chez des mères lesbiennes, 9 par des transsexuelles devenues hommes et 7 par des transsexuels devenus femmes : chez les enfants âgés de plus de 11 ans aucun fantasme autre que hétérosexuel n’est relevé et leur identité de genre est conforme à leur sexe biologique

1978 : aux USA, depuis 1958 des milliers d’enfants amérindiens ont été séparés de leur famille pour être adoptés par des Blancs, 1/3 d’entre eux ont été placés ou adoptés, alors que le racisme anti-indien était dominant ; il faut attendre l’Indian Child Welfauere Act (ICWA) en fin d’année 1978 pour interdire ces adoptions « étrangères » sans l’accord des tribus ; c’est en 2018 qu’une indienne ainsi adoptée, devenue anthropologue, Sasan Harness, écrira Bitterroot. A Salish Memoir of Transracial Adoption pour analyser ce phénomène

 1978 : création des 3F, association qui a pour but de permettre aux femmes d’acquérir des techniques dévolues aux hommes (plomberie, menuiserie, mécanique auto, électricité, modelage, sel help) à la Maison des Femmes du XIIIème arr., Paris ; création du Groupe les Mûres prennent la parole ; création des Répondeuses (groupe qui existera jusqu’en 1984) ; création de L’escabelle, société de coopérative ouvrière de travailleuses ; ouverture du restaurant associatif l’Invitée à Aix-en-Provence ; création du MLAC (Mouvement pour la libération de l’avortement et de la contraception) par le regroupement d’une centaine de comités mixtes ; création du Groupe Lesbiennes Paris Banlieue Nord ; création du Groupe Lesbiennes de Rennes ; création du Groupe Lesbiennes de Tours ; parution du n°1 de Colères, revue du Groupe Femmes libertaires, dirigée par F. Gilles ; parution du n°1 de l’hebdo Les femmes en mouvements, directrice Marie-Aude Cochez ; l’association la Griffonne publie Agenda-femmes

1978 : lors d’un dîner, Jean le Bitoux discute avec Michel Foucault, en présence de Thierry Voetzel et de Daniel Defert, de son projet de presse, c’est Michel Foucault qui donnera à Jean le Bitoux l’idée d’appeler le futur journal Gai Pied ; Jean le Bitoux titre dans Libération un article sur la « mili-tante » ; Geneviève Pastre, lesbienne militante féministe, tombe de haut en découvrant Arcadie lors d’un meeting : nous sommes « sur 2 planètes différentes » !

1978 : Hélène Hazera entre à Libération, engagée par Michel Cressole (lui-même installé par Guy Hocquenghem) pour écrire des notices sur les films qui passent à la télévision, ils se sont connus au FHAR, comme pigiste elle gagne 25 francs par feuillet ; elle fait aussi le tapin à Pigalle (35f la pipe, 70f l’amour) ; elle est la 1ère trans à avoir intégré une rédaction en France, elle restera 20 ans dans le journal, elle militera à Act Up et entrera à France Culture

1978-1981 : plusieurs revues homosexuelles comme Dialogues, Gaie-Presse ou encore Gai Magazine sont censurés au titre de la loi sur la presse des publications destinées à la jeunesse de 1949

Janvier 1978 : à Reims, création du groupe Mais qu’est-ce qu’elles veulent ? 

10 janvier 1978 : mort de la peintre britannique Hannah Gluck (Gluckstein 1895-1978), cheveux ras, toujours vêtue d’habits d’homme comme dans ses autoportraits, elle vivaient ouvertement avec les femmes qui lui servaient de modèles ; elle a peint une ébauche de son amie Romaine Brooks sous le titre Peter, a Young English Girl en 1926 ; de 1932 à 1936 elle a partagé se vie avec Constance Spry et peint de nombreux tableaux de fleurs à allusion sexuelles, elles ont travaillé pour des créateurs de mode ; en 1936 Gluck est allé vivre avec Nesta, mariée pour la forme avec l’homme d’affaire américain Seymour Obermer ; en 1937 elle a peint le Médaillon Gluck-Nesta, paradigme du couple lesbien, et Self portrait with a cigarette ; les deux femmes se sont séparées en 1944, Gluck a commencé alors une nouvelle relation avec la journaliste Edith Sackleton Heald ; elle a continué à peindre jusq’en 1970, elle est morte d’une crise cardiaque, habillée comme un lord anglais

17-21 janvier 1978 : 2è me festival de film homosexuel à la Pagode à Paris, près de Sèvres-Babylone, quinzaine du cinéma homosexuel programmé par Lionel Soukaz, jeune cinéaste de 28 ans, avec un cycle Pédophilie et liberté de l’enfant et un thème Ecrans roses et nuits bleues avec débat organisé par le GLH-PQ ; c’est l’occasion de présenter des films classés X, en particulier homosexuels, le cinéma appartient aux frères Malle (Louis Malle et son frère) ce qui le protège un peu d’une intervention policière ; Guy Hocquenghem, René Schérer, Jean Le Bitoux y participent ; mais le festival étant censuré par lettre du ministre Michel d’Ornano, les films à caractère pédophile sont confisqués, des policiers se font passer pour des agents du CNC entrent en cabine et saisissent 17 films prétextant l’absence de visa, puis restent sur place pour vérifier qu’aucun film interdit ne soit projeté ; puis un commando d’extrême-droite (une vingtaine de personnes de Jeune Nation) interrompt violemment la projection de Le droit du plus fort de Reiner Fassbinder, saccagent les locaux et emportent la caisse, sans que la police intervienne, 6 personnes sont blessées, dont Guy Gilles, le festival est annulé, 18 manifestants sont interpellés et arrêtées, deux d’entre eux (Michel et Patrick) seront condamnés à 15 jours de prison avec sursis et 500 francs d’amende pour violence à agent ; des manifestations, avec occupation, se produisent au ministère de la Culture, André Glucksman et René Schérer viennent soutenir les militants du GLH et du GLH-PQ

18 janvier 1978 : un enseignant de Saint-Leu-La-Forêt est inculpé d’incitation de mineur à la débauche et actes impudiques sur des personnes de même sexe

19 janvier 1978 : les revues Dialogues et Incognito-Magazines sont interdites d’affichage ; le 1er mars 1978, ce sera le tour de Gaie Presse et de In-Magazine et le 24 mars de Gay Magazine ; l’Agence Tasse diffusera le communiqué de l’ALEPH Association pour la liberté d’expression des pédérastes et homosexuels) de Claude Courouve – qu’il a fondé avec Louis Mallet en 1975 et qui fait un intense travail de documentation sur la répression de l’homosexualité – qui dénonce « une dangereuse inclination à l’ordre moral » (la loi de 1949 qui permet d’interdire l’affichage « des publications de toute nature présentant un danger pour la jeunesse en raison de leur caractère licencieux ou pornographique ou de la place faite au crime » est toujours en vigueur, et la revue Arcadie en a fait les frais jusqu’en 1975)

30 janvier 1978 : mort de la chanteuse Damia (Louise-Marie Damien, 1889-1978), au Théâtre du Châtelet, la chanteuse Fréhel lui a fait travailler le chant, dès 1908 elle s’est produite dans divers cafés-concerts, en 1912 elle a été vedette dans un spectacle de Mayol ; étoile de la chanson dans l’entre-deux guerres, elle a aussi tourné au cinéma (elle chantait La Marseillaise dans Napoléon d’Abel Gance en 1927) ; amante d’Eileen Gray et de Gay Bloch (Gab Solère), admirée de Jean Cocteau et Robert Desnos, puis de Jean Eustache et Claude Chabrol ; elle est remontée sur scène après la guerre (Olympia en 1954)

Février 1978 : élections législatives, Jean Le Bitoux (suppléant François Graille , 6ème arr.), Alain Secouet (suppléant Guy Hocquenghem, 18ème arr.) se présentent aux élections comme candidats homosexuels, avec une belle affiche de Copi (« Jouons aux élections avec les pédés » avec sa dame assise), Daniel Defert est enthousiasmé, mais les débats internes au GLH sont intenses, pour les uns il n’existe pas de réalité homosexuelle (la lutte des classes fait qu’il n’y a aucun point commun entre un bourgeois homo et un prolo homo) ; le manifeste qu’ils présentent s’appelle Différence homosexuelle et commence par « Ceci s’adresse à vous non électeurs, enfants, jeunes, immigrés, non-inscrits, non-votants, mais aussi à vous homosexuels. Nous sommes homosexuels. Et plus de 4 millions en France. » et termine par « Nous les pédés, nous ne prétendons pas vous ressembler ni organiser votre vie : nous savons ce que cela signifie. On a trop organisé la nôtre pour vouloir vous faire des propositions » ; pour Alain Huet « ça n’a rien de subversif » et le star système va récupérer le discours homosexuel ; des CHA (comités homosexuels d’arrondissement) ont été constitués pour prendre en charge la campagne électorale (mais celui du Vème-VIème se désolidarise de ces candidatures) ; ils auront 70 voix au total… avec un programme de défense de l’identité homosexuelle et de gauche ; ces élections signent la mort du GLH PQ, les CHA créés au cours de l’année exprimeront ce délitement ; un témoin racontera : »pendant la campagne des législatives les GLH de Paris changent de nom et deviennent des CHA (Comités homosexuels d’arrondissement) ; avant les CHA, il y avait 3 GLH, le GLH 14 décembre, le GLH PQ, avec « la bande des quatre » Jean le Bitoux, Audrey, Maxime Journiac et Pablo Rouy, et le GLH groupe de base »

Février 1978 : à Chinon, Jacques Garry, jeune instituteur de 30 ans, militant CFDT, futur membre du GLH de Marseille et président du CUARH, se présente aux élections législatives, au titre de l’OCT ( organisation communiste des travailleurs), il est candidat unitaire de pour la LCR, l’OCT et les CCA sous le sigle Pour le Socialisme, le Pouvoir aux Travailleurs (au 2è tour il appelle à reporter ses vois sur le PS ou le PC)

Février 1978 : la LCR (ligue communiste révolutionnaire) diffuse le dépliant Homosexuel/les, rédigé par la commission homosexualité du parti créée en février 1976 (dont font partie Jacques Fortin, de Marseille, et Jean Boyer-Cavalhès, de Dijon), il souligne les interpellations visant des militants du GLH en décembre 1977, l’inculpation d’un enseignant en janvier 1978 suite des aveux d’adolescents qui se sont rétractés le lendemain, l’interdiction du tiers des films pour le festival du GLH-PQ en janvier 1978 par le ministre d’Ornano puis l’attaque du festival et la répression de la manifestation qui a suivi rue Sainte-Anne ; le document analyse les chiffres du ministère de l’intérieur sur la répression du délit d’homosexualité (années 1974-1976), ainsi que l’oppression quotidienne que vivent les homosexuels dès l’adolescence, et conclue par un appel à la mobilisation « un moment pour lutter, un moment pour vivre » ; le document rappelle que la commission homosexualité a obtenu en août 1977 du comité central qu’une rencontre nationale des homosexuel/les soit organisée, celle-ci s’est tenue en décembre 1977 (et note qu’une telle commission existe aussi à l’OCT et aux CCA) ; le dépliant indique enfin les revendications de la LCR : abrogation des articles 330 ert 331 du code pénal et de l’amendement Mirguet, reconnaissance de la liaison homosexuelle, arrêt de toute discriminations, droits pour les groupes de femmes, ouverture de centres homosexuels gérés par les homosexue/les eux-mêmes, lutte contre l’image réactionnaire de l’homosexualité

Février 1978 : Michel Poniatowski, ministre de l’Intérieur, prend la décision d’interdire la plupart des titres de la presse gaie alors que se profilent les élections législatives de mars : Gaie Presse, In, Andros, Dialogues homophiles

Février 1978 : parution du n°2 de Questions féministes, fondée avec le soutien de Simone de Beauvoir avec pour thème Les Corps appropriés (mais une partie de la rédaction  fera scission à propos du féminisme, de l’hétérosexualité et du lesbianisme et créera en 1981 Nouvelles questions féministes)

Février 1978 :  à Mulhouse près de 900 personnes participent au cycle Cinéma et homosexualité ; à Nantes se déroule aussi un festival cinéma

1er février 1978 : en Suisse, un collectif domicilié au Centre des Femmes de Genève fait paraître le n°1 de l’Insoumise

23 février 1978 : à Tours, l’OCT (organisation communiste des travailleurs), animé localement par Jacques Garry, organise un meeting « les révolutionnaires et la sexualité », le tract d’appel, signalé comme un supplément de l’Etincelle n°48, s’intitule « Pour le droit au plaisir, à la tendresse, à l’amour, c’est toute la société qu’il faut changer » avec un sous-titre « Le sexe est partout ! et… partout on le réprime ! »

25 février 1978 : radio Fil rose est créée par Pascal Navarro, c’est pour quelques mois la voix ténue de la communauté homosexuelle dans la région parisienne (réduite à la clandestinité à l’été par le brouillage)

Mars 1978-1983 : années d’ouverture du Palace , il deviendra un lieu mythique sous la direction de Fabrice Emaer, parmi ceux qui le fréquentent : la journaliste Paquita Paquin, Jean-Paul Gaultier, Eva Ionesco, Roland Barthes, le photographe Philippe Morillon, Vincent Darré, (mais aussi Henri Seydoux Fornier de Clausonne – 19 ans en 1979, fils de Jérôme dirigeant de Pathé, petit fils de Geneviève Schlumberger – qui rédigera des articles dans Actuel dans les années 1970-1980, et sa future femme Farida Khelfa – future égérie de la mode – qui choisiront de se marier dans les locaux de l’ancien Palace le 1er septembre 2012) ; le 1er mars 1978, ouverture par Fabrice Emaer de la discothèque Le Palace dans l’Alcazar, ancien théâtre à l’italienne de la rue du Faubourg-Montmartre redécoré par le jeune Gérard Garouste ; 3 000 personnes y dansent toute la nuit, entre champagne et stupéfiants ; des personnalités le fréquentent : Roland Barthes, Iggy Pop, Frédéric Mitterrand, Yves Saint-Laurent, Marie-Hélène de Rothschild, Kenzo, Karl Lagerfeld, Paloma Picasso, Arielle Dombasle, Catherine Deneuve, Serge Gainsbourg ; les gay tea dance apparaîtront dès 1979 ; Roland Barthes : « Le Palace est un théâtre sauvé » ; Jean Cau s’alarme (« déshumanisation », « sujets dansant avec eux-mêmes isolés du monde par un brouillard de fumigènes ») ; Le Palace ouvre la voie à la fièvre du samedi soir : la Main Bleue, l’Elysée Matignon, les Bains-Douches (Cathy et David Guetta propriétaire aussi du Bataclan et de Véranda), le 78, le Privilège (club VIP du Palace), Keur Samba, Régine, le Studio A, le Garage, l’Apocalypse, le Boy, les Folie’s Pigalle, le Queen (Philippe Fatien propriétaire aussi du Cab et de Chez Castel), le Sept (« un endroit tout petit où l’on accédait par un petit escalier sombre, des miroirs partout et un plafond en néon qui clignotait ») et le VIP Room (Jean Roch) ouverture du Palace de Fabrice Emaer, qui devient vite une discothèque très connue des milieux homosexuels parisiens, laboratoire nocturne et festif de l’élaboration d’une « nouvelle culture », il déclarera pour un article du Monde en juin 1980 « le Palace est totalement décadent », lieu de narcissisme et de refus de la différence de classe : « Une fois la porte franchie, la différence sociale n’existe plus »; sur les conseils de Michel Guy, ancien secrétaire d’Etat à la Culture de Giscard d’Estaing, Fabrice Emaer a acheté un ancien théâtre désaffecté, rue du Faubourg-Montmartre, il le rénove et en fait un club sur le modèle américain, clientèle mixte, milieux différents ; Jenny Bel’Air et Paquita Paquin opèrent la sélection, lasers et musique disco speedée, concerts de Grace Jones, Alain Pacadis écrit dans Palace Magazine, fêtes fastueuses, créations de couturiers, Fashion Week annuelle qui se terminent en apothéose ; Karl Lagerfeld, couronné d’un tricorne, y organise un spectaculaire bal vénitien, où il apparait en photo avec Paloma Picasso ; le DJ cubain bisexuel Guy Cuevas joue un rôle majeur, il a connu Fabrice Emaer, par le biais de Bernadette Laffont, et joué les années précédentes au Sept pour les stars (David Bowie, Grace Jones, Noureev, Francis Bacon, Paloma Picasso, Saint-Laurent et Lagerfeld), il se souvient : « Au Palace, nous sommes allés beaucoup plus loin (que le studio 54 de New York). Fabrice était un esthète comparé à tous les limonadiers qui ne pensent qu’au tiroir-caisse. Lui dormait 4h par jour, lisait, allait à l’opéra, au théâtre. Il séduisait la clientèle. « , il dit aussi « Le Palace c’était un vrai baisodrome. », il y avait 2 000 personnes chaque soir aux plus grandes moments ; « A peine vous pénétrez les travées sombres, vous êtes pris dans la mêlée, bousculé, emporté, encore des touches invraisemblables, crêtes de punk, perruques brillantes, kilos de strass, couples chics, adolescents en chemise blanche… Ici le théâtre se vit dans les coursives, la pièce se joue dans la salle. Vous oubliez que 2 millions de chômeurs espèrent que Mitterrand et la gauche les tirent d’affaire ; Jean-Paul Sartre a cassé sa pipe ; le général Jaruzelski a pris le pouvoir en Pologne » écrira nostalgique le journaliste Frédéric Joignot en septembre 2005 ; Roland Barthes dans Incidents écrit : « Le Palace n’est pas une simple entreprise, mais une œuvre : ceux qui l’ont conçu peuvent se sentir, à bon droit, des artistes » ; de nombreux livres évoqueront ce lieu : La fin des branchés, bande dessinée de Jean Rouzaud en 1983, Aspect des seventies d’Alexis Bernier et François Buot en 1994, et plusieurs autres qui paraîtront en 2005 Le Palace Remember de Jean Rouzaud et Guy Marrineau, Nightclubbing, chroniques et articles (1973-1986) et Vingt ans sans dormir (1968-1983) par le chroniqueur de Libération Alain Pacadis

Mars 1978 : parution du n°1 de Le Temps des femmes, directrice Jeanne Ralite, puis Annick Peigné, destiné à poursuivre le travail de L’Information des femmes (qui sera absorbé en janvier 1979 par Des femmes en mouvements) ; parution de Parole ! dirigé par Annette Lévy-Willard

Mars 1978 : à Paris, le GLH PQ subsiste à la disparition du GLH GB au début 1977 et du GLH 14 décembre fin 1976, après 4 ans d’existence, après une série de crises et de tensions internes, mais le malaise est évident, si les commissions se renforcent et débattent, la défiance à l’égard du poids pris par les organisations politiques, celui de la LCR en particulier, et de la détérioration des relations interpersonnelles (Maxime Journiac souligne que le discours marxiste nuit à toute expression spontanée) ; le terme « gay »  fait son entrée dans le discours par opposition aux « straignt », renversant le discours sur le ghetto, parlant de « ghetto hétérosexuel »; un groupe de folles radicales se détache, il a squatté deux immeubles pendant quelques mois (juin-octobre 1977) et lancé un nouveau journal Gaie-presse

Mars 1978 : à Paris et au-delà, une pétition circule en soutien candidatures homosexuelles lors des élections législatives dans la capitale, elle est déjà signée entre autres par Copi, Yves Navarre, Gilles Deleuze, Pierre Hahn, Guy Hocquenghem (l’un des candidats), Félix Guattari, Xavière Gauthier, Geoges Lapassade, Fernando Arrabal, Madeleine Renaud, Alain Krivine, Isaac Joshua, Marie Cardinal

Mars 1978 : à Besançon, le comité local d’Arcadie organise une conférence sur l’homophilie, avec l’approbation de la mairie, et une exposition est organisée au Centre municipal de recherche et d’information

3 mars 1978 : à Rennes, un bal clôture la semaine hystérique qui se déroule à la MJC

7 mars 1978 : la 24ème chambre correctionnelle du tribunal de Paris condamne 4 homosexuels supposément pris en flagrant délit à 3 000 francs d’amende et 2 mois de prison avec sursis

11 mars 1978 : le journal Gaie-Presse est interdit d’affichage , il a été fondé par 4 garçons imprégnés de culture punk, il ne survivra pas

26 mars 1978 : la radio des Radioteuses, 1ère radio lesbienne, diffusent sur les ondes jusqu’en mai ; elle reprendront avec Les nanas radioteuses en 1981

31 mars 1978 : à Tours, le GLH organise une soirée publique, le tract d’annonce est titré « Marre de la clandestinité et du ghetto ! les homosexuels veulent vivre à visage découvert »; Philippe, Jean, Claude et un autre ouvrent les débats, ils précisent que la municipalité (le maire est Jean Royer) a refusé de leur ouvrir un local, ils se sont repliés sur une salle exigue du foyer FECS, ils annoncent plusieurs foirums sur les thèmes oppression, répression, lutte psychiatrie et homosexualité, libération des homosexuels etr changements de société ; les échanges sont compliqués par le fait que plus de la moitié de la salle est apparemment composée d’héterosexuels

Printemps 1978 : dans L’Agence Tasse, Alain Huet écrit : « Il nous faut commencer par avoir derrière nous le maximum de gens de tous horizons, sans discriminations, donc faire des compromis entre nous. Il faut une coordination entre eux qui puisse avoir un poids public important, dans les médias et devant les législateurs. Et enfin, j’ai le regret d’ajouter qu’il nous faudra  aussi un minimum de bureaucratie. » son article est intitulé « Jouons les stars pendant que nous sommes encore jeunes et après on verra… »

Printemps 1978 : le GLH de Rouen diffuse le journal Pourquoi pas ; au cours de l’année paraît à Aix-en-Provence Aixzéma, EntreCha du CHA Vème-VIème arr. de Paris, que le CHA du XIIIème annonce la revue Masques et qu’à Angers paraît Le fond de l’air est rose

Avril 1978 : en Belgique, parution du n°20 des Cahiers du GRIF (groupe de recherche et d’information féministes, fondé en 1973 par Françoise Collin) consacré au Lesbianisme Femmes entre elles, avec un recueil de témoignages de coming out et de vie

Avril 1978 : à Lyon, le Groupe des lesbiennes édite le n°1 de Quand les femmes s’aiment, d’avril 1978 à mars 1980, la revue de groupes de lesbiennes se réfère au MLF et s’appuie sur deux collectifs le Groupe lesbiennes de Paris et le Centre des femmes de Lyon qui s’occupent de la parution de façon alternative, directrice Béatrice Faveur ; le n°2 paraîtra en novembre 1978

Avril 1978 : journées de réflexion de David et Jonathan à Nantes, relatées par Alain Woodrow dans le Monde le 25 avril 1978

Avril 1978 : une rencontre nationale des GLH (que certains appellent les Etats Généraux Homosexuels) et autres associations homosexuelles (dont l’APPELSassociation populaire pour l’éducation et la liberté sexuelles -, le CCL – Centre du Christ Libérateur – de Joseph Doucé, les Jeunes homosexuels Chrétiens, le groupe Unissons-nous) est organisée à Paris, le Monde titre le 29 avril « A Paris, vers un front uni, les homosexuels seraient-ils en passe de constituer un véritable mouvement ? » et parle d’Etats généraux organisé par le GLH ; l’APPELS publie alors 2 bulletins l’Agence Tasse et Diff/Eros avec l’objectif de « donner la parole à tous ceux qui homosexuels, homosexuelles, sadomasochistes, fétichistes, zoophiles, gérontologues, pédérastes, etc. sont rejetés par la société »

13 avril 1978 : à Marseille, parution au Journal officiel de la création du CORPS (centre ouvert de recherche populaire sur la sexualité) son objet : réflexion collective sur les difficultés sociales à l’épanouissement de la sexualité, la recherche et le débat sur ces questions ; le GLH tient un local pour tenir ses rencontres, les membres du groupe se cotisent chaque mois pour payer le loyer d’un appartement 41 rue de la Palud ; il y reçoit la visite de la future Mouvance folle lesbienne, d’abord GLH puis comité Sexpol, d’Aix-en-Provence, Patrick Cardon et Henri Amouric avec lesquels les relations ne sont pas faciles, à l’inverse des aixois Jacques Poché et Donald Suzzoni qui ont davantage de points communs avec le GLH ; le GLH de Marseille organise un week-end de réflexion conviviale au centre Léo-Lagrange du Frioul

17-24 avril 1978 : en Italie, rencontre internationale des homosexuels à Bologne (où un slogan du défilé s’adresse à Paul VI  « Paolina col tutu mi piace du piu« )

29 avril-2 mai 1978 : à Paris, Etats Généraux de l’Homosexualité destinés à « dégager des points de convergence qui pourraient déboucher sur des perspectives communes », avec les GLH de province et les CHA parisiens, le CCL (centre du Christ libérateur créé par le pasteur Doucé) y participe ainsi que le journal Gaie-Presse, les groupes des lesbiennes de Choisir et du MLF ainsi que les jeunes homosexuels chrétiens (JHC) autour du thème « l’homosexualité aujourd’hui » et en particulier le vécu des homosexuels hommes et femmes, les lois et les structures oppressives, les projets communs (juridique, médical et le développement d’une coordination), ou encore l’examen des législations étrangères, la question psychiatrique, le lancement d’une campagne pour l’abrogation  des lois répressives concernant l’homosexualité, la prise de contact avec des organismes comme Amnesty International et le Ligue des droits de l’homme ; la CNH (commission nationale homosexuelle) de la LCR (ligue comuniste révolutionnaire) a apporté son soutien à la tenue de ces Etats généraux ; le 29 avril, un article de Bertrand Le Gendre dans le Monde s’intitule « A Paris, vers un front uni, les homosexuels sont-ils en passe de constituer un véritable mouvement ? » ; le 2 mai les Etats généraux décident que la coordination qui en est issue, se réunira tous les 15 jours

Mai 1978 : parution du n° 27-28-29 de l’Agence Tasse, avec en supplément Diff/Eros ; Alain Huet appelle le mouvement homosexuel au pragmatisme : »Il nous faut commencer par avoir derrière nous le maximum de gens de tous horizons, sans discriminations, donc faire des compromis entre nous. Il nous faut une coordination entre eux qui puisse avoir un poids public  important, dans les médias et devant les législateurs. Et enfin, j’ai le regret d’ajouter qu’il nous faudra aussi un minimum de bureaucratie »

Mai 1978 : le procès d’Aix-en-Provence qui se déroule depuis janvier concernant le viol de deux jeunes filles – un couple de lesbiennes de 19 et 24 ans, Anne Tonglet et Araceli Castellano -, par 3 hommes à plusieurs reprises arrive à son terme, Gisèle Halimi plaide au nom du collectif juridique « Choisir-la cause des femmes », avec la solidarité très forte de groupes féministes (insultes et agressions physiques se sont affichées durant le procès face aux féministes) ; les 3 jeunes gens, défendu par le jeune avocat Gilbert Collard, sont accusés de viol commis sur 2 jeunes femmes campant dans la calanque de Morgiou, Serge Petrilli est condamné à 6 ans de réclusion, les 2 autres, Guy Roger et Pierre Mouglalis,  à 4 ans ; Mariella Righini écrit dans le Nouvel Observateur : « Vous avez pris d’assaut les tribunaux comme des tribunes pour crier que votre corps est à vous et que nul n’a le droit de se l’approprier impunément » ; la référence au traumatisme intérieur, longtemps absente des propos tenus par les victimes comme par les défenseurs ou les experts, devient une des références majeures pour qualifier la gravité du crime ; le 23 décembre 1980 la loi réécrira le texte sur le viol « tout acte de pénétration sexuelle commis par violence, surprise, menace ou contrainte »

Mai 1978 : en Italie, se déroule à Bologne l’Incontro-convegno del Omossesuale, c’est le premier rassemblement des mouvements homosexuels italiens ; une « délégation » de 6 marseillais s’y rendent en voiture (Michel, Bibi, Léon, Marco, Christian et Flavien), c’est l’occasion d’une effervescence militante, très démonstrative, dans les rues de Bologne, alors qu’un rassemblement de congrégations religieuses se déroule simultanément ; les slogans, rythmés et poétiques, resteront dans les têtes : Paolina col tutu ti piace di piu (petit Paul Vi, avec un tutu tu plais davantage), Frocci li, frocci la, frocci tuti la cité (gays pas ci, gays par là, gays dans toute la ville), Via anale contro il capitale (voie anale contre le capital) ou encore Noi siamo come la luciole, amiche delle tenebre (nous sommes comme la luciole, amis des ténèbres)

 1er mai 1978 : à Marseille, Michel Piacenza – future reine de la nuit à la tête du New Cancan – ouvre son 1er bar gay avec terrasse, ouvert 7 jours sur 7, jour et nuit, le 1900 en haut du Bd d’Athènes ; il avait auparavant exploité 2 établissements le kiosque à sandwiches Gourmandises à Marseille et la discothèque Moulin à huile près d’Aix en Provence

1° mai 1978 : mort de l’écrivaine britannique Sylvia Townsend Warner (1893-1978), attirée très jeune par la musique, elle fait paraître en 1926 le roman Lolly Willows et publkie des poèmes, elle fait la connaissance de la poétesse Valmentine Ackland qui devient sa compagne ; en 1930 elles vivent ensemble à Chaldon Herring et signent ensemble des poèmes et des nouvelles ; en 1935 elles s’engagent dans le parti communiste et défendent les droits des travailleurs agricoles et se rendent en Espagne à deux reprises lors de la guerre civile ; en 1948 Sylvia publie son chef d’œuvre The Corner That Held Them qui raconte l’histoire du couvent depuis le Moyen Age, elle traduit Contre Sainte-Beuve de Marcel Proust en 1958

2 mai 1978 : ouverture de la librairie Carabosse, rue de la Roquette à Paris (elle durera jusqu’en 1985)

4 mai 1978 : parution de l’article du Monde « De nombreuses Eglises ont ouvert le dossier de l’homosexualité » d’Isabelle Vichinac relatant les débats du Conseil Œcuménique des Eglises à Genève ; par un autre article du Monde de Roger Mehl la nécessité d’une pastorale des homosexuels est avancée « celle-ci doit avoir pour objectif de les aider le mieux possible à assumer leur condition. Elle ne saurait leur apporter une justification. L’homosexualité, comme bien entendu diverses manières de vivre l’hétérosexualité, participe du péché de l’homme »

8 mai 1978 : mort du peintre anglais Duncan Grant (1885-1978), , devenu très jeune amant de son cousin Lytton Strachey ; membre du groupe de Bloomsbury, vers 1905 il a quitté Strachey pour Maynard Keynes avec qui il a visité l’Europe, en 1911 grâce à des commandes de l’école Polytechnique de Borough, il a peint des sujets célébrant la beauté et la force du corps masculin, ainsi que des thèmes classiques de l’amour idéalisé ; il s’est installé dans le Sussex, admettant un mariage à trois avec Vanessa Bell et David Garnett, ses nus érotiques seront reproduits dans un album en 1989 ; il est le père d’Angelica Garnett, nièce de Virginia Woolf

10-14 mai 1978 : à Marseille, le GLH réalise le festival de cinéma homosexuel au cinéma le Breteuil

20 mai 1978 : journée internationale contre la répression des femmes

31 mai 1978 : mort de l’artiste plasticienne allemande Hannah Koch (1889-1978), elle a participé aux premières expositions Dada de 1919 et 1920, elle est devenue amante de la poétesse néerlandaise Til Brugman qui publiait des revues d’avant-garde, et elles ont collaboré à la revue Scheingehacktes (Taillé en pièces) ; elles ont vécu dans le milieu des constructivistes de la République de Weimar qui tolérait le militantisme lesbien de Hannah et ses attaques contre le racisme qui apparaissaient dans les photomontages ; au cours du régime nazi elle s’est fait oublier, cachant ses œuvres qui ne sont réapparues qu’en 1945 ; elle s’est séparée de Til en 1938, pour épouser le jeune Kurt Matthies, avec lequel elle a divorcé en 1944 ; militante féministe acharnée, elle n’hésitait pas à parodier la masculinité

Juin 1978 : une campagne est organisée en soutien au Dr Buisson, médecin psychiatre à la Réunion qui a le tort d’être homosexuel et de ne pas le cacher, sanctionné par l’Ordre des médecins à 6 mois d’interdiction de pratiquer

Juin 1978 : parution du livre A nous deux les femmes de Jacques Chazot (1928-1993), danseur étoile, acteur et mondain parisien, écrivain à ses heures, dédié amicalement à une cinquantaine de femmes illustres qu’il a fréquentées, accumulation d’anecdotes rosses sur les tenues et propos des femmes, il termine par tout une série de proverbes qu’il retourne laissant apparaître ses fréquentations homosexuelles

Juin 1978 : à Marseille, le GLH organise un bal – à la salle Mazenod, rue d’Aubagne – qui est un grand succès, c’est la première manifestation publique du GLH, du coup les RG (renseignements généraux), la police des moeurs et le service des impôts viennent enquêter, l’absence de billetterie, la distribution d’alcool (un verre de punch à l’entrée) sont mis en cause, il y aura un procès deux ans après, Jacques Fortin président de l’association organisatrice (le Corps, centre ouvert de recherche populaire sur la sexualité) est condamné à 30 000 francs d’amende, mais la condamnation sera amnistié lors de l’arrivée de la gauche au pouvoir

1er juin 1978 : parution du n°8 du magazine Ah! Nana Homosexualité, avec le dossier Changez de sexe ! Trans sexualité,  journal de bande dessinées créé par les Humanoïdes associés, neuf n° parus de 1976 à 1978, rédaction féminine avec la dessinatrice Chantal Monteiller, un homme invité à chaque n° ; le dernier n° sur l’inceste sera interdit aux mineurs (après avis ce la commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à la jeunesse)

4 juin 1978 : en Italie, Felix Cossolo membre de la direction du journal Lambda, « journal de contreculture pour le mouvement gay », installé à Turin, prend contact avec les associations homosexuelles à l’étranger en leur envoyant un numéro de sa revue pour nouer des contacts, faire des échanges d’informations, d’abonnement et de matériels divers

5 juin 1978 : à Tours, le GLH créé en janvier 1977, organise une « soirée publique » dans la salle un peu petite du FECS, Philippe, Jean et Claude ouvrent les débats, les locaux municipaux leurs sont à chaque fois refusés, ils annoncent plusieurs fiorums sur les thèmes oppression, répression, lutte, psychiatrie et homosexualité

18 juin 1978 : le GLH de Lyon organise une fête appelée Dissidance Rose

25 juin 1978 : à San Francisco, la Gay and Lesbian Freedom Day Parade adopte le Rainbow Flag, imaginé par Artie Bressan et conçu par Gilbert Baker, l’arc-en-ciel est une référence à la chanson Over the rainbow chantée par Judy Garland dans le Magicien d’Oz

28 juin 1978 : Monique Pelletier, ministre de Raymond Barre, accepte la proposition du sénateur Henri Caillavet, ancien ministre radical chargé de la Marine dans le gouvernement Mendès-France, de dépénaliser l’homosexualité ; Alain Poher président du Sénat, avait dit à M. Caillavet quelques mois plus tôt :  » Maintenant tu t’occupes des pédérastes ? « , il lui a répondu  » Je te ferai remarquer qu’il y a aussi les lesbiennes, nous avons le devoir de faire en sorte que rien d’attentatoire à la liberté ne soit mis en œuvre, tu es chrétien, je fais appel à ta conscience, il faut quand même que tu réfléchisses  » : c’est le début d’une longue guérilla entre le Sénat et l’Assemblée nationale à propos de la suppression du délit d’homosexualité avec les mineurs, la majorité UDF-RPR de l’Assemblée y est farouchement opposée ; Michel Foucault, René Schérer et Guy Hocgenghem ont été consultés par la commision du Sénat pour cette réforme, Foucault y a défendu l’idée d’un jeune âge de consentement, de l’ordre de 13-15 ans, comme en Scandinavie

28 juin 1978 : le Sénat vote à son tour le projet de loi qui élargit la notion de viol à l’attentat à la pudeur, mais diminue de moitié les peines encourues : la discrimination entre actes homosexuels et hétérosexuels n’existera plus et l’attentat à la pudeur sans violence à l’égard d’un mineur de moins de 15 ans relèvera désormais de la correctionnelle et non des assises ; sur proposition du sénateur Henri Caillavet, lancement du débat sur l’abrogation des lois discriminatoires ; la proposition de loi doit être soumise à l’Assemblée nationale en septembre

Eté 1978 : à Montaigu, dans le Quercy se tient le camp d’été gay à l’initiative des Rooie Flikkers (les pédés rouges) hollandais qui restera dans les mémoires sous le nom de Mont des Tantes ; Gert Hekma (futur responsable du département des gays & lesbian studies de l’université d’Amsterdam) y participe, Frank Arnal (futur rédacteur en chef de Gai Pied de 1983 à 1986) aussi ; ils deviendront amis, Gert racontera ses échanges avec Frank, grand connaisseur de la vie homosexuelle à Paris (des grands intellectuels comme des bars et des lieux de drague) et en Province, un passionné d’études historiques et sociales sur l’homosexualité (comme sur les homosexuels et les marins à Toulon, sa ville natale) qui s’engagera avec énergie sur les questions liées au sida ; ce camp rassemble de nombreuses nationalités, outre des Français, des hollandais, des Belges, des Suédois, des Britanniques et des Allemands, soit plus de 80 personnes, des tensions apparaissent sur les stratégies de luttes, entre réformistes selon le modèle anglo-saxon et révolutionnaires, selon le modèle français ; depuis plusieurs mois l’Agence Tasse diffuse des informations sur les pays étrangers (USA, Grande Bretagne ou Espagne) et des liens se tissent (comme avec le Fuori en Italie, à l’occasion du Congrès des psychiatres de San Remo)

Eté 1978 : aux USA, Keith Haring (1958-1990) venue de Pennsylvanie, arrive à 20 ans à New-York ; de nombreux espaces de l’East Village sont des lieux alternatifs où s’expose Keith Haring entre le Paradise Garage, 1er club gay multiculturel, King Street, et le Club 57 à St Mark’s Place, il a pour amis Jean-Michel Basquiat, copain et rival, Andy Warhol, Madonna, Cyndi Lauper ou Klaus Nomi, il est admis comme artiste et homosexuel, il a des convictions politiques fortes qu’il défend dans ses œuvres, très nombreuses, dénonçant le racisme, le nucléaire, les massacres commis au nom de la religion, le colonialisme et l’homophobie ; en 1988 il apprendra sa séropositivité, il s’engagera aux côtés d’Act Up, exécutera des fresques hardcores dans les toilettes du Center (centre lesbien gay bisexuel et transgenre) de la 13ème Rue ; il tombera malade en janvier 1990 et mourra le 16 février

Eté 1978 : en Grèce, organisation d’un camping gay européen (les aixoises y retrouvent des italiens) sur l’ile de Paros qui ne dure que quelques jours, la police des « colonels » est intervenue rapidement, mais les campeurs se retrouvent dans le Péloponèse à Katakala ; les italiens de Lambda reprendront l’idée pour organiser au cours des années suivantes les « campeggio gay »

Juillet 1978 : parution de la brochure de la Coordination des femmes noires

10 juillet 1978 : Jean le Bitoux interviewe Michel Foucault qu’il a pu contacter grâce à Pierre de Ségovia qui le connaît, et grâce aux Rooie Flikkers, « la gaie tribu intellectuelle d’Amsterdam admiratrice du philosophe » (ces derniers feront paraître l’interview dès 1982 à Amsterdam sur la base d’une traduction du tapuscrit de J. le Bitoux, non encore validé par M. Foucault) ; Jean le Bitoux qui vient de quitter l’enseignement pour devenir journaliste à Libération prépare son projet de mensuel gai dans son appartement communautaire du bd Voltaire ; il fera paraître en 1996 dans la revue H le contenu (exact) de cette interview qu’il avait voulu faire paraître dans l’un des 1ers n° du journal dans la série des interviews de personnalités (Jean-Paul Aron, Tony Duvert, Yves Navarre, Jean-Paul Sartre, etc.) ; pour Michel Foucault, il faut écarter le discours médico-biologico-naturaliste de la sexualité véhiculé par le Dr Meignant à travers sa revue Union, il n’y a pas de plaisir anormal ni de pathologie du plaisir, c’est à partir de l’interdit de la masturbation que s’instaure le rapport contraignant à la sexualité, l’adolescent vit son corps et son plaisir sous le signe de l’interdiction dans la mesure où se trouve interdit ce plaisir immédiat de son corps et cette fabrication de plaisir de son propre corps qu’est la masturbationc’est l’interdit majeur, c’est en même temps ce à partir de quoi on a historiquement constitué un savoir proprement dit de la sexualité… Avec la grande réforme de la pédagogie, on voit apparaître au XVIème siècle la colonisation de l’enfance ou plutôt le découpage de l’enfance comme catégorie chronologique, spéciale dans la vie des individus, ainsi que les manuels de confession ou les traités de direction de consciencela 1ère question est « Est-ce qu’il ne t’arrive pas de pratiquer sur toi-même des attouchements ? », de telle sorte que c’est le rapport de soi à soi qui prime, non pas la connaissance des relations entre sexes, mais la connaissance de l’intimité du sexe lui-même dans sa genèse, dans ses 1ers mouvements, dans ses 1ères impressions, et dans ce rapport de soi à soi… C’est là que va naître, à la charnière de la confession chrétienne et de la médecine, la notion même de sexualité. La sexualité va remplacer la concupiscence. La concupiscence était le désir d’un rapport. La sexualité, c’est quelque chose qu’on a à l’intérieur de soi, une espèce de dynamique, de mouvement, de perpétuelle pulsion qui s’oriente vers un 1er plaisir qui est le plaisir du corps propre. Donc la masturbation se situe à une position stratégique très importante en Occident puisque c’est donc la forme 1ère de l’interdit et historiquement la forme 1ère de problématisation de la sexualité. Chez les protestants comme chez les catholiques au XVIème-XVIIème la masturbation est le problème essentiel, et va donner lieu au XVIIIème à la campagne contre la masturbation des enfants et ce fameux mythe qui se formule avec fracas à la fin du XVIIème siècle et au début du XVIIIème qui nous dit que l’espèce humaine risque de dépérir si se répand cette maladie toute nouvelle qu’est la masturbation, comme s’il s’agissait d’une épidémie récente que les générations antérieures n’avaient jamais connueon a prétendu que c’était la masturbation qui était nouvelle, alors que c’était le problème qui était nouveau… tous les jeux de surveillance, d’inquiétude et d’angoisse qu’il pouvait y avoir entre les enfants et les parents a commencé à tourner autour de ces plaisirs solitaires, autour de cette volupté de soi-même à soi-même… Ce n’est pas l’homosexualité qui est la 1ère invention du savoir médical et religieux, mais la masturbation, on accepte la pratique sodomitique ou homosexuelle, si on tolère le plaisir avec l’autre mais on n’accepte pas le bonheurIl y a une certaine qualité de plaisir, une certaine somme de plaisir qu’il est au fond scandaleux de montrer… Si non seulement ils font sans s’en cacher ce qui est interdit aux autres de faire mais qu’ils en éprouvent du plaisir et que rien ne viendra compenser ces plaisirs et constituer le retour de bâton de ces pratiques interdites, alors tout saute… Ils se réveillent avec le sourire aux lèvres, ils se tiennent par la main et s’embrassent tendrement et affirment ainsi leur bonheur, là on ne pardonne pas. Ce n’est pas le départ pour le plaisir qui est insupportable, c’est le réveil heureux… Il est exact que la référence à la féminité a été très importante, certaines formes au moins de féminité… Lorsque l’homosexualité est devenue cette catégorie médico-psychiatrique dans la seconde moitié du XIXème siècle, ce qui me frappe c’est qu’elle a été immédiatement analysée selon une grille d’intelligibilité qui est celle de l’hermaphrodisme… quelqu’un dont l’intérêt sexuel ferait de lui à la fois un homme et une femme… on a avancé la notion d’hermaphrodisme psychique… Du coup, s’est présentée une possibilité stratégique de rapports avec les mouvements féministes… En même temps on utilise les signes de la masculinité mais pas du tout pour revenir à quelque chose qui serait de l’ordre d’un phallocratisme ou d’un machisme, mais bien plutôt pour s’inventer, pour se permettre de faire de son corps masculin un lieu de production de plaisirs extraordinairement polymorphes et détachés des valorisations du sexe et particulièrement du sexe mâle… Il faut…essayer de penser l’homosexualité comme un certain rapport au corps et aux plaisirs qui n’a pas se rendre intelligible en soi en se référant à la féminité. »   (les mots en italiques sont de Michel Foucault)

27 juillet 1978 : aux USA, à San Francisco, assassinat du maire George Moscone et du conseiller municipal Harvey Milk ; leur meurtrier Dan White sera condamné à 7 ans de prison, mais n’effectuera que 5 ans

Août 1978 : semaine de rencontre au Mazel, en Ardèche, pour réfléchir en équipe à la création du futur journal (Jean le Bitoux, Franck Arnal, Gérard Vappereau, Kevin, Jacky Fougeray, et d’autres) ; Jacky Fougeray notera « Tout était flou de ce qu’allait être le futur Gai Pied, sauf une chose : ce journal devait nous permettre à nous, militants gays, de passer à une autre étape de notre combat. Toucher un public plus vaste et dépasser la pratique groupusculaire du militantisme pour franchir un palier qui permettrait aux homosexuels d’accéder à cette « libération » que nous souhaitions tant. Jean le Bitoux aura été le premier et le plus remarquable de cette bande de jeunes gens qui, derrière lui, se sont rassemblés pour que Gai Pied naisse » ; plusieurs marseillais se rendent à cette rencontre à la fois très studieuse et très festive (Georges Fernandez, Marco Lemaire, Christian de Leusse, Michel Richardot ou Jean Rossignol), ainsi que l’aixois Patrick Cardon ; des moments débridés de fête, de bain dans le Gardon et de drague marquent cet événement qui restera dans les esprits (et pour rendre service Jean Rossignol se rend dans une pharmacie acheter une dose importante de vaseline…)

Août 1978 : dans la Grèce des colonels, se crée le 1er camping gay européen sur l’ile de Paros ; il sera chassé par l’armée grecque en pleine nuit avec de gros projecteurs positionnés sur des bateaux ; Dimitri en est l’un des animateurs, il a un appartement à Athènes, et à Paris un appartement avec jardin et une galerie d’art rue du Faubourg Saint-Honoré

7 août 1978 : mort de la romancière Valentine Penrose (1898-1978), fille de colonel, épouse du poète, peintre et photographe Roland Penrose, l’un de ceux qui ont introduit le surréalisme en Angleterre ; à Paris, le couple fréquente Paul Eluard, Max Ernst et Juan Miro ; en 1926 elle publie ses premiers poèmes dans Les Cahiers du Sud ; passionnée par l’hindouisme, elle quitte son mari en 1936, pour vivre dans un ashram avec son amante Alice Rathon, épouse de Wolfgang Paalen ; elle revient à Londres en 1939 rejoint le groupe surréaliste, et après guerre partagera sa vie entre la France et l’Angleterre ; en 1962 elle publie un récit historique Erzsébet Bâthory, apprécié des surréalistes et recommandé par Maurice Bataille dans Les Larmes d’Eros ; le livre rencontre un succès public, il est adapté en 1971 par le cinéaste Peter Sasdy pour son film Comtesse Dracula, avec Ingrid Pirt dans le rôle principal

8 août 1978 : à Rennes, dépôt en Préfecture des statuts du Groupe de Libération Homosexuel avec pour but : information des homosexuels sur le plan médical et sur le plan judiciaire, tenue d’une documentation sur l’homosexualité, oeuvreer à réduire toute discrimination à l’encontre des homosexuels, aides les homosexuels à vivre leur différence, Patrrik Leroy, né en 1953, est président, Yves Chatellier, né en 1953, est vice-président, Jacques Ars, né en 1959, est trésorier, Eric Maillard, né en 1957, est sécrétaire

Septembre 1978 : le CCL (Centre du Christ Libérateur) adresse une Lettre ouverte à M. l’Ambassadeur de Grèce à Paris à propos de l’adoption d’une législation qui incrimine l’homosexualité et veut protéger la population des maladies vénériennes

Septembre 1978 : à Lyon, le journal Libération rapporte le 16 septembre qu’à 50m du commissariat a eu lieu un double meurtre sans que la police intervienne, dans une pissotière où pourtant les policiers font souvent des descentes pour rafler des homosexuels ; la revue du GLH Interlopes et le Flash d’information du CIDH (centre d’information sur l’Homosexualité) donneront un écho à ce double meurtre

Automne 1978 : le GLH de Marseille fait l’objet d’une émission télévisée sur Antenne 2 (avec Patricia Charnelet)

7 septembre 1978 : à Marseille, révocation  de Jean Rossignol, par le conseil de discipline de l’académie d’Aix-Marseille pour motifs de retards et d’absences injustifiées, muté une 1ère fois il sera de nouveau accusé pour avoir affiché dans le réfectoire des élèves une annonce pour le bal du GLH ce qu’il dément ; le 26 janvier 1979 il sera révoqué définitivement

8 septembre 1978 : mort de la peintre britannique Dorothy Hepworth  (1898-1978), elle est tombée amoureuse de sa camarade de d’école d’art, Patricia Preece (1894-1966), à la Slade School of Fine Art, avec laquelle elle s’est installée à Londres, puis elles ont été hebergées chea André L’Hôte à Paris ; elle se font passer toute leur vie pour deux sœurs ; en 1925 elles étaient de retour à Londres dans la maison d’enfance de Patricia ; le peintre Stanley Spencer s’est marié avec Patricia mais celle-ci est rapidement revenue vers Dorothy ; les deux femmes sont devenues amies de Duncan Grant qui écrit à partir de 1936 leur catalogues d’exposition, leurs œuvres sont essentiellement des portraits intimes, presque toujours réalisés par Dorothy, mais toujours sous la signature de Patricia

Octobre 1978 : la CNH (commission nationale homosexuelle de la LCR) adresse à toutes les tendances ou branches de la LCR, ses propositions pour l’inclusion des luttes homosexuelles dans la ligne du parti sous forme de Thèses à présenter au IIIème Congrès de la LCR, ces propositions insistent sur les risques de sousestimation de la lutte contre les normes bourgeoises, elles se heurtent en particulier à la tendace ouvriériste de la Ligue qui souhaite que la CNH soit placée sous le contrôle du Comité central du parti ; de fait le Congrès de 1979 marquera l’aboutissement du recadrage idéologique, et la moitié des membres de la commission – dont Jacques Fortin – quitteront la LCR  au cours de ce Congrès, alors que Jean Boyer-Cavalhiès, membre des instances dirigeantes y restera, la revue Masques en 1979 sera créée par des militant-es de la CNH en particulier parmi ceux sui ont quitté la LCR ; la LCR marquera son soutien à la création du CUARH à l’issue de la première UEH de Marseille en juillet 1979

5 octobre 1978 : dans le Monde Michel Kajman écrit un article « Des homosexuels poursuivis pour outrage public à la pudeur dans un club, l’état des lois et des mœurs » à la suite d’une descente des forces publiques au Manhattan, selon le journaliste ces actes ne tombent pas sous le coup de l’outrage public à la pudeur

18 octobre 1978 : création de Psyképo, association Mouvement de libération des femmes

25-26 octobre 1978 : à Tours, le GLH (groupe de libération homosexuel) organise un 3ème débat, après janvier 1977 et mars 1978, le débat est décevant car le thème de l’identité homosexuelle prévu est submergé par les questions naïves et perturbatrices d’un public hétéro ;  le GLH édite un mini journal My sweet Lord d’informations, réflexions, expressions homosexuelles dont Jacky Fougeray est directeur de publication

Novembre 1978 : parution du n°2 de Quand les femmes s’aiment du Groupe de Lesbiennes du centre des femmes de Lyon ; le n°1 tiré à 1000 exemplaires, diffusé par les librairies et les associations amies (comme la Toile d’araignée à Aix-en-Provence, les librairies Des femmes à Marseille et à Paris, le GLH de Marseille, le MLAC et la librairie Carabosses à Paris) a été un remarquable succès ; une rencontre nationale est annoncée pour les 11 et 12 novembre et le n°3 sera diffusé à partir de Paris ; parmi les textes, Dominique et Claire (sur le désir à deux et à plusieurs), Chantal (un poème), Chantal Ibre (sur les mères lesbiennes, les procès gagnés pour la garde des enfants aux USA en 1976 et 1978 et l’absence de jurisprudence en France), Martine (lettre à un petit garçon), Frédérica et Geneviève (deux femmes emprisonnées 5 jours pour nudité sur un plage de Sardaigne), Josiane (Poor lonesome cow boy), Paula (Rumpelstiltskin : la danse de la ménagère solitaire), Barbara Sophiesdaughter (le mouvement féministe en Hollande) ou encore Dominique, Béa, Jackie, et le journal Sappho de Londres (1 000 exemplaires mensuels depuis 6 ans)

Novembre 1978 : à Lyon, parution de la revue Interlopes avec de nombreux articles: Des Garçons (extrait de la revue Tankonalasanté 1976), une lettre de JP racontant la fête du 18 juin, la publication au JO de la création de l’association Groupe de libération homosexuel de Lyon le 24 septembre 1978, le nom des rédacteurs (Michel Alibert, Pierre Berthier, Graham Fox de Birmingham, René Friart, Donald Germain, Bruno Hérail, Yves Lauras, Jean-Paul Montanari, Alain Neddam, John P. , Daniel Piot, Bernard Pelosse, Christian Pouget et quelques autres), les étapes précédentes (week-end à Aiguebellette en mai 1978, fête du 18 juin 1978, article et interview dans Libération Rhône Alpes le 22 mai 1978,  interview dans Rouge le 18 août 1978, la journée de débats du 24 septembre), les étapes prochaines (rencontre des GLH les 11 et 12 novembre à Lyon), une longue retranscription des échanges sur les projets du GLH lors de la journée du 24 septembre, une information sur le vote du Sénat favorable à la dépénalisation de l’homosexualité le 28 jui 1978, quelques dates importantes pour les homosexuels (1969 Christopher Street, 1977 Sexpol, janvier 1978 La Pagode et d’autres événements de l’année, élections roses en février-mars, états généraux homosexuels en avril, Bologne en avril, Sénat en juin, San Francisco en juin, août à Londres, en Grèce et en Ardèche, au Mazel, Interlopes parle de 1978 année Gay), la parution du livre de la Ligue communiste révolutionnaire favorable aux revendications des homosexuels, des nouvelles des GLH de Montpellier, Amiens, Aix-en-Provence, Pau, Bordeaux

Novembre 1978 : à Paris, Jean Le Bitoux prépare le journal qui doit bientôt paraître, Jean Stern qui fait partie de ses proches donne une idée de l’ambiance qui prévaut lors des repas au Palais de la Femme, la cantine tenue par l’Armée du Salut « On y allait toujours à quinze ou vingt avec des garçons plus ou moins « folles »Quinze folles parquées dans cette cantine populaire avec des mères célibataires, des clochards. »

7 novembre 1978 : mort de la journaliste américaine Janet Flanner (1892-1978), mariée un temps à William Lane Rehm, installée à Paris en 1920 se liant d’étroite amitié avec Gertrude Stein et Alice B. Toklas, elle est tombée amoureuse de la chanteuse d’opéra Noelle Haskins Murphy en 1932, et Solita Solano a été longtemps son amie et sa secrétaire ; elle s’est lancée dans le reportage pour le New Yorker sous la rubrique Lettres de Paris, où elle est devenu un pilier du magazine ; en 1940 elle a rencontré l’éditrice italienne Natalia Danesi Murray qui est devenu la compagne de sa vie ; leurs lettres évoquent leurs amis Margaret Anderson, Carson McCullers, Nancy Cunard, Ernest Emigway, Tennessee Williams ; en 1944 elle a relaté la procès de Nuremberg et obtenu la Légion d’honneur en 1948 ; elle a vecu à Paris avec Solita couvrant l’actualité jusqu’en 1968, puis terminé sa vie à New York avec Natalia à partir de 1975

11-12 novembre 1978 : à Lyon, rencontre des GLH de France, organisée par le GLH de Lyon et la revue Interlopes, aux Hautanes, Saint-Germain au Mont d’Or, 160 personnes se rencontrent, venues de 25 groupes différents, des groupes de travail se sont constitués sur la presse homosexuelle, la coordination du mouvement, l’idéologie et le vécu des groupes, c’est l’occasion de parler du projet de lancement du magazine Gay Life (le futur Gai Pied), le GLH de Marseille lance l’idée d’une campagne nationale pour l’abolition des lois anti-homosexuelles que les débats déclinent en 4 points (abrogation des lois anti-homosexuelles, droit à l’expression publique de son homosexualité et au travestisme, abolition des interdictions professionnelles pour homosexualité, et arrêt de tout fichage, destruction des fichiers de surveillance et dissolution des brigades spéciales), la commission idéologie traite de l’identité homosexuelle (identité individuelle et collective), pour prolonger ces débats le GLH de Marseille propose de se retrouver une semaine en été (ce qui donnera naissance à l’université d’été homosexuelle du juillet 1979) ; dans l’Agence Tasse, dans son éditorial « de Lyon à Marseille »Jacques Prince est sévère « le mouvement homosexuel n’existe pas, il n’y a qu’une infime minorité de militants homosexuels » ce n’est « ni une force ni une puissance électorale », il note pourtant que s’est amorcé une nouvelle étape du mouvement, susceptible de se structurer en reconnaissant la diversité, les querelles de chapelles et les « numéros des stars » sont moins prégnants « à force de se battre pour le droit à la différence, il semble bien que nous commencions aussi  accepter les différences que nous avons entre nous »; le même week-end se tient à Lyon la coordination des groupoes lesbiennes au centre des femmes de cette ville

13 novembre 1978 : à Paris, le CHA (comité homosexuel d’arrondissement) du 18è arr écrit au Monde pour protester contre un article du Dr Escoffier-Lambiotte Sexe, hormone et cerveau du 8 novembre 1978, elle s’y penche sur les « plus grandes souffrances et les plus noirs désespoirs des homosexuels » qui aboutirait à l’absence de libido et à l’impossibilité de relations physiques ; le CHA 18è adresse ce texte au nom de 12 GLH, du CHA 5è-6è arr, de groupes homosexuels de Genève, Lausanne et Bruxellest, et de l’Agence Tasse-Diff/Eros, à la suite de la rencontre nationale de Lyon  des 11 et 12 nombre 1978

14 novembre 1978 : le journal Rouge de la Ligue communiste révolutionnaire publie un article Rencontre nationale des groupes homosexuels, signé J.F. (vraissemblablement Jacques Fortin), un succès, 180 homosexuels au repas du dimanche midi, conférence de presse, assemblée générale mouvementée, commissions, « ce n’était pas gagné d’avance » entre ceux qui voulaient qu’on reste « au niveau du quotidien » et ceux qui voulaient une coordination permanente ou un secrétariat national des GLH, le GLH de Marseille a proposé une université d’été fin juillet 1979

15 novembre 1978 : mort de l’anthropologue américaine Margaret Mead (1901-1978), en 1925 elle part seule enquêter aux îles Samoa, elle obtient son diplôme et fait paraître en 1929 Adolescence à Samoa, elle repart pour Manaus dans l’île de l’Amirauté et publie à son retour Growing Up in New Guinea Islands et Sex and Temperament in Three Primitive Societes en 1935, en 1926 elle rejoint l’American Museum of Natural History de New York dont elle devient conservatrice en chef, elle crée la salle des Peuples du Pacifique ; dans les années 1950 les communautés homosexuelles américaines trouvent dans ses travaux des arguments en faveur de leurs critiques de la société puritaine hétérosexuelle et homophobe ; ses découvertes plaident en faveur d’une plus grande liberté sexuelle en Occident, elle soutient l’hypothèse de la bisexualité innée : « Le temps est venu où nous devons reconnaître la bisexualité comme une forme normale du comportement humain » ; elle est elle-même bisexuelle mais cela ne sera dévoilé qu’en 1984 par sa fille Mary Catherine Bareston ; mariée et divorcée trois fois, elle a des relations intimes avec Ruth Benedict, l’enseignante qui succède à son professeur l’anthropologue Franz Boas, et avec d’autres femmes

27 novembre 1978 : aux USA, à San Francisco assassinat de Harvey Milk, et du maire George Moscone, dans les locaux de la mairie, par Dan White, ex-collègue ancien policier, élu de la droite nationaliste et religieuse ; le verdict trop clément, 7 ans de prison, rendu 6 mois plus tard provoquera la colère de 5 000 manifestants ; quelques semaines auparavant, Harvey Milk avait mené une campagne victorieuse contre la Proposition 6, une initiative populaire visant à interdire l’embauche de professeurs homosexuels et de tous ceux qui les soutenaient , dans les écoles publiques de Californie ; Milk a été le producteur du spectacle Hair qui a imposé pour la 1ère fois au public américain le nu masculin, il a ouvert un magasin d’appareils photo à San Francisco et est devenu rapidement le chef de file de la lutte des gays de cette ville avant de se présenter aux élections derrière George Moscone

Décembre 1978 : agression de travestis lors d’un bal à la Maison de la Culture de Rennes décrite par Mélanie Badaire (Jean-Michel Rousseau) dans un courrier des lecteurs du n°1 d’avril 1979 de Gai Pied

Décembre 1978 : à Aix en Provence, le GLH (Groupe de libération de l’hétérosexualité)-Tendance homosexuelle adopte une nouvelle dénomination Mouvance Folle Lesbienne, Grégoire Herpin explique dans l’Agence Tasse « les homosexuels ont de tout temps été qualifiés de tapettes, pédales et femmes. il s’agit alors de vivre pleinement cette identité. Nous sommes femmes. », les folles ont « tout un passé de femmes à retrouver et tout un devenir à proposer », signé « Des homosexuels qui n’aiment pas les hommes »

10 décembre 1978 : mort du réalisateur Ed Wood (1924-1978), il avait le goût de la robe et des vêtements féminins, enfilant des dessous féminins et des pulls angora, fétichiste il se travestissait en gardant la moustache, mais il aimait les femmes ;  son premier film Glen or Glenda, 1954, est le plus intime, film sur les hommes qui s’habillent en femmes

16 décembre 1978 : en Espagne, la fête populaire du FAGC en Catalogne mobilise 6 000 personnes, l’union locale des CC.OO (les coopératives ouvrières) est conspuée ; en février 1979 Jordi Petit revient sur cet événement fâcheux dans l’organe officiel de la Commission ouvrière nationale de Catalogne dans le but de sauver les relations entre CC.OO et FAGC

21 décembre 1978 : la Commission homo parisienne diffuse un texte destiné à être discuté dans les sections des Yvelines « Quelques éléments pour débattre » : le ghetto n’est pas la chose horrible que pensent certains camarades », la drague ne signifie pas une limitation à l’attirance physique « il y a drague et drague », la drague chez les homos  n’est pas l’expression d’une « domination des femmes par les hommes »

22 décembre 1978 : à Marseille, l’OCT (organisation communiste des travailleurs) annonce une fête de la différence « notre volonté de changer la vie sera plus forte que la volonté de nous briser », Vincent Tardieu, membre du GLH, est l’un des organisateurs, l’article paru dans l’Etincelle est signé du Collectif pour une fête d’expression de la jeunesse, l’OCT organise cette fête avec le PSU

30 décembre 1978 : viol de Marie-André Marion, lesbienne, dans un café du XIIIème arr. de Paris

 Fin des années 1970 : aux USA, une communauté LGBT importante s’est constituée à San Francisco, marquée par l’émotion liée à l’assassinat d’Harvey Milk et la solidarité, avec ses œuvres caritatives, ses associations de marcheurs et de sportifs, ses chorales, ses troupes de danse et de théâtre, ses festivals, ses activités culturelles, sociales et politiques et ses établissements scolaires

De 1945 à 1978 : environ 10 000 condamnations pour actes homosexuels ont été prononcées par la justice en 33 ans selon le Compte général de la Justice, ce qui reste bien inférieur qui est de 133 155 sur la même période au volume général des condamnations pour outrage public à la pudeur, ce qui est aussi bien inférieur au nombre de peines prononcées en Angleterre (50 000 personnes condamnées pour gross indecency de 1950 à 2000) ou en RFA (68 000 condamnés de 1949 à 1994) pour motif d’homosexualité pendant la même période ; ces 10 000 condamnations sont les plus élevées entre la fin des années 1940 et le début des années 1960 (avec un accent sur la pédophilie et la récidive),  8 211 concernent des peines de prison (à 79% d’une durée inférieure à 1 an, mais les peines supérieures à 3 ans augmentent au cours des années 1960 après l’adoption de l’amendement Mirguet) et 614 des peines d’amendes, les peines de prison ferme disparaissent en 1977 et 1978 ; les femmes sont en nombre infinitésimale 9 femmes jugées pour 532 garçons de 1962 à 1976 (ce qui est aussi lié à une gestion différentielle des déviances féminines) ; 2/3 des prévenu-e-s sont célibataires (les autres sont mariés, veufs ou divorcés), 74% des condamnés se déclarent sans enfants ; les condamnés sont pour l’essentiel issus des classes populaires (20% des classes moyennes et 5% des classes supérieures), pour elles les contraintes liées aux espaces privés et aux lieux de sociabilité homosexuels commerciaux jouent un rôle non négligeable, ainsi que l’encadrement familial

 

1979 : Cinéma : « Nous étions un seul homme » de Philippe Vallois. « Race d’Ep » de Lionel Soukaz et Guy Hocquenghem. Variétés : Patrick Juvet ( Gay Paris), Village People (In the Navy), Abba (Gimme ! Gimme ! Gimme !. A Man afler Midnight), David Bowie (Boys Keép Swinging), Police (On any other Day). Dalida (Depuis qu’il vient chez nous), Gloria Gaynor (I will Sun’ive). Francis Lalanne est le 1er hétéro qui chante « La plus belle fois qu’on m’a dit je t’aime c’est un mec qui me l’a dit »

1979 : sortie de la pièce de théâtre de Jean Poiret La Cage aux folles

1979 : dans le film « Race d’Ep », Lionel Soukaz appelle la dernière partie chronologique de son histoire de l’homosexalité « l’ère du Royal Opéra », c’est le temps de la culture disco et festive, après Le temps de la prose ou le temps des esthètes (1820-1920), Le troisième sexe ou des années folles à l’extermination (1920-1945), et Sweet sixteen en sixtees (années 1960) ; le film est censuré pour obscenité avant qu’une pétition signée de Michel Foucault, Gilles Deleuze, Roland Barthes et Copi ne l’autorise à être projeté dans une version expurgée ; parution aussi du film La Marche gaie

1979 :  la future Fréquence Gaie existe comme radio pirate de 1979 à 1981 « entre la cuisine de Copi et le salon de Delphine Seyrig » dira Christophe Vix-Gras, avant d’être autorisée en septembre 1981 lors de la libéralisation de la bande FM

1979 : parution de le revue Recherches de Felix Guattari, dans laquelle s’expriment Michel Foucault, Jean Danet et Guy Hocquenghem, ils critiquent le régime français de « contrôle de la sexualité » qui fait de tout enfant « en être en danger », pour Hocquenghem la criminalisation de la pédophilie est le fruit absurde des « interdits religieux sur la sodomie » et de la croyance en la totale étrangeté de l’univers enfantin et de l’univers adulte », pour Foucault « On peut faire confiance à l’enfant pour dire si oui ou non il a subi une violence »

1979 : mort du frère Gabriel Girard, pédocriminel, longtemps instituteur pendant 20 ans en Bretagne, en particulier à Loctudy, de la congrégation des Frères de Saint-Gabriel (FSG), puissante en Vendée et dans l’Ouest de la France ; en 2022 quelques femmes sue la centaine de victimes estimée demanderont réparation, dans la foulée du la commission Sauvé mise en place par l’Eglise

1979 : à Paris, les 1ères vaginoplasties sont faites à l’hôpital Saint-Louis, mais ce ne sera qu’en 1983 que l’Ordre des médecins acceptera le remboursement des opérations par la Sécurité sociale dans le cadre d’un protocole strict (alors que les Pays Bas effectuent ces remboursements depuis 1972)

1979 : Michel Foucault donne un cours sur les techniques chrétiennes de la pénitence, de l’aveu et du sacrifice, il en fait remonter l’origine à la conversion de Tertullien, introducteur du dogme trinitaire au IIème siècle (ce cours paraîtra en 2012 sous le nom Du gouvernement des vivants)

1979 : aux USA, fondation des Radical Faeries par Harry Hay, à l’occasion d’un rassemblement du 1er mai en Arizona puis d’une Conférence spirituelle des Radical Faeries pendant 3 jours à la fin du mois d’août ; Harry Hay a été l’un des fondateurs de la Mattachine Society dans les années 1950, il a participé à la création de l’antenne du Gay Liberation Front de Los Angeles en 1969 ; les radical Faeries défendent la féminité des homosexuels rejetée à l’intérieur comme à l’extérieur de la communauté LGBT, ils revendiquent une nouvelle culture et croient à une « histoire perdue » à reconquérir, ils se réfèrent au livre paru en 1976 La Sorcellerie et la contre-culture gay d’Arthur Evans qui met en scène l’affrontement historique entre les homosexuels au sens large (queers, sorcières, herboristes, guérisseuses, shamans) et les multiples chasses aux sorcières engagées contre eux lors de l’expansion de la chrétienté, ils donnent la place aux groupes de parole, à de nombreux rituels (impliquant musique, danse, toucher, érotisme, créativité), aux activités physiques et aux discussions

1979 : aux USA, apparition à San Francisco des 1ères Sœurs de la perpétuelle indulgence, dans la continuité du mouvement « genderfuck » (mêlant les traits attribués au masculin et au féminin), et se référant au mouvement hyppie, emblématisé au début des années 1970 par le groupe The Cockettes (qui se produisant au Palace Theater de San Francisco), composée uniquement d’hommes gays débridés composé de comédiens et d’activistes, utilisant simultanément les vêtements des religieuses catholiques et le travestissement, la figure de la folle est à la fois sur le plan de la sexualité, du genre et du camp, produisant des performances incongrues, théâtrales et humoristiques, en soutien des plus marginaux (comme les réfugiés cubains), des antinucléaires, puis bientôt contre le sida ; pour son 2ème voyage à San Francisco, le photographe français Jean-Baptiste Carhaix découvre lors de la Castro Street Fair au milieu d’une foule d’homosexuels « quatre travestis habillés en bonnes sœurs sur des patins à roulettes et arborant des mitraillettes » ; en juin 1981 les Sisters organiseront un match de baseball contre le Gay Men’s Chorus – premier chœur gai créé à San Francisco en 1978 – pour récolter des fonds pour les premiers Gay Games qui auront lieu en 1982

1979 : aux USA, mort de Dorothy Arzner (1897-1979) réalisatrice et productrice d’Hollywood, ouvertement lesbienne, elle a réalisé son 1er film en 1927 ; elle a fait de Katharine Hepburn, aviatrice androgyne, vêtue de cuir, une icône lesbienne dans la Phalène d’argent (1933)

 1979 : aux USA, création à Los Angeles des International gay archives

1979 : en Grande Bretagne, création à Londres de la pièce de Marin Sherman Bent qui a déjà été jouée avec grand succès à Brodway (New-York), avec Richard Gere, elle sera jouée en France 2 ans plus tard, la pièce se passe au lendemain de la Nuit des longs couteaux, c’est le début de la répression ouverte des déviants

1979 : en Suisse, à Genève, les militantes du MLF avaient créé en 1973 un local d’accueil pour toutes les femmes (rue de la Pélisserie), puis un autre en janvier 1974 (rue Sismondi) mais en 1975 les féministes ont été obligées de le quitter et finirent par s’installer en mai 1976 dans un vieux bistrot désaffecté dans le quartier des Grottes dont elles ont été expulsées en août 1976, elles se sont retrouvées en février 1977 dans un lieu de réunion bd St Georges, le Centre femmes où les lesbiennes se sont retrouvées finalement les seules occupantes ; après la publication du tract Sappho s’en fout qui présentait de manière polémique la situation des lesbiennes au sein du MLF, le groupe L’insoumise se dissout et se crée le groupe des lesbiennes politiques Vanille Fraise qui s’intéresse au mouvement lesbien international

1979 : en Australie se tient la première manifestation Gay et Lesbienne appelée Mardi Gras ; c’est aussi me point de départ du centre d’archives Star Observer

 1979 : Michel Branchu entre en contact avec Jean le Bitoux, il devient correspondant de Gai Pied à Lyon, sympathisant de David et Jonathan, un peu réticent à l’égard des GLH – « très militants » pour lui « et ancré à gauche » (sans doute fait-il allusion en particulier au groupe Interlopes existant à Lyon alors) – et prépare la création du lieu associatif gay et lesbien de Lyon, ARIS, qui sera ouvert en 1981, il rencontre avec l’aide de Jean le Bitoux les animateurs de Diane et Adrien à Dijon, de la Boulangerie gaie à Marseille, et d’Ecoute Gaie à Paris, après la disparition du CUARH, il contribuera à créer la FNALG (fédération nationale des lieux gais)

1979 : Patrick Mauriès publie le Second manifeste camp, en référence à celui d’André Breton et au livre de Susan Sontag en 1964, avec l’appui de Roland Barthes, il définit la notion de camp « affecté, maniéré, cabotin, kitsch, effeminé, qui fait pédé », à travers 59 propositions (une de plus que S. Sontag) et des références à Cocteau, Wilde et Marlène Dietrich, mais aussi à Jean-Jacques Schuhl et Renaud Camus, à Ingrid Caven, affecté, inadéquat, élitaire, un détachement apathique, dandysme postmoderne, inclassable, délicat et fragile, éphémère et insignifiant, froid et passionné ; le camp comme système de connotations permet de structurer une micro-culture et un univers de référence qui repose sur la notion de décodage dont l’objet est de décoder dans n’importe quelle production artistique ou littéraire des traces qui pourraient être interprétées comme révélatrices d’une attitude homosexuelle, et sur l’homosexualisation d’une culture qui a priori n’a rien à voir avec l’homosexualité : Boy George et Dave sont étiquetés camp, mais aussi Dalida et Micheline Dax ; l’absence de définition fixe et stable s’interprète comme le signe d’une subversion permanente des identités sexuelles ; la même année Esther Newton, aux USA, donne un sens différent au mot camp qui selon elle présente 3 caractériqtiques dominantes : l’incongruité, la théâtralité et l’humour, elle y voit aussi une forme proto-politique de résistance dans le contexte très repressif des années 1960 aux USA, il rend visible la façon dont ses oppresseurs le définissent

1979 : parution du livre de Renaud Camus Tricks, il y raconte ses rencontres d’un soir au Palace ou dans les backrooms du Manhattan et du Sept, son livre préfacé par Roland Barthes touche un public plus large que le milieu homosexuel ; Didier Lestrade, futur cofondateur d’Act Up, écrira en 2016 : « Pour moi, plus jeune d’une dizaine d’années, Renaud Camus était l’exemple à suivre, le rôle modèle à dépasser »; Renaud Camus fréquente des gens importants comme Louis Aragon, Jacques de Bascher, proche d’Yves Saint-Laurent et de Karl Lagerfeld, Jacques de Ricaumont, aristocrate homosexuel du Tout-Paris mondain et littéraire, ou encore Andy Warhol et Roland Barthes ; il tient une chronique dans le journal Gai Pied ; il sera invité à l’émission d’Antenne 2 « Les dossiers de l’écran » sur le thème Etre gay en 1984 (qui attire 15 millions de téléspectateurs), aux côtés de Dominique Fernandez

1979 : de retour du Japon où il enseignait  à un cours sur la sexualité dans la littérature française (Proust, Gide, Tony Duvert, Julien Green, Marie-Claire Blais), René de Ceccaty découvre l’existence de Gai-Pied et de Masques, il publie tour à tour Personnes et personnages et Jardins et rues des capitales, il devient journaliste à Gai Pied, il écrit sur E.M. Forster et interviewe Michel Foucault avec Jean le Bitoux et Jean Danet, en présence de Paul Veyne, et fait la connaissance des collaborateurs du journal : Jacky Fougeray, Gérard Vappereau, Yves Charfe, Hugo Marsan, Gilles Barbedette (René de Ceccaty publiera plus tard L’Accompagnement consacré à la mort du SIDA de Gilles Barbedette) ; Jacky Fougeray écrira : « Pour moi, ces années magiques partagées avec Jean le Bitoux au Gai Pied des tout débuts, resteront les moments les plus marquants de ma vie de militant-journaliste gay »

1979 : création de TravaElles première imprimerie entièrement conçue par des femmes ; création de l’Alliance des femmes pour la démocratie par Antoinette Fouque ; parution de La Revue d’en face, revue féministe sur l’histoire des femmes, les relations mères-filles, l’amour, les luttes des femmes dans le monde, les débats du Mouvement des Femmes

1979 : un procès est intenté contre le journal Libération  « pour outrage aux bonnes mœurs et incitation à la débauche » à travers ses petites annonces ; Frank Arnal, co-fondateur du journal Gai-Pied en 1979, déclarera en 1980 : « Libération a publié plus d’information sur l’homosexualité en 8 ans que l’ensemble de la presse quotidienne française depuis 1881 »

1979 : à Marseille, dans un dossier sur « la répression multiforme des homosexuels » le GLH récapitule « le véritable système d’interdictions professionnelles » en citant des cas concernant la région marseillaise : Jean-Claude licencié d’une mutuelle en 1977, Christian infirmier licencié d’une clinique privée en 1978, Thierry barman licencié en 1978, deux lesbiennes assistantes sociales licenciées en 1978, Jean surveillant d’externat – en l’occurence Jean Rossignol – licencié en 1979, et des cas d’autres régions (Jean-Jacques professeur d’histoire dans une école privée en région parisienne licencié après avoir été reconnu par ses élèves lors d’une émission à la télévision, un ouvrier dans une usine de l’Est de la France réintégré suite à une lutte syndicale, le Dr Buisson suspendu pour 6 mois par le Conseil national de l’ordre des médecins après condamnation à 3 mois de prison ferme à St Denis de la Réunion alors que la Cour de cassation a cassé le jugement en décembre 2018)

1979 : à Rennes, les femmes du GLH estimant que leur voix n’est pas entendue décident de constituer un groupe lesbien autonome (qui deviendra en 1982 le Groupe Lesbien) ; à Paris, ouverture de la Champmeslé, bar lesbien et homo, rue Chabanais, animé par Josy ; ouverture de la Gavine à Toulouse ; au niveau national les lesbiennes se retrouvent en été pour une rencontre lesbienne féministe en Dordogne

1979 : Me Robert Badinter assure la défense de 2 parachutistes qui avaient tendu un piège et battu à mort 2 homosexuels, pour lui « la violence verbale est partout et le refoulement du comportement homosexuel est une composante de la société française. Dans le corps enseignant il était difficile de se déclarer et de se comporter en homosexuel. A l’intérieur de l’ordre des avocats de Paris, être homosexuel c’était s’interdire la voie vers le cursus des honneurs de l’Ordre. Nous vivions dans un monde anti-homosexuel »

1979 : création du collectif animé par Michel Odacier qui fait signer la pétition « Nous sommes homosexuels et nous le disons »

1979 : parution du livre de Daniel Guérin Son testament ; décès de Marie, l’épouse de Daniel Guérin, il en est profondément affecté

1979 : aux USA, fondation à San Francisco du 1er groupe des Sœurs de la perpétuelle indulgence, elles vont emprunter leurs habits à de vraies religieuses, en réaction aux clones de Castro, très conformistes, très machos, habillés en vestes de cuir et chemises en flanelles, à l’imitation des bucherons, la réaction du public de Castro sera qualifiée par une sœur de bouleversante et les conduira à poursuivre dans leur voie « d’amour et de compassion » à l’égard des victimes du VIH, avec collecte d’argent et aide financière aux personnes malades

1979 : au Brésil, l’interdiction faite aux femmes de pratiquer le foot et d’autres sports, instaurée en 1941, est levée, à un moment où la dictature commence à s’assouplir (plusieurs pays d’Amérique latine arguent de l’incapacité que cela peut entraîner d’avoir des enfants et du lien entre lesbianisme et sport féminin)

Janvier 1979 : parution du n°1 de Les femmes et les femmes d’abord du collectif de femmes d’Angers, d’Orléans, Poitiers, Tours et Saint-Jean-d’Angély, directrice Maryse Aunes

 Janvier 1979 : Marc Croissant est licencié de la mairie communiste d’Ivry sur Seine pour s’être indigné du ton moraliste et sensasionnaliste d’un article aru dans l’Humanité à propos d’un fait divers pédophile, il dénonce les « campagnes d’ordre moral » et défend « le droit pour les individus, y compris les adolescents, à vivre leur sexualité comme il leur plaît » ; Marc Croissant et soutenu par le CUARH – qui prendra naissance largement à partir de cette affaire -ainsi que par Jack Lang, Louis Althusser et Antone Vitez

Janvier 1979 : à Paris, le CHA du XVIIIème arr. lance l’idée d’un collectif national contre la répression des homosexuel(le)s, l’affaire Buisson en est le déclencheur, dans l’objectif de permettre la défense des homos sur le plan juridique

Janvier 1979 : les homosexuels membres de la commission nationale de la LCR quittent leur parti, déçus de ne pas avoir une influence suffisante sur sa ligne

 6 janvier 1979 : Daniel Guérin se déclare dans une réplique à René Laforestie et Guy Missoun, dans le Monde, favorable, comme Fourrier, à un « service amoureux » que les jeunes rendraient aux vieux, dans une nouvelle organisation sociale

26 janvier 1979 : le maire communiste d‘Ivry-sur-Seine souhaite renvoyer Marc Croissant, employé de la mairie aux affaires culturelles, militant à la CGT et au PCF depuis 1964, après qu’il ait cosigné une lettre envoyée à L’Humanité qui dénonçait la façon dont le journal traitait une affaire de pédophilie touchant la municipalité communiste de Saint-Ouen, la CGT prend ses distances face aux mouvement des femmes et face aux homosexuels qui se mobilisent, tandis que la syndicat national des centres culturels (SNPAOCC) prend la défense de Croissant mais est plutôt inefficace face à l’employeur

Février 1979 : parution du n° zéro du journal Gai Pied avec l’édito « Gai Pied ? Simplement pour être gai, et pour le pied, et pour ne pas tomber dans le guêpier des ghettos », ce n° est gratuit tiré à 20 000 exemplaires, devant le succès un second tirage de 5 000 exemplaires est lancé, cette diffusion très large constitue une publicité appréciable ; c’est le temps de la « sortie du placard » dira Gérard Vappereau ; il est tiré dans l’imprimerie de la Ligue communiste révolutionnaire ; c’est le début d’une aventure de 14 ans avec 541 numéros ; l’éditorial de Jean Le Bitoux annonce sa profession de foi : « Notre propos : restituer aux gais, les homosexuels d’auourd’hui, un lieu pour s’exprimer, un lieu pour discuter. Etre aussi un lieu alternatif à tout ce que les médias racontent sur l’homosexualité, bien trop souvent pour justifier et prêter main forte à des campagnes de moralisation d’un autre âge. Mais si nous privilégions l’information internationale, pratiquement introuvable dans le reste de la presse, ou si nous offrons un espace pour la création homosexuelle écrite ou graphique, nous ne voulons pas parler que d’homosexualité : on nous y a réduits trop souvent et depuis longtemps. Car notre contribution de reflexion sur le monde d’aujiurd’hui ne peut plus se faire sans nous. »; Jean Stern qui a connu Jean Le Bitoux au sein du GLH Politique et Quotidien, en est partie prenante, il racontera en 2019 que le GLH avait « laissé tombé  le fonctionnement en assemblée générales pour des groupes de parole… (Et alors que l’homosexualité est encore un délit) l’idée qu’il fallait se rendre visible était une idée fondamentale. C’était le moteur des GLH et c’était le moteur de Gai Pied », il explique que la naidssance du journal est rattaché à deux lieux, l’appartement communautaire de Jean Le Bitoux ( 188 bd Voltaire) et l’Eléphant Rose, le café du cinéma Olympic Entrepôt, salle de cinéma d’Art et d’essai fondé par Frédéric Mitterrand, « Gérard Vappereau en était le co-gérant, c’était un lieyu important pour la culuture gai à l’époque »… « Les premiers salariés sont arrivés pour gérer les annonces. Le succès a été énorme tout de suite. »

 Février 1979 : parution du n°1 de Jamais contentes, des femmes autonomes, directrice Nadine Baillet

 Février 1979 : descente de police en recherche de flagrant délit au festival de cinéma homosexuel au cinéma le Dragon, 2 homosexuels sont condamnés à 500 F d’amende et 2 mois de prison avec sursis, dans Libération Jean-Luc Henning mène l’enquête (article du 20 février)

1er février 1979 : Ouest-France annonce la découverte du corps d’un jeune homme avec un trou dans la tempe dans les WC publics de Rennes et s’interroge : meurtre ou suicide ?

2 février 1979 : agression à Strasbourg, lors d’une session du parlement européen, du ministre autrichien des Affaires étrangères, M. Pahr, sur les quais, lieux de drague homosexuelle, le concierge de l’hôtel livre l’anecdote à la presse, le Matin de Paris en titrant Peut-être une affaire de mœurs ? tient un discours méprisant à l’encontre du ministre, les agresseurs seront relachés et le ministre démisionnera

Mars 1979 : Tricks de Renaud Camus est publié avec une préface de Roland Barthes : sexe immédiat et backroom

Mars 1979 : une coordination régionale des groupes lesbiens de l’Ouest rassemble des lesbiennes de Brest, Caen, Tours, Rennes et Angers

Mars 1979 : à Saint-Etienne la pression politique et sociale bloque l’ouverture d’une boite homosexuelle « le Cercle de Lautréamont »

10-25 mars 1979 : en Iran où l’ayatollah Rouholah Khomeyni a pris le pouvoir, après la déchéance du chah Mohammad Reza Pahlavi, 18 intellectuelles européennes arrivent par avion dans le but de sensibiliser le nouveau régime à la situation des iraniennes, celles-ci ont été des milliers à descendre dans les rues le 8 mars, et pendant plusiueurs jours, pour protester contre l’obligation de se voiler ; Kate Millet, auteur de La Politique du Mâle, est déjà à Téhéran, elle se fait expulser ; le groupe des européennes est très hététogène et a des difficultés à se coordonner sur les actions à entreprendre ; plusiuers d’entre elles rencontrent Azam Taleghani, fille de l’ayatollah Mahmoud Taleghani au siège de la société révolutionnaire des femmes islamiques, le premier ministre Mehdi Bazargan reçoit 7 d’entre elles, il justifie l’interdiction d’accès des femmes à la fonction de juge, les estimant trop « sensibles » pour exercer cette profession, l’ayatollah Khomeyni finit par recevoir 4 d’entre elles à Qôm – serrées dans un taxi sur une route défoncée sous un soleil de plomb – il écoute leurs questions dans un silence total puis lit une déclaration qui les remercie de leur « aide contre la dictature et la soumission du peuple iranien » ; à l’occasion de ce voyage Françoise Gaspard, maire PS de Dreux, et Claude Servan-Shreiber, directrice de F Magazine, ont un coup de foudre et ne se quitteront plus

15 mars 1979 : Libération perd le procès qui l’oppose au Parquet au sujet des annonces homosexuelles de sa rubrique « Chéri, je t’aime »

15 mars 1979 : mort du danseur russe Léonide Massine (Léonide Fiodorovitch Miassinne 1896-1979), il succède à Nijinsky de 1915 à 1921 comme chorégraphe et interprète principal des Ballets russes  et comme amant de Diaghilev, lorsqu’il se marie Diaghilev le chasse ; il crée ses principales chorégraphies de 1917 à 1921, puis obtient la nationalité américaine et crée les Ballets Europeo

16 mars 1979 : à Paris, manifestation organisée par le CHA-18è (comité homosexuel d’arrondissement) contre la nouvelle loi islamique en Iran, 700 femmes et 300 homosexuels y participent dont le comité de rédaction de la revue Masques (l’équipe du journal Gai Pied manifestera son soutien dans son 1er n°)

21 mars 1979 : mort de Maryse Choisy (1903-1979), amante de Rachilde, prise dans les conflits entre les salons lesbiens de Gertrude Stein, de Colette et de Nathalie Barney ; patiente de Freud en 1927 puis psychanalyste, elle a fondé Psyché, Revue internationale de psychanalyse et des sciences de l’homme (1946-1963) recueillant les plus grandes signatures, auteur de Un mois chez les filles (1928) après un séjour en maison de prostitution, de Un mois chez les hommes (1929) après un séjour, travestie en moine, au Mont Athos, puis de L’Amour en prison (1930) ; en 1932 dans la revue Le Rire elle a peint d’une plume féroce le monde lesbien de Paris, puis a chanté poétiquement l’amour saphique en 1941 dans Etapes d’amour ; convertie au catholicisme, elle a fondé avec Leycester King l’Association internationale de psychothérapie et de psychologie catholique, destinée à faciliter les liens entre l’Eglise et la psychanalyse, et a écrit Sur le chemin de Dieu on rencontre d’abord le diable et Contes pour ma fille en 1946

23 mars 1979 : ouverture du procès Roussel, Gérard Roussel a été dénoncé par un employé de la FNAC pour des rapports sexuels avec des petites filles, ce qui a entrainé une campagne de presse (Minute, Spéciale Dernière) alors qu’aucune plainte n’ a été déposée, une pétition a été signée des membres de la revue Recherches, Jean-Louis Bory, Gabriel Matzneff, Lionel Soukaz, Guy Hocquenghem, René Schérer, Pascal Bruckner et Pierre Hahn

 24 mars-1er avril 1979 : 1er festival international de films de femmes à Sceaux (il s’installera à Créteil en 1986)

Printemps 1979 : le GLH de Marseille réalise son journal Comme ça, c’est ainsi que paraît son n°zéro, dans l’objectif de communiquer avec « la grande masse des homos » qui sont hors du milieu militant, « nul ne peut nier la distance qui sépare actuellement une frange d’homosexuels agissants qui ont souvent un langage qui les fait paraître éloignés des réalités quotidiennes que nous rencontrons dans notre travail et au sein de notre famille par exemple »

Printemps 1979 : parution du n° 30-31-32 de l’Agence Tasse, avec en supplément Diff/Eros ; en quelques semaines plus tard paraîtra le n° 33, puis le bulletin disparaîtra, les groupes homosexuels de province ne disposeront plus dès lors de cet outil essentiel de coordination nationale

Avril 1979 : Félix Guattari rassemble une autre série de textes sur la pédophilie dans un n° spécial, n°37, de Recherches Fous d’enfance : qui a peur des pédophiles ? illustré par des photos ambiguës de Bernard Faucon avec des mannequins, avec un poème de Gabriel Matzneff à son jeune amant de 12 ans, évoquant l’acte sexuel (fellation et sodomie) avec l’enfant, la reproduction d’une lettre d’un petit garçon à son amant de 17 ans et la lettre que les grands parents du petit garçon ont envoyé au jeune homme, d’autres textes font l’éloge du tourisme sexuel en Afrique (« petits enfants d’Abidjan ») de A.D., en Asie (« lettre de l’Ile des Bienheureux ») de Matzneff et la permissivité sexuelle et l’absence de tabous des jeunes garçons des Philippines ; J-J. Passay, Jean Danet et Michel Foucault se livrent à une réflexion historique sur la construction des catégories juridiques de l’enfance et de l’atteinte morale faite à l’enfance « Il paraît abusif de dire que le consentement au plaisir tel qu’il est aujourd’hui utilisé par la pratique judiciaire n’a rien à voir avec la réalité du désir du mineur », ils critiquent Françoise Dolto qui considère qu’un mineur est toujours traumatisé par une relation sexuelle avec un adulte, ce qui justifie la catégorisation juridique de viol, perpétuant le cercle vicieux de la répression et du refoulement sexuel. Pour Françoise Dolto l’âge de la responsabilité sexuelle doit être fixée 2 ans après la puberté et toute relation asymétrique adulte-enfant doit être considérée comme un délit. A l’inverse Passay, Danet et Foucault estiment que le droit ne doit pas régenter « la police de nos plaisirs », la question de la pédophilie et de la sexualité des jeunes s’inscrivant dans un projet plus global de libération sexuelle du corps. Hocquenghem ajoute que la notion de « consentement de l’enfant » est vide de sens au plan juridique, les enfants doivent libérer leur désir et leur sexualité. René Schérer explique que les catégories juridiques sanctionnant les actes pédophiles sont basées sur des définitions incertaines, la loi confond viol et relation sexuelle au plaisir partagé, il cite le Dr Fritz Bernard (dans le n°4 de Recherhes, de 1973) selon lequel « les dommages subis par les enfants victimes de viols sont incontestables », en revanche « les délits de mœurs dans lesquels les prétendues victimes ont joué un rôle de partenaires et, avant que la justice les ait manipulés, retireraient une satisfaction partagée de leurs rapports sexuels ». René Schérer revient sur l’amendement en discussion au Sénat et pointe la discrimination sous-entendue des rapports pédophiles, il considère qu’en maintenant des circonstances aggravantes pour les relations avec des mineurs de moins de 15 ans, il existe toujours une prohibition de l’acte pédophile, comme pour l’inceste. Il considère aussi que l’amendement proposé par M. Tailhades concernant les circonstances aggravantes pour « un fonctionnaire ayant abusé de son autorité » induit une inégalité de principe devant la loi parle d’« interdiction professionnelle pour les pédérastes ».

Avril 1979 : la sortie du n°1 du journal marque la naissance du mensuel Gai Piedaprès un n° zéro de février – il est distribué par les NMPP ; en couverture Alain Burosse, Kevin et – nu sous son boa noir et blanc – Jean le Bitoux y apparaissent dans une représentation de la Marseillaise de Rude, au bar de l’Eléphant Rose, et dans l’éditorial est écrit : « Ne plus attendre que l’on nous donne la parole mais l’arracher, la construire et la défendre. Comme notre vie », il s’agit pour eux  « d’atteindre désormais le plus grand nombre possible d’homosexuels, quels que soit leur âge, leur situation géographique ou sociale et leur niveau de conscience politique ou culturelle » ; Guy Hocquenghem, Pierre Hahn et Alain Leroi y participent ; Michel Foucault qui en a proposé le titre, écrit l’article : « Un plaisir si simple » avec une réflexion sur les homosexuels et le suicide, pour lui il « faut s’acharner à être gay » car « être gay c’est non pas s’identifier aux traits psychologiques et aux marques visibles de l’homosexuel, mais chercher à définir et à développer un mode de vie », sa signature dès ce n°1 est une protection non négligeable face aux risques de censure; d’autres signatures connues apparaitront, dont Tony Duvert, Jean-Paul Aron, Yves Navarre, Dominique Fernandez, jusqu’à Jean-Paul Sartre pour le 1er anniversaire du journal en 1980, ou encore Renaud Camus, Alain Pacadis, puis à nouveau Michel Foucault pour son 2ème anniversaire en 1981 ; dès ce 1er numéro, un article concerne la déportation des homosexuels « Holocauste silencieux », il reprend les témoignages – parus en Allemagne dans les années 1950 – de Claasen von Neudegg, physicien allemand homosexuel qui fut déporté et affiublé du triangle rose ; un article « Enfants / adultes… rien ne va plus » dénonce l’amalgane entre homosexualité et pédérastie, dangereuse pour la réception sociale des demandes exprimées par les homosexuels, dangereuse montée d’une « psychose venue de notre société libérale refoulée », responsable d’une sorte de censure qui s’abat sur toute production littéraire qui aborde la relation sexuelle avec des mineurs, comme avec Garçons de passe de Jean-Luc Hennig, dont de nombreux articles de presse ont témoigné récemment (le Monde, Minute, France-soir, Figaro-Magazine) ; un autre n° de Gai Pied de 1979 consacrera une page au livre Les hommes au triangle rose. Journal d’un déporté homosexuel (1939-1945) de Heinz Heger, à travers l’article Deux triangles roses témoignent ; André Baudry écrit une lettre dans le courrier des lecteurs du 1er n°, il est heureux de l’ouverture qu’annonce Gai Pied de ne pas vouloir parler que d’homosexualité car « on nous y a réduit le plus souvent », il ajoute « Je n’ai jamais compris cette haine farouche contre Arcadie de la part de certains qui se réclament du GLH ou de ce qui lui succède ici ou là. Au point d’oublier l’essentiel : la défense de notre cause » ; « J’ai imédiatement été effrayé par la laideur du journal Gai Pied, dira Didier Lestrade, surtout par rapport aux 2 magazines de l’époque, Façade et Egoïste. En réaction, j’ai créé en 1980 Magazine, un trimestriel autrement plus esthétique »

Avril 1979 : à Lille, création d’une librairie par l’association Du côté des femmes, 19 rue du Cirque

Avril 1979 : le n°33 de l’Agence Tasse mandatée pour participer – par l’information et la coordination des GLH – à la mobilisation nationale que le GLH de Marseille est en train de préparer autour du projet d’Université d’été homosexuelle, écrit : « Dans le désert que représente actuellement le mouvement en France, Marseille apparaît comme un oasis? C’est la première, ou peut-être la dernière chance de voir un jour ce mouvement prendre une dimension nationale. »; c’est elle qui collecte les textes et suggestions destinés à préparer l’UEH et elle publiera en mai un numéro spécial avec le programme complet

Avril 1979 : parution du n°1 de Différence Je est un autre édité par l’association Esclarmonde, directrice Geneviève Lutaudry ; parution du n°1 de Remue-Ménage, directrice Nicole Canto

Avril 1979 : aux USA, le jour de Pâques, création à San Francisco du premier couvent des Sœurs de la perpétuelle indulgence par un groupe de sœurs connues par leurs pseudonymes : Mother Abbess, Sister Boom-boom, Sister Missionary Position, Sister Vicious et Power Hungry Bitch

 7 avril 1979 : mort de l’écrivain Marcel Jouhandeau (1888-1979), il est professeur à Saint-Jean de Passy de 1912 à 1949 ; il a révélé son homosexualité dans Chronique d’une passion, en 1949, il tente de concilier son désir et ses passions avec un fervent catholicisme et son amour pour sa femme, Elise Caryathis, danseuse près de la folie, qui est jalouse de son amant ; marqué par les quolibets pour son bec-de-lièvre dans son enfance à Guéret, il se sent victime d’incompréhension et d’aversion, il se vit comme pécheur parmi les tenants de la morale et catholique parmi les pécheurs, il considère que son péché est une voie vers son « rachat » dans la vie éternelle ; ses disputes incessantes avec son épouse sont le thème de ses Chroniques maritales et dans L’Eloge de la volupté il dénonce l’interdit jeté sur le plaisir qui est pour lui « la pierre de touche des êtres » ; dans deux livres posthumes De l’abjection et Pages égarées il exprime sa passion pour les hommes matures en termes crus dans un style de franche obscénité ; il laisse plus de cent ouvrages (contes, romans, essais et un très important Journal) ; sa correspondance avec Michel Leiris, de 1923 à 1977, et le Journal de l’écrivain Michel Leiris lui-même (de 1922 à 1989) fera apparaître les émois de leurs rencontres des 26 à 28 mars 1924, Leiris parle de « viol de tabou » et de « sacrilège », il écrira « je suis puni dans ma chair », Jouhandeau de son côté écrit dans Leirisiana en 1924 « Oh ! les monstres de pureté ou lâches qui n’ont pas le courage de leurs désirs … Jamais je n’ai été plus chaste que durant les semaines de mon héroïque passion pour toi » et en 1948, pensant à la déportation à Drancy de Max Jacob, Leiris exprime son désappointement face à l’antisémitisme de Jouhandeau au regard de ses attirances sexuelles : « La véritable inversion de Jouhandeau ; faire de la pédérastie le prototype du mal alors que l’antisémitisme est regardé comme un bien. » ; il avait refusé à André Baudry le 18 janvier 1954 de rejoindre Arcadie  qu’il voyait comme un rassemblement de cul-de-jattes « cela lui aurat fait plus de peine que de se croire seul à l’être » ; il a écrit Le Voyage secret, Carnets d’un Don Juan et Tirésias, il note « L’homosexualité ? un hommage rendu à l’Homme, considéré dans sa majesté comme le sommet de la création » ; à 73 ans, Jouhaudeau – que sa mère a réprimandé lorsqu’il a voulu divorcer – menait plusieurs aventures charnelles et sentimentales à la fois, notamment avec un Belge et un Espagnol à qui il attribuait des notes

23 avril 1979 : 1er festival national homosexuel de Rennes organisé par la MJC avec la 1ère projection de films lesbiens

30 avril 1979 : 1er grand gala en soutien au journal Gai Pied organisé par Gérard Vappereau, au Bataclan, 2 500 homosexuels viennent assister à l’événement fondateur

Mai 1979 : parution du n° zéro de Elles voient rouge réalisé par des féministes du PCF, directrice Nicole-Edith Thévenin ; parution du n°1 de Les Mûres prennent la parole tiré à 350 exemplaires

Mai 1979 : le n° 2 de Gai Pied diffuse un article « Un PC pudibond », d’Yves Charfes et Jean le Bitoux, pour eux si de nombreux progrès ont été accomplis depuis les propos horrifiés de Pierre Juquin à propos du FHAR (« Il n’y a pas de rapport entre l’homosexualité et la révolution ») et depuis le XXIIème congrès du PCF de 1976 où l’on a pu entendre « les propos de Marchais, identiques à ceux de Paul VI, sur la moralité », les militants homosexuels doivent encore exercer de nombreuses pressions sur les communistes ; l’éditorial dit « La moralité se porte bien, merci. Bien sûr, on n’attaque plus de front les homosexuels, et les Français semblent devenus majoritairement tolérants… Mais, merveille, on vient de trouver l’épouvantail de remplacement, le pédophile… Ce serait lui, le dangereux pédophile, la source des traumatismes de nos chers petits. Trouble et pervers argument qui résonne comme une menace de larges représailles » ; en effet si Libération se montre favorable au droit à l’expression de ce désir, les journaux conservateurs, France-soir, Le Figaro et Minute fustigent la figure du pédophile

Mai 1979 : parution du n°1 de la revue Masques, la revue des homosexualités,  directeurs Alain Sanzio et Jean-Pierre Joecker, des lesbiennes du GLP sont partie prenante du lancement de la revue ; Jean-Pierre Lorrain, Alain Sanzio et Michel Villon ont quitté la LCR pour fonder la revue, ils entendent faire savoir haut fort les motifs de leur colère, en particulier l’indifférence que la LCR manifeste envers le combat homosexuel ; en février 1979, ils ont publié dans Rouge le texte « Pourquoi nous militants homosexuels, membres de la Commission nationale homosexuelle quittons la LCR », ils soutiennent que le IIIème congrès de la LCR n’a rien discuté ni voté de textes portant sur l’oppression des homosexuels et le travail homosexuel, ignorant simplement les travaux de la Commission nationale homosexuelle (la CNH) créée en 1976 : « En refusant de nous accorder une heure au débat, une heure sur deux années… Camarades, la majorité du Congrès a refusé de prendre même connaissance de ce travail, manifestant ainsi la place dans laquelle elle nous reléguait »… «  Jamais le mouvement ouvrier, à l’exception de la sociale-démocratie de Karl Liebknecht, n’a accepté de lutter aux côtés des homosexuels. Au sein même du mouvement trotskyste, notre situation n’est pas nouvelle » ; ils expliquent leurs motivations dans la 1ère lettre aux abonnés de Masques ; en avril 1979, les 3 militants avaient signé une tribune libre « Nous quittons la Ligne » dans le 1er n° de Gai Pied «  Nous avons décidé de ne pas en rester là. Les pédés et les lesbiennes qui ont travaillé 2 ans à combler ce fossé entre pratique politique traditionnelle et militance homosexuelle ont décidé de créer une revue » ; Alain Lecoultre avait déjà formulé ces arguments, 2 ans plus tôt, dans une lettre à Daniel Guérin – lui parlant de la « soi-disant libération » et de la soi-disant « disparition du tabou homosexuel » – avant de rejoindre lui aussi la revue Masques ; à l’issue du Congrès, 7 membres de la CNH démissionnent sur les 10 membres élus en 1977, et d’autres homosexuels quittent la LCR ; la revue Masques disparaîtra en 1984

Mai 1979 : parution du journal inter-régional Gay West, dans lequel des GLH de l’ouest de la France (Brest, Angers, Caen, Nantes, Rennes, Tours et Rouen) indiquent « qu’ils ont compris, après la coordination nationale de Lyon fin 1978, que le gauchisme d’idées qui consistait à croire à un mouvement de masse unitaire et structuré, était passé de mode »

1er mai 1979 : la Librairie des femmes à Paris est couverte de bombages et d’autocollants de l’association Laissez les vivre

1er mai 1979 : à Lyon, les homosexuel-le-s du GLH (Groupe de Libération Homosexuel) et du Groupe des Lesbiennes – les 2 groupes partagent le même local rue Puits Gaillot – défilent avec leur banderole Pédés et lesbiennes en lutte (qui sera photographiée par Libération), dans défilé syndical traditionnel – de la place Carnot à la place de l’Hôtel de Ville – lié à la Fête du Travail, ils distribuent un tract sur lequel apparait en titre « Ma parole, mais t’es pédé/lesbienne ? ça te dérange ? Nous voulons vivre librement notre (homo)sexualité, nos désirs, nos amours » réclamant l’abolition des articles 330 et 331 du code pénal et l’article 16 du statut de la fonction publique ; le journal Le Progrès de Lyon se moque « Une banderole dorée attirait particulièrement l’attention. Le Groupe de Libération des Homosexuels n’avait pas choisi la sobriété. Sautillant et lançant des petits hou-hou, ils souhaitaient visiblement perturber la majorité silencieuse. C’est un moyen assez efficace, il est vrai, de déclencher la remise en cause de certains tabous. Est-ce le meilleur moyen pour obtenir le droit d’assumer librement sa sexualité ? Le problème est suffisamment grave pour qu’on dépasse vite certaines démarches infantilisantes » ; c’est le 1er cortège autonome des homosexel-les en milieu hétérosexuel et le 1er cortège commun des gays et des lesbiennes, ils et elles terminent en dansant la farandole sur le place de l’Hôtel de Ville, l’effet de groupe, environ 50 personnes, a joué un rôle déterminant, leur donnant la force de crier « nous sommes un fléau social »; le n°5 du magazine du GLH de Lyon, Interlopes, proclame : « Incendions les ghettos des langages, déchirons les oripeaux du désir pour qu’enfin apparaisse puis disparaisse la réalité de nos misères » accolé à un tableau des insignes utilisés par les nazis pour qualifier les détenus

2 mai 1979 : le journal Libération rapporte le cas de 2 lesbiennes, juives new yorkaises liées à la New Left, parties pour San Francisco, anciennes du mouvement de libération des femmes et de « Gay is beautiful », de la vie en communauté, relégant la maternité aux hétérosexuelles ou aux femmes qui avaient déjà des enfants avant leur coming out, alors que la révolution est devenue lointaine, elles ont choisi de devenir mères, et plutôt que d’avoir recours pour 400 francs à une banque de sperme, elles ont eu recours à un sperme inconnu sous flacon apporté par une amie, à utiliser dans les 2h, les 2 familles sont venues pour la naissance mais elles n’ont pas fait de cérémonie religieuse qui puisse au moins reconnaitre leur association

24-27 mai 1979 : congrès national d’Arcadie au palais des congrès de la Porte Maillot, sous le titre Le Regard des Autres, avec plus de 900 participants ; l’adresse d’Arcadie est alors 61 rue du Château d’Eau, 10ème arr. ; Michel Foucault y prend la parle, ainsi que Paul Veyne, deux professeurs au Collège de France, ainsi que la biologiste Odette Thibault, le docteur Pierre Simon, l’endocrinologue Pr Klotz, le psychanalyste Pr Serviado, le Pr Corraze, le sexologue Georges Tordjman, le sénateur hollandais Brongersma, Robert Merle fait une conférence sur le procès d’Oscar Wilde et reprend les propos d’Alberto Moravia à propos de la mort de Pasolini « Ces garçons qui l’ont tué se sont sentis autorisés par mandat public à le tuer. D’abord, on tue tout le temps des homosexuels ! »; Paul Veyne déclare « l’homosexualité ça n’existe pas » (le sexe ne saurait être utilisé comme un critère de classement), Michel Foucault critique le système contemporain de perception des genres et des identités sexuelles qui distingue catégoriquement le masculin du féminin, il n’y a pas de rapport de causalité entre le sexe (biologique) et la sexualité (identité de genre et pratique sexuelles) qui relève de la sensibilité et de la construction sociale de chacun « aucune systématisation juridique ne peut enfermer le sexe » ; un carrefour est organisé sur « l’homophilie sous le regard des Lettres et des Arts » avec Yves Navarre, André du Dognon, Dominique Fernandez, Jean-Paul Aron et Roger Kempf, Gabriel Matzneff, ainsi que Geneviève Pastre, Elula Perrin, il apparaît que le changement de la perception sociale de l’écrivain le fait passer du statut de témoin au statut de porte-parole, et du Dognon souligne avec ironie « L’auteur homosexuel est condamné au génie pour avoir de l’audience et le public ne le suit que s’il montre des homosexuels malheureux. Homosexuels nous sommes des princesses de Racine condamnées au trottoir » ; huit table-rondes se réunissent le samedi après-midi ; sept motions sont adoptées destinées à donner un programme d’action, réclamant entre autre l’abrogation des articles discriminatoires (330 al. 2 et 331 al.3), l’extension de la loi de 1972 sur les discriminations, l’élaboration d’un statut juridique pour les couples homosexuels, l’éducation sexuelle à l’école, les discrimination en milieu professionnel, la solidarité avec les associations françaises et étrangères, les avancées nécessaire en milieu familial ; parmi celles-ci figure une motion des catholiques homophiles qui souhaite améliorer les rapports du christianisme et de l’homophilie eu égard en particulier au manque de formation des prêtres et à leur comportement « culpabilisateurs »; le banquet de clôture du dimanche se fait sious la présidence du sénateur Henri Caillavet, avec des discours de Roger Peyrefitte, du sénateur hollandais Brongersma et d’André Baudry ; un sondage IFOP réalisé spécialement indique que 49% des Français considèrent que l’homosexualité est possible mais 73% essaieraient de « changer » leurs enfants s’ils étaient homosexuels

Juin 1979 : parution de Les Marxsysters Femmes du peuple, réalisé par un collectif ; parution de Pénélope, revue pour l’histoire des femmes, Groupe de recherches féministes de l’université de Paris-VII ; parution à Paris du n°1 de Désormais, mensuel féministe lesbien, édité par un collectif de femmes, de lesbiennes féministes, de lesbiennes et de féministes, directrice Joëlle Goupé, avec le dossier « Les lesbiennes à travers l’Europe »

11 juin 1979 : Jean-Louis Bory, la principale figure homosexuelle des années 1970, en profonde dépression, se suicide d’une balle dans le cœur quelques jours avant ses 60 ans, lorsque le garçon qu’il aimait l’a quitté ; « Je suis monté au front, je reviens couvert de blessures » ; Arcadie lui rend hommage avec le texte « A Jean-Louis Bory » d’André Baudry : « Qui oubliera le soir des Dossiers de l’écran ? » écrit-il en appréciant sa défense d’une homosexualité qui ne se veut pas exubérante, Bory est très proche de Pierre Nédra, membre d’Arcadie, ils étaient ensemble professeurs au Lycée Voltaire en 1954 ; il est alors depuis plus de 10 ans une figure du Masque et la Plume sur France-Inter avec ses échanges mémorables avec Georges Charensol ; il est l’auteur à succès de La peau de zèbres, Tous nés d’une femme, Ma moitié d’orange et d’une remarquable biographie de Cambacérès

14-20 juin 1979 : à Angers réalisation d’un festival cinéma homosexuel

22 juin 1979 : à Paris, la revue Masques organise une grande fête au Bataclan, avcc des débats puis le spectacle des Mirabelles, c’est une rentrée financière bienvenue pour payer l’imprimeur

 23 juin 1979 : à Paris, manifestation homosexuelle de Jussieu près du Bd Saint-Germain, en mémoire de Christopher Street

Eté 1979 : Harry Hay (fondateur en 1950 de la Mattachine Society), avec son compagnon John Burnside, et ses amis Don Kilhefner et le psychiatre Mitch Walker, militants du Gay Liberation Front, émettent l’idée d’une Spiritual Conference for Radical Fairies, ils distribuent des tracts – Calls – au sortir des boites californiennes ; du 31 août au 2 septembre 200 hommes se réunissent dans un ashram à Benson, dans l’Arizona, c’est le moment fondateur des Radical Faeries (détournant l’orthographe correcte fairies) ; Harry Hay décrira, dans un livre en 1996, l’ambiance psychédélique, les rites pratiqués, les pratiques sexuelles libérées, l’élaboration d’une réflexion théorique ; dans le prolongement de ce mouvement, naissance des Sœurs de la perpétuelle indulgence, travestis déguisés en nonnes qui militent contre le sida et l’homophobie et distribuent des préservatifs dans les lieux fréquentés par les homosexuels

Juillet 1979 : aux USA, tournage du film Cruising, par William Friedkin (réalisateur de French Connection en 1971 et de L’Exorciste en 1973), avec Al Pacino (qui s’est fait connaitre dans plusieurs grands films Parrain II et II, Serpico et Un après-midi de chien, de 1972 à 1975) ; le film se passe dans les clubs gay SM de New York, alors que le magazine Village Voice – sous la plume d’Arthur Bell chroniqueur de la vie homosexuelle – rend compte d’une série de morts inexpliqués dans le West Village, avec des cadavres flottant dans des sacs en plastique sur l’Hudson River et qu’un certain Paul Bateson affublé du surnom de « tueur aux sacs poubelle » est accusé du meurtre d’un journaliste homosexuel, Addison Verril,  travaillant pour le quotidien Variety (que Frieddkin avait pris comme acteur lors du tournage de L’Exorciste) et qui affirmait son homosexualité de façon courageuse compte tenu du contexte du début des années 1970) ; Bateson a rencontré Verril dans la backroom du Mineshaft, situé sur Washington Street, dans Greenwich Village, boite devenue aussi réputée que le Studio 24 (fréquenté par Andy Warhol, Keith Harring, ou encore Michel Foucault et le chanteur de Queen, Freddie Mercury), il l’a ramené chez lui, l’a assommé ert découpé en petits morceaux ; Randy Jurgensen a piloté Friedkin à la découverte des clubs SM, le Mineshaft,  le Ramrod, l’Eagle Nest ou encore l’Anvil, pour accéder au Mineshaft il faut se déshabiller et ne conserver que slip, chaussettes et chaussures, dans une salle les hommes ont des relations orales et anales, près d’un mur certains se font fouetter, dans une baignoire d’autres se font pisser dessus tandis qu’à côté un homme ligoté se fait administrer un fist-fucking ; le Mineshaft et l’Anvil appartiennent à Matty – le chevalIanniello, un membre du clan mafieux Genovese (de même que les autres clubs et bar gay qui appartiennent à la maffia) ; Ianniello avait donné à Friedkin ses autorisations de tournage à Friedkin pour tourner French Connection à condition de ne jamais faire mention des liens entre ces clubs et la mafia ; Jurgensen a expliqué à Al Pacino la signification des bandanas accrochés à la poche du jean des membres des clubs SM (bleu-poche arrière gauche pour se faire faire une pipe, bleu-poche droite faire une pipe, vert-gauche OK pour faire une passe, vert-droite OK pour être client, jaune-gauche OK pour pisser sur le mec, jaune-droite OK pour se faire pisser dessus) ; mais la fronde du milieu gay contre ce que représenterait ce film tourné avec la plus grande star du box office, complique le tournage, Arthur Bell signe un article dévastateur contre un  « film insultant, accablant et sectaire » et des manifestants insultent comédiens et techniciens, gênant quelque peu le tournage, jusqu’à la manifestation du 26 juillet qui se heurte à la police, qui protège le tournage (l’anniversaire des 10 ans de Stonewall est dans les esprits) ; l’accueil du film sera accablant, Arthur Bell parle de « regard le plus obscène et réactionnaire jamais porté sur l’homosexualité » et c’est le 1er échec cinglant de la carrière d’Al Pacino, mais la réputation du film sera grandissante, rappelant une époque plus facile pour les SM, antérieure à la terrible vague du sida

Juillet 1979 : Gabriel Matzneff, auteur du roman Les moins de 16 ans qui défend la cause de la pédophilie à travers une relation entre adulte et adolescent impubère dans une orientation bi-sexuelle, prend la parole au Congrès national d’Arcadie, dans le carrefour « Homophilie et littérature », il dit « Quand on est écrivain amoureux, on doit écrire son amour, qu l’objet soit un homme, un jeune garçon, une fillette, etc. »

Juillet 1979 : 1ère rencontre lesbienne à Roussac, en Dordogne

Début juillet 1979 : à Marseille, l’équipe du GLH ne sait pas encore si son pari d’organiser l’Université d’été homosexuelle est gagnable ; Gérard Goyet, Alain Julien et Nounours (Patrick Dou) s’occupent des inscriptions, lorsqu’ils voient affluer les réponses, ils sentent que la parti est en train de se gagner et sonnent la mobilisation

2 juillet 1979 : le journal lesbien Désormais s’attelle à démontrer la respectabilité des relations homosexuelles, alors que les divorces pour homosexualité ne sont pas assimilées à des « adultères » mais à « une injure pouvant justifier le prononcé d’un divorce« , elle ne sont pas des relations sexuelles authentiques donc ce n’est pas considéré comme un adultère

 22-29 juillet 1979 : 1ère Université d’Eté Homosexuelle de Marseille organisé par le GLH de Marseille dans différents espaces culturels (Vieille Charité) et sociaux (salle saint Georges, fac St Charles) de la ville avec le soutien du maire de Marseille Gaston Defferre, mais après des difficultés rencontrées avec le CROUS ; cest l’acte de naissance du Comité d’urgence anti-répression homosexuelle (CUARH) destiné à lutter contre les discriminations professionnelles et à demander l’abrogation des lois discriminatoires. Elles rassemblent plus de 200 homosexuels et lesbiennes des différentes régions de France, issus des GLH, des CHA (comités homosexuels d’arrondissement de Paris), du MIEL, ou encore de David et Jonathan, d’Arcadie, etc. Les UEH auront lieu tous les deux ans jusqu’en 1987 ; Daniel Guérin participe à l’UEH il tient une conférence sur l’émancipation de l’homosexualité à partir des fondateurs de la sexologie (dont Havelock Ellis et Alfred Kinsey) et met en garde sur le risque de créer un monde clos, pour lui l’homosexualité doit être mobilisée comme principe de transcendance entre les classes sociales, il y parle de « l’aisance avec laquelle, dans (sa) jeunesse pouvaient se nouer des rapports physiques avec de jeunes travailleurs qui n’étaient pas des « invertis » et couraient les femmes, pourquoi les choses ont-elles changé ? surtout parce que ce sont les homosexuels eux-mêmes qui se sont enfermés dans un ghetto et se sont voulus exclusifs, intimidant ainsi ou rebutant les jeunes mâles d’origine ouvrière » ; Geneviève Pastre participe aux débats, pour « la littérature (poésie, écriture) est mon sujet, mais aussi l’articulation avec les luttes masculines » ; Michel Foucault a répondu qu’il aurait « aimé participer à votre travail mais vraiment mon état de santé n’est pas fameux depuis plusieurs mois et je ne peux envisager aucune activité supplémentaire », de même René Schérer ne peut pas se rendre disponible, il ajoute « Guy Hocquenghem peut être parfaitement mon représentant (en dehors de sa participation personnelle) » ; le rassemblement qui se déroule sur les escaliers de la gare Saint-Charles est en fait la 1ère Gay Pride de Marseille (immortalisée par les photos de Pierre Ciot) ; des militantes féministes et lesbiennes marseillaises, dont Patricia Guillaume, participent à l’UEH

23-30 juillet 1979 : à Francfort, rencontre internationale homosexuelle Homolulu – Danse sur le volcan, « tentative de rendre concrète l’utopie » organisée par le Groupe d’étude national sur la répression contre les gays ; plus de 60 groupes du mouvement gay et lesbien s’y retrouvent, de RFA mais aussi d’autres pays européens, plus de 1 000 participants, ils établissent une liste de revendications

Août 1979 : Paris-Match public en double page une photo du bal de clôture des UEH à l’Alhambra (près de la gare de la Blancarde), Christian de Leusse, barbu, en train de danser, avec pour titre « La vague homo : la France atteinte à son tour » ; ce sera un moment difficile pour lui, celui du outing : il portera plainte contre le journal et gagnera son procès

Août 1979 : lettre de Patrick Cardon à son amant marseillais Jean-Marie Bado « Je vous aime et vous ne m’aimez pas », parue dans Le Grand Ecart ou tous les garçons s’appellent Ali (histoires d’amour rassemblées par Patrick Cardon, janvier 2010) où s’égrènent, à la façon de Jean Lorrain, rencontres amoureuses (Habib, Thierry, Manu, Pierre, Abdel, Cyrille, Mohamed, etc.), lectures (Maurice Sachs, Oscar Wilde, Maurice Rostand, Dominique Fernandez, Renée Vivien) et journées d’amitiés (Joël, Valda, Rita ) de 1979 à 1981, puis son expérience marocaine, et au-delà jusqu’en 2004

24 août 1979 : les CHA (comités homosexuels d’arrondissement de Paris) diffusent un courrier-feuille de route pour la campagne du CUARH contre les interdictions professionnelles

29 août 1979 : mort de Louis Moutbatten, premier comte de Birmanie (né prince Louis Francis Albert Victor Nicholas von Battenberg, 1900-1979), aspirant dans la Royal Navy en 1916, étudiant à Cambridge, aide de camp du Prince de Galles, futur Edouard VIII auquel l’attache une grande estime, il épouse en 1922 une des plus riches héritières du royaume, Edwina Ashley, le ménage veille à apparaître officiellemrnt très uni, mais chacun accorde à l’autre la liberté de ses amours ; durant le seconde guerre mondiale il accède à de hautes responsabilités et en 1943 commande les forces alliées dans le sud-est asiatique, il conquiert la Birmanie et fait capituler les japonais en 1945 ; il est nommé vice-roi des Indes pour préparer l’indépendance ; à la cour comme dans l’armée ses goût sont connus ; il meurt d’une bombe placée par l’IRA dans son bateau de pêche

28 août 1979 : parution de la Lettre de fondation du CUARH qui reflète les tâtonnements de l’organisation, ce n’est pas un comitéaux réunions à périodicité régulière « il sera convoqué de façon ponctuelle à partir de tel ou tel cas de repression… Il devra rechercher les liens pour mener des campagnes éventuellement communes avec les forces anti-répression, les organisations politiques, syndicales et démocratiques »

Automne 1979 : le n°2 de Masques consacre son dossier aux Identités homosexuelles (« J’ai décidé d’être ce que le crime a fait de moi » écrit Alain Sanzio) ; un article intitulé Les habits neufs de l’oppression fait le point sur l’état de l’oppression de l’homosexualité : résiliation par le CROUS de locations de salles et de chambres pour l’Université d’Eté Homosexuelle de Marseille, interdiction du festival homosexuel à la MJC de Rennes, procès contre M. Coquelle directeur de la revue Man, et contre Claude Courouve directeur de Homo 2000, radiation de Jean Rossignol surveillant au Lycée Thiers à Marseille pour avoir affiché une affiche du GLH en salle des professeur, « démission » de Marc Croissant de la municipalité communiste d’Evry pour avoir écrit une lettre au journal l’Humanité, condamnations au titre des articles 331 al. 2 et 3 du code pénal de Robert Fourniols, du Dr Buisson, de Philippe Herremans instituteur à Carcassonne, de 2 clients du sauna Milan, et de Gérard Roussel (pour pédophilie) ; un article sur « Les PC européens et l’homosexualité » salue les prises de position du PCF en faveur de l’abrogation des alinéas « anti-pédés » du code pénal ; le n°2 est refusé à la libraire Flammarion du Centre Beaubourg pretextant qu’il s’agit d’un lieu public fréquenté par des enfants car un article évoque la montée de la psychose concernant la protection des mineurs des « perversions » sexuelles, Philippe Andréa auteur d‘articles dans Rouge y est qualifié de « donneur de conseils révolutionnaires » en estimant qu’il y a une contradiction entre la suppression de l’âge de consentement sexuel et la nécessaire protection de l’enfance ; les premiers numéros de Masques comportent des entretiens avec de grandes figures militantes Daniel Guérin, Guy Hocquenghem, etc.

Septembre 1979 : à Lyon, inculpation de l’animateur du Cercle André Gide, à la suite d’une descente des brigades de police de la Sûreté urbaine effectuée le 29 août ; d’autres lieux sont alors fréquentés par les homosexuels lyonnais le bar Le Guardian, les quais du Rhône, objet de rafles quasi-systématiques de la police, les tasses de la place Guichard , du bd de la Croix-Rousse , de la rue de l’Université derrière la faculté de Lettres, la place du Maréchal Lyautey , place Antonin Poncet à côté de la place Bellecour ou le long du fleuve, du parc de la Tête d’Or à celui de Gerland (la Lafond, la Wilson, le Temple et Notre-Dame d’Alger) où 20 à 30 personnes peuvent s’y retrouver certains soirs et jusqu’à 50 personnes le samedi soir, lieux de subculture gay ; Jean-Paul Montanari animateur du GLH en garde « une nostalgie terrible », il décrit les tasses lyonnaises comme « les plus belles du monde » ; Jean-René a apprécié de pouvoir les fréquenter dès 1972, à 15-16 ans

Septembre 1979 : Arcadie rend hommage à l’abbé Marc Oraison, prêtre respecté des homophiles et des gais pour son attitude compréhensive, décédé le 24 juin 1979

2 septembre 1979 : mort du pianiste Jacques Février (1900-1979), il interprétait dans les années 1920 les œuvres d’Auric et de Satie, ainsi que des morceaux à 4 mains, en particulier en 1932 le concerto pour deux pianos de Francis Poulenc son ami intime, il a été choisi par Ravel pour jouer  son concerto pour la main gauche en 1933 ; en 1952 il a été nommé professeur au Conservatoire et en 1963 il a créé la sonate pour hautbois et piano de Poulenc

3 septembre 1979 : réunion à Paris chez Hervé Lifran – futur permanent du CUARH -, (avec Jean Boyer-Cavailhès, de Diane et Hadrien de Dijon médiateur entre parisiens et  provinciaux dont Jacques Fortin du GLH de Marseille) qui débouche sur la fondation du CUARH-Paris qui sera bientôt déclaré en préfecture, celui-ci prend ainsi le leadership sur le mouvement homosexuel avec pour objet « porter secours à tout homosexuel des deux sexes en lutte » ; des modalités seront mises en place pour que le CUARH « national » (c’est à dire associant les GLH des autres villes, créé au cours de l’UEH de Marseille de juillet 1979) soit réuni autant que de besoin (le CUARH-Paris se constituant ainsi peu à peu en bureau exécutif du CUARH)

12 septembre 1979 : le lettre du CUARH Paris envoyée à de nombreuses organisations  et partis politiques, leur annonçant qu’il s’engage dans une campagne sur les interdictions professionnelles pour homosexualité et annonçant une réunion le dimanche 30 septembre 1979 ; une pétition est lancée et une marche nationale est envisagée pour novembre 1979

Octobre 1979 : Daniel Guérin donne une interview à Homo 2000 : « Il faut être malade pour ne pas être un peu bisexuel » ; en mai 1971 il avait écrit à David Thorsdad « Il existe très peu de vrais homosexuels, c’est-à-dire d’homosexuels exclusifs. La plupart sont capables de réagir positivement en face d’un partenaire féminin. Il serait plus exact de dire que nous sommes tous bisexuels avec un dosage variable de composantes hétérosexuelles et de composantes homosexuelles »

Octobre 1979 : à Marseille, le GLH (groupe de libération homosexuelle), diffuse le 1er n° du journal Comme ça, « le plus fort tirage des journaux comme ça du Sud-est », un 4 pages de grand format, il fait un bilan de l’Université d’été homosexuelle qui vient de se dérouler, qui a réuni 300 personnes, il exprime le fait qu’il y avait une envie claire de dépasser « les vieilles questions paralysantes et excluantes » et de regarder vers l’avenir ; il explique les difficultés rencontrées pour son organisation, les textes concernent l’article « persifleur » de Libération sur l’UEH, les écrivains Yves Navarre, Dominique Fernandez et Geneviève Pastre qui y sont venus, les groupe de travail qui sont nés de cette UEH (CUARH comité d’urgence anti-répression des homosexuels, CHEN collectif homosexuel de l’éducation nationale, et GRED groupe de recherche pour une éducation différente), la soirée fantastique du gala de l’UEH (avec les  Stupidas brésiliens, le chanteur Daniel Roux, les Réverbères,les Etoiles extraordinaires, brésiliens eux aussi, et enfin Les Mirabelles),  le Fhar et Arcadie, des exemples d’homophobie ordinaire, ou encore le ciné club homo ; le GLH est déposé sous le nom du CORPS (centre ouvert de recherche populaire sur la sexualité), il a son local 41 rue de la Palud, il se réunit tous les vendredis soir à 20h ; ceux qui ont participé à ce numéro se nomment Alain Clément, Philippe Deville Cavelin, Jacques Fortin, Alain Julien, Roger Paillet, Bernard Pollet, Gilbert Petrucci et Roland Thélu)

1er octobre 1979 : mort de la productrice américaine Dorothy Arzner (1897-1979),

6 octobre 1979 : à Paris, une marche non-mixte rassemble 30 000 femmes

10 octobre 1979 : au journal Le Monde, lorsqu’éclate l’affaire des diamants du président Giscard d’Estaing (des diamants dont lui aurait fait cadeau le président de la République Centrafricaine, Jean-Bedel Bokassa, 6 ans plus tôt, à l’époque où il était ministre des Finances), l’éditorialiste Philippe Boucher, rattaché au directeur Jacques Fauvet, pourfendeur des lois liberticides des ministres Poniatowski et Peyrefitte, lance l’offensive contre le président Giscard ; arrivé au journal en 1970, Philippe Boucher, homosexuel, a pris une place importante grâce à son talent et son entregent exceptionnel dans un journal où Hubert Beuve-Méry – parti de la direction du journal en 1970 – déclarait « On ne donne pas de responsabilité à des gens come ça » ; Philippe Boucher a amené son patron « dans d’amusants diners, et même, une fois, au Palace, où Jacques Fauvet er son épouse, Claude, ont découvert, sidérés, ce mélange spectaculaire de gays affranchis et de figures de mode qui s’apprêtent à révolutionner les mœurs en dansant sur de la musique disco » écrira la journaliste Raphaëlle Bacqué

 20 octobre 1979 : parution du n°1 de Des Femmes en mouvements-hebdo

 30 octobre 1979 : dépôt par la tendance Psychépo du sigle MLF et procès, « la fin d’un rêve » selon plusieurs mouvements féministes

 Novembre 1979 : parution du bulletin de liaison de Paroles lesbiennes féministes (le n°2 sera publié à Lille en 1981)

Novembre 1979 : en Espagne, éclate l’affaire du licenciement du serveur José Maria Pérez Cuadrado, du bar Gran Santander de Barcelone, sous prétexte de son homosexualité ; c’est un contexte où le mouvement homosexuel mobilise un discours marxiste,  les relations du FAGC avec le mouvement ouvrier et syndical sont généralement bonnes, le FAGC participe aux actions unitaires du mouvement ouvrier (UGT, CNT) aux manifestations du 1° mai

5 novembre 1979 : Antenne 2 diffuse une émission sur l’homosexualité, avec seulement des invités masculins, le sénateur Caillavet, un député PS ; Gérard Bach en dresse un compte-rendu dans la revue Parti Prix n°15, il défend la proposition Caillavet de dépénaliser les rapport homosexuels pour les 15-18 ans (art.331 alinéa 3), il stigmatise aussi le 1er alinéa du même article qui  interdit d’avoir des relations sexuelles avec des jeunes de moins de 15 ans, car dans ce cas les attentats à la pudeur sans violence sont punis de 5 à 10 ans de réclusion

26 novembre 1979 : mort du réalisateur Marcel L’Herbier (1888-1979), engagé volontaire en 1915 il est affecté au service cinématographique des armées en 1917, il publie en 1918 le livre Hermès et le Silence qui pose le principe d’un cinéma muet  à la portée de tous les publics ; il réalise 15 films muets et 35 films parlants, et produit une dizaine de longs métrages pour la télévision ; son goût pour les images symboliques, la recherche plastique, les décors très modernes l’éloignent d’un public populaire ; il a pour amant Jaque Catelain, acteur dans ses principaux films

 30 novembre 1979 : la loi Veil du 17 janvier 1975 sur l’autorisation de l’avortement est reconduite à titre définitif

 Décembre 1979 : création du Groupe des lesbiennes de Jussieu ; parution du n°1 de Voyelles direction collective Sté coopérative Voyelles

 15 décembre 1979 : le pasteur Joseph Doucé célèbre pour la première fois en France, dans un temple protestant parisien, une union d’amitié homosexuelle entre deux femmes ; le Monde titre sous la plume de Roger Mehl « Une célébration dépourvue de sens » réalisée par une « œuvre en faveur de marginaux sexuels… une union homosexuelle ne peut à aucun titre se prévaloir de la dignité du mariage » ; l’image du CCL est alors un peu écornée par son souci d’être un lieu d’accueil des différentes marginalités : transexuels, sadomasochistes, et surtout pédophiles, les RG suivent ses activités avec attention (et continueront de les suivre même après la disparition des fichiers homosexuels…)

Fin des années 1970-début des années 1980 : les établissements gays se multiplient à Paris dans le quartier du Marais ; les clubs cuir sont en plein essor surfant sur l’esthétique disco des Village People, le Monde titrait Jekill et Mister Cuir le 29 novembre 1977

Fin des années 1970-début des années 1980 : Arcadie diffuse un petit document d’information (supplément du n° 273, voir la date) qui explique ce qu’est Arcadie (activités d’entraide, activités d’information) faisant référence aux Congrès de Paris 1973 et de Marseille 1975, souhaitant faire mieux connaître le visage de « l’homophilie » (il y a « au moins  3 millions d’homophiles » qui est « un homme social », il faut en finir avec « homophile = marginal ») et soulignant les articles du code pénal (art. 331 al.1er et 3, art.330 al. 2) dont Arcadie « s’efforce d’obtenir un aménagement » de manière à « éliminer toute discrimination envers les homosexuels »; le lieu de réunion est mentionné (61 rue du Château-d’Eau 75010, tel : 770 18 06) ainsi qu’une bibliographie (Actes du colloque de 1973, Les homosexuels de Marc Daniel et André Baudry, le Rapport sur l’homosexualité de l’homme de M. Bon et A. d’Arc, les livres de Marc Oraison La question homosexuelle, Hoffman L’univers homosexuel, M. Lancelot Campus spécial sur l’homosexualité et Dr Corraze Les dimensions de l’homosexualité)